
précifément & uniquement parce qu’on en a be-
foin. Chaque fouverain en tait ufage j il eft ainfi
devenu réciproque, & il paroît qu’aucun état ne
doit é'en plaindre. Si des raifons , tirées du droit
naturel ou des loix de l'honneur, pouvoient balancer
les raifons plus impofantes, tirées de l'ufage
& des conventions tacites, que femble produire
l'etat de guerre , on diroit, que peut être X embargo
permis fur les navires nationaux , parce que le
fouverain eft le maître d'employer tout ce qui peut
concourir à la défenfe ou à la gloire de la nation,
mais qu'il n’en elt pas de même des navires étrangers'
qui arrivent dans un port fous la foi du commerce.
EM ÉR AN ( Saint- ) , abbaye princière d’Allemagne.
C'eft une abbaye de Bénédittins qui elt
fituée dans la ville impériale de Ratisbonne.
L ’empereur Charles VI confirma, en 17 3 13 aux
abbés de Saint-Eméran, la dignité de prince, dont
il paroît qu'ils furent inveftis par l'empereur A lbert.
Le titre de l'abbé eft N . par la grâce de
Dieu , prince du faint-Empire romain , abbé de
Saint - Emêran , abbaye exempte & immédiate.
Il liège à la diète de l'Empire , parmi les
prélats , fur le banc du Rhin, entre l’abbé de
Miinfter , dit de Saint - Corneille , & l'abbelfe
d'Efen j & dans les aflemblées du cercle de Bavière
3 il a voix & féance fur le banc eccléfiafti-
que, entre le prévôt de Berchtolfgaden & l'abbelfe
de Niedermünfter. Sa taxe matriculaire a été fixée
en 1682, à '32 florins. Son contingent pour l’entretien,
de la chambre impériale elt de 87 rixdales,
83 \ kr. Les ducs de Bavière font patrons &
protecteurs de l’abbaye pour les terres fituées
en Bavière ; ce font les meilleures & les plus con-
fidérables que pofsède l'abbaye.
ÉM EU TE . \Jémeute eft un concours d’hommes
qui s’afiemblent- tumultuairement, & n’écoutent
plus la voix des magiftrats, foit qu’ils en veuillent
à leurs fupérieurs eux - mêmes , ou feulement à
quelques particuliers. Les émeutes ont lieu, quand
le peuple fe croit v e x é } elles font produites fur-
tout par ceux qui lèvent les impôts. Si les mé-
contens fe plaignent des magiftrats, ou des autres
dépofitaires de l'autorité publique , & s’ils en
viennent jufqu’ à une défobéiflance formelle , ou
aux voies de. fait j Xémeute devient une Jédition.
Voye1 ce mot. Si Je mal s’étend > s’il gagne un ,
grand nombre de citoyens à la ville ou dans les
provinces, & s’il fe foutient-, de manière que le
fouverain lui-même ne foit plus ob éi, on donne
à ce défordre le nom de foulévement. Voye^ So u l
è v em e n t .
Ces violences troublent l ’ordre public, & on
les regarde comme des crimes d’éta t, lors même
qu'il y a de juftes fujets de plainte : car les voies
de fait font interdites dans la fociété civile. Ceux
qu'on vexe-, doivent s'adreffer aux magiftrats, &
s’ils n’ en obtiennent pas juftice, ils font réduits
à chercher des moyens d.e porter leurs réclamations
au pied du trône. Le citoyen doit même
fouflfrir patiemment des maux fupportables, plutôt
que de troubler la paix publique > & dans les
pa^s qui confervent le plus de liberté, il n’y a
qu un déni de juftice de la part du fouverain, ou
des delais affe&és , qui fembleroient pouvoir ex-
cuferl emportement d’un peuple pouffé à bout, s’il
peut jamais être excufé.
EM IG R A T IO N , f. f. , du latin migrare ,
fortir , abandon que des hommes 3 des familles ,
des peuples font de leur pays pour pafïèr dans
un ?Vtr.e Pour habiter une nouvelle terre.
L ‘émigration eft toujours un grand malheur pouf
1 homme qui l 'embraffe comme dernière relfource
contre le mal-aife & la crainte infupportable de
la misère.
