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cer Rome. Le pape fut obligé de faire les démar- i
ches les plus contraires à fes inclinations. Les
duchés de Parme & de Plaifance , reconnus fiefs
du faint-fiège, ont pafie à la maifon d’Autriche
par le traité de Vienne, avec tous les droits que
les papes yavoienteus. Vintérim de Charles-Quint
fut un aâe bien extraordinaire de lapartd’un prince
catholique ; il attribua à Charles le droit de décider
des matières de la foi & de régler le culte divin.
A u refte , on avoit déjà vu l'empereur Sigifmond
forcer des papes intrus à renoncer à la dignité
pontificale, faire élire un pape légitime, & rétablir
la paix dans l’églife ; les autres puiflances de
l’Europe s’oppofent aujourd’hui à ces a êtes de
Pautorité impériale, mais la cour de Rome n’en eft
pas moins obligée de ménager beaucoup Y cm-
pereur.
Si l’argument dont fe fervent les publiciftes,
pour prouver qu’un prince proteftant peut être élu
empereur, eft aufli péremptoire qu’ils le difent ,
il en refaite que les femmes ne font point exclues
du trône impérial. C elu i, nous dit-on , qui peut
élire , peut aufli être élu : or ,'ia reine d’Hongrie a
pu élire, donc elle a pu être élue. Cette prin-
cefle fut nommée, dans la capitulation de fon
époux , parmi les éleâeurs qui avoient concouru à
l’éleâion i elle n’étoit donc pas inéligible. Le
comte de Wurmbrand, fon premier ambaffadeur
à la diète d’ éleélion, exerça le fuffrage de cette
princeffe , en qualité i e reine de Bohême , malgré
les oppofitions des éleâeurs palatin, & de Brandebourg.
Elle pouvoit donc être élevée à l’Empire,
& devenir le chef du corps germanique, non-
çbftant la coutume & le fécond chapitre de la
Bulle-d’o r , & nous ne montrerons pas d’une autre
manière le vice du raifonnement des publiciftes.
Les éleâcurs eccléiîaftiques , difent quelques
écrivains , ne font exclus de la dignité impériale
que par la coutume, c ’eft - à - dire, par le fait.
Maximilien I brigua la papauté , & peut-être ne
la manqua-t-il que parce qu’il n’étoit pas italien ;
mais perfonne ne s’eft avifé de dire qu’il fut inéligible.
Si donc un empereur peut devenir pape ,
à plus forte raifon un éleâeur de Trêves, de C o logne
ou de Mayence peut devenir empereur : mais
il faudrait favoir fi l’état eccléfiaftique eft compatible
avec les fonctions impériales ; fi des loix
n’ont pas jugé les éleéfeurs eccléiîaftiques, inutiles
au commandement des armées, qui eft une
des principales fonctions de l'empereur. A l’égard
des proteftans, l’exemple de Frédéric le Sage &
de^ Jeaq Georges I , éleâeurs de' Saxe, prouve
qu’ils ne font pas inéligibles. On fait que la couronne
impériale fut offerte à ces deux princes, qui
étoient luthériens.
Quand on a étudié le corps germanique , on
juge qu’un empereur puiflanr, qui n’emploie fes
forces qu’ à faire obferver les loix dans l’Empire, i y maintenir le bon ordre & la fûreté publique,
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I & à le défendre des attaques du dehors, eft, fan*
contredit, préférable à un empereur .faible , qui ne
peut donner aux. loix 1 appui qui leur eft nécef-
latre. On croirait que le règne d’un empereur foible
eft une efpèce d’interrègne ou d’état de langueur,
qui expofe l’Empire à des divifions intef-.
fines & aux mfultes de fes voifins : mais telle eft
aujourd hui la pofi.tion de l’Empire & de l’Euro-
pe , que le corps germanique doit plus redouter
un prince a â i f , qu’un prince indolent.
L Empire eft-un corps puilfant, ou plutôt il
devrait etre un corps puilfant ; mais la plupart de
fes membres font foibles. Chacun cTeux craignant
d etre ecrafé & opprimé par une force fupérieure,
n ofe s oppofer a la violence & prendre la défi
1^ des lo ix , a moins qu’il ne foit- appuyé d’une
pmuance formidable qui le ralfure contre ledanger,
& le réunifié a fes collègues par l’efpérance de quelque
avantage & le fentiment de leur propre con-
fervation. Dès que ce fentiment n’ell plus balancé
par la crainte de fe compromettre, ilsfe liguent
volontiers pour les intérêts communs, & alors
ces petits états deviennent formidables par leur
réunion , & forment un corps capable d’en impo-
fer au-dehors & au-dedans.
