
fes forces ; 6°. nous traiterons des confeils d'ad-
miniftration , des tribunaux , dé la jurifprudence
& des loix j & 70. enfin des intérêts politiquesde
VEfpagne.
S e c t i o n p r . e m i e r e .
Précis de Vhiftoire politique de l’Efpagne.
Si on remonte aux temps les plus reculés , on
voit que le commerce attira les phéniciens fur les
côtes d'Efpagne. Les carthaginois les y fuivirent,
& ils-Te rendirent maîtres du pays. Ceux-ci furent
à leur tour chaffés par les romains. Au commencement
du cinquième fiècle arrivèrent , dans ces
contrées, des fuabes > des alains & des vandales 5
mais ils tombèrent bientôt fous la domination des
Weftrogoths 3 qui commencèrent à avoir une demeure
fixe en Efpagne, fous Ataulfe ou Adolphe,
& dont Théodoric II doit être regardé comme
le premier roi. Les différens peuples qui étoient
venus habiter l’Efpagne 3 portoient alors le nom
de romains , & ils ne formèrent dans la fuite qu'une
feule & même nation avec les goths ; la loi qui
permettoit à un goth d'époufer une romaine ( une
efpagnole ) 3 8c à une romaine de fe marier à un
goth, facilita l'incorporation. Léwigild tranfporta
le fiège royal de Séville à Tolède 5 & c'eft depuis
eétte époque qu'on l'a nommée ville royale.
Reccarede ayant abjuré l'arianifme en 589 au concile
de T o led e , reçut de l'aflèmblée le furnom
de très-chrétien & aimant Dieu, de très-glorieux,
de feigneur ( chrifiianijjtrnus & amâtor Dei, glorio-
fijjîmus dominusi ) 5 le titre de très-chrétien fut omis
dans la fuite , & les rois goths prirent celui à*orthodoxe
pour n'être pas confondus avec lès hérétiques
, 8c celui de catholique pour ne l'être pas avec
les fchifmatiques.
A la mort du roi Witifa , en 7 1 1 , un grand
nombre de partis aigris les'uns contre les autres,
divifèrent l'etat, 8c fes revenus /tirent confidéra-
blement' diminués par les richeffes que s'approprièrent
les évêques & le clergé. Telle étoit la
pofition de VEfpagne lorfque Roderic monta fur
le trône. On attribue à ce prince la deftruCtion
de l'empire des weftrogoths : les hiftoriens difent
qu'il eut des liaifons malhonnêtes avec la fille ou
la femme du comte Julien , & que pour fe venger
, celui-ci appella les maures. Ces faits ne font
pas prouvés ; mais il eft fur que les maures fè
rendirent maîtres de VEfpagne 3 par les intrigues
& les trahifons du comte Julien & de l'archevêque
de Seville, Oppa, lefquels, non contens de
foulever le peuple en fêcret, palfèrent du côté
des maures à la fanglante bataille de Xérès en
7 1 2 ; ce qui caufa la défaite des gorhs & donna
l'empire aux maures, qu'on appelle autrement arabes
ou farrafins. La révolution eut lieu en 714.
L e gouvernement des manres fut équitable & doux.
Les villes & châteaux dont ils s'emparèrent d V
bord, payôient, il eft vrai, la cinquième partie
de leurs revenus ; mais les diftriCts qui fe fournirent
volontairement, n'en payôient quëla dixième
partie, 8c tous les habitans confervèrent leurs pofi-
feflions. Les maures accordèrent aufli des emplois civils
aux efpagnols 5 ils remirent les anciennes loix en
vigueur j ils maintinrent1 les comtes 8c juges nationaux
; ils laiffèrent aux naturels du pays une
entière liberté de religion , & ils leur permirent
de tenir des fynodes provinciaux à Cordoue : mais
ils défendirent dé blafphémer Mahomet, de fréquenter
leurs temples, & de difputer publiquement
fur la religion. Pliifieurs chrétiens- eurent
l'imprudence de transgreffer cette loi , & il
fallut bien que l'adminiftration fe déterminât à
les punir d_e mort. Le clergé catholique ne défàp-
prouva point ces rigueurs ; car le fynode, tenu
à Cordoue en 752 , décida que celui qui n'auroit
pas été perfécuté, 8c qui fe feroit expofé lui-même
à la vengeance des gouverneurs, ne feroit point
compté parmi les martyrs. On doit favoirgréaux
maures de s'être écartes ainfi de la loi fondamentale
de l'-alcoran ; 8c ils méritent d'autant plus
d'éloges, que les efpagnols jouirent de la liberté
de. cpnfcience durant près de quatre cents ans.
