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‘vi&ime des intempéries du climat. Tant de calamités
n’ont pu écarter de ces parages dangereux
les navigateurs de la Grande-Bretagne. Ils y achè- '
tent tous les -ans* mais à très-bas prix* fept à
huit mille noirs. Les françois, qui autrefois n’a-
bordoient que rarement à ces„marchés, commencent
à s’y porter en plus grand* nombre. Les
navires qui tirent plus de 1 1 pieds d’eau , font réduits
à jctter l’ancre près de l’ifle de Panis , où
le «chef de. ces barbares contrées fait fon fe-
jour , & où il a attiré un affez grand commerce.
Les affaires font beaucoup plus vives au Ga- ,
"bon. C ’eft un grand fleuve qui arrofe une plaine ;
immenfe, & q u i, avec d’autres rivières moins
•confidérables, forme une foule d’ifles plus ou
moins étendues , dont chacune a un fouverain
particulier. Il n’y a guère de pays plus abondant,
plus noyé & plus mal fain. Les François, plus
légers qu’entreprenans, y vont peu malgré leurs
befoins. Les portugais des ifles du Prince & de
Saint-Thomas n’y envoient que quelques chaloupes.
Les hollandois en tirent de l ’ivoire , de la
cire & du bois de teinture. Les anglois y achètent
prefque tous les efclaves que font Jes unes
fur les autres ces petites nations, perpétuellement
acharnées à leur deftruélion mutuelle. Il n’y a
point de grand entrepôt où fe faffent les échanges.
Les européens font forcés de s’enfoncer avec
leurs, bateaux jufqu’à cinquante & foixante lieues
-dans ces marais infeéts. Cette pratique entraîne
des longueurs excefïives, coûte la vie à une infinité
de matelots, & occafionne quelques meurtres.
On verroit ceffer ces calamités, s’il s’éta-
blifloit un marché général à l’ifle aux Perroquets ,
fi tuée à dix lieues de l’embouchure du Gabon ,
& offpeuvent aborder d’affez grands navires. La
Grande-Bretagne Je tenta, fans doute avec le projet
de s’y fortifier & l’efpoir d’arriver à un commerce
exclufif. Son agent fut maffacré en 1769,
& les chcfes font reftées comme elles étoient.
On obfervera que les efclaves qui fortent du
Bénin, du Calbari & du Gabon font très-inférieurs
à ceux qu’on achète ailleurs. Aufli font-
ils livrés, le plus qu’ il eft poflible, aux colonies
étrangères par les anglois qui fréquentent plus que.
les autres nations ces mauvais marchés. T e l eft le
nord de la ligne.
Au fud , les marchés font beaucoup moins
multipliés, mais généralement plus confidérables.
Le premier qui fe préfêote après le Cap de Lo- J
p e , c ’eft Mayumba. Jufqu’à cette rade la mer '
eft trop difficile , pour qu’ on puiffe approcher de
terre. Une b aie, qui a deux lieues d’ouverture
& une lieue de profondeur, offre un afyle fûr
aux vaifléaux qui font contrariés par Jes calmes
& par les couràns , trop ordinaires -dans ces parages.
Le débarquement y eft facile auprès d’ une
rivière. On peut croire que le vice d’un climat
trop marécageux aura féal écarté les européens ,
& par confisquent les africains.. Si de temps en
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tèmps o n y vend quelques captifs, ils font .ache^
tés, par les anglois & les hollandois, qui vont
affez régulièrement s’y charger d’ un bois rouge
qu’on emploie dans les teintures. Au Cap $e-
gundo, eft une autre baie très-falubre, plusvafte
&^plus commode que celle de Mayumba même.
On y peut faire finement & facilement de l’eau
& du bois. Tant d’avantages y auroient vraifem-
blablement attiré un grand commerce , fi le tems
& les dépenfes néceffaires pour arriver à l’extrémité
d’une longue langue de terre n’en euffent
dégoûté les marchands d’efdaves.
Ils ont préféré Loango, où l’on mouille à huit
ou neuf cents toiles du rivage, par trois ou quatre
braffes d’eau fur „un fond de vafe. L ’agitation
de la mer eft telle qu’ on ne peut aborder la côte
qu’avec des pirogues. Les comptoirs européens
occupent, à une lieue de la v ille , une hauteur
i regardée comme très-mal faine. De là vient que ,
quoique les noirs y foient à meilleur marché
qu’ ailleurs 5 q ue , quoiqu’on y foit moins difficile
fur la qualité des marchandifes, les navigateurs
n’abordent guère à Loango que lorfque la
concurrence eft trop grande dans les autres
ports.
