
voit fur ces foibles enfans , que de la difprôpof- |
tion qu’ils jettoient entre fes moyens & fes charges
3 pénétrée même par l’expérience du danger
qu’il y avoit de réunir un trop grand nombre
d’enfans dans le premier mois de leur nailfance,
avoit réclamé plufieurs fois le pouvoir protecteur
des miniftrés. 11 a toujours été donné des ordres
en conféquence, pour empêcher ces funeftes tranf-
ports. Mais peu de temps après, les routes étoient
encore frayées par un plus grand nombre d'enfans
voyageurs. Enfin le bienfaifant directeur des finances
, fur l’ame duquel tous les maux de la France
pefoient, fit rendre, le io janvier 17 79 , un arrêt
du confeil d’état qui les profcrit abfolument, &
préfente à ce grand mal des remèdes, auxquels
les anciennes loix n’avoient pas pourvu. Cet arrêt
Fait exprefles inhibitions & défenfes à tous voituriers
, meffagers & autres perfonnes de fe charger
à?enfans qui viennent de naître, ou autres
abandonnés, fi ce n’ eft pour être remis à des nour- '
rices, ou pour être portés à l’hôpital des enfans-
trouvés le plus voifin, à peine de mille livres d’amende
au profit dè tout autre hôpital, auquel ils
porteraient c e s enfans j o u , fi ces voituriers font
ïaifis en route, au profit de l’hôpital éYenfans-
trouvès 3 le plus proche des lieux où fe fait la fai-
f ie , auquel hôpital par conféquent les enfans devraient
être portés. Ordonne fa majefté aux officiers
de maréchauffées d’y tenir la main. Si ces difpo-
fitions occafionnoient une déperife extraordinaire
à quelques hôpitaux de province, & fi cette dé-
penfe excède leurs revenus ,. elle veut qu’en attendant
il y foit pourvu d’une manière,fiable. Et ÿ
d’après le compte qui lui fera rendu à cet effet,
le fonds néceffaire foit payé de fon tréfor royal la
première année, foit par affignation fur le domai- .
n e , foit autrement.
L ’effet de cette loi a été jufqu’ici de diminuer
de près de moitié le nombre des enfans qu’on ap-
portoit des provinces -, mais les tranfports commencent
à augmenter * & redeviendront peut-être
dans peu les mêmes, fi on n’oppofe .une barrière
plus forte : car le défaut de l’ arrêt de 1770, ref-
peCtable par les motifs qui l’ont diCté , c’eft d’avoir
arrêté le tranfport, fans avpir fuffifamment
pourvu aux lieux où l ’on recevrait les enfans. Il ré- |
fuite du rapport de M M. les intendâns qu’il y a ,
dans le royaume, très - peu de fondations pour
les enfans - trouvés. II y a même de très,- grandes
provinces qui n’en ont pas. Ces établiffemens font
d’une date -trop récente. E t , pendant un grand |
nombre de fiècles la preufe charité des fidèles
s’eft plus occupée à doter des monaftète$ que des
hôpitaux, à foutenir des hordes de mendians qu’à
porter les fecours fur les individus q u i, par leur
roibleffe ou leur impuiffance , les réclameraient
avec bien plus de droit.
Souvenons-nous donc des motifs qjai ont déterminé
le prince à charger les hauts-iûfticiers de la ,
nourriture des enfans abandonnés fur leur terri- |
toirej ils continuent à recevoir les droits qui les
dédommagent de cettte obligation. L ’expérience a
démontré le danger qu’il y aurait de les laiffer
maîtres abfolus de la manière de s’en acquitter.
Leur négligence trop intereffée fur cet article a
contribue à les en décharger infenfiblement. Leurs
officiers, toujours attentifs à ce qui les regarde ,
s empreflent de faire porter les enfans fur le territoire
d un autre feigneur, ou de les envoyer aux
hôpitaux, fans trop s’inquiéter s’ils font en état.,
ou dans I obligation de les recevoir. 11 eft auffi
tres-certain que la conferyation des enfans ne peut
D‘leî1Xf?tre c,on^ e qu’à l ’adminiftration d’un hôpital.
