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rois de Rome n’exercèrent fûremeiit pas une autorité
abfolue.
Les confuis acquéroient , par le droit de leurs
charges , celui d’exercer des fondions que Yempereur
fembloit n’exercer que par une grâce du
fénat. Les premiers, dès qu’ils étoient iriftallés,
quelquefois même dès qu’ils avoient été défignés,
jouifloient du droit de rapporter. L ’empereur n’en
jouifïoit que quand le fénat le lui avoir donné ,
& feulement pour autant d’ affaires que cette con-
«effion leportoit.Dion nous apprend qu’Augufte ne
pouvoit rapporter qu’une feule affaire , lorfque le
fénat s’aflembloit.
C e droit de rapporter étant une portion de la
puiffance confulaire, c’eft-à-dire. royale, on ne
l ’accordoit aux empereurs qu’avec beaucoup de ré-
ferve. Probus le reçut pour trois affaires,' Perti-
nax pour quatre , M. Antonin pour cinq. Mais à
quoi fervoient ces vaines précautions, puifqu’ on
négligeoit les chofes importantes ? |
A fin , difent les hiftoriens, que Y empereur n’ignorât
point qu’il l’étoit pour l ’intérêt de la patrie
& non pour le lien propre , le fénat lui ac-
cordoit le même honneur que Cicéron, fauveur
de Rome , avoir reçu de Catulus 5 c’ eft-â-dire, le
nom de père de la patrie : par. ce titre , le peuple
étoit fimplement recommandé au prince, comme
une famille à la tendreffe d’ un pere, & chaque
citoyen fe regardoit comme fon enfant, & jouif-
foit de fes fervices & de fes travaux. La flatterie
y ajouta enfuite une portion de l’autorité paternelle
} ce qui confîftoit peut-être à exhorter & à
avertir les citoyens. T ibere, qui jouoit la modeftie
avec plus de nneffe que perfonne, qui étoit plus
avide de pouvoirs réels que de titres éclatans ,
refufa le nom de pere de la patrie : il dit pour
prétexte qu’ il exciteroit trop l’envie. Adrien, à
l’ exemple d’Augufte qui ne l’avoit pris que tard,
ne l ’accepta qu’après plufîeurs années de règne :
ce titre , dans fon origine, ne donna pas une
augmentation de pouvoir j c’étoit feulement un
témoignage complet des fervices rendus à la patrie.
Afin que Y empereur ]omt des droits du fénat,
& qu’ il foutînt la majefté d’ un ordre, dont il ti-
roit la fienne, il devenoit fénateur dès l’ inftant de
fa création, s’il ne l’étoit pas auparavant } le fénat
& lui étoient cenfés ne faire qu’un feul corps
pour le gouvernement du monde. C e partage d’au- i
torité, entre l’empereur & le fénat, étoit fi odieux
à Néron , que Vatinius lui difoit pour le flatter :
« je te hais, C é fa r , parce que tu es fénateur».
L ’orgueil des empereurs étoit bleffé de ne pouvoir
faire en qualité de princes plufîeurs chofes qui
leur étoient permifes en qualité de fénateurs. $
Le titre d’ augufte n’ajoutoit rien à la puiffance
de ceux qu’on élevoit à l’Empire j mais il ajou-
toit quelque chofe à la vénération du peuple. Oc tave
eût rougi de prendre le nom de Romutus ;
mais il prit le nom d’Augufte 3 qui paffa à- fes fuc- ;
ceffeurs aveclefurnom de Céfar. Le prince , dé-
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[ fîghé pour l’Empire, fut enfuite appelle Céfar ÿ
tk celui qui y étoit «élevé , fut appelle Augufie.
Em pe r eu r d’ Allemagne 5 c’eft le prince devenu
chef du corps germanique par le fuffrage libre
des électeurs, proclamé enfuite, couronné &
reconnu dans l’Empire.
La feétion 9e de l’ article A llemagne traite de
1 élection . de l’empereur, de fon couronnement,
de fes prérogatives, de fon revenu, &c. & nous
ajouterons ici de nouveaux détails.
On te reconnoît plus, dans les capitulations &
les conditions qu’on impofe maintenant au chef du
corps germanique, les formes fimples & bruf-
ques, par lefquelles les princes, dont ce chef
prend la place & les titres, arrivoient au trône
impérial ; l’on n’y reconnoit pas les mefpres, tantôt
calmes, tantôt orageufes, par lefquelles s’élevèrent
les maîtres de l’Empire, tombé avec Au-
guftule dans le cinquième fiècle, ou Charlemagne
qui renouvella cet Empire au commencement du
huitième. Le fang - froid, la réflexion, la liberté
préfident aujourd’hui à l’éleélion de Yempereuf d’A llemagne
; & fi ce prince ne paroît pas jouir d’autant
d’autorité que fes prédéceffeurs , il femble ,
aux yeux de la raifon , l’emporter fur eux en dignité.
