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marcher contre Louis , dauphin de France , qui
venoit au fecours des ducs. Une conduite fi prudente
mécontenta les alliés y 8C des convulfions
intérieures mirent F/i bourg dans de plus grands
dangers encore.
L Jimpu!fion alors générale en Europe , 8c qui
tendoit à une révolution progreffive par rémancipation
des communes, & l'abasâement de la no-
blefie , ne pouvoit manquer de produire une di-
vifion des efprits à Fribourg. L'attachement pour
les ducs d'Autriche Tes anciens maîtres, l'habitude
de faire la guerre en leur faveur, le reSentiment
des dommages ou des offeofes reçues par
les bernois ou leurs alliés, formoient les principes
d'un parti L'exemple des füçcès des peuples
ligués pour la défenfe de la liberté , le éefir fi
naturel de l'indépendanceencouragé par l'épui-
fement fenfible des forces & du crédit de la mai-
fon d'Autriche dans la Suiffe, l'intérêt puiffant
de la paix avec les voifîns, tous ces motifs agif-
foient à-la-fois fur un autre parti, plus nombreux
peut-être, mais moins appuyé par les perfonnes
en place.-
Un, avoyer de-Fribourg ayant été dépofé , pour
avoir favorifé l’évafion d'un prisonnier qui j di-
foit-on, lui avoir donné de l ’argent,. fe réfugia
auprès d'e Louis , duc de Savoie , fon ûizerain,
qui fongeoit à s'emparer d'une ville que la maifon
d Autriche alloit perdre. Enhardi par cette protection
, il dreffa des embûches à fes accufateurs $
an de fes émiffaires fut pris 8c écartelé. Le duc
Albert d'Autriche députa à Geneve pour calmer
le duc de Savoie ; celui-ci forma diverfes plaintes
, & rien ne fut terminé. Les fribousgeois ,
fentant la foibleffe de la protection de leur maître
, s'adrçfferent inutilement aux cantons fuiffes 8c au faint-fiège. Enfin , les hoiîilités étant prêtes
à commencer , Albert ne leur envoya d'autre fecours
qu'un officier de confiance, pour commander
les milices de Fribourg. La- guerre eut lieu ,
& bientôt le peuple , las de vivre dans l'inquiétude
, dé, combattre & de payer des contributions,
excité pat les chefs du parti mécontent, força le
confeil dè ville à conclure la paix , malgré la
défenfe pofitive du duc d'Autriche, qui n'étoit
appuyé d'aucune protection utile. Fribourg con-
fentit de donner fatisfaCtion à tous fes ennemis,
même à fon avoyer exilé.
Après cet accommodement forcé, le magiftrat
voulant prolonger les impôts pour payer les dettes
publiques > les bourgeois & les communes de
la campagne s'y refufèrent de concert, fous prétexte
qu'ils fe trouvoient épuifé's 5 ils menacèrent
même de confifquer les biens des citoyens les plus
riches , pour acquitter l'état. Albert d'Autriche ,
réveillé enfin par le bruit de tant de défordres,
fe rendit a Fribourg pour entendre les griefs des
communes. Elles reprochoient, au eônfeil I'inob-
fervance des ordres du duc, de ne point admettre
aux premières charges,, des perfonnes. qui ,
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par leurs fie fs , relevoient d'un autre fuzerain 5
elles le plaignoient de ce que les vaffaux empê-
choient leurs fujets de fe faire agréger à la bourgeoifie,
& fur tout des vexations des feigneurs.
Le due condamne la conduite des magiftrats 8c
des riches > il convoque le confeil, le cafife d'autorité,
établit un autre avoyer & un nouveau,
confeil, dans lequel il admet feulement quatre
des anciens confeiilers j. il fait emprifonner les
magiftrats, & il exige d'eux le ferment de fe i:en--
dre, fur la première citation à Fribourg en Brif-
gau 5 ils s'y rendent, & on les arrête pour les
rançonner.