Il eft egalement évident que cette’ confer-
vation eft intéreffée à trouver des afyles vôifins
de 1 expofition. Ainfî il me femble jufle dé faire
pour les hauts-feigneurs-jufticiers de province ce
qui etoit impofé à ceux de Paris, tant qu’ils y
ont confervé leurs jurifdiétions > c’eft-à-dire | de
les taxer annuellement à une fomme prop,ortion-
*]ee a, ! exCep ^ e. de' ^eur teffort, ou de les obliger
de faire.a.1 hôpital le plus voifin d’ eux, à fix lieues
environ de diftance, la ceffion des droits qu’ils
perçoivent à raifon de la charge de nourrir les
enfans-trouvés. IJ eft très-peu d’hôpital q u i, quoique
dans fon origine , il- n’ait pas eu cette defti-
nation, .ne fe prête Volontiers, ou ne puiffe être
force a prendre le foin de ces enfans. Alors toute
perfonne, en préfence de deux témoins, pourra
*eve?[ Ph expofé, & fera autorifée à le porter
a 1 hôpital le plus voifin & indiqué par le
cu re , ou , fi Y enfant vit encore, on lui donnera
une fomme plus forte que s’il étoit expirant
en y entrant. Il eft même fage que cette femme
foit de nature, & à dédommager des frais de
tranfport, & à exciter le zélé néceffaire pour ne
pas laiffer languir les enfans expofés. On continuerait
de défendre très-expreffement à tout officier
ou cavalier de maréchauffée de laiffer paffer
aucun enfant à Paris,, ou à un hôpital trop éloi-
gne & de faifir & faire emprifonner le voiturier
qui s en ferait chargé, pour fon procès lui être
fait. Si cependant, malgré la furveillance des ma-
rechauffees, on" conduifoit encore des enfans à
Paris , 1 adminiftration de l’hôpital ferait^ autorifée
a repeter les frais d’éducation à ThôpitaMe plus
prochain de l’endroit où Y enfant aurait été ex-
pofe. Il résulterait de cet ordre légiflatif, dont
tqutes les parties doivent fe foutenir, que l’hôpital
de Paris ferait moins écrafé, & déviendrok
par-là plus utile j que les provinces s’acquitteraient
du devoir de nourrir lès enfans qui naiffent
dans leur fein'; que les enfans ne manqueraient jamais
de nourrices, & que , moins éloignés de
leur.patrie^ ils pourraient un jour rentrer dans les
familles .qui les ont d’abord repouffés.
L ’ up des objets qui frappent de plus eri entrant
dans 1 hôpital, c’eft le petit nombre des nourrices
de campagne en proportion des enfans. II eft donc
bien intérèffant d’èn çonnoître les caufes & de
chercher le remède à un inconvénient auffi grave ;
car le point fur lequel l’hôpital doit d’abord établir
fon mouvement, c’eft une quantité fuffifante
de nourrices.
La différence du traitement des, nourrices des
enfans des bourgeois & de celui des nourrices
des enfans-trouvés , eft fans doute Tune des caufes
de la rareté & du peu de qualité des dernières.
La direftion de la recommandareffe follicite vivement
par un très-grand, nombre de meneurs,
& accueille très-bien les femmes yde la campagne.
Elle leur allure de ,1’emploi, prefque aufli-
tôt leur arrivée ; leurs peines y reçoivent un fa-
laire plus confîdérable. Les linges & hardes font
plus abondans j les frais de leur voyage font fou-
vent plus qu’acquittés par les petits préfens des
parreins & des parens. enfant , qui eft moins
dans le cas de les infe&er de la contagion du mal
vénérien , leur préfente encore une perfpe&ive
plus intéreffante, foit du côté de fes père & mère,
foit du côté de ce qu’ il pourra devenir un jour.
L ’hôpital ne leur offre pas les mêmes avantages.
Apprécions pour beaucoup Tefpèce de répugnance
qu’une femme de la campagne doit éprouver
, à donner Ton fein à un enfant illégitime,
enfant fouvent des mauvaifes moeurs , dont elle
craint que le terrible effet ne retombe fur e lle ,
enfant, tout au moins, de la plus déplorable misère.
Dans cette inégalité d’avantages , la concurrence
doit donc écarter, & le grand nombre dé
nourrices, & les nourrices faines.
Nous fomrrjes pénétrés de toute la difficulté
qu’il y a à obvier a ces inconvéniens. D ’une part,
fi on augmente le falaire dès nourrices des enfans-
trouvés , il eft à préfumer que les bourgeois feront
obligés d’augmenter au moins, dans la même proportion
, le, prix de la nourriture de leurs enfans.
