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» condamner, finon celui qui a dit qu’il eft la 33 juftice même ? 3» Mais il n'eft pas toujours rai-
fcnnable d'établir unfyftêmefur les propos flatteurs
d'un individu, & il eft difficile de croire
que les premiers francs , gouvernés peut-être def-
potiquement, aient reconnu le defpotifme de leur
prince.
Selon le même écrivain, les anciennes aflem-
blées générales de France a qu'on appelloit parlement
-, & qui portèrent neuf ou dix autres noms,
n'euretu jamais que voix confultative. Les étars-
generaux qui fuccédèrent, dans le commencement
du quatorzième fiècle, à cet ancien confeil
de la nation, n'agirent jamais avec la couronne
■ que par la voie des très-humbles remontrances.
I-es compagnies de judicature , q u i, fous le nom
de parlement, furent, & dans le même temps &
dans les fiècles poftérieurs , établies par nos rois,
confultées quelquefois par le fouverain, ,ne décidèrent
jamais par elles-mêmes que les procès
des particuliers , & n'exercèrent dans tous les cas
qu'une autorité émanée de la puifiance royale ,
toujours dépendante des rois.
Mais M .d e Réal ne prouve point du tout fon
opinion à l'égard des états-géneraux ; on démon-
treroit aifément qu'ils avoient une voix délibérative
fur beaucoup d'objets, & que leur autorité
en quelques points fe trouvoit fupérieure à celle
du prince , loin^de lui être fubordonnée. Ces détails
nous entraîneroient trop loin , & nous nous
contenterons de dire que les états - généraux ,
compofés des députés des trois ordres, le clergé ,
la nobleffe & le peuple, ont tenu leurs aflfem-
blées jufqu'en 1614 ; qu'on a cefle de les convoquer
depuis cette époque , & que le roi s'eft affranchi
des entraves qu'ils mettoient à fa puif-
fance ; qu'en certains cas néanmoins leur autorité
eft encore reconnue : il ne faut pas aflimiler aux
états-généraux les états qui s'aflemblent dans quelques
provinces, appellées payt d'état, telles que
la Bretagne , la Bourgogne , le Languedoc, l'Artois,
&c. Elles ontconfervé le privilège de délibérer
fur les prétentions du roi, fur-tout lorfqu'elles ont
pour objet de nouveaux impôts , & d e répartir & de
percevoir lesfommes accordées. Mais leurs délibérations
manquant de force coadive, le monarque
demeure toujours le maître ; & fi elles perfiftent
dans leurs remontrances , il termine la difeuffion
en développant fon autorité avec un peu plus d'appareil.
De la fuccejfion a la couronne. Les auteurs ne
font pas d'accord fur ce qui regarde la fucceffion
au royaume de France. Les uns prétendent
que la couronne étoit éleétive fous la. première
race de nos rois ; les autres qu’elle étoit héréditaire
fous la première race , éledive foüs la
fécondé , & qu'elle eft redevenue héréditaire fous
la troifième. Quelques - uns foutiennent qu'elle
étoit tout à-la-fois héréditaire & éledive 5 mais
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la plupart dlfent qu'après avoir été purement he-J
réditaire , elle eft devenue fucceflive.
Childeric , dernier roi de la race Carlovingîen-
ne , fut dépofé , & fon fils Thierry relégué dans
ua monaftere. Pépin rendit lui-même un témoignage
folemnel à la loi facrée de la fucceffion à
la couronne. Pour en impofer aux peuples * il
avoit folhcité & obtenu le fuffrage d'un pape ,
& bientôt après il demanda à un autre pape l'ab-
folution du parjure dont il s'étoit rendu coupable
envers fon roi légitime. Il eft clair qu'alors le
royaume étoit héréditaire ; & , s'il étoit héréditaire
à cette époque, il y a lieu depenfer qu'il
l'étoït auffi fous la première race. Il eft chargé
aujourd'hui d'une fubftitution en faveur des aines
mâles, & il fe trouve tout-à-la-fois héréditaire
& fucceffif. Mais à quelle époque précife eft-il
devenu fucceffif? C 'eft ce qu'il n'eft pas aifé de
dire :vil paroît feulement que cette fubftitution
s'eft établie fous la troifième race; c a r , durant
la première & la fécondé, les rois partageoient
à leur gré leurs domaines entre leurs enfans : l'a
ligne fucceflive que l'on appelle franfoife, gt
q u e , fui van fe, le langage des romains, on appelloit
agnatique, eft devenue la règle générale : nos
rois ont heureufement perdu l'avantage de pouvoir
difpofer de leurs états, & ils doivent laiflfer
leur couronne à leur fucceffeur , telle qu'ils l'ont
reçue.
