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couragemens. Ils étoient même allurés , après leurs
premiers travaux , d obtenir , en prêt -& à des conditions
moderees , la valeur des trois cinquièmes
des êtablilTemens quils auroient formés. Cet arrangement
devint une fource féconde d’induftrie,
d activité & d économie. En 1769, on comptoit
déjà fur les rives du Demerary cent trente habita- ;
tions 3 ou le fucre 3 le café 3 le coton étoient |
cultivés avec fucces. Le nombre des plantations ]
s’eft accru depuis cette époque , & il doit beaucoup
augmenter encore.
On trouvera à l ’article Pr o v in c e s -U nies des
remarques fur les défordres qui régnent dans ces
trois colonies 3 & fur des moyens de les réparer.
Voye7 P r o v in c e s -U nies.
D EM O C R A T IE , forme de gouvernement
dans laquelle le peuple jouit de la fouveraineté.
L a divifîon générale des formes de gouvernemens
en démocratiques, ariftocratiques, monarchiques &
defpotiques manque de précifion , & elle en doit
manquer. On a vu une multitude fans nombre de
gouvernemens démocratiques & ariftocratiques 5
mais on n’en a jamais vu deux qui foient abfolu-
ment pareils : les combinaifons diverfès qu’ont
imaginé les peuples pour maintenir leur liberté,
varient & varieront toujours. Ils fe font alluré ,
par ces combinaifons, une liberté plus ou moins
grande dans les détails y mais quelques foient ces
combinaifons 3 on peut établir des principes généraux
fur la démocratie 3 & c’eft ce que je vais
f^ire ici, en profitant, dans les trois premières fec-
tions, des vues lumineules de l’auteur immortel
de l’Efprit des loix.
Nous parlerons i° . des principes & des loix de
la démocratie ; 20. de la corruption du principe
fondamental de la démocratie , & des moyens de la
rétablir j 30. des chofes qui conviennent & de
celles qui ne conviennent pas à la démocratie ; 40.
des avantages & des inconvéniens de la démocratie.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Des principes 6? des loix de la démocratie.
t Le peuple , dans la démocratie 3 eft à certains
égards le monarque^ certains autres,il eft lefujet.
Il ne peut être monarque que par fes fuffrages,
qui font fes volontés. La volonté du fouverain eft
le fouverain lui-même. Les loix qui établiffent le
droit de fuffrage, font donc fondamentales dans
ce gouvernement. En effet, il eft auflUmportant
d’y regler comment, par q u i, à qui, fur quoi
les fuffrages doivent être donnés, qu’ il l’eft dans
une monarchie de favoir quel eft le monarque, '&
de quelle manière il doit gouverner.
! Libanius ( 1 ) dit qu’ à Athènes un étranger qui fe
meloit dans l ajfemblée du peuple , étoit puni de
mort. C eft qu’ un tel homme ufurpoit le droit de
fouveraineté.
Il eft effentiel de fixer le nombre des citoyens
qui doivent former les affemblées î-fans cela, on
pourroit ignorer fi le peuple a parlé, ou feule-
üJ}e Partie du peuple. A Lacédémone, il
ralloit dix mille citoyens. A Rome, née dans la
petiteffe pour aller a la grandeur 5 à Rome, faite
pour éprouver toutes les viciffltudes de la fortune ;
u ^'■ on?e clu^ avoit, tantôt prefque tous fes citoyens
hors de fes murailles, tantôt toute l’Italie & une
partie de^ la terre dans fes murailles, 011 n’avoit
point fixe ce nombre ( 2 ) y & ce fut une des
grandes caufes de fa ruine.
Le peuple qui a la fouveraine puiffance, doit
faire par lui-même tout ce qu’il peut bien faire y
& I ne Peu^ Pas bien faire, il faut qu’il le
faffe par fes miniftres.
Ses miniftres ne font point à lui, s’il ne les nomme
: c eft donc une maxime fondamentale de ce
gouvernement, que le peuple nomme fes miniftres,
c ’ell-a-dire , fes magiftrats.
