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gnobleSi les vergers , & c . qui ne fe cultivent
quJà bras, & qui femblent faire vivre une nom-
breufe population : & c'eft précifément fur les
produits de ces genres de culture que s'exercent
l'impôt indirect, les droits, les excifes,_ les pro-
bibitions. Tous ces produits n'ont de débouchés
qu'à l'aide du trafic que tout éloigne. La récolte
en eft expofée à toutes les vimaires, le débit à la-
non-valeur & aux vexations i les dépenfes en font
très-fortes 8c toujours les mêmes, & les revenus
fi cafuels & fi intercadens qu'on peut les regarder
comme prefque nuis. Excepté les contrées voifines
des grands débouchés, par-tout ailleurs la population
nombreufe que ces cultures femblent nourrir,
n a point de confillance ni de durée. Son exiftence
efi: auflî précaire que celle des chenilles fur la branche
, qui périffent par les pluies d'hiver, ou q u i,
refferrées dans leur coque, dévorent la feuille qui
leur fervit de fupport 8c d'abri.
Tels font les funeftes & inévitables effets de
l'intervention humaine dans le mouvement & l’action
du-cercle naturel des travaux & des dépenfes
: tels font les fruits des fauffes fpéculations de
\z politique aveugle & frauduleufe , & ce font ces,
defàftres combinés & réunis qui forcent les hom-’
mes à Y émigration.
En effet, quand le métier d'homme ne vaut plus
rien dans un pays, il eft naturel de defirer de
l ’aller faire ailleurs. Le mal-aife & le danger chaf-
fent les malheureux loin de leur terre natale. Ils
en fortent pour trouver un bien-être qu'elle leur
refufoit. Les précautions qu'on prend d’ordinaire
pour arrêter ce mal, ne font gueres moins iunef-
tes que le mal même. On peut les comparer à celles
de ces barbares q u i, voulant emmener un pri-
fonnier expirant de la lianterie , prirent le parti de
lui boucher les conduits des excrémens.
Quant aux fouverains q u i, dans des vues auflî
mal combinées | veulent attirer chez eux des émigrans
-, & leur font des commencemens d'avances
pour un nouvel établiffement, ils perdent leur
temps, leur peine, leurs frais & leur crédit. Ils
ne favent pas qu'on peut fecourir, foutenir même
un malheureux une fois tombé dans l'indigence,
mais qu'il eft bien difficile qu'on le relève jamais.
La charité eft néceffaire & obligatoire pour le prochain';
mais chacun en a I’occafion dans fon cercle,
fans en attirer de loin.
Mais l'intention de ceux qui appellent les émigrans
, eft de profiter de leur travail & de leur
induftrie. Qu'ils appellent des richeffes , les hom-
mes les fuiVront toujours. Les hommes , fans les
richeffes, ne font que mifère & défôrdre.
Le moyen d'appeller les richeffes dans un état,
c'eft le renom de bonté du prince qui le gouverne,
c'eft la confiance qu'il infpire & la fureté qu'il donne
: ce font fes vertus perfonnelles ; je veux dire, la
fageffe, la Habilité du gouvernement, fon refpeét
pour les opinions, le foin toujours préfent de faire
concourir les volontés du plus grand nombre aux me*
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fures de l'adminiftràtion, l'art de faire les grande^
chofes fans appareil, les petites fans négligence, &
.celui de fonder fur les bafes de la nature, qui peuvent
attirer de riches émigrans. Les richeffes &
l'induftrie, vexées ailleurs , viendront chercher un
afyle & des propriétés dans un tel pays, fans qu'il
en coûte rien au gouvernement que l’ acquit de
fon ordre; je veux dire, les avances fouveraines
pour les débouchés, r ( Cet a r t i c le efi de M. G r i v e l . ' )
A d d i t i o n à l ' a r t i c l e é m i g r a t i o n .
Il y a des émigrations chez tous les peuples qui
communiquent avec leurs voifins ; mille caufes pro-
duifent l'inquiétude, le mécontentement & la mifère
qui donnent lieu aux émigrations , & les fou*
verains qui veulent les empêcher & qui les in-
terdifent par des menaces rigoureufes, oublient
trop que c’eft un malheur inhérent à la nature fau-
vage & à la nature civilîfée.