La Bulle-d’or & les autres documens impériaux
relatifs â l’élèétion, n’ont fait que changer ou déterminer
fes formalités : l’élèétion en elle - même
exiftoit avant, ces documens } elle devançoit de
plufîeurs fiècles l’ établiffement dii collège électoral}
il y a plus j on ne comptoit pas quatre-vingt ans
depnis la mort de Charlemagne , lorfque les allemands
, reprenant l’antique ufage de leur pays >
fe donnèrent un chef de leur propre choix 5 leurs
fuffrâges tombèrent en 888 fur Arnould , le pénultième
des empereurs carlovingiens. Son fils Louis
fut fon fuçceffeur, & il fut élu de la même manière.
Conrad de Franconie, élevé an trône l’an
9 1 2 , fut choifî, difent les hiftoriens , par les états
divifés en deux clafles > favoir , celle des faxons ,
& celle des francs.orientaux. C elle-ci comprenoit
les peuples de Bavière, de Suabe de Franconie
& du Rhin : Henri l’Oifeleur , couronné l’an 919 ,
fut élu par les fuffrâges du clergé, de la haute
nobleffe & des généraux d’armée j & Othon le
grand, parvenu à l’Empire l’an 936» déclare lui-
même , dans un diplôme donné à l’abbaye de
Quedlimbourg l’an 9 3 7, que « c eft au choix des
» états,. & non point à la force de fes droits hé-
» réditaires;, qu’il eft redevable de fa dignité».
Le même Othon obtint des états, Tan 961 , que fon
fils lui fuccederoit } & celui-ci pourvut de la même
manière à l’ élévation du -lien-, l’an 982. Tl fuit de
ces exemples anciens, confirmés jufqmà nos jours,,
que Tun des premiers attributs de l’empire d’Allemagne
eft d’ être éleéïif.
-Ce choix, quant à la manière de le faire, n’a
pas été de tout temps le même. Nous avons déjà
<lit qu'avant la bulle d’or, les formalités n’étoîent pas
déterminées. Sous les empereurs de la race faxonne,
qui fe terminèrent à Henri I I , fous ceux de la race
de Franconie, qui finirent avec Lothaire I I , fous
ceux de la race de Suabe, dont Conrad IV fut
le dernier , fous Guillaume de Hollande 3 fous
Richard de Cornouailles, fous Rodolphe d Habsbourg,
fous Adolphe de Naffau, fous Albert 13
fous Henri VII & fous Louis V , les états aflern-
blés en diète, procédoient à l’élèétion , foit en
corps, foit par le miniftère des principaux d en-
tr’eux , munis du jus pr&taxationis , & t°o)°uJs a
la pluralité des voix. Enfin , fous Charles IV ,
auteur de la Bulle-d’o r , le collège ele&oral prit
confiftance, & depuis l’an 1 y 19 , epoque de 1 élection
de Charles - Q uin t, fes- droits ont ete augmentés
ou confirmés dans toutes les capitulations
impériales.
Lorfque le collège éleétoral eft en activité ,
la capitulation à propofer au futur empereur
eft un des premiers objets de fes délibérations ,
& l’on conçoit:qu’ elle n’ eft pas toujours rédigée
fans débats : on fait que les éleéteurs fe font approprié
le droit exclufif de la rédiger, au grand
regret des autres états de l’Empire 5 aufli, pour
cet ouvrage important , les électeurs preffenrent-
ils les difpofitions des divers princes de l’Empire }
& cet ouvrage ne peut-être confommé dans peu
de jours. -.. . , ,
qu’on défigna pour empereur, Jofeph I , qui n’a-
voit que douze ans : au refte, on ftipula alors,
que fi l'empereur Léopold venoit àmourir .avant
que Jofeph eût atteint fa dix-huitième année, les
vicaires de l'Empire gouverneroient fous fon nom.
