
année erttière de leur paye. Lorfque le general
W ashington abandonna le commandement , il réclama
toutes ces promeffes dans la belle lettre.
qir:il adreffa aux chefs des différentes provinces;
il les fit valoir avec toute la chaleur & toute 1 e-
nergie poffibles. L'Europe jugea que les états de
l'union américaine montroient bien de 1 ingratitude
, puifqu'il falloir employer autant de raifons
pour obtenir le paiement d'une dette auffi jufte
& auffi facrée ; & cette opinion acquit de la force
, quand les provinces y mirent de la refiftance,
quand elles foutinrent que le congrès avoit outre-
paffé fes droits > qu'on ne les avoit point con-
fuites fur ces arrangemens, ôe quand elles fem-
blèrent fe prévaloir de cette raifon miférable :
comme fi le congrès toujours dans la détreffe ,
6c apprenant chaque jour que des brigades entières
abandonnoient leurs drapeaux , ou étoient
prêtes a les abandonner , eût pu renvoyer ces
malheureux guerriers , à l'époque où chacune des
provinces auroit délibéré & prononcé fur les ré'-
çompenfes- qu'on leur accorderoit.
Les divers états de l'union font revenus fur ce
point, ainfi que fur tant d'autres s où le zèle de
leurs prérogatives & le fentinient de leur misère
momentanée les avoient obligés à des delais. Cette
affaire eft aujourd'hui arrangée ; le congrès a dirigé
la négociation avec une fage adreffe j les fom-
mes dûes aux officiers & aux foldats ont ete liquidées
: chacun d'eux a reçu un certificat du
bureau du tréfor, & ainfi que nous l'obfervions
tout-à-l'heure, on leur paie l'intérêt avec exactitude.
On profite de toutes les occafions qui fe
préfentent pour acquitter le principal. On reçoit
les certificats au-lieu d'argent de ceux qui achètent
les terres mifes en vente par le congrès ; &
on ne tardera pas/à adopter une méthode plus
régulière & plus efficace de payer le tout. On a
dû remarquer dans les comptes rendus ùjn article
fous le nom de commutation ; il défigne la conver-
fion de la demi-pave promife aux officiers durant
leur v ie, en y années de paye, une fois comptées.
On avoit propofé en outre d’accorder aux officiers
8c aux foldats une exemption de taxes pour
un temps limité & d'autres efpèces d’exemptions ;
mais nous ignorons ce qui a été refolu fur ce
dernier point.
Le doCteur P rice, dans fes Obfervations on the
importance o f the american révolution , indique aux
Etats-Unis un moyen de fe débarraffer à jamais des
dettes & des impôts avec les terres de l'Ouefl
^ont nous parlions tout-à-l'heure. Il fuppofe que
leur dette fédérale eft de 9 millions fterlings, &
qu'elles paient un intérêt de y & demi pour cent.
Des taxes d’ un million par an paieroient, dit-il,
les intérêts & laifferoient un excédent d’un demi-
million par an qui acquitterait le principal en
13 ans. . .
Les dettes acquittées , 100,000 liv. fterlings ,
accumulées, ou plutôt, employées chaque année
au défrichement de nouveaux terreins ou à d'autres
objets d'utilité , donneraient, en peu d'années
, un fonds qui fuffiroit pour défrayer les
dépenfes de la confédération & délivrer à-jamais
les états de dettes & de taxes. C e fonds en réfer-
v e , placé de manière qu’ il produife y pour cent ,
produiroit en 19 ans un capital de 3 millions fterlings
; en 57 ans, un capital de 30 millions fterlings
; en 81 ans , un capital de 100 millions
fterlings, & en 100 ans1, un capital de 261 millions
fterlings. Si on peut le. faire valoir à 10
pour cent , il produira en 45 ans un tréfor de
ic o millions 8c de 1000 millions ou d’ un milliard
en 97 ans.
Les leCteurs inftruits ne manqueront pas de faire
les objeCtions dont le plan du doCteur Price eft
fufceptiblé. Il offrirait fans doute des avantages,
& ces avantages, réduits à leurs juftes bornes »
méritent encore quelque attention : mais l’expe-
dient, adopté par le congrès à l’ égard des terres
de l’Oueft, eft beaucoup plus fimple.