A Molembo, il faut que -les vaiffeâux s’ arrêtent
à une lieue du rivage, & que pourjiborder,
les bâteaux franchiffent une barre affez... dange-
reufe. Les affaires fe traitent, fur une montagne
fort agréable , mais d ’un accès difficile. Les efclaves
y font en plus grand nombre & dé meilleure
qualité que fur le rettô de la côte.
La baie de Gabinde eft fure & commode. La
mer y eft affezTranquille, pour qu’ on pût, dans
le cas dé néceflïté , donner aux bâtimens .les radoubs
dont ils auroient befoin. On mouille au
pied des maifons, & la traite, fe fait à cent cinquante
pas du rivage.
Depuis Loango, il ne fe trouve plus de plage
abordable jufqu’au Zaïre. Non loin de ce fleuve,
eft la rivière Ambriz , qui reçoit quelques petits
bâtimens expédiés d’Europe même. Des navires
plus confidérables, arrivés à Loango, à Molembo
& à Cabinde, y envoient aufli quelquefois des
,bâteaux peur traiter des noirs & abréger leur
féjour à la côte : mais les navigateurs qui y font
établis,. ne fpuffrent pas toujours cette concurrence.
Ces difficultés ne font pas à craindre à Mof-
fula, impraticable pour des navires. Les anglois-,
les hollandois, les françois, qui font leur traite
dans les ports importans, y envoient librement
leurs chaloupes 5 & rarement en fortent - elles.,
fans amener quelques efclaves obtenus à un prix
plus modéré que dans les grands marchés.
Apres Moflula, commencent les poffeflïons
portugaifes, qui s’éren-dent fur la cote depuis le
huitième jufqu’ au dix-huitième degré de latitude
auftrale, & qtii , dans l’intérieur des terres, ont
quelquefois jufqu’à cent lieues. On divife ce. grand
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fefpace en plufîeurs provinces , dont les' différens
cantons font régis par des chefs tous tributaires
de Lisbonne. Sept ou huit foibles corps de dix
ou douze foldats chacun ftrffifènt pour contenir
tant de peuples dans la foumiffion. Ces nègres
font réputés libres ; mais les moindres fautes les
précipitent dans la fervitude. Au milieu de leurs
forêts, dans un lieu qu’on nomme la Nouvelle-
Oeiras , furent decouvertes , il n’y a que peu
d’années , d’abondantes mines d’ un fer fupérietir
ï celui de toutes les autres parties du globe. Le '
comte de Souza, alors gouverneur de la contrée,
les fitexploiter J mais elles ont été abandonnées.
Ge commandant a&if recula aufli les frontières
de l’empire fournis à fes ordres. Son ambition
étoit d’arriver jufqu’aux riches mines du Mono-
motapa", & de préparer à fes fucceffeurs les
moyens de pouffer les "conquêtes jufqu’au territoire
que fa nation occupe au Mozambique.
D ’autres jugeront de la poflïbilité ou de l’im-
poflibilité, de l’inutilité ou de l’împortançé de
cette communication» Nous nous bornerons à
obferver que le premier établiffement portugais
près de l’Océan, eft Bamba, dont laTonttion
principale fe réduit à fournir les bois dont peut
avoir befoin S. Paul-de-Loanda. Cette capitale
de l’Afrique portugaife a un affez bon port. Il
eft formé par une ifle de fable , protégé à fon
entrée", refferré par des fortifications régulières,
& défendue par une garnifon qui feroit fuffifan-
t e , fi elle n’etoit compose d’officiers & de foldats
, la plupart flétris par les loix ou du mojns
exilés. On compte dans la H fept à huit cens
blancs, & environ trois mille noirs ou mulâtres
fibre«.
Saint-Philippe de Benguela, qui appartient à
la même nation , n’a qu’une rade où la mer eft
fouvent fort groffe. La ville ,. beaucoup moins
confidérable que Saint-Paul, eft couverte par un
mauvais fo r t, <que le canon des vaiffeaux rédui-
roit aifémënt en cendres. On n’éprouveroit pas
une réfiftànce bien opiniâtre de deux ou trois cens
africains qui la gardent, & qui même , comme à
Saint - Paul, font en grande partie répartis dans
des ports affez éloignés.
