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les dieux, que le peuple à qui ils déclaroient la
guerre étoit injufte , en ne voulant point faire ce
que le droit & la juftice exigeoient.
On ne doip pas confondre la déclaration de guerre
8c la publication de la guerre : Tunique but de
la déclaration eft d'avertir la nation ou le fouverain
avec lequel on difpute que Ton va enfin recourir au
dernier remède, & employer la force ouverte pour
obtenir juftice. Dans la publication de la guerre, on
apprend d’abord aux fujets que telle ou telle nation
doit être regardée comme ennemie, 8c qu’il
faut prendre fes mefures là-defîus j elle fert d’ailleurs
à informer les puiflances neutres des raifons
qui nous obligent à prendre les armes, & à leur notifier
que tel ou tel peuple eft ennemi, afin qa’ elles
puiflent agir en conféquence. Ainfi la déclaration
regarde feulement l’ennemi, & la publication a
rapport aux fujets de la puiflance qui déclare la
guerre , & des puiflances neutres.
Les manifeftes des princes renferment ordinairement
la publication de guerre. Ces pièces-font
accompagnées de pièces juftificatives, bonnes ou
mauvaifes, fur lefquelles on fe fonde pour prendre
les armes. Le moins fcrupuleux voudroit paf-
fer pour jufte, pour équitable , pour amateur de
la paix i if fent qu’une réputation contraire pour-
roit lui être nuifîble. Les écrits qui fe publient au
fujet d’une guerre, ne devroient jamais contenir
d’expreflion injurieufe j on ne devroit y retrouver
ni haine, ni animolïté, ni fureur 5 car on excitera
de femblables fentimens dans le coeur de l’ennemi.
D ’ailleurs la plus noble décence eft convenable
aux difcours & aux écrits d’un prince $ il
faut qu’il fé refpeéte luLm^me dans la perfonne
de fes^ pareils > & , s’il a le malheur d’être
brouillé avec une nation , il calculera mal fes
intérêts, s’il aigrit la querelle par des difcours
offenfans 3 8c s’ il s’ôte Tefpoir d’une réconcilia
tion fincère.
D E C R E T S , compilation d’anciens canons.
Voye^ le Dictionnaire de Jurifprudence.
{D E C R E T , ordonnance, jugement, décifion.
D É C R E T S DES CO N C IL E S .
DE C R E T A LE S . Voye% le même Dictionnaire.
D éc r e t s im p é r ia u x . C ’ eft le réfultat des
délibérations d’une diète impérialè. Voye^ D ie t e .
On recueille toutes les décifions d’une diète
qu’on met en un cahier, & cette collection s'appelle
recejfus imperii, parce qu’ elle fe fait au moment
que la diète va fe féparer. Voyei A llem
agn e; :
On ne publie ordinairement ces décrets que lorsque
la diete eft prête à fe rompre , pour éviter les
contradictions & les plaintes de ceux qui ne fe
trouvent pascontens de ce qui a été réfolu. FJeifs.
fiifioire de l'Empire.
L ’ article concernant des levées de troupes contre
les tjirçs, faifoit autrefois la plus grande partie
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du recejfus j quand il n’en a plus été queftion ,
difent quelques auteurs, on ne favoit qu’y mettre
5 mais cette remarque eft exagérée.
Les défordres de la chambré impériale de Spire
furent fi exceflifs, qu’en fe vit contraint en 1654
de faire des réglemens pour y remédier , ces
réglemens furent inférés dans le recejfus imperii.
DÉFENSES. Voyez P r oh ib it io n s .
D E FR ICH EM EN T . C ’eft une opération par
laquelle l’homme tire la terre de fon état de friche
ou d’inertie naturelle , pour la rendre propre à la
culture 3 8c à donner des productions régulières.
Le défrichement eft certainement un aÇte de
propriété, 8c l’un des premiers qui Tétabliflent.
Les fruits fpontanés de la terre 8c fon produit
naturel ne nous font communément bons à rien ,
& les terreins en friche ne fervent tout au plus
qu’à quelque maigre dépaître j ainfi le défrichemeht
eft le premier aCte de la poffeflîon privée pour
labourer en règle la terre, Tenfemencer après, la
çlorre , la garantir d’invafîon comme réçélant nos
avances, &c.