Pour ne rien oublier de ce qui/a rapport aux
finances des Etats-Unis , nous dirons que les cir-
conltances ne permettent pas encore aux individus
de pay^r avec bien de l'exaCtitude leurs dettes
particulières.
A la fin de la guerre, les individus de la Virginie
dévoient fûrement 2 millions fterlings à la
Grande-Bretagne ; quelques perfonnes ayant évalué
cette dette à 3 millions, on peut l'eftimer à
2 millions 500 mille livres fterlings. La dette individuelle
de cette province équivaloit à-peu-près
à la dette individuelle des douze autres provinces
1 réunies. C'étoient les fuites du commerce du
tabac. Les marchands anglois faifoient fur les tabacs
des bénéfices fi confidérables , qu’ils met-
toient tous les moyens en ufage pour qu’on leur
en confiât une plus grande quantité. Ils en imaginèrent
un puiüant 5 ils vendoient à bas prix &
ils donnoient un long crédit au planteur ; quand
ils l'avoient accablé de plus de dettes qu'il n auroit
pu en acquitter avec le produit de la vente
de fes terres ou de fes efclaves, ils réduifoient
le prix du tabac ; & quelque riches que fuf-
fent fes cargaifons, quelque modiques que fuf-
fent fes demandes des chofes nécèffaires a fa po-
fition, il fe trouvoit toujours hors d’état de payer
complettement fon créancier. Les dettes etoient
devenues héréditaires de père en fils, depuis plu-
fieurs générations, enforte que les planteurs fem-
bloient appartenir à quelques maifons de commerce
de Londres.
Durant la guerre , les divers états ne fe font
pas conduits de la même manière à l'égard des
créances des anglois fur les américains. Selon les
loix de la Virginie 8c de la plupart des états de
l’union, les mêmes en ce point que celles de l'An-
j gleterre, auxquelles l’Europe ne fait point attention
,
attention (i),uri étranger ne peut pofféder des terres
■ du pays j un débiteur, pourfuivi en juftice , eft
autorifé à répondre que fon créancier eft un ennemi
étranger, & cette réponfe le fouftrait à fes
pourfuites. Après l'aCte d’indépendance & la déclaration
de guerre 9 les anglois devinrent des ennemis
étrangers pour les citoyens des Etats-Unis ;
les terres qu'ils pofledoient dans les nouvelles républiques
, fe troûvoient confifquées, 8c ils n a-
voient plus de moyens de fe_ faire payer de leurs
débiteurs. Quoique la loi dont nous parlons^ ne
s'obferve pas en Angleterre, parce que les débiteurs,
plus honnêtes que la loi , ne profitent point
d'une difpofitiqn fi barbare, quoiqu’il foit bien
dangereux pour le crédit d'en maintenir 1 execution,
les américains! profitèrent des avantages qu’elle of-
froit ; & vû la pofition où ils fe troûvoient, ils ne
méritent point de reproches à cet égard. Les alTem-
blées légiîlatives craignirent cependant de nuire à
leur réputation, & elles pafsèrentà différentes époques
des aCtes en faveur des créanciers anglois. Celle
de Virginie féqueftra d’abord les terres, les efclaves
& les autres propriétés ; elle confia ces biens fé-
queftrés à des commiffaires qui, pour la plupart,
étoient les amis ou les agens des propriétaires, 3c elle ordonna de dépofer au tréfor l’ argent qu’on
en tireroit 5 elle permit à tous ceux qui dévoient
aux fujets de la Grande-Bretagne, de payer leurs
créanciers en dépofant les fommes au tréfor public
; elle déclara que l'argent, ainfi dépofé, de-
meureroit propriété des fujets de la Grande-Bretagne,
8c que fi T état s’en fervoit, il le rendrait,
à moins que la conduite de l'Angleterre n’en juf-
tifiât-la confifcation. Les billets - monnoies com-
mençoient à tomber, 8c les débiteurs payèrent
des fommes confidérables avec ce papier. N e
voulant rien changer aux loix qui défendent à un
étranger de pofféder des terres dans Y état, elle
ordonna quelque temps après, de vendre toutes
les propriétés angloifes , & s'appercevant du
progrès de la dépréciation du papier - monnoie, 8c des pertes qu'effuieroient le tréfor ou les
particuliers fur l'article des féqueftres, elle ordonna
de convertir le produit des ventes en tabacs,
dont elle indiqueroit enfuite l’ufage. Au mois
de mai 1780, elle révoqua la permiffion accordée •
aux débiteurs, de payer au tréfor ce qu’ils dévoient
aux fujets britanniques. Les fommes féqueftrées
au tréfor de Virginie, pendant la guerre, y étoient
encore à la fin de 1785. Les anglois ayant refufé
de fatisfaire le congrès fur les efclaves qu’ ils ont
enlevé, contre la teneur du traité de paix, & de
livrer les poftes qui fe trouvent dans les limites des
Etats-Unis ‘y l’exécution de ce traité' eft en quel-,
que forte fufpendue. O it eft tenté de croire que
le rembourfement préfentera des difficultés ; que
des fommes confidérables ayant été payées en
papier-monnoie par les débiteurs, les créanciers
(i) Blackftone , liv. I , chaf». 10.