Un empereur puilfant, mais zélé pour le corps
germanique, peut procurer cet avantage à l’Em-
pûe ; mais cet avantage eft balancé par des incon-
veniens, auxquels on n’a pu remédier jufqu’i c i ,
quelque précaution qu’on ait prifes.
Il eft de la nature du pouvoir, comme de celle
du feu , de s’ étendre & d’engloutir tout ce qu’il
rencontre. Plus un prince' eft puilfant, plus il
tache d’accroître fa puiffance. De-Ià les querelles
avec fes voifins^ les haines, lesjaloufies. Un empereur
puilfant n a pas alors de peine à engager
l’Empire dans fes démêlés perfonnels. Il gagne les
grands^états, par l’efpérance de quelque avantage
confidérable , & les autres par la crainte de fon
rellentiment.
Depuis que cinq mariages avantageux ont rend«
la maifon d’Autriche maitrelfedes meilleures contrées
de l’Europe, elle a formé projet fur projet.
Charles-Quint, après la conquête d’Italie, penfa
a Subjuguer la France, fans pouvoir y réuftir. Ferdinand
1 “ attira les armes du grand Soliman dans
l’Empire, par^ fes projets fur la Hongrie. C e royaume
a épuifé dans la fuite l’Empire, d’hommes
& d’argent. Les états s’ en font plaints plus d’uné
fois à la diète, & plufieurs donnoient à entendre
que, fous prétexte de défendre le rempart de
l’Allemagne contre les ennemis du nom chrétien ,
on appauvrifloit & affoibliffoit les états de l’Em-^
pire , pour les alfujettir plus aifément.
La France, inveftie de toutes parts par la maifon
d’Autriche , faifoit les derniers efforts pour
prévenir les malheurs qui; la menaçoient. Les empereurs
ont entraîné l’Empire dans une infinité de
guerres contre cette couronne. L ’Empire a tou-
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jours perdu , & la maifon d’Autriche prefque tou-
,0lSansle§fecours du corps germanique, Ferdinand I
eût renoncé au deffein de detroner Jean , roi de
Hongrie, & de dépouiller la pupille du cardinal
Martinufius. Mais à quoi fervirent tous- les efforts
de l’Allemagne en cette occafion ! a procurer la
Hongrie à la maifon d’Autriche, a epuifer les
états du corps germanique , & à infpirer par-la a
Charles - Quint l’idée de s'emparer de toutes les
principautés de l’Empire. Les memes efforts continuèrent
fous fes fucceffeurs , & la meme idee
revint dans l’ efprit de Ferdinand I I , avec aufli
peu de fuccès ; les états ne fe maintinrent dans
feurs droits qu’ aux dépens de diverfes provinces
de l’Empire qu’ il fallut céder aux puilfances étrangères
, pour dédommagemens des fecours fournis
au corps germanique contre les attentats du chef.
L ’Allemagne a doqq,trois chofes a craindre d un
empereur puilfant. . - , n
■ i° . D etre entraînée dans des guerres ou elle ne
peut que perdre-, & qui font entièrement étrangères
à fon intérêt general.
z°. De fe faire beaucoup d’ennemis au-dehors.
. 3*. De fe forger des fers au-dedans, en dilfipant
fes propres forces pour augmenter celles de Yem-
- pereur. .
Quelques états de l’Empire ont profite des cir-
conftances, il eft vrai ; ils ont acquis de nouvelles
prérogatives & de nouveaux territoires ; leur puiffance
s’ eft accrue : mas c’eft: un autre défavan-
tage pour l’Empire.
Les empereurs , pour fe venger de leurs ennemis ,
tant du dedans que du dehors, & pour s'enrichir
de leurs dépouilles,, avoient befoin des forces de
l’Empire. Ils tâchoient de gagner les principaux
états , bien affûtés que les moins puîflans n’ofe-
roient s’oppofer à leurs defirs. Ceux qui en avoient
la hardieffe étoient profcrits, & leurs biens partagés
entre l'empereur & fes partifans.