Si la bulle d’ or garde le filence fur les qualités
de l'empereur qu'il faut élire, elle ne le garde pas
fur les cérémonies qui doivent accompagner fon
'élection : elle les décrit dans toute, la-longueur du
ftyle diplomatique ; & l'on peut dire aufli quelles
s'exécutent avec une exaélitude fcrupuleufe. Les
fermens font très-multipliés. Dans l’églife, où fe
font rendus en proceffion pompeufe les élefleurs
catholiques) ou leurs ambafiadeurS) pour entendre
la meflfé, & où vont les joindre, après le fervice>
les éleéteurs prpteftans , ou leurs ambaffadeurs ;>
on jure d'abord de donner fa voix au candidat le
plus digne. Au fortir de cette églife, & en entrant
Si l’on demande quelles^ font les qualités du
prince, fur qui le choix des.électeurs doit tomber ;
quelles vertus il. doit avoir 5 de quel âge , de quelle
religion, de quel pays, de quel rang il doit etre }
nous répondrons que par une négligence affez fin-
gulière, les loix germaniques n’ont rien ftatue dè
bien précis ou de bien fur là-deflus. Le législateur
femble avoir voulu biffer la décifion de ces points au
collège éleétoral, ou s’en rapporter aux idées fan- '
tafques des doéteurs en droit public > il prononce !
vaguement qu’il faut choifir pour empereur un ;
homme jufte, bon & capable ne rendre des fer- ;
vices à l’Empire : il ne parle ni de l’âge , ni de
la religion} il ne fait point*mention du pays ou
du rang dans lequel il doit être né : il y a plus,
il ne dit rien de pofitif fur fon fexe, & rien n’ indique
dans les conftitutions , fi un féculier doit
être préférc-à un eccléfiaftique. Mais l’ufage donne
des notions plus claires & plus détaillées que la
lo i} il indique affez quel eft le fyftême;germanique
fur tous ces points : l’ on n’a pas encore vu
le choix des éleéteurs tomber fur une femme} fur
un prêtre, ou fur un prince non catholique : depuis
long - temps , on n’élit pour empereurs que
des princes puiffans par eux-mêmes ou par leurs
alliances } & quant à leur pays natal , on ne parut
pas fe reftreindre rigoureufement à l’Allemagne,
lorfque l’ on mit fur le trône Charles-Quint, en
i f 19 , & François I , en 1745. On ne parut pas
non plus confidérer beaucoup fon âge, lorfqu’en
1690, ou nomma roi des romains, c’eft-à-dir.e,
dans la chapelle, ou falle d'éleélion, chacun
jure en général de iè foumettre à la pluralité des
voix ; & les éleéteurs féculiers jurent de plus ,
d’agréer la capitulation impériale, fi les fumages
viennent fur l’un d’entr'eux. Un quatrième ferment
ell prêté par l'empereur élu ) s'il fe trouve à la
diète ) & par: fon ambaffadeur, s'il elt abfent, &
ce ferment a encore rapport à la capitulation impériale;
il fe prête au moment même où l ’éleétion
vient d’être déclarée, & la fignature de l'élu ou
de fon repréfentant le confirme.
Quand l'élèétion eft achevée, on fait entrer dans
le lieu de l ’aflemblée des notaires & témoins ; on
dreffe un aéte qui eft ligné & muni du fceau de
chacun .des éleéteurs. La bulle d'or réduit les électeurs
au pain & à l'eau , fi l'élèétion n'eft^ pas
faite dans l'efpace de trente jours. Dès que l'élection
eft finie, on la fait annoncer dans la principale
églife de la ville. : . ^
Lors du couronnement , l’ empereur prête un
ferment , conçu à-peu-près en ces termes : Je
promets devant Dieu O fes. anges d’obferver les loix ,
de rendre la juftice , de cpnferver les droits de ma
■ douronne , de rendre les honneurs convenables au pon~
tife\ romain , ' aux autres prélats & à mes vajfaux ,
de conferver a Véglife.les biens qui lui ont été donnés;■
.ainfi , Dieu me foit en aide, & c . L ’archevêque ,
chargé de la cérémonie du couronnement, lui demande
, s'il veut conferver &* pratiquer la religion,
catholique (/. apoftolique ; être le défenfeur & le protecteur
de Véglife .& de fes mimftres ; gouverner
fuivant les loix de la juftice., le royaume que Dieu
lui a confié, & le défendre efficacement ; tâcher de
recouvrer lés biens de l'Empire qui ont été démembrés
ou envahis ; enfin , s'il veut être le défenfeur
& le juge du pauvre cpmme du riche, de La veuve
& de l'orphelin ? A toutes ces demandes , Y empereur
répond volo, je le veux.
Les empereurs , après avoir été couronnés en
Allemagne, alloient autrefois fe faire couronner
à Rome, comme rois des romains ; c’ eft ce qu’on
appelloit l’ expédition romaine ; ils alloient aufli à
L i a .