A force d’avoir dit qu’il falloir des bras, on a
fongé à femer des hommes, de - là les mariages
charitables, & les autres procédés de Cadmus
populateur.
On a dit enfuite que les hommes ne vivoient
pas des arts 8c métiers, & ne pouvoient provenir
que de la multiplication des fubfiftances, ni
celle-ci que de l’agriculture, & on en a cru quelque
choie î en fe réfervant toutefois la permiflîon
de penfer qu’on avoit plus d’ efprit que ceux qui
voient, & d e traiter d’ignorans 8c d’aveugles, ceux
qui affirment que la double & triple valeur donnée
par la main-d’oeuvre & Tinduftrie aux produits,
devenus marchandifes appropriées aux.be-
foins & aux fantaifîes des hommes, ne repréfente
que les frais de fubfiftance des ouvriers façon-
neurs, fubfiftance qu’il a toujours fallu tirer de
la terre.
On eft donc Convenu qu’il falloit exciter l’agriculture
, & Ton s’eft imaginé que le défrichement
des terres étoit l’agriculture : c’ eft comme
qui diroit que la lettre A eft l’alphabet tout entier.
Mais, s’ il eft vrai que l’alphabet ne peut fe pafler
de la lettre A , il l’eft au moins autant que cette
lettre ne peut fe pafler de l’ alphabet.
Faute de bien fentir & de bien fixer Cette vérité,
Ton a privilégié les défrichemens dans des
contrées dès-long-temps habitées, peuplées 8c nationales
, & Ton a mal fait.
Le défrichement ne préfente : naturellement que
trop d’attrait par lui-même. Les terres vierges,
ou q u i, comme on d it, repofent depuis longtemps
, donnent d’abord & fans engrais-; des récoltes
abondantes , & de-là vient que le peuple
des cultivateurs, atteré , opprefle 8c peu ou point
en avances, abandonne & néglige volontiers fon
champ> pour défricher les haies, les bordures,
8c
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& pour effruiter, écobuer 8c rompre la terre, j
comme ils le difent, 8cc.
Cet empreflement nuifible a redoublé, quand
on a privilégié les défrichemens en règle, par des
franchifes, des décharges d’impôt & de dîme ,
& c . } dès-lors on a couru, grimpé les coteaux 8c
les motagnes, arraché, extirpe les brouflailles
qui les couvroient ; on a femé les terreins pendans >
8c les pluies & les, orages qui font furvenus ont
tout entraîné, raviné, enfablé, &c. Alors les bois
ont été détruits, la terre végétale emportée a laifle
à découvert les oflemens de notre mère nourrice,
& juftifié en quelque forte le mot defpotiquement
économique de ces tartares mongoulx, quidifoient
qu’il falloit exterminer cette petite race grate-terre,
qui écorchait & détruifoit les pâturages deftinés
par la nature pour leurs chevaux.
Le Vrai défrichement confifte dans le travail &
la fueur de l’homme, & ce travail dans fa conf-
tance 8c fon habileté. Pofez une maifon fur une
terre aride , 8c qu’un homme ayant des avances
proportionnées s’obftine à y habiter, bientôt vous .
verrez un jardin, un enclos auprès de cette maifon
j vous verrez les arbres y naître 8c l’ombrager
, 8c un puits y fournir de l’eau, fi quelque
fource ou quelque ruifleau n’en font pas voifins.
C et homme défrichera peu, fi quelques voifins
ont comme lui des avances $ s’il défriche peu,
mais tpujours cultive , & fi l’air eft fain, il prof-
perera ; s’il défriche beaucoup & promène une
charrue languiflante fur les terreins agreftes &
fecs de fon voifinage, il recueillera peu, rifquera
8c fouvent perdra, fes avances , fa maifon deviendra
chaumière 8c bientôt ruine, commue on n’en voit
que trop. Tout homme eft prince dans fa fphère $
il voudroit tout embrafler} mais , qui trop em-
braffe mal étreint , & le mal-étreindre vient de la
difp.roportion des forces aux entreprifes ; c’eft-là
le point & Tunique point.
