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ne compromettra rien, & fatisfera tout-à-Ia-fois
la cour de Rome & les fouverains catholiques.
E G LO F F , (feigneurie d'Allemagne au cercle de
Suabe ) j elle eft fituée fur la rivière d’Argen ,
entre les villes impériales d'Yfni & de Wangen 5
elle étoit jadis connue fous lé nom de communauté
libre de Meglof ou 'Meglit£ : l'ancien château
& bourg de Meglof avec les villages, hameaux
& fermes qui en font partie, étoient fous
la dépendance immédiate de l'Empire , qui confirma
leur immédiateté en 1 j n , & recommanda
fes juges, confeillers & habitans à la protection
de îa ville impériale d'Yfni. Elle fut enfuite engagée
fous la réferve de fes privilèges à la maifon
d'Autriche, qui l'abandonna en 1661 aux comtes
de Trann & d'Abenfperg, à titre de feigneurie
, pour la fomme de 30,000 florins. Elle donne
à fes titulaires un fuffrage parmi les comtes de
Suabe à la diète de l'Empire & à l'affemblée du
cercle, où ils n'entrent que depuis 1661-, leur
taxe matriculaire m'eft inconnue j mais ils fontim-
pofés à 26 rixdales 22 £ kt. pour l'entretien de la
chambré impériale.
É G Y P T E , contrée d’Afrique. L "Egypte eft
bornée au midi par la N u bie, au nord par la Mé-,
diterranée, à l'orient par la mer-Rouge & l'ifthme
de S u e z , & à l'occident par la Barbarie. Cette
contrée fi renommée dans i'hiftoire, par fa puif-
fance & le nombre de fes peuples, n'a pas une
étendue proportionnée à l'idée que nous en donnent
les anciens. Elle n'a que deux cens lieues
de longueur fur environ cinquante , dans fa plus
grande largeur, c'eft-à-dire , depuis Damiete juf-
qu'à Alexandrie : & fi elle eut autrefois vingt
mille villes j fi fes rois entretinrent des armées de
trois cents mille hommes, comme on le d it , ce
fait offre un phénomène politique bien intéreffant.
A u refte, on y voit encore avec étonnement les
vaftes débris de plufieurs ouvrages qui fuppofent
une contrée floriffante & très-peuplée j & la fertilité
extraordinaire du pays, le foin des premiers
habitans de ne Iaiffer aucun endroit inculte , la
fécondité des femmes , des animaux, une grande
quantité de canaux, dont la plupart font aujourd'hui
comblés, rendent croyable ce qui d'abord
paroît impoflible. Paul Lucas a inféré, dans fon
voyage, une lettre qui juftifie de cette manière
ce que les anciens ont dit de la prodigieufe
quantité des villes d'Egypte. Les calculs fur la
population actuelle varient beaucoup, & nous ne
croyons pas devoir les indiquer ici. On n'y reconn
u t plus ce pays célèbre , qui joua un fi. grand
rôle parmi les nations de l'antiquité.
Si l'on a plus d'égard à la beauté, à la grandeur
, aux fortifications des places, qu’au nombre
des habitans, il y en a peu en Egypte qui
méritent le nom de villes. Rofette, Damiete , la
Manfoure & plufieurs autres, quoique très-peuplée
s, n'ont ni murs ni remparts. La ville meme
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d'Alexandrie, Qui eft fur le bord de îa mer, n’eft
point fortifiée.
Nous donnerons dans cet article , i° . un précis
de I'hiftoire politique de Y Egypte, envifagee fur-
tout relativement au commerce, c'eft-à-dire, fous
le feul rapport qui puiffe être utile : 2°. des détails
fur le gouvernement aétuel de Y Egypte : 30.
des remarques fur la divifion de Y Egypte & l'ad-
miniftration de fes provinces : 4°. des détails fur
les productions & le commerce.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Précis de Fhiftoire politique de /'Egypte , envifagee
relativement au commerce.
L ’Egypte que nous regardons comme la mère
de toutes les antiquités hilloriques, la première
fource de la police, le berceau des fciences &
des arts 5 Y Egypte , après avoir refté durant des
fiècles ifolée du refte de la terre, que fa fageffe
dédaignoit, connut & pratiqua la navigation. Ses
habitans négligèrent long-temps la Méditerranée ,
où fans doute ils n'appercevoient pas de grands
avantages , pour tourner leurs voiles vers la mer
des Indes, qui étoit le vrai canal des richeffes.