Les voyages j les conrfes, les travaux, les périls, .
la defertion, .tout cela eft dans le naturel de l'homme
porté aux tentatives hafardeufes & à un genre
de vie aventurier , non-feulement par le defir de
vpn de nouveaux objets & par l'efpérance vague
d améliorer fon état, mais encore par une certaine
inquiétude libertine & vagabonde, ordinaire
fur-tout dans la jeunelfe. Mais Vémigration eft
autre chofe : c eft la démiflion volontaire de fon
droit d'habitant & de citoyen , c’eft le délaiffe-
ment de fa patrie, de fes autels, de fes foyers,
du clocher de fa paroiffe, des divers afpeéts de
renfeignement habituel, des fontaines, des bois,
des chemins, des marchés, des lieux où l'on folâtra
dans fon enfance, du langage, des noms de
baptême & de parenté , & du fouvenir mis fur
la tombe de fa mère. Le délaiftement de tous ces
objets, chers à notre mémoire, fait par des hommes
(impies , qui ne jouiffent jamais que de ces chofes
& les quittent pour ne plus les retrouva;, fur de
foibles efpérances, fouvent réputées vaines par les
(migrons eux-mêmes, dénués d’ailleurs de forces,
de courage & de connoilfances pour fe tranfpor-
ter dans une terre, abfolument étrangère , n'eft-ce
pas, au fond, le comble des calamités?
On connoit la maladie du pays , invincible pour
un temps. Elle eft prefque générale parmi les
hommes, (bit policés, foit barbares-, & même
plus inévitable chez ces derniers. Geci feroit croire
qu elle tient aux habitudes & aux coutumes plus
(impies & plus tranchantes, en raifon de ce que
les peuples font plus greffiers ; mais fi l'on veut
en rechercher le principe, on trouvera que c’ eft
une fuite du penchant donné à l’homme par la
nature pour accroître fes appartenances, c'eft-à-
dire, le defir fecret d’attirer tout à foi. Jamais on
n’en fut plus près que dans l’enfance ; les foins
empreffés d’un rufé courtifan ne fauroient approcher
dés attentions d’une mère, d’une nourrice
pour fon enfant. Le plus pauvre eut une mère qui
le foignoit, en raifon de ce qu'il étoït plus petit
& plus pauvre ; il eut un afyle où il co'mmandoit
en maître. Les enfans des riches & des grands font
moins fujets à la maladie du pays que les pauvres,
comme ayant été tenus dès l'enfance dans la fervitude
qu'ils retrouvoient par-tout. Mais les pauvres
fe fouviennent. avec d’autant plus de- prédilection
des lieux où ils furent quelque chofe ,
qu’ils ne font plus , rien nulle part.
C'eft à ce fouvenir même que renonce l’homme
qui fe détermine à Xémigration. Combien l'effort
ne doit-il pas être grand ? Combien la néceflité
ne doit-elle pas être impérieufe ? Et les princes
& les gouverneurs ofent, de fang-froid, ordonner
des précautions fur leurs frontières, pour empêcher
les émigrations & arrêter les émigrans. En
fau t- il enfuite pour empêcher des nationaux de
quitter en famille un pays naturellement difficile
& même ingrat ? Cela ne me paroît pas fuivant
l ’ordre. Je dis plus > dès qu'un homme eft abfo-
lumenc miférable en un pays, & qu'il n’y trouve
pas de reffourçes pour fa fubfiftance , au moyen
de l'offre & de lechange de fon travail, c'eft un
bonheur qu’il en forte > car il eft alors une portion
de la population en non valeur, & par confisquent,
à charge à lui-même, à fes voifins &
à l’état.
Alfurément, c’ eft la faute dès .arrangemens humains
, & un effet du défordre politique , quand
cela arrive > c a r , félon l'ordre, il ne naît point
d’homme, que fon patrimoine ne naiffe & ne
croiffe en quelque forte auprès de lui. IL reçoit
les premières avances qu'exige fon enfance de fes
parens , aidés, s'ils font trop pauvres, par la charité
des voifins. En croiffant, il devient de quelque
utilité au fein d'une fociété, ardente à tout
travail, éveillée à toute induftrie , & les avances
de fa fubfiftance diminuent de leur poids en raifon
de ce que fon petit fecours apporte d'aide au
travail. Adulte, il ambitionne, il imite , il fupplée -
& embraffe les travaux de l’âge viril, & dès-lors,
les avances ceffent, jufqu'à. ce que parvenu à l'âge
de la force & de l'intelligence, il gagne par fon
travail de quoi rendre peu-à-peu les avances qu'il a
reçues, en foutenant la vieillefle de fes bienfaiteurs, j
ou en épargnant de quoi devenir lui-même père
de famille laborieux, confiant & induftrieux.