On leur doit d'autres éloges, pour avoir hâté le
progrès des fciences ; car ils enfeignèrent dans
leurs écoles, à Cordoue, à Tolède, à Salamanque
, l'Aftronomie, les Mathématiques, la Phi-
lofophie, la Médecine , 8cc.
Quand les maures eurent fubjugué VEfpagne x
une partie confidérable de la nobleffe des weftro-
j goths, conduite par leur prince Pélage, fe retira
! dans les montagnes des Afturies , dans la Galice
; & dans la Bifcaye ; d'autres fe fauvèrent-en Navarre
, en Arragon 8c dans les Pyrénées : & c'eft
ainfi que fe formèrent plufieurs petits, royaumes
! qui divifèrent le grand empire des goths. Pélage
! 8c fes adhérens ayant défait Jes maures en 7 1 6 >
les goths animés les uns contre les autres , & ne
pouvant s'accorder, pofêrent les premiers fon-
demens des royaumes de L é o n , de Navarre,
d'Arragon & de Sobrarbie , ainfi que des comtés
de Caftille, de Barcelone, 8cc. Ces nouveaux
états furent toujours en guerre avec les maures :
ils eurent entr'eux des querelles continuelles, & leurs
brouîlleries & leurs raccommodemens ont jette
beaucoup d'obfcurité dans leur hiftoire. Parmi ces
royaumes , on remarque fur - tout la Caftille &
l'Ârragon. Des mariages réunirent trois fois ces
deux pays ; mais l'union ne devint permanente
qu'en 1473 , par le mariage du'prince rbyal d’Ar-
ragon, Ferdinand, avec Ifabelle de Caftille
car ce prince fut reconnu la même année roi de
Caftille; 8c après la mort de fon pere, en (1479),
il hérita de la couronne d’Arragon. Les 'deux Caffiliés
, l'Eftramadure, l'Andaloufie, la M u rc ie ,
Léon & les Afturies la Navarre, la Bifcaye ,
les provinces de Guipufcoa, d'Alava , de Rioja
& la Galice dépendoient alors du royaume de
Caftille : celui d'Arragon comprenoit l’Arragon,
la Catalogne , le Rouflillon , Valence 8c les lues
de M aïorque, de Minorque & d’Yvica. Ferdinand
établit le tribunal de l'inquifition ; il mit fin en
1494 à la domination des maures, par la prife
de la ville de Grenade, 8c il /reçut a cette
occafîon du pape le titre renouvellé , de .roi
catholique. Ifabelie , de fon côté , fit equiper la
flotte qui, en 1492, conduifît Chriftophe C o lomb
dans le nouveau-Monde. Le roi attribua a la
couronne, en 1494, les grandes maîtrifes des trois
ordres de S. Jaqques , d'AIcantara 8c de Cala-
trava ; en 1 ƒ £4. il s'empara, par furprile, du
royaume de Naples, 8c en 1512; il fe rendit maître
de celui de Navarre ; il fournit les differents,
états de VEfpagne, qui n'ont plus forme qu un
feul corps. Le mariage (1496) de Philippe d Au-
triché*avec Jeanne, fille de Ferdinand, réunit a
la couronne d'Efpagne les états poffedes par la
maifon d’Autriche. Le petit-fils de Ferdinand,
Charles I , connu fous le nom de Charles y , fut
em même-temps roi d'Efpagne 8c ( ern,~
pereur d'Allemagne : mais il céda le trône impérial
à fon frère Ferdinand, en 1546. Son fils,
fucceffeur au royaume d'Efpagne, Philippe II ,
poffédoit en même-temps le duché de Milan, les
dix-fept Provinces-Unies des Pays-bas 8c le comté
de Bourgogne, 8c en 1587 il conquit^ le Portugal.