Une coutume qui s'obferve depuis environ treize
fiècles , & qu'on ne retrouverôit point pilleurs
, exclut du trône/les filles & leurs défi-
cendans mâles ou femelles. Il n'y a point d'autre
monarchie en Europe où cette coutume -ait toujours
eu lieu, & elle a produit la dénomination,
de fucceffion françoife, dont nous venons d’e
parler. On la regarde comme la règle fondamentale
de la monarchie. On la défîgne auffi fous le
nom de loi falique , loi facrée, loi inviolable 3 loi
toujours refpeétée de la^nation, monument auffi
ancien que la monarchie, de ce courage qui ne
permet pas aux françois de vivre fous les loix
d'une femme, o u . d'obéir à un prince étranger.
Les auteurs françois - l'appel lent ; le fondement de
la monarchie , ouïe palladium de la France. -
Avant d'entrer dans des détails fur la loi fali-
que , nous obferverons que , malgré cette foule
d'ouvrages écrits fur la fucceffion à la couronne,
la queftion n'éft point du tout éclaircie.
Vous li fez dans quelques-uns que cette élection
du roi par les peuples, ajoutée au droit du fang
des princes qui obtenoient le trône fous la première
& fous la fécondé racé, n'étoit qu'une re-
connoiffance du droit fucceffif dès princes > faite
par les communes & les grands ; qu'à proprement
parler ce n'étoit point une éleélion , mais une Ample
approbation en fàreur des princes à qui la
couronne appartenoit de droit héréditaire, mais
une inauguration du monarque à fon avènement au
trône 5 que jamais la fucceffion héréditaire agna-
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tique n’ a varié fous aucune des trois races ; que
feulement les mâles partageoient entr’eux les divers
états de la monarchie, fous la première &
la fécondé race , au lieu que l'aîné^ a^ iuccéâé
feul dans la troifième , & que les puînés ont été
réduits à de fimples apanages, reverfibies à la
couronne au défaut d'héritiers mâles.
On trouve ailleurs chacune de ces propofitions
conteftée , & il ne feroit pas facile de débrouiller
un pareil cahos. Il faut qu'on ait jugé ces
échircifiemens inutiles; car les hommes qui ont
porté le plus de critique & de raifon dans ces
matières, n'ont pas même cherché à nous donner
là-deffiis des réfultats bien précis.
De la loi falique. La loi qui exclut les femmes
de la couronne de France, n'eft pas une loi formelle
, comme l'ont cru quelques écrivains, &
comme les gens du monde le répètent fans cefle ;
& cet article ne fe trouve pas dans les loix faliques.
L'origine des loix faliques & l'étymologie de leur
nom eft auffi peu connue. Les uns prétendent que
ce nom leur vient de Saligafl, qui en fut le compilateur;
d’autres le tirent du mot latin fala3 &
üippofènt que cette loi primitive des francs a été
faite dans les faites de quelques palais. Si l'on en
croit quelques-autres, les loix faliques ont pris
leur nom d'une bourgade appellée Salechia3 qu’ils
placent fur les rives de lTfiTel ou du Sal. L'opinion
la plus générale & la plus vraifemblable dé-_
riv.e le mot falique de ceux des francs qu'on appelloit
falient, & le nom de ceux-ci de la rivière
de Sala.
. Nous avons deux exemplaires des loix faliques,
qui font afîez conformes quant au fens ,
mais qui offrent des variantes dans les expreffions.
Le plus ancien a été imprimé d'après un manuf-
crît de l'abbaye de.Fulde. On trouve, dans 1a
plupart des articles , des mots barbares qui indiquent
les lieux où chaque décîfion a été prononcée.