Cette févérïté d 'A lb e r t, loin de fatisfaire le
peuple de Fribourg, ne fervit qu'à l'enhardir. 11
menaçoit de prendre fur les biens des magiftrats
dîfgraciés, la femme promife au duc de Savoie
pour prix de la paix. Le nouveau confeil ,.le corps
des deux cents 8c un comité nombreux de la bourgeoifie,
préfidés par le lieutenant du duc d'Autriche
, ordonnèrent une nouvelle contribution ,
& les paroiffes de la campagne s'y refufèrent nettement
& avec menaces. Les particuliers les plus,
riches fe retirèrent en lieu de fureté. Un d'en-
tr'eux ,. q u i, fur un faufconduit du confeil, ofa-
reparoître , fut pendu par ordre du Lieutenant
du duc. Les confeils, convaincus que le duc 8c
fon plénipotentiaire ne cherchoient qu'à flatter la
populace & à humilier la magiftrature, fermèrent
à ce plénipotentiaire l'entrée de leurs affem-
blées. Des troupes de payfans s'étant introduites
dans la ville & emparées de quelques-unes de»
portes, la bourgeoifie prit auffi les armes pour
défendre fes chefs. Un légat, du pape, le duc:
Louis de Savoie & la régence de Berne, intervinrent
comme médiateurs 4 ils perfuadèrent aux.
citoyens 8c à la faéfcion oppofée de mettre bas
les armes.
Ces troubles fe paffèrent en 1449. L'année fuî-
vante le duc d’Autriche, voyant s'évanouir le
foible refte d’une autorité, dont il venoit d'abu-
fer avec tant de baffeffe , forma le projet de
»'abandonner fes droits fur la ville de Fribourg y
qu’après avoir effayé de- la fpolier. Hallwyl 3
lieutenant du duc , prend les avances pour annoncer
aux fribourgeois L'arrivée de leur maître.
On fait les préparatifs d'une réception plus éclatante.
Le lieutenant raffemble l'argenterie de la.
ville j après quelques jours de délai, il feint d'aller
às la rencontre du d u c ,. fuivi d'un , cortège
des principaux citoyens. Un détachement qu'ils,
rencontrent, l'entoure> alors Hallwyl fe retournant
vers les fribourgeois r le duc , leur dit-il 5,
n'ira plus chez vous. Par cet a& e , que j'ai ordre
de vous remettre, il vous déclare libres 8c
maîtres de votre fort j mais comme vous lui de J
vez quelque chofe pour un tel bienfait, il gardera
votre argenterie. Après ces mots, il leu?
tourne le dos , & les. lai fie. dans L’étonne.-
ment..
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L a réfolution inattendue du duç d'Albert ne
fît qu'accroître la fermentation des efprits. Il fe
trama parmi le peuple de la campagne une conf-
piration contre la régence, dont celle-ci arrêta
les effets par fa fermeté , & en faifant fubir une
peine capitale à huit des principaux conjurés. Informés
que des émiffaires d'Albert avoient trempé
dans ce complot, 8c que ce prince fongeoit
encore à vendre au duc de Savoie les droits dont
il venoit de faire ceffion à la ville , fe défiant des
bernois , 8c entraînés peut-être par le crédit des
partifans fecrets de la maifon de Savoie, les confeils'
8c la bourgeoifie réfolurent de prévenir les
deffeins du prince Louis, en remettant volontairement
fous fa fauvegarde. 11 fe relacha en faveur
de cette foumiffion, d?une partie des femmes
que lui devoit la ville. Le traité de^ com- j
bourgeoifie entre Berne 8c Fribourg fut maintenu. I
Les fribourgeois recouvrèrent leur tranquilite intérieure
> ils s'accoutumèrent à dés liaifons plus
étroites ^vec les huit cantons de la ligue fuiffe,
en fourniffant des troupes auxiliaires dans les diverfes
expéditions contre les princes de la maifon
d'Autriche. _. . .
Une guerre plus perilleufe contre Uharles le
téméraire, dernier duc de Bourgogne, devint,
par fes fuites, l'époque de l'entière liberté de la
république de Fribourg, qui. partagea les rifques
& la gloire de trois victoires remportées par res
alliés, dans les années 1476 H 77* .^a ducheffe
Yolande de Savoie, mère tutrice des jeunes ducs,
avoit favorifé les entreprifes du duc de Bourgogne
> le comte de Romont l'avoit aidé ouvertement.