Telle eft la marche de la fociété, civile d’abord, 1
induftrieufe enfuite , complette enfin-, politique,
infimité , éclairée, telle e f t , dis-je , la marche ,
fociale, félon l’ordre, c'eft-à-dire , livrée à l’im-
pulfion des loix de la nature. Mais pour cela, il
faut que le cercle naturel des travaux & des dé-
penfes ait fon libre cours, & que rien, dans les i
opinions, ni dans les aéles, ne contrarie l'ordre !
naturel légal.
Par cet ordre , & félon cet ordre , la culture
eft le centre commun, à l’avantage duquel fe rapportent
tous le« travaux , attendu que toutes les
richeffes fortent de - là , comme tous les befoins
partent du befôin de la fubfiftance. Selon cet ordre
, tout aboutit à la richeffe ou à l'aifance des
propriétaires fonciers & à' leur propenfion naturelle
à employer leurs moyens à l’amélioration de
leurs fonds, qui font la fource de leurs richeffes
& du bien-être général & particulier de la fociété#
Si au- lieu de cela , le; fafte des cours & les
bienfaits prodigués, fi les amufemens oifeux
corrupteurs des villes induifent tous les grands
propriétaires à dédaigner leurs domaines & à venir
fe ruiner dans le luxe & la molleffe de la capitale
y fi les rentes multipliées féparent les revenus
de leur fource, de manière qu’ils paffent dans des
mains qui ignorent même d’où ils viennent , &
qui n’y prennent aucun intérêt, que les plus fages
pères de famille regardent leurs fonds comme la
partie la plus onéreufe de leur patrimoine ; fi l’opinion
générale, égarée par l’exemple des fortunes
& des prééminences à brevets, porte le plus grand
nombre des citoyens à acheter & à fuivre des
emplois qui les éloignent de leur domicile ; enfin ,
fi le fife dérouté & l ’impôt indirect, fi favorable
à la rapine & fi ruineux, interceptent les racines
du commerce, arrêtent & rançonnent la production
aux portes de la confommation , & barrent-
ainfi toute l’induftrie des campagnes } tout s’appauvrit
, & l’ignorance, la parefle , le découragement
, font les fuites inféparables de la misère.
Les petits propriétaires ruraux, qui font exactement
les feuls réfidents & vraiment utiles , de
même que les forts entrepreneurs de culture , ces
colonnes d’état, qui ne peuvent exploiter que les
grandes terre$ à portée des grands débouchés, ne
fauroient fe foutenir dans leur exploitation fans
le fecours 'du commerce rural S
Si ce commerce manque ou déchoit , que
devient alors la population du peuple auxiliaire
de l’agriculture ? Ces hommes précieux, accoutumés
à la fatigue & au labeur, qu’on appelle
manoeuvres , languiffent dans- leurs foyers deferts ;
tout au plus on les appelle pour les fauches &:
les récoltes, & on les nourrit alors comme ces
chevaux, auxquels on double l’avoine pour leur
donner le moyen de faire une courfe forcée. C e
contrafte d’un long repos & d’ un travail pénible
& infolite les difpofe aux maladies ; ils retournent
languir dans leurs chaumières , fans fecours,
fans trouver du travail dans les journées d’hyver,
& l’ impôt arbitraire vient encore achever de les
épuifer & confomme leur ruine. Que peuvent devenir
alors ces malheureux & leurs familles, bannis
du cercle des travaux & des dépenfesT des
voleurs & des mendians. Tout homme eft nui-
fible à la fociété, s’ il ne peut dépenfer. Le travail
, fonds primitif de toutes les dépenfes quelconques
, leur eft refufé. C e fopt donc des hommes
réduits à être nuifibles, & il eft heureux d’en
être débarrafle.
Mais, dira-t-on, cela fournit des hommes pour
l’état & le fervice des particuliers* Soyez en état
de folder d^s hommes , vous n’en manquerez jamais
pour vos travaux & pour votre défenfe.
Ayez des hommes fans folde , vous n’aurez que
des ennemis.
Reftent enfin les cultures privilégiées , les vi