I l a befoin , comme les monarques, & même
plus qu eux, d etre conduit par un confeil ou un
fenat. Mais , pour qu’il y ait confiance , il faut
qu il en elife les membres j (oit qu’il les choififïe
lui-meme comme a Athènes, ou par quelque ma-
giftrat qu il a établi pour les élire , comme cela
fe pratiquait à Rome dans quelques occafions.
En gpneral, le peuple ne choifit point mal ceux
a. , doit confier quelque partie de fon autorité.
Il n a a fe déterminer que par des chofes
qu il ne peut ignorer, & des faits qui tombent
fous les fens. Il fait très-bien qu’un homme a été
fouvent à la guerre 3 qu’il y a eu tels ou tels fuc-
cès : il eft donc très - capable d’ élire un généi-
ral. Il fait qu’un, juge eft aflidu j que beaucoup
de gens fe^ retirent de fon tribunal contens de lui î
qu’on ne l’a pas convaincu de corruption : en voilà
affez pour qu’il élife un préteur. Il a été frappé
de la magnificence ou des richeffes d’ un citoyen ;
cela fuffit pour qu’il puiflè choifir un édile. Toutes
ces chofes font des faits dont il s’inftruit mieux
dans la place publique qu’un monarque dans foa
palais. Mais faura-t-il conduire une affaire , con-
noître les lieux, les j occafions, les momens, en
profiter ? N o n , il ne le faura pas.
Si l’on pouvoit douter de la capacité naturelle
qu’a le peuple pour difcerner le mérite , il n’y
auroit qu’ à jettër les yeux fur cette fuite continuelle
de choix étonnans que firent les athéniens
& les romains ; ce qu’on n’attribuera pas fans
*' doute au hafard.
(iy Déclamations t7 & 18.
r in 'i Confi<lilat*ons f t f 1É caufes de la grandeur des romains & de leur décadence, chap. ix.
D É M
On fait qifà Rome, quoique le peuple fe fût
donné le droit d’élever aux charges les plébéiens^,
il ne pouvoit fe réfoudre à les élire y & quoiqu’a
Athènes on p û t, par la loi d’Ariftide, tirer lès
magiftrats de toutes les claffes, il n’arriva jamais ,
dit Xenophon ( 1 ) , que le bas peuple demandât
celles qui pouvoient intéreffer fon falut ou fa
gloire.
Comme la plupart des citoyens qui ont affez de
fuffifance pour élire, n’en ont pas- allez pour être
élus ; de même le peuple qui a affez de capacité
pour fe faire rendre compte de la geftion des autres
, n’ eft pas propre à gérer par lui-même.
Il faut que les affaires aillent, & qu’ elles aient
un certain mouvement qui ne foit ni trop lent ,
ni trop vite : mais le peuple a toujours trop d’action
, ou trop peu. Quelquefois avec cent mille
bras il renverfe tout ; quelquefois avec cent mille
pieds il ne va que comme les infeétes.
Dans l’état populaire, on divife le peuple en
de certaines claffes. C ’eft dans la manière de faire
cette divifion que les grands légiftateurs fe font fi-
gnalé%; & c’eft de-là qu’ont toujours dépendu la
durée de la démocratie & fa profpérité.
Servius Tullius fuivit, dans la compofition de
fes claffes, l’efprit de l’ ariftocratie. Nous voyons ,
dans T ite -L iv e (2) & dans Denys d’Hàlicar-
naffe,(3) j comment il mit le droit de fuffrage entre
les mains des principaux citoyens. Il avoit di-
vifé le peuple de Rome en cent quatre-vingt-treize
centuries, qui formoient fix .claffes > & mettant
les riches, mais en plus petit nombre, dans les
premières centuries ; les moins riches , mai«- en
plus grand nombre , dans les fuivantes, il jetta
toute la foule des indigens dans la dernière y &
chaque centurie n’ayant qu’ une voix (4) , c’étoient
les moyens & les richeffes qui donnoient les fuffrages
, plutôt que lès perfonnes.
