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traité , les chofes au point où elles fe trouvoierit?
ou fera-t il permis d'en recueillir les fruits , en
même-temps qu'on relufe de le ratifier. Il faut
diftinguer ici la nature des chofes qui ont été
exécutées , 8c celle des avantages qui en font
revenus à l'état. Celui qui, ayant traité avec une
perlonne publique non munie de pouvoirs fufïi-
fans , exécute l'accord de fon côté 3 fans en attendre
la ratification 3 commet une imprudence
& une faute infigne, à laquelle l'état avec lequel
il c roit avoir contra&é, ne l'a point induit. S'il a
donné du fien , on ne peut le retenir en profitant
de fa fottife. Ainfi lorfqu'une nation, croyant
avoir fait la paix avec le général ennemi, a livré,
dkprès cette paix, une de fes places f ou donné
une fomme d'argent, le fouverain de ce général
doit fans doute reftituer ce qu'il a reçu, s'il ne
veut pas ratifier l’accord. En agir autrement, ce
feroit abufer des maximes cruelles d'une politique
audacieufe,
A l’exemple que nous avons tiré de l'hiftoire
romaine , ajoutons un autre exemple pris de t'hil-
toire moderne. Les fuiffes, mécontens de la France
, fe liguèrent avec l'empereur contre Louis XII,
8c firent une irruption en Bourgogne, l'an iyr3.
Ils afliégèrent Dijon. La Trimouille, qui com-
mandoit dans cette place, craignant de1 ne pouvoir
la fauver, traita avec les fuilfes, & , fans
attendre aucune çommiflîon du roi, fit un accord
, en vertu duquel le roi de France devoir
renoncer à fes prétentions au duché de Milan,
& payer aux fuiffes fix cens mille écus^ les fuiffes,
de leur-côté, ne s'obligèrent à autre chofe qu'à
retourner chez eux : enforte qu'ils étoient libres
d’attaquer de nouveau k France , s'ils le jugeoient
à propos. Ils reçurent des otages 8c partirent. Le
roi fut très-mécontent du traité : quoiqu'il eut
fauvé Dijon & préfervéle royaume d'un très-grand
danger, il refufa de le ratifier (i). Il eft certain
que la Trimouille avoit outrepaffé fes pouvoirs,
fur-tout en promettant que le roi de France re-
nonceroit au duché de Milan. Atiftî ne fe pro-
pofoit-il vraifemblablement que d’éloigner un ennemi
, plus aifé à furprendre dans une négociation
qu'à vaincre les armes à la main. Loafs XII
n'étoit point obligé de ratifier 8c d'exécuter un
traité fait fans ordre & fans pouvoirs 5 & fi les
fuiffes furent trompés > ils ne durent en aecufer
que leur imprudence. Mais , comme il paroït que
la Trimouille n'agit point avec eux de bonne-
foi , puifqu'il ufa de fupercherie au fujet des otages
, 8c qu'il donna en cette qualité, des gens
de 1a plus baffe condition, au lieu de quatre citoyens
diftingués qu'il avoit promis fi) , les fuiffes
auraient eu un jufte fujet de refufer la paix, à
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moins qirioîï né leur fît raifon de cettè perfidie £
en leur livrant celui qui en étoit l'auteur, ou de
quelqu’autre manière.
G È N E S , république d'Italie. Nous parlerons
i° . de la poiiHon, de l'étendue , des domaines*
des produirions & des villes de cette république 1
2°. nous ferons un précis de fon hiftoire politique
: 30. nous décrirons fon gouvernement , fon
adminiftration & fes lo ix , & nous parlerons des
nobles de Gênes : 40. de la banque S. George
8c des revenus de la république : $°. du commerce
: 6°. deJa population, de la marine8c des
forces de terre - de la république dé Gênes.,
S EC . T I O N P R E M I E R E .
De la pofition 3 de l'étendue y des domaines 3 des
productions & des villes de la république de
Gênes.
Les domaines de la république de Gênes font
fitués entre le Milanez , le bas-Montferrat, le
Piémont, les états du grand-duc', du duc de
Parme, du duc de Modene, & les principautés
de Monaco 8c Maffa-Carrara.