A dix lieues plus loin que Saint-Philippe, eft
encore une loge portugaife où font élevés de
nombreux troupeaux, & où eftramaffé le fel né-
ceffaire pour les peuples fournis à cette couronne.
Les établiffemens & le commerce des européens
ne s’étendent pas. loin fin: la côte occidentale de
l ’Afrique. a
Les navires portugais -, qui fréquentent ces parages
, fe rendent tous à Saint-Paul ou. à. Saint-:
Philippe. Cés bâtimens traitent un plus grand
nombre d’efclaves dans le premier de ces marchés
>• & dans 1 autre ides efclaves plus, robuftes.
C e n’eft pas de la métropole1 qu’ ils font la plupart
expédiés, mais du B refil , & prefque uni-*
. qusment dé Rio * Janeiro. Comme leur nation
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exerce un privilège exclufif, ils payent ces malheureux
noirs moins cher qu’on ne les vend ail*
leurs. C ’ eft avec du tabac & des cauris qu’ ils
achètent fur les lieux même, qu’ils foldent à ta
côte d’Or : fur celle d’Angole, c’eft du tabac,
des eaux-de-vie de fucre, & quelques toiles grof-
fières qu’ils donnent en échange.
Dans les premiers temps qui fuivirent la dé-*
couverte de l’Afrique occidentale, cette grande
partie du globe ne vit pas dimiauer d’une manière
fenfible fa population. On n’avoit alors aucune
occupation à donner à fes habitans : mais, i
mefuré que les conquêtes & les cultures fe multiplièrent
en Amérique , il fallut plus d’efdaves.
C e befoin a augmenté graduellement > & depuis
la pacification de 176$ , on a arraché chaque
année à la Guinée quatre - vingt mille de fes malheureux
enfans. Tous ces infortunés ne font pas
arrivés dans le nouveau-Monde. Dans le cours
ordinaire des Chofes, il doit en avoir péri un
huitième dans la traverfée. Les deux tiers, de ces
déplorables vi&imes dé notre avarice font fortis
du nord, & le refte du fud de la ligne.
Originairement on les obtenoit par-tout à fort
bon marché. Leur valeur à fucceflivement augmenté
, & d’une manière plus marquée depuis
15 ou 20 ans. En 1 7 7 7 , un négociant françois en
a fait acheter à Molembo 530, q ui, fans compter
les frais de l’armement, lui ont coû té , l’un
dans l’autre, 585 liv. 18 fols 10 deniers. A la
même époque, il en a fait prendre à Porto-
nove 5 2 1 , qu’il a obtenus pour 460 liv. io d en .
Cette différence dans les prix , qu’on peut ref»
garder comme habituelle , ne vient pas de l’ infériorité
des efclaves du nord. Ils font au contraire
plus forts, plus laborieux, plus intelligens que
ceux du fud. Mais la côte où on les prend, eft
moins commode & plus dangereufe : mais on n’y
en trouve pas régulièrement, & l’armateur eft
expdfé à perdre fon voyage : mais , pour leur
fournir des eaux falutaires, il faut relâcher aux
ifles du Prince & de Saint-Thomas : mais il en
périt beaucoup dans une traverfe contrariée par
les vents, parles calmes & par lescourans : mais
leur caractère les porte au déféfpoir ou à la révolte.
Par toutes ces raifons, on doit les payer
moins cher en Afrique, quoiqu’ils foient vendus
un peu plus dans le nouveau-Monde.
En fuppofant qu’ il a été acheté 80 mille noirs
en 17 7 7 , & qu’ils ont été-tous achetés au prix
dont nous avons parlé, ce fera 41,759,333 liv.
<£- fols 8 deniers qué les bords africains auront
obtenus pour le plus horrible des facrifices.
- Le marchand d’efclaves ne reçoit pas cette fom-
me entière. Les impôts établis par les fouverains
des ports où fê fait la traite, en abforbent une
partie. Un agent *du gouvernement, chargé dé
maintenir l’ordre, a aufli fes droits. Il eft entre
le vendeur1 8é l’acheteur, des intermédiaires donç
i le miniftère çft dèvenu plus cher, à mefure quç
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