Solon divifa le peuple d’Athènes en quatre claffes.
Conduit par l’ efprit de là démocratie, il ne le
fit pas pour fixer ceux qui dévoient élire , mais
ceux qui pouvoient être élus 5 & laiffaqt à chaque
citoyen le droit- d’élection, il voulut (y) que,
dans chacune de ces quatre claffes, on pût élire
des juges j mais que ce ne fût que dans les trois pre-
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mières claffes où étoient les citoyens aifés, qu’on
pût prendre les magiftrats.
Comme la divifion de ceux qui ont droit de
fuffrage , eft dans la république une loi fondamentale
, la manière de le donner eft une autre loi
fondamentale.
Le fuffrage pour le fort eft de la nature de la
démocratie $ le fuffrage par choix eft de celle de l’ a-
riftocratie.
Le fort eft une façon d’ élire qui n’ afflige per*
fonne 5 il laiffe à chaque citoyen une efpérance rai-
fonnable de fervir fa patrie.
Mais, comme il eft défectueux par lui-même ?
c’eft à le régler & à le corriger que les grands lé-
gillateurs fe font furpaffés.
Solon établit à Athènes, que l’on nommerort
par choix à tous les emplois militaires , & que
les fénateurs & les juges feroient élus par le
fort.
Il voulut que l’on donnât par choix les magif-
tratures civiles qui exigeoient une grande dépenfe,
& que les autres fu lient données par le fort. .
Mais, pour corriger le fo r t, il régla' qu’on ne
pourroit elire que dans le nombre de ceux qui fe
préfenteroient y que celui qui auroit été élu feroit
examiné par des juges Ç6) , & que chacun pourroit
l’accufer d’en être indigne (7) : cela tenoit en
même-temps du fort & du choix. Quand on avoit
fini le temps de fa magiftrature , il falloir effuyer
un autrejugement fur Ta manière dont on s’étoit
comporte. Les gens fans capacité dévoient avoir
bien de la répugnance à donner leur nom pour être
tiré au fort.
La loi qui fixe la manière de donner les billets
de fuffrage, eft encore une loi fondamentale dans
la démocratie. C ’eft une grande queftion, fi les fuffrages
doivent être publics ou fecrets. Cicéron (8)
écrit que les loix (9) 7 qui les rendirent fecrets dans
les derniers temps de la république romaine, furent
une des grandes caufes de fa chute. Comme
ceci fe pratique diverfement dans différentes républiques,
v o ic i, -je crois , ce qu’ il en,faut pen-
fer. Sans doute que lorfque le peuple donne fes
fuffrages , ils doivent être publics ( 10) 5 & ceci
doit être regardé comme une loi fondamentale de
la démocratie. Il faut que le petit peuple foit éclairé
'<») ,Pages 691 & 691 , édition de Wechelius de l’an 1596.
(1) Liv. I.
(3) Liv. IV. art. i'5 & fuiv.
(4) Voye1 dans les Confidérations fur les caufes de la grandeur des romains & de leur décadence, ch. IX,
comment cet efprit de Servius Tullius fe conferva dans la république.
(5) Denys d’Halicarnafle, éloge d’Ifoçrate | pag. 97 , tom. 1 , édition de Vechelius. Pollux , liv. VIII,
chap; x , art- 130.-' ■
(é) Voyçx. l’oraifon de Demofthène, de falfa légat. & l’oraifon contre Timarque.
Oh, tiroit même pour chaque place deux billets; l’un qui. donnoit la place, l’autre qui nomraoit
celui qui devoit fuccéder, en cas que le premier fût rejetté.
(8| Liv. ï & III des Loix.
(9) Elles s’appelloient loix tabulaires : on donnoit à chaque citoyen deux tables ; la première, marquée
dun A, pour dire antiquo ; l’autre d’un,U & d’une R , uti rogas.
<10) A Athènes , on levoit les mains.'