Ils étoient autrefois beaucoup plus confidéra-
blés qu'ils ne le font aujourd'hui- La valeur de
fes citoyens, leur commerce, leur opulence 8c
leur redoutable marine en avoienrreculé les bornes
jufqu'aux plages les plus lointaines. Non-feulement
elle poffédoit alors tout ce qui l'environne
j fa domination-s'étendoit fur toute la Ligurie
, une partie du Piémont, le marquifat de Final,
Carreto , fur Monaco , Sarzane, Livourne 8c le
comté de Nice j elle avoit conquis les files de
Corfe & de Chio ; elle-avoit des poffeflîonsv en
Tofcane, en Sardaigne , en Sicile , en Afrique ,
& fur-tout en Syrie, dans l’ifle de Chypre, dans
le Levant & dans la Crimée, ou Pera, Caffa 8c
d'autres villes étoie'nt des colonies génoifes. Mais
la puiffance de cette république eft tombée avec,
fa marine} elle pouvoit alors mettre aifément deux
cents voiles à la mer j elle avoit un grand nombre
d’établiffemens dans les contrées éloignées j elle
n’entretient plus aujourd'hui que. quelques galères
, & elle vfoit fon petit état reftreint à des
cotes fort étroites , 8e refferré de toute part par
la Méditerranée, le Piémont, 8c les autres états
qui l'environnent. Les' révolutions dans l'Europe
politique, la formation de phifieurs nouvelles
principautés, les conquêtes des turcs en Orient,
la décad’ence'du commerce du Levant, eau fée par
la découverte du nouveau-Monde', ont entraîné
k ruine de la puiffance 8c de la marine de la
république de Gênes. Peu à-peu la république de
.00 Voye\ Guichardin , liv. xh , chap. %, Hiftoire de la- confédération helvétique , par M. de Wattem-
Vihe , partie II, pag. 185 & fuiv;
(a.) r o y a l e môme ouvrage de M.-de Watteuville>, psg*. 190*
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ïlarenee , les ducs de Savoie g d’autres pulffan-'
ces 8c fur-tout les turcs , lui ont enleve lés do-
marnes qu’elle avoit conquis , & l’ont, rcdu'te a
ce que l’on appelle proprement l'état de Genes.
. De toutes fes anciennes poffeflions, 1 file çle
Corfe eft celle quelle a gardé le plus long-tems5
mais elle a fini par la céder à la France eni 760,
8c fon état fe trouve borné à lacote de Genes,
fubdivifée en deux autres côtes féparées par la
capitale qui eft au centre, 8c par la mer qui les
baigne. On les nomme , l'une côte occidentale ou ?
du ponent, 8c l'autre la côte orientale ow du levant.
Sa côte s'appelle aufli rivière de^ Gênes^ 3 a caufe
de fa configuration longue , étroite ocfemblable a
une rivière. : , ' . ,
Les principales Villes ou places qu on trouve
fur la côte du levant, font Porto-Fino, Ka-
pallo , Chiavari, Seitri, Levante, 1a Spezza ,
Luni, Porto-Venere 8c Lerici. On voit fur la
côte occidentale, Voltri, Arenzano , Varragine,
Savone, Vuada , Noli, Albenga 8c Vintimille.
Quelques unes de ces places font fortifiées , ou
ont des châteaux forts. La plupart offrent des
rades très-commodes aux vaiffeaux 8c font ou
pourroient devenir de bons ports. T.oute la côte
de Gênes, prife enfemble, contient quarante-fix
lieues dans fa plus grande longueur, 8c onze dans
fa plus grande largeur, qui_n eft en general que
de fix. à fept lieues.
Le fol de cette cote aride elt pierreux j fi produit
peu de bled , mais on y fait beaucoup hui- !
le : quoiqu’elle ne foit pas tres-bonne , c eft la
matière d’un grand commerce. Il y a auftî quelques
vignobles, fur-tout fur la partie du levant :
quelques-uns donnent, dit-on-, des vins mufeats
exquis., 8c des vins doux comparables^aux meilleurs
vins grecs. Il y a des diftrifts pleins d’orangers
, de citronniers 8c de cédrats, 8c fur-tout
dans les environs de la petite ville de San-Rern.o ,
dont le terroir produit une quantité etonnante de
palpiiers , qu’on y vient chercher de fort loin,
8c même de Rome ,• pour la proceffion du dimanche
des rameaux. La vue 8c 1 odoratl font
fatisfaits, lorfque le printemps 8c l’automne^ y
déploient les richeffes de 1a nature, 8c que Pair
y eft embaumé par les douces odeurs qu exhalent
les fleurs ou les fruits de ces arbres précieux.