A l'afpeCt d'une région fituée entre deux mers,
dont l'une eft la porte de l'orient, & l'autre eft la
porte de l'occident, Alexandre forma le projet
de placer le liège de fon Empire en Egypte, &
d'en faire le centre du commerce de l'univers. C e
prince, le plus éclairé des conquérans, comprit
u e , s'il y avoit un moyen de cimenter l'union
es conquêtes qu'il avoit faites , & de celles qu'il
fe propofoit, c'étoit dans un pays que la nature
femble avoir attaché, pour ainfi dire, à la jonction
de l'Afrique & de l'Afie pour les lier avec
l'Europe. La mort prématurée du plus grand capitaine
que I'hiftoire & la fable aient tranfmis à
l'admiration des hommes , auroit à jamais enfeveli
ces grandes vues, fi elles n'euffent été fuivies en
partie par Ptolomée , celui de fes lieutenans qui .,
dans le partage de la plus magnifique dépouille
que l'on cormoiffe, s'appropria YEgypte.
Sous le règne de ce nouveau fouverain & de
fes premiers fuccelfeurs , le commerce prit des
accroiffemens immenfes. Alexandrie fervoit au débouché
des marchandifes quLvenoient de l'Inde.
On mit fur la mer-Rouge le port de Bérénice en
état de les recevoir. Pour faciliter la communication
des deux villes , on creufa un canal qui
partoit d'un des bras du N i l , & qui alloit fe décharger
dans le golfe arabique. Par le moyen des
eaux réunies avec intelligence & d’un grand nombre
d'éclufes ingénieufement conftruites, on parvint
à donner à ce canal cinquante Jieues de longueur,
vingt-cinq toifes de large , & la profondeur
dont pouvoient avoir befoin les batimens
deftinés à le parcourir. C e fuperbe ouvrage, par
des raifons- phyfiques qu'il feroit trop long de
développer ,
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développer, ne produifit pas les avantages qu'on
en attendoit, & on le vit Ce ruiner infenfible-
ment. ,
On y fuppléa, autant qu'il étoit poflîble* Le
gouvernement fit conftruire, dans les déferts arides
& fans eaux qu'il falloir traverfer, des hôtelleries
& des citernes, où les voyageurs & les
caravanes fe repofoient avec leurs chameaux.
Un écrivain, qui s’eft profondément occupé
de cet objet, & qui nous fert de guide, dit que
quelques-uns/des nombreux vaiffeaux que ces liai-
fons avoient fait conftruire, fe bornoient à traiter
dans le golfe avec les arabes & les abyffms. Parmi
ceux qui tentoient la grande mer -, les uns
défcendoient à -droite-vers' le midi, le l6ng des
côtes orientales de l'Afrique, jufqu'à l'ifle de Ma-
dagafcar j ’ les autres montoient à gauche vers le
fein Perfique, entroient même dans l'buphrate
pour négocier avec les habitans de fes bords, &
fur-tout avec les grecs qu'Alexandre y avoit entraînés
dans fes expéditions. D'autres plus enhardis
encore par la cupidité , reconnoifloient les
bouches de l'Indus, parcouroient la côte de Malabar
, & s'arrêtoient à l'ifle de Ceylan, connue
fous le nom de Taprobane.- Enfin un très - petit
nombre franchiffoit la côte de Coromandel, pour
remonter le Gange jufqu'à Palibotra , la plus célèbre
ville de l'Inde par fes richeflfes. Ainfi l'in-
duftrie alla pas à pas, de fleuve en fleuve & d'une
côte à l'autre, s'approprier les tréfors de la terre
la plus fertile en fruits, en fleurs , en aromates ,
en pierreries, en alimens de luxe & de volupté.
On n'employoit à cette navigation que des bâteaux
longs & plats , tels à-peu-près qu'on les
voyoit flotter fur le Nil. Avant que la bouffole
eût perfe&ionné l ’art de conduire les vaiffeaux, &
de les pouffer en haute mer , les navigateurs
étoient réduits à rafer les côtes à la rame, à fui-
vre terre à terre toutes les finuofités du rivage,
â ne prêter que peu de bord &■ de flanc aux vents,
peu de profondeur aux vagues, de peur d'échouer
contre les écueils, ou fur les fables & les bas-
fonds. Auffi les voyages,. dont la traverfée n'é-
galoit pas le tiers de ceux que nous faifons en
moins de fîx mois , duroient-ils quelquefois cinq
ans & plus. On fuppléoit alors à la petiteffe des.
navires par le nombre, & à la lenteur de leur
marche par la multiplication des efcadres.