La maifon d’Autriche a couru les plus grands
dangers , par l’attaque imprévue des quatre électeurs
que Y empereur avoit le plus favorifés. Le fa-
crifice d’une belle & riche province a fauvé le
refte de fes états. La paix s’ eft faite ; la tranquillité
a été rétablie : mais les jaloufies & les défiances
fubfiftent toujours. Cette femence de difcorde
ne germera peut-être que trop pour le repos’ de
l ’Empire. La balance politique eft fouvent nn être
de raifon, une chimère ; mais elle eft fur-tout im-
poffible dans un même état. Tant que la maifon
de Brandebourg balancera- le pouvoir, de celle
d’Autriche, l’Empire doit s'attendre à voit rafiu.-
mer des querelles mal éteintes, & a etre le thea- '
tre des démêlés de ces deux rivales.
Elles ont toutes deux leurs ' partifans & leurs
alliés, au-dedans & au-dehors. La dignité impériale
avoit ramené aux intérêts des princes delà maifon
d’Autriche la plus grande partie des états
d’Allemagne, mais le projet de l’ échange de la
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Bavière, a rangé les plus confidérables du cote
de la maifon de Brandebourg. .
E M P IR E D ’ A L L E M A G N E , E M P
I R E D ’ O C C I D E N T , E M P I R E
R O M A I N , . S A I N T - E M P I R E . On
donne ces diverfes dénominations au corps germanique
, & nous en avons déjà parle a la fec-
tion deuxième de l'article A llemagn e. Elles
font en ufage , Suivant l'opinion commune , des
le couronnement d'Othon 13 qui eut lieu à Rome
en 9623 & qui fut fait par le pape Jean X l l . I our
en trouver l'origine, comme quelques-uns le prétendent
, au temps de Charlemagne , qui fut
couronné par Léon I I I , en l’an 800 il faudroit
prouver,.. que dans la fucceflion des Carlovingiens,
le nom d3Empire étoit affeété à la Germanie, &
que les Guys & les Berengers, aufli couronnés
par les papes , fe croyoient les maîtres, de cette
contrée. Quoi qu'il en fo it , le corps germanique
jouit fous ces titres d'une prééminence & d'une
influence très-confidérables : fon chef a le pas fur
les autres princes de la chrétienté, le pape excepté
; & fes membres font des fouverains q u i,
liés d'abord les uns aux autres par des loix fondamentales
, font libres enfuite de foi mer féparé-
ment des traités avec les puiflances étrangères ;
quelques-uns d'entr'eux font même des puiflances
redoutées.
L'étendue de cet Empire eft d'environ onze mille
lieues quarrées géographiques; il eft borné à 1 o-
rient par la Pologne & la Hongrie ; au midi, par
l'Italie & la Suifle; à l'occident, par la France,
les Provinces - Unies & la mer du nord; & au
nord, par le duché de Sclefwick & la mer Baltique.
Son enceinte renfermoit autrefois des pays,
que les conquêtes & l'affranchiflement en ont fuc-
ceflivement détachés : elle contènoit le royaume
d'Arles qui ne fubfifte plus , l’Alface , ta Lorraine
& une partie des Pays-Bas que pofsède ta
France ; la Silélie que pofsède le roi de Prufle,
& les Provinces-Unies & ta Suifle , devenues
républiques indépendantes. Le duc de Savoie ,
l'archevêque de Befançon & l'évêque de Coire ,
font encore des membres perfonnels de cet Empire
; & le duc de Milan , celui de Modène, &
plufieurs autres états d'Italie en relèvent comme
fiefs. Selon quelques auteurs, on compte dans les
bornes qui lui ont été indiquées ci-deflus ,*2816 villes
, 1,812 bourgs , 80 mille villages, des châteaux,
hameaux & monaftères ifolés, fans nombre, &
environ 24 millions d'habitans.
Mais cet empire d'Allemagne , qui offre une
puiffance très-redoutable dans 1a multitude de fes
1 membres divers, & dans 1a fomme de leurs forces
refpeétives , l'eft - il également dans les effets
qu'elle produit ? Le corps germanique , fi grand
Sc fi robufte dans fes.détails , montre-t-il dans
fon enfemble une vigueur & une a&ivité proportionnées?
Afin de réfoudre la queftion, nous ^ajouterons
quelques traits à ce que nous avons déjà dit