Le territoire de Gênes produit aufli des mûriers
en abondance 5 mais les fabriques du pays rirent
plus de foies de l’étrajnger , qu’elles n’en achètent
des nationaux.
Les domaines de la république comprennent
aufli les petits comtés de Vintimille 8c de Lava-
gne, 8c les marquifats de Final 8c de Zucca-
rello j 8c en qyittant les bords de la mer , on
trouve plufieurs vallées , en tri autres celles de Pol-
cevera , de Bifagno, d’Arocia 8c de T.eia : Gênes,
outre les places dont nous avons parlé , en a quelques
autres fortifiées ou non fortifiées, dont les
plus remarquables font Final * Caftel-Vecchio >
'G Ê N p i
Züccarellô 3 O vad a, Roccatagliata , Caftiglio-
ne , N o v i , Gari 8c fon château, Saffello , 1 re-
K la. Piè v e , 8cc.
Gènes poffède encore la petite me de Gapraia y
fituée prefque vis-à-vis belle de Corfe , 8c qui n a
que quatre lieues de tour : elle eft a huit lieues
de 'la Corfe 8c à trente-huit lieues de Gênes. La
France lui en a affuré 1a poffeflion par le traite
de 1768. Cette ifle eft peu de chofe. Voye1 1 article
C a p r A y a . . >/ • t
La ville de Gênes eft très-ancienne : c etoit la
principale ville 3 8c peut-être même 1a capitale^ de
l'ancienne Ligurie, les romains en firent une,de
leurs villes municipales. Son commerce etoit déjà
confidérable fous leur domination . 8c eHe etoit
renommée par fon opulence 5 • les carthaginois la
pillèrent 8c la -, brûlèrent, pendant la fe.conde
guerre punique , fous le general Magon. EHe fut
enfuite rebâtie par les romains avec plus de fplen-
deur qu’auparavant. Tite-Live en parle fouvent,
■ ainfi que de fes habitans j 8c Strabon 1 appelle
■ imperium totius Ligurie.
Elle pccupe un terrein immenfe , Se elle eft
environnée de remparts conrtruits fur les rochers,
ou taillés, dans l'e r o c , ainfi que les foffés qui
bordent ces ouvrages. Ils enferment toutes, les hauteurs
qui dominent ,1a ville ; ils font garnis d une
multitude de retranchemens & d’ouvrages' extérieurs
3 & de 2 yo pièces de canons de divers
calibres. Les principales de ces fortifications font
le fort appelle le Diamant 3 celui des Dcux~Freres .
& le ballion du Sperme ou de l’ Eperon , qui fait
l’angle des remparts. L ’enceinte extérieure des
murailles qu’on a commencées ,en 1616 & achevées
en 1633 , & qui ont coûté des fommes
immenfes, forme un circuit de huit-milles 3 ou
de quatre lieues de France.
S e c t i o n I I e.
Précis de l'kijloire politique de Gênes.
Gênes ; dont pfl ignore l’origine , fut prife &
brûlée par les carthaginois, comme nous le di-
fions tout-à-l’heure ; elle fut, rebâtie par tes romains
, & elle obéit fept cens ans .aux loix de
cette républiqueou à celles des empereurs.
Vers l’année 774 de Fête chrétienne , lorfque
Charlemagne eut détruit le royaume & la puiffance
des lombards Gênes devint une des villes
du royaume d’Italie, que ce prince donna a Pépin
, fon fils aîné. Jufques là tout ce que l’on
ifa it confufém'ent, c’eft quelle fuivit le fort de
j fes maîtres , & tu t , ainfi que l’Empire romain ,
la proie de différentes hordes de brigands x fortis
du fond du nord, qui fe'répandirent en Italie.
| Gênes, la première ville qu’on’tro.uvoiî a la de -
I cente de l’Apennin , expo,fée fans défenles aux
I invalîons dé ces barbares, lut toujours, par &