(Econ. polit. & diplomatique. Tom. II,
anglois fe plaindront, 8c avec juftice , fi cette
perte tombe fur eux, & que fi le tréfor. de Virginie
le fupporte, il augmentera le fardeau de fa
dette : mais la perte ne retombera pas fur le créancier
anglors ou fur le tréfor de Virginie. Le traite
de paix avec l’Angleterre a ftatué que les-créanciers
anglois & américains ne perdraient rien fur
leurs créances mutuelles. On comptera au debiteur
, non la valeur nominale , mais la valeur reelle
de ce qu'il a payé, 8c il paiera la différence. C e t
arrangement eft jufte , 8c le debiteur ne pourra
fe plaindre. Car fi un américain, devant 1000 piastres
à un anglois, a dépofé au tréfor public 8ço
piaftres en papier-monnoie , lorfque la dépréciation
étoit de 8 pour un, il eft clair qu'il a feulement
payé 100 piaftres effectives & qu il en redoit
90Q. Il eft probable qu'il avoit reçu ces 800 piaftres
de papier-monnoie en échange de cent boif-
feaux de bled , qui n'ont jamais^ valu plus de 100
piaftres d’argent. On a vu en d'autres gouverne-
mens des opérations pareilles, favorables aux debiteurs
; mais lorsqu'on-s'eft conduit de cette manière,
on s’eft écarté des principes de la juftice,
Sc les Etats-Unis & l’Angleterre n'ont pas voulu
fuivre de fi mauvais exemples. Nous ajouterons
: que les créanciers américains n’auroient pas dû
être payés avec des valeurs nominales, ainfi que
cela eft arrivé 5 le congrès & les jjouvernemens
des diverfes provinces n’ont pu arrêter cet abus,
d’autant plus fenfible , qu’ il fe trouvoit contradictoire
avec les opérations du corps legiflatif de
l’union ou des affemblées générales. Nous avons
expliqué plus haut , que le congres ne donnoit
pas fon papier-monnoie félon fa valeur nominale ,
mais félon le taux de la dépréciation ; 8c neanmoins
, tous les débiteurs payoient leurs créanciers
américains avec ce papier-monnoie, félon fa valeur
nominale. Un grand nombre d’anglois crurent
profiter de ces malheureufes circonftances : plu-
fieurs d’entr’ eux avoient de l’argent dans les Etats-
Unis ; ils faifoient acheter du papier - monnoie ,
félon le cours de la dépréciation , & ils le don-
noient à leurs créanciers , félon fa valeur nominale
; mais ainfi que nous venons de le dire, le
traité de paix les oblige à payer la différence. Quant
aux paiemens qui fe font faits entre les américains,
il paroît que les créanciers fupporteront la perte.
Les citoyens de la Virginie paient actuellement
leurs dettes aux fujets britanniques , & les loix
même permettent à ces derniers d appeller leurs
débiteurs devant les tribunaux. Mais comme le
montant de ces dettes excède 20 ou 30 fois tout
l'argent qui circule dans cette province, les mêmes
loix autorifent les débiteurs à s'acquitter à l’égard
de leurs créanciers en fept paiemens égaux & annuels.
Cette grâce ne femble pas d’abord d’ une
I juftice bien rigoureufe ; mais fi on l'examine , ©n
la trouvera favorable aux créanciers anglois. Cha-
D d d