Les projets de la maifon de Savoie fur les
villes de Berne 8c de Fribourg étoient renverfes
par les défaites fucceffives ‘ 8c par la mort de
Charles le téméraire ; les troupes des deux villes
avoient faifi les terres du comte de Romont &
le pays de Vaud; Genève étoit menacée par les
fuiffes, & Louis X I , roi de France, qui triom-
phoit fecrètement de la chute de fon rival le plus
dangereux, n'étoit pas fâché de voir la ducheffe
de Savoie, fa foe u r , punie d'avoir favorifé les
deffeins de fon plus grand ennemi. La pvincéffe
demanda un colig-rès à Fribourg a ou elle acheta
des deux villes là paix pour fes fils, la fureté
pour Genève , & la reftitution du pays de
Vaud. ] .
Mais le mécontentement des cantons populaires
fur cette pacification renouvelloit les alarmes
de Yolande. Pour fe raffurer, elle follicita le renouvellement
de l'ancienne alliance de fa maifon
âyec la république de Berne. Celle-ci , fenfible
à la fidélité des fribourgeois , n accepta la prô-
pofition que fous la condition «que Fribourg Çqroit
comprife dans l'alliance, & déclarée abfolument
libre de toute obéiffance envers la maifon de
Savoie. Il n'en coûta à cette nouvelle république
que le fàcrifice de dix mille florins, dont les ducs
étoient fes débiteurs.
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Les bailliages ti'Orbe . de Grandfon & de Mon
t , que les deux états de Berne & de Fribourg
gouvernent à l'indivis, furent le prix de leurs
efforts dans la dernière guerre.
Des défordres occafionnés par les fuites de
cette guerre dans les communes des divers états
libres de la Suifle , & fur - tout dans quelques
cantons démocratiques, engagèrent Zuric , Berne,
Lucerne , Fribourg & Soleure à former , pour
leur fûreté, une confédération particulière en
147S. Les cantons démocratiques s'en plaignirent
hautement, comme d'une infraction a la ligue.
Enfin cette querelle fut étouffée fans é c la t,
par la, convention de Stanz, qui eut lieu en 14S8.
Les cinq villes renoncèrent a leur alliance particulière
; Fribourg & Soleure furent admifes ail
rang des cantons, dans la confédération helvétique.
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Genève commençoit alors a s impatienter dans
les chaînes que Fribourg venoit de rompre, &
que les princes cherchoient à refferrer. Elle eut
recours à la proteâion des deux cantons de Berne
& de Fribourg contre les entreprifes de fes qvê-
ques & des ducs de Savoie. Les troubles, les
traités, tes hoiîilités que ce choc de l'cfpiit de
liberté & d'une ambition oppreflive ocofionna ,
appartiennent plutôt à l'hiftoire de Genève qu’à
celle des deux cantons, q u i, en vertu de leur
traité de combourgèoilie avec Genève, y intervinrent
en qualité d'auxiliaires.
Au premier bruit de la prédication des réformés
, le gouvernement de Berne avoit exhorté
j celui de Fribourg à ne point s’écarter de la croyance
& du culte de leurs ancêtres. Cependant
la nouvelle doétrine fe répandit dans Berne, &
fut enfin autorifée par le confeil fup^reme. Alors
le magiftrat de Fribourg fe fit une règle invariable
de ne rien permettre de contraire aux dogmes
autorifés par l’églife romaine j il craignoit les fe-
couffes qui accompagnent ordinairement toutes
les révolutions de cette efpèce. Par un effet de
cette prohibition, quelques magiftrats furent dé-
pofés , plufieurs s'expatrièrent ; ce vuide fut rempli
pat des fugitifs des vijles, où la doétrine
évangélique éxerçoit la même Intolérance. En
1 y42., les confeils & la bourgeoifie jurèrent de
demeurer fidèles à la foi catholique ; à leur exemple
, lés patoiffes de la campagne prirent, fans
oppofition , le même engagement folemnel.
Fribourg avoit renonce èn ï y 54 à la combour-
geoifie de Geneve, parce que cette ville venoit
d'adODter les principes des ' réformateurs. Mais
quand les berhois, deux ans après , fut le jefus
du duc de Savoie de donner fatisfaétion aux genevois
, fe faillirent du pays de Vaud , les fribour-
-geois fié hâtèrent, de leur côté, de s'approprier
une portion de cette province. Ses domaines s'accrurent
des terres de R u e , Remont, Vautfux ,
Chate!, S. Denis, Eftavayer & S. Aubin. Des
1 différends que le partage de ces conquêtes fit
Sf f z