Mais fes fujets des Pays-bas fe révoltèrent,
8c la flotte furnommée Vinvincible, qu'il avoit
mife en mer contre Elifabeth , reine d'Angleterre,
fut prefque entièrement anéantie. Philippe III af-
foiblit fon pays par l'expulfion des maures. Sous
Philippe I V , le Portugal fecoua le joug-efpagnol ;
différentes provinces fe révoltèrent ; fept des provinces
des Pays-bas furent déclarées libres 8c indépendantes
en 1(348 , fous le nom de Provinces-
Unies , &\I^ comté de Rouflillon paffa fous la
domination de la France en 1659. Charles II perdit
une grande partie de ce qui lui reftoit encore
des Pays-bas, ainfi que la Franche-Comté, & il
mourut en 1700, fans laifïer de defeendans. Son
teftament appelloit au trône d’Efpagne Philippe,
duc d'Anjou, petit-fils de Louis X I V , roi de
France. La guerre qu'il produifît entre la France
8c la maifon d'Autriche , & qui dura treize années
, fut terminée par le traité d'Utrecht, lequel
affûta la couronne à3Efpagne à Philippe, cinquième
du nom. C e prince abandonna Gibraltar 8c
l'ifle de Minorque à l'Angleterre, & la Sicile au
duc de Savoie; l'empereur Charles V I , fon compétiteur
, fut obligé de fe contenter des Pays bas
8c des provinces d'Italie, poffédées jufqu'alors
par VEfpagne. En 1717 , Philippe V enleva à
l'empereur la Sardaigne & la Sicile : mais ayant
accédé en 1720 à la quadruple alliance, il renonça
à fes droits à la. couronne de France , aux
Pays-bas efpagnols, aux provinces d’Italie, ainfi
qu’à la Sardaigne & à la Sicile : toutes ces fti-
pulatioxs furent confirmées par le traité de Vienne
de l’année 172J , dans lequel] Charles V I renonça
de fon coté à la couronne d‘Efpagne. Philippe
déclara la guerre à l'empereur en 1733 , &
il fe rendît maître des royaumes de Naples & de
Sicile, qui paffèrent à fon fils don Carlos. Il y
eut une autre guerre en 17 3 9 , entre l'Efpagne
8c l'Angleterre. Ferdinand V I procura à fon frère
Germain , par le traité d’Aix-la-Chapelle (1748) ,
les duchés de Parme, de Plaifance 8c de Guaf-
talla. Son frère don Carlos lui fucceda au trône
à3Efpagne en 17 5:9. C e prince , qui règne actuellement
fous le nom de Charles I I I , a recouvré
l'ifle de Minorque dans le traité de 1782. On verra
tout - à - l'heure ce qu’il a fait pour tirer fon
royaume de l’état' de langueur 8c d'inertie où l ’a-
voient réduit fes prédéceffeurs : il travaille non-
feulement à la police intérieure du pays , mais à
rétablir le commerce, l'induftrie, la culture, la
population , la marine 8c les forces de terre ; 8c
fi l’ancienneté & la force des.abus, fi d'autres eau*
fes arrêtent le plein effet de fes foins, on le comp^
tera cependant parmi les reftaurateurs de la monarchie
efpagnole.
S e c t i o n I Ie.
Détails & obfervations fur le gouvernement de
VEfpagne.
Le royaume A*Efpagne fut éleCtif du temps des
goths jufqu'au règne de Pelayo ou Pélage ; après
la mort de ce prince, les états nommèrent encore
les rois dans un intervalle de plus d'un fieclc :
mais le choix tomba toujours fur un prince de la
famille royale ; 8t depuis Ramir I jufqu'à Ilde-
fonfe V , les états n'eurent plus d'autre fonction
que de reconnoître le nouveau roi comme un fuc-
ceffeur digne de la couronne. Depuis le règne de
ce prince, on ne trouve aucune trace d'éleétion ;
& la couronne a paffé conftamment au fils aîné
du roi, à titre héréditaire. Les rois A3Efpagne ont
attache" le droit de fucceflïon à certaines lignes ,
à certaines perfonnes 8c à certains degrés. Le roi
Philippe III a donné en 1619 le premier exemple
de ces difpofitions, & il y a fur ce point un fécond
réglement de 1713. Les femmes du fang
royal ne font habiles à fuccéder au trône qu'en
cas d'extinÇtion des mâles. Des publiciftes croient
que , fi la famille royale fe trouvoit fans re-
jetton, le peuple auroit le droit d’élire un nouveau
roi. Mais il y a lieu de penfer qu’on ne lui
permettroit pas d’en faire ufage; 8c que fi un monarque
fe voyoit fur le bord du tombeau fans héritiers
, il appelleroit à la fucceflïon un prince étrang
e r , à l’exemple dé Charles fécond. Lorfque le
prince royal ou héréditaire n'eft pas en âge de régner
lui-même , 8c que le roi n'a point difbofé de
l'adminiftration, les états réclament le ctroit de
former un confeii de tutèle chargé du gouvernement
: mais alors la mère eft toujours
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