
»> toute cette régénération attendait le règne de
« notre monarque ».
Agriculture. Pour être d'une équité rigoureufe,
il faut diftinguer avec M. Çavanilles les provinces
du centre, & celles qui Tont à la circonférence.
Les premières comprennent les deux Caftilles, le
royaume de Lé on, la province d'Eftramadure ,
une partie de la Manche & de P Andalousie. Les
autres font la Galice, les Aftûries, la Navarre ,
iA r ra g on ,.la Catalogne, les royaumes de Valence
, de Murcie & de Grenade, & la partie
méridionale de l'Andaloufîe.
Ces dernières provinces font mieux arrofées que
Te centre, & la nature leur a accordé de l'ombre
, des prairies, le voilînage & les reffources
de la mer. Les premières, au contraire, font en
partie ftériles $ les rivières y font en petit nombre,
& les chaleurs ipfupportables. Elles font d'ailleurs
privées de tous les avantages que procure le
commerce maritime aux provinces extérieures.
L a culture de quelques-unes de ces provinces
extérieures a fait affez de progrès : le royaume
ide Valence produit :
S oie , 2,000,000 de livres, à iy 1. * 30,000,000
Chanvre, 25,000 quintaux, à 401 • . 1,000,000
L in , 30,000 quintaux , à 50 l i v . . . 1,500,000
Laines ordinaires, 23,000 quintaux,
à 40 liv ..................... 920,000
R i z , 140,000 charges, à 37 liv • - - 5,180,000
Huile, 100,000quintaux, à 45 liv. 4,500,000
V in , 3 ,0 00 , 000 cantaros , contenant
8 pintes, à 1 y fous............ 2,250,000
Raifins fecs , 60,000 quintaux, sL
10 l i v . 600,000
Figues, alitant, à 8 liv 480,000
Dattes & palmes. ^ . . . . . . . . . . . - 300,000
Somme totale................ ............. 46,730,000
I l faut évaluer enfuite le bled l'avoine, le
mais i les amandes, la foude, les carouges, le
f e l, le fparte, la pêche , &c. &c. &c. : &
en 1770, félon les calculs faits à l'intendance
de Valence , la valeur des fruits commerça-
bles de la province montoit tous les ans à
65,000,000 de livres tournois, fans compter les
fruits des jardins & les comeftibles que l'on con-
fomme dans le pays : mais tout le monde fçait
combien le royaume de Valence a été favorifé de
la nature, & l'étendue de fes productions n'eft
pas un moyen fur de juger de î'induftrie des ef-
pagnols.
On peut dire, en général, que YEfpagne eft encore
aujourd'hui mal cultivée j & le fol eft en
partie fi fertile, qu'en calculant la lenteur des progrès
d'après le naturel des hafcitans, on a droit
d'attendre plus de foins du .gouvernement : nous
propoferons tout - à-l'heure plufieurs moyens fur
un objet fi important à la régénération du pays.
« Une des principales raifons du peu de culture
» des terres, ajoute M. Çavanilles, eft fans doute
! » le nombre infini de nos troupeaux. Si c'eft du
» milieu de YEfpagne que Portent ces laines fi ef-
» timées dans toute l'Europe, c'eft auffi là qu'il
» faut un terrain immenfe pour nourrir les mou-
33 tons qui les produifent. C e n'eft pas par la
« confommation d'une feule année qu'on peut ju-
33 ger de l'étendue néceffaire des pâturages : cha-
» que maître de troupeau eft obligé de fe pour-
» voir d'une doubleprovifion, parla crainte d'une
» mauvaïfe année. On peut donc juger du terrain
93 énorme qu'il. faut à ces troupeaux, dont les
33 poffeffeurs préfèrent, le gain affuré que leur don-
93 nent fans aucuns frais les pâturages, aux fuccès
33 plus difpendieux & plus incertains de l'agricul-
» ture. Le journalier, qui ne trouve fa fubfiftance
» dans l'emploi de fes bras que pendant une pe-
» tîte portion de l'année, abandonne bientôt la
» terre, & meurt fans fucceffion : de-ià la perte
» de la population & celle de la culture ».