On a fait l'autre édition , d'après la réforme
.de Chademagne ; celle-ci contient à la f in ,
des articles ajoutés par les rois de France Chil-
•debèrt & Clotaire. Ces deux exemplaires paroif-
Jfent être l'extrait d'un plus grand code ; car on
y trouve citées les loix faliques elles-mêmes,, &
certaines formules qu'on ne voit point & qu'on
ne trouve point ailleurs.
. On lit après les loix faliques une ordonnance
de Childebert, fuivie d’un accord entre CJhilde-
bert & Clotaire , où l’on voit que les loix faliques
eomprenoient foixante-dix-huit articles. On n'en
compte que foixante-onze dans les éditions qui
nous font parvenues. Les cinquante-fix premiers
ont rapport feulement à la peine de divers crimes
, du vol , des meurtres & des violences que
pouvoient commettre des peuples barbares réduits
à tirer leur fubfiftance du butin, de la chaffe &
de la pêche. Le cinquante-feptième & le cinquante-
huitième paroiffent avoir été ajoutés depuis la
ç.orwerfion de Clovis. Ils indiquent l'ordre ob-
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fervé pour la réda&ion de toutes ces loix ; car
on y trouve que Clovis avec fes francs a rédigé
la loi falique en foixante-dix-huit articles ; que
Childebert, auffi avec fes francs, en a ajouté fix
approuvés de Clotaire, & qu’enfin celui-ci en a
fait d'autres confirmés par Childebert fon ainé ,
& par les francs de fon royaume. Les empereurs
Charlemagne & Louis le Débonnaire fon fils expliquèrent
ces loix , & ils y inférèrent divers ré-
glemens , auxquels on devoit obéir comme à la loi
falique.
Le recueil des loix faliques doit avoir été fait
fous Clovis I ; car le chapitre qui traite de l’immunité
des églifes & de la confécration de leurs
miniftres , fuppofe la converfion de C lo v is , &c
il ne peut être poftérieur, puifque Childebert,
fon fils, y réforma quelques articles & en ajouta
de nouveaux. Ces deux obfervations fixent la date
du code falique ; mais plufieurs de fes articles
ont pii être promulgués & obfervés fous les pré-
décefleurs de Clovis , & dans le temps où les
francs fie formoient qu'une horde de foldats.
Le paragraphe 6 du chapitre 61e eft celui qu'011
appelle communément fo i falique par excellence.
C e chapitre a pour titre de l'Alleu. Voici tout
ce qu’il contient. I. Si quelqu'un meurt fans en-
fans , & que fon père & là mère lui furvivent,
fon père ou fa mère hériteront de lui. II. Si le
père ou la mère font morts , les frères & les
foeurs laifîes par le défunt obtiendront l'hérédité.
III. Si le mort n'a laiffé ni père, ni mère , ni
frères, ni foeurs, les foeurs du père en hérite-
ront. IV . S'il n'y a point de foeurs du père ,
l'héritage pafîera aux foeurs de la mère. V . A
leur défaut, les plus proches parens du côté paternel
fuccéderont. VI. Pour ce qui concerne la
terre falique . la femme n'aura aucune part de lhéritage
, mais i l appartiendra tout entier '3 & fant partage
, au mâle.
Ce dernier paragraphe eft devenu fi célèbre par
l’application qu'on en a faite à la couronne de
France , qu'on l'imprime en lettres majufcules dans
les éditions des loix faliques , même dans les éditions
qui fe font en pays étranger.
En fuppofant que le code des loix faliques eft
la compilation des loix des faliens, peuple qui
compofoit l'une des tribus des francs, & qui de-
volt avoir une prééminence fur les autres; (c a r
; Othon de Frifîngue appelle les faliens les plus nobles
d'entre les francs , & quelquefois on les a
nommés franct par excellence, ) ce n’étoit que
la loi des francs établis entre Cambrai & la Somme
, diftinguée de la loi ripuaire donnée à ceux
qui occupoient les bords du bas-Rhin & de la
baffe-Meufe. Elle n'a jamais pu contenir de dif-
pofition exprefîe fur l'ordre de la fucceffion à la
couronne de France ; car les loix faliques, fem-
blables en ce point aux coutumes particulières de
nos provinces , n'ayant été reconnues que d'une
partie' des françois , alors divifés en tribus, oa