Eft-il permis de quitter fa patrie? C ’eft une
queftion qu'on, a difcuté mille fo is , & que peu
d'auteurs ont bien réfolu. Les enfans font naturellement
attachés à la fociété., dans laquelle ils
ront reçu le jour : ils lui font redevables , en
grande partie , de leur naiffance 8c de leur éducation.
Ils doivent donc l'aimer, lui marquer une
jufte reconnoiffance, lui rendre, autant qu'il eft
en eux, le bien pour le bien. Ils ont droit d'entrer
dans la fociété, dont leurs pères étoient membres.
Mais tout homme naît libre ; le fils d'un
citoyen, parvenu à l'âge de raifon, peut examiner
s'il lui convient de fe joindre à la fociété que
fa naiffance lui deftine. S'il ne trouve point qu'il
lui foit avantageux d'y relier , il eft le maître de
la quitter, en la dédommageant de ce qu'elle peut
avoir fait en fa faveur, & en confervant pour
elle, autant que fes nouveaux engagemens le lui
permettront, les fentimens de reconnoiffance &
d'amour qu'il lui doit. Au re lie , les obligations
d'un homme envers fa patrie, changent, s'altèrent
ou s’évanouiffent, s'il la quitte légitimement pour
en choifîr un autre, ou .s'il en eft chaffé à jufte
titre ou injuftement, dans les formes ou par violence.
Nous diftinguerons ici ce qui peut fe faire rî-
goureufement, & ce qui eft convenable. Tout
nomme a fans doute le drpit.de quitter fon pays
pour s'établir ailleurs, quand, par cette démarche
, il ne compromet point les intérêts de fa patrie
: & les intérêts du fouverain qui veut avoir
un fujet de plus, ne forment pas ici les intérêts
de la patrie ; fi on veut les confondre, il doit être
permis de dire qu'un fujet de plus fait peu de
bien à un éta?V% que le féjour forcé dans fa
patrie peut faire'beaucoup de mal à un individu
& caufer à jamais fon malheur, & que le'caleul
des proportions eft admiffible dans ce cas 8c de
droit naturel. Mais un bon Citoyen ne fe déterminera
jamais fans néceffité, ôu fans de très-forÉMI
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tes raifons, à quitter fa patrie. Il eft peu honnête
d'abufer de fa liberté, pour abandonner des af-
fociës, après avoir tiré d'eux des avantages con-
fidérables ; & c'eft le cas de tout citoyen avec fa
patrie. 1 1 ' A
Quant à ceux qui l’abandonnent lâchement dans
le péril, & Ijui cherchent à fe mettre en fureté ,
au lieu de la défendre , ils violent manifeftement
le paéte de fociété, qui oblige tous les membres
d’un corps politique à fe défendre mutuellement :
ce font d'infames déferteurs que 1 adminiftration a
droit de punir.
Les loix politiques des differens pays' varient
beaucoup au fujet des émigrations. Chez les uns,
il eft permis en tout temps, excepte le cas d une
guerre aéluelle, de s'abfenter & meme de quitter
entièrement fa patrie t ailleurs, tout le monde
peut voyager librement pour fes affaires ; mais on
ne peut abandonner fon pays, fans la {jermiflion
expreffe du fouverain. Enfin il en eft où l'on ne
permet à qui que ce foit de fortîr du pays, fans
des paffe-ports en forme, qui s'accordent affez
difficilement. A
Il eft des circonftances où le paéte même de la
fociété politique a.utorife un citoyen a renoncer a
fa patrie.
ï i° . S'il ne peut trouver fa fubfiftance dans fa
patrie , il lui eft permis fans doute de la chercher
ailleurs : car la fociété politique ou civile n'ayant
été formée que pour faciliter à chacun les moyens ;
de vivre & de fe faire un fort heureux, il fCroit
abfurde de refufer le droit de la quitter à un mem- j
bre, à qui elle ne pourra procurer les chofes les
plus néceffaires.
2°. Si le corps de la fociété, ou celui qui le
repréfente, manque à fes obligations envers un
citoyen, celui-ci peut fe retirer ; car fi l’un des
contraélanS n'obferve point fes engagemens, l'autre
n'eft plus obligé à remplir les fiens ; le contrat
eft réciproque entre la fociété & fes membres.