Les égyptiens portoient aux Indes ce qu'on y
a toujours porté depuis , des étoffes 9e laine, du
fe r , du plomb , du cuivre, quelques petits ouvrages
de verrerie, & de l'argent. En échange ,
ils recevoient de l'ivoire , de l'ébène , de l'écaille ,
des toiles blanches & peintes y dés foieries, des
perles, des pierres précieufes, de la canelle, des
aromates, fur-tout de l'encens. C'étoic le parfum
le. plus recherché. Il fervoit au culte des
dieux , aux délices des rois. Son prix étoit fi cher,
que les négocians le falfifioient, fous prétexte dé
le perfectionner. Les ouvriers employés a le prédît?
«. polit. & diplomatique, Tom, II,
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'parer étoient nùds,. tant l'avarice craint les iar-;
cins de la pauvreté. On leur laiffoit feulement autour
des. reins une ceinture, dont le maître de
l'attelier fcelloit l'ouverture avec fon cachet. „
Toutes les nations maritimes 8c commerçantes
delà Méditerranée alloient, dans les ports de VE-
gypte, acheter lés produisions de l'Inde. Lorfque
Carthage 8c Corinthe eurent fuccombé fous les
rates;de leur opulence, les égyptiens fe virent
obligés d’exporter eux-mêmes les richeffes dont
ces villes chargeoient autrefois leurs propres vaiffeaux.
Dans les progrès de leur marine , ils pouffèrent
leur voyage jufqu'à Cadix. A peine pou-
voient-ils fufhre aux confommations des peuples.
Eux-mêmes fe livroient à des profulions, dont
les détails nous paroiffent romanefques. Cléopâtre
, avec qui-finit leur empire 8c leur hiftoire ,
étoit auffi prodigue quevoluptueufe. Mais, malgré
ces dépenfes incroyables , tel étoit le bénéfice
qu'ils retiraient du commerce des Indes , que lorf-
qu’ ils eurent été fubjugués & dépouillés, les,terres
, les denrées, les marchandifes, tout doubla
de prix à Home. Le vainqueur, remplaçant le
vaincu dans cette fource d'opulence, qui devoit
l'enfler fans l'agrandir, gagna cent pour u n , fi
l’on s’en rapporte à Pline. A travers l’exagération
qu'il eft facile de voir dans ce calcul, on
doit préfumer quels avoient. pu être les profits dans
des temps reculés, où les indiens étoient moins
éclairés fur leurs intérêts.
Tant que les romains eurent-affez de vertu pour
conferver la puiffance que leurs ancêtres avoient
acquife, LEgypte contribua beaucoup à foutenir
la majefté de l'Empire , par les richeffes de l’Inde
qu'elle y faifoit couler : mais l'embonpoint du luxe
eil une maladie qui annonce la décadence des forces.
C e grand/Empire tomba par fa propre pe-
fanteur ; femblable aux leviers de bois ou de métal
,. dont l’extrême longueur fait la foibleffe, il
fe. rompit, & il en réfulta deux grands débris.
L'Egypte fut annexée à l’Empire d'orient, qui
fe ïbutint plus long- temps que celui d'occident ,
parce qu’ il fut attaqué plus tard ou moins fortement.
Sa pofition & fes reffources l’euffent rendu
même inébranlable, fi les richeffes pouvoient tenir
lieu de courage. Mais on ne fut oppofer que
des rufes à un ennemi, qui joignoit i'enthoufiafme
d'une nouvelle, religion à toute la force de fes
moeurs encore barbares. Une fi foible barrière ne
pouvoit Arrêter un torrent qui devoit s/accroî-
. tre de fes ravages. Dès le feptième fiècle, il engloutit
plufieurs .provinces , entr'autteS l‘ Egypte
q u i, après avoir été l'un des premiers Empires
de l’antiquité, le modèle de toutes les monarchies
modernes, étoit deftinée à languir dans le néant
jufqu'à nos jours.
Les vénitiens n'avoient pas attendu cette cataf-
trophe pour chercher les moyens de fe rouvrir la
route à'Egypte. Ils avoient trouvé plus de facilités
I qu'ils n'en efpéroient d’ un gouvernement formé Ii