A in fî, les difproportions finiront bientôt par être
les mêmes , & l’opération n’aboutira qu’ à fur-
charger le prix d’ un objet devenu de première
néceffité. De l’ autre part, la moindre augmentation
du falaire des nourrices occafionnera une dif-
traélion énorme des revenus déjà trop modiques
de l’hôpital , qui eft toujours arriéré à l’égard
des nourrices. • . ,
Le feul moyen qui fe préfente, & qui réfulte
des obfervations déjà faites fur la manière de nourrir
les enfans y c’eft d’appeller à leur fecours, concurremment
avec les nourrices à la it, les femmes
de la campagne qui auront une vache- & une
chèvre} cet expédient arrêterait fûrement le torrent
vénérien qui, quelque mefure qu’on ait prife,
commence à inonder les habitans vertueux des
champs. L’ufage foutenu de plufieurs pays , &
des expériences faites à ce fujet , avec la plus
grande précifion , prouvent qu’ il n’y aurait pas
d’inconvénient à nourrir ainfî les enfans ; que les
femmes , deftinées à leur ufage , n’ont d’ailleurs
à leur offrir qu’un lait furanné, & par conféquent,
peu capable de les foutenir. C e feroit une précaution
très - fage alors , que de faire diftribuer,
foit à l’hôpital, foit dans les campagnes, une inf-
tru&ion fimple , facile & courte, fur le régime
qu’auraient à fuivre ces nouvelles nourrices, & de
les bien endoctriner, quand elles viennent à Paris.
Il jaillirait ainfi des lumières qui pourraient être
utiles à tous les enfans. On y eft fi peu éclairé
fur les accidens les plus ordinaires ! & rl y en a
tant qui fuccombent fous le poids de l’ignorance 1
Le célébré rillotfon (1 ) avoit entendu dire à des
perfonnes bien informées, que dans la plupart des
villes & villages qui font aux environs de Londres,
& où fur-tout on fait le trafic de nourrir des
enfans s à peine un fur cinq paffe-t-ii l’année.
Cette méthode refferreroit beaucoup le cercle ,
-dans lequel on eft obligé d’aller chercher les nourrices
, & feroit parTà très-utile aux enfans.
L ’adminiftration peut encore s’attacher ces femmes
malheureufes, en obtenant des meflageries
des marchés plus avantageux & mieux obfervés
pour leurs voyages , en rendant moins dures &
moins fatigantes les voitures qui les tranfportent
avec les enfans, en ne prenant point les appoin-
temens des meneurs fur les honoraires, déjà trop
foibles des nourrices , en accordant des récom-
penfes à celles qui auront le mieux réufli à élever
des enfans. Peut-être fuppléeroit- on au défaut
d’honoraires & de récompenfes, en follicitant &
obtenant du gouvernement de fimples exemptions
pour elles.
Les nourrices qui fe préfentent pour élever des
enfans-trouvés, doivent être munies d’un certificat
du curé de leur paroiffe, lequel attefte leur religion
, leurs' moeurs , l’âge de leur la it, qu’ elles
n’ont pas de nourriffons, ou qu’ ils font en état
d’être fevrés. Pour prévenir les omiffîons dans les
certificats, & épargner les frais de c.eux qui les
délivrent , on en diftribue d’imprimés aux curés
des campagnes. Le lendemain de l’ arrivée de ces
femmes , leur lait eft vifité par une foeur de la
charité, laquelle , fi elle le trouve convenable
met fon v i f a fur le certificat. Muni de cette formalité
efîentielle, & dont un homme de l’ art af-
fureroit davantage le réfultat, le certificat eft dé-
pofé au bureau, enliaffé & mis dans des cafés
diftinguées par «meneurs. Celles que leurs occupations
empêchent de venir à Paris, font remettre
au bureau un certificat, fur lequel le chirurgien
du lieu conftate la qualité de leur la it, & reçoivent
enfuite par le meneur un enfant , 'mais au
défaut des nourrices qui ont fait le voyage. Le
premier mois dè la nourriture appartient au meneur,
quand la nourrice n’eft pas venue chercher
fon nourriffon. On préfère encore les enfans-nou-
(1) Sermons de Tillotfon, tom. 6 , pag. 245.