C ’eft d'après ce principe qu'on chaffe de la fociété
un membre qui en viole les loix. 3$ 3°. Si la majeure partie de la nation, ou le fouverain
qui la repréfente, veut établir des loix fur
des chofes, à l'égard defquelles le paéle de la fociété
n'impofe pa's la foumiffion à tous les citoyens
, ceux à qui ces loix déplaifent font en droit
de quitter la fociété pour s'établir ailleurs. Leur
droit d'émigration peut venir de diverfes fources.
i° . Dans .le cas que nous venons d'indiquer ,
c'eft un droit naturel qui lèur eft réfervé dans le
paéte même de l'affociation civile. ^
2°. Le droit d’ émigration peut être affuré aux
citoyens , par une loi fondamentale de l'état.
3°. Elle peut leur être accordée volontairement
par le fouVeraîn.
4°. Enfin ce droit peut naître de quelque traité
fait avec une puiffance étrangère, dans lequel un
fouverain aura promis de laiffer toute liberté à ceux
de fes fuj.ets q u i, pour certaine raifon, pour caufe
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de religion , par exemple, voudront s’établir en
tels pays. Les intérêts de religion ont donné lieu
à de pareils traités entre les princes d'Allemagne.
En Suiffe , un bourgeois de Berne, qui veut
fe tranfporter à Fribourg, & réciproquement un
bourgeois de Fribourg, qui Va s'établir à Berne
pour y profeffer la religion du pays, eft en droit
de quitter fa patrie & d'emporter tous fes biens.
Différais traits dé, l'Hiftoire, 8c.en particulier
de YHifloire des Suijfcs & des pays voifins, prouvent
que le droit des gens établi par la coutume
dans ces pays-là , il y a quelques iïècles, ne per-
mettoit pas à un état de recevoir, au nombre
de fes citoyens, les fujets d'un autre état. Cette
prohibition facheufe étoit fondée fur la fervitudè
où fe trouvoient alors ces peuplades. Un prince,
un feigneur comptoit fes fujets parmi fes propriétés
; il en calculoit le nombre , comme celui
de fes troupeaux ; .& , à la honte de l'humanité
, cet étrange abus n’eft pas encore détruit partout.
'
Si le fouverain .effaye de troubler ceux qui ont
le droit d‘émigration , il fait une injuftice, & les
individus qui l'éprouvent font en droit de réclamer
la protection de la puiffance qui voudra les
recevoir. C ’ eft ainfi que l'on a vu le roi de Pruffe
Frédéric-Guillaume accorder fa proteétion aux pro-
teftans émigrans de Salzbourg,
EM IR , titre que les turcs ou farrafins donnent
aux defeendans ou parens de Mahomet.
C e mot eft arabe, & il équivaut à prince ; i!
eft formé de amar, qui eft originairement hébreu,
& q u i, dans les deux langues , lignifie dire
8c commander.
Les émirs font en grande vénération, & ils ont
feuls le droit de porter un turban vert. Il y a fur
les. côtes de la Terre-fainte , des émirs qui font des
princes fouverains, comme l'émir de G ara , Y émir
de Terabée, fur lefquels le grand-feigneur a peu
d'autorité.
C e titre ne fe donnoit d’abord qu’aux califes.
On les appelloit auflî en Perfe émir [adeh , fils du
prince j & , par abréviation d’ émir, on fit mir,
& d’émir radech , mir\a. Dans la fuite, les califes
ayant pris le titre de Sultans , celui d’émir
demeura à leurs enfans. C e titre d’émir a été donné
enfuite à tous ceux qui font cenfés defeendre
de Mahomet par fa fille Fatima, & qui portent
le turban vert. _ /
Ces émirs étoient autrefois deftinés uniquement
au miniftèré de la religion, & l’état leur payoit
une penfion annuelle ; aujourd'hui on les voit exercer
toutes les charges de l'Empire ; -les magif-
tfrats, pénétrés de refpeél pour le fang de Mahomet
, n’ oferbient les punir. C e privilège eft rc-
fervé à l’ émir bachi leur c h e f, qui a fous lui dqs
officiers & des fatellites, avec pouvoir de vie &
de mort fur ceux qui lui font fournis ; mais, afin
de ne pas bleffer l’honnenr du corps, il ne fait
jamais punir les coupables, ni exécuter les, crimî