Les forces dont il eft ici queftion, font les avances
qui ne peuvent venir au cultivateur que de fon
économie & de la richefle de fes voifins : de fon économie,
en ce qu’il fera enforte de cultiver à profit, &
d avoir le profit en vue pour fournir à toutes fes dé-
penfes : de la richefle de Tes voifins, en ce que fon
profit ne peut lui venir que de ce qu’ il recueille au-
dela de faconfommation & de ce qu’ il leur vend. C e
furplus n’eft un profit qu’en ce qu’on le lui paye : il
faut un homme en état de le lui payer , & j’appelle
cet homme fon voifin, parce que les produits de
la terre , par lefquels la nature veut multiplier les
hommes à l’infini, font naturellement tels, que
plus ils font abondans en efpèce, plus il eft difficile
de les tranfporter en quantité > d’où il fuit
que, pour que les hommes tirent du fein de la
terre, cet organe muet des bontés du créateur,
une fubftance abondante & vraiment profpère, il
faut qu’ils foient ferrés quant à la culture j d’ où
il fuit encore que ce n’ eft que leur entafîement dans
les grandes villes oifives, ou pis encore, qui néceflite
GEcon. polit, ô? diplomatique. Tom. II.
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la grande Culture, feul pivot 8c fauvegarde unique
des états ainfi conftitués par le luxe 8c la faufle
fpiendeur.
De-là il réfuite enfin que la politique change,
& que fes foins doivent varier, félon que l’ allure
générale fe rapproche -ou s’éloigne plus ou moins
des vues de la nature 8c de fon auteur } que cette
politique doit chercher à donner aux moeurs publiques
une inipreflion profpère & durable, conforme
à ces vues bienfaifantes, en n’ y employant
néanmoins que les moindres détails en apparence
& pris de fort loin 5 qu’il faut au contraire qu’elle
agifle de très-près, par de grands coups 8c de
grands travaux 5 mais plus rrappans encore par
l’intention que par Tefret, pour repoufler la ri-
chefle dans les campagnes, & pour y reporter les
avances, afin que chacun défriché bien , mais
peu , & que, fans s’étendre beaucoup , il profite
de tout î & voilà le véritable outil aes défrichemens
, la politique, Tadminiftration.
Les vrais principes de l ’économie , 8c ce qui
fc pafle. journellement fous nos yeux, rendent ces
vérités fi fimples & fi palpables, qu’ il eft à préfumer
que les candidats de Tadminiftratiôn n’ignorent
ni ces vérités ni leurs conféquences, lorf-
qu’ils fe préfentent pour des emplois , dont,
fans ces cohnoiflances, la vanité feule peut faire
fupporter la fatigue 8c les dégoûts , à tout homme
qui marche en aveugle dans cette carrière.
Mais le courant entraîne 8c force fouvent les
hommes. les plus éclairés à paraître ne pas tout
appercevoir 5 & ce courant vicieux & nuifible,
qui ne vient lui-même que du cours impérieux
des affaires , ils ne font pas les maîtres de le
changer.
Ces adminiftrateurs feroient en effet mal-adroits,'
fi hors de propos ils paroiffoient le vouloir , ou
même le laifler dire 5 car les abus alimentent 8c
compofent l’opinion publique, que nulle puiflance
avouée nefauroit combattre de front, quoiqu’une
force oppreflive le puifle quelquefois, à l’ aide d’une
opinion oppofée. Le conquérant fait une révolution
5 mais le prince légitime ne peut que l’appel-
ler j fans cette retenue, Tobéiflance même trom-
peroit fes defleins. Ceux donc qui, dans la paix
du cabinet & dans.le réfultat de leurs fpécula-
tions , appellent peu-à-peu les opinions , les aver-
tiflent, les avifent, rendent les vérités primitives
8c capitales comme populaires, fervent bien utilement
les puiflances même qui femblent les dé-
favouer.
Qui auroit dit ceci d’avance à des adminiftrateurs
bienfaifans , auroit pu les avifer fur le danger
qu’il y a que l’abus des défrichemens ne dénature
& ne déplace tout d’ un coup les cultures ,
& ne commence à donner au refte de la population,
qui doit être permanente fur nos campagnes
, le defir de les quitter pour aller fe faire ,
en défrichant, des pofleflions hors de fa patrie.
C ’eft ce defir qui annonce-toujours le premier ef~