33 Si nous ajoutons à l'emplacement néceffaire
33 aux moutons celui qui eft deftiné aux haras ,
33 aux mules, aux taureaux j fi nous y joignons ce
33 qu'il faut facrifier de terrain pour la récolte de
33 falpêtre, qui occupe fi utilement tant d'indivi-
33 dus (1) j fi on fe rappelle enfin que dans une
33 portion confidérable de pays aride, où des pluies
33 incertaines font l'unique efpérance d'arrofement,
33 des avances énormes deviennent néceffaires, &
33 qu’ elles ne font permifes qu'à un petit nombre
» de propriétaires très - riches , on verra alors
» qu'il faut retrancher à-peu-près une troifième
33 partie des terres labourables dans le: centre de
» YEfpagne ».
C e qui regarde les moutons fe difcute aujourd'hui
dans les confeils d‘Efpagne, & les avis font
partagés; On évalue à plus de 30 millions le produit
des troupeaux, & des hommes très-inftruits
craignent de facrifier des bénéfices auffi certains »
à l'efpoir d'en obtenir un jour de plus confidéra-
bles par la culture des terres : ils conviennent que,
dans quinze ou vingt ans, il fera bon de favori-
fer les cultivateurs aux dépens de ceux qui élèvent
des moutons ; mais ils difent que le temps n'eft
pas encore venu. Nous obferrerons qu'en pré-
fentant ainfi la queftion , ils la dénaturent un peu
pour la tourner à leur^ avantage. Les opérations
qu'on fait dans une partie de l'economie politique,
ont prefque toujours de l'influence fur les autres
( 1 )■ On a établi depuis peu à-la porte de Madrid une fabrique de falpêtre, qui occire déjà plus d«
4000 ouvriers.
parties de l’adminiftration : il ne faut pas. oublier
ici qu'il eft néceffaire de rétablir 1 activité & 1 m •
duftrie parmi les efpagnols} que fi on prolonge,
dans l’état a&uel des chofes, le régime établi fur
les troupeaux de moutons, la culture & 1 îndultne
journalière qui font la véritable four ce des ricnel-
fes , fe trouveront de plus en plus découragées ,
&. qu'il ne femble plus y avoir de tems a perdre
fur un objet auffi important.
Quant à ces nitrières qui embraffent , dit-on,
tant de terrains, on nous permettra d obferver ici
que les nitrières artificielles établies en France, ne
nuifent point à la culture , & ne font pas perdre
de terrain : on les alimente avec une terre abondante
par-tout, & avec les urines & les ordures
que fourniffent les, beftiaux les plus propres a la
culture. _ ,
Le gouvernement, plus éclairé fur fes véritables
intérêts, s'occupe de tout ce qui concerne
l'économie politique. Il favonfe diverles
fociétés établies , fous le nom à!amis du pays ,
dont le but eft d'exciter l'induftrie , & fur-tout
de ranimer & de perfectionner l'agriculture j mais
les progrès qu'elles ont occafionnes, ont ete bien
foibles jufqu'ici. Quelques années de vigilance &
de protection n'ont pu fuffire a reparer le mal cauie
par plufieurs fiècles d’inertie. D ailleurs un des
principaux obftacles que rencontrera long-temps
le zèle des amis ; c'eft moins lé defaut de population,
puifqu'il eft prouvé quenelle d tjpagne ,
depuis trente ans, a augmente^ un tiers, que le
trop grand éloignement qui exifte d une peuplade
ou d'un village à l'autre. Tous les voyageurs ob-
fervent, éh traverfant ce royaume, qu'il n'y a gue-
res que les terres diftantes d une lieue, plus ou
moins, des villes & des villages , qui foient cultivées
, & il n'eft pas pofiîble qu'on défriché plus
avant : car on parcourt quelquefois quatre, cinq
& même fix lieues, fans rencontrer d’habitation.
L'entre-deux paroît une terre facrée , que la charrue
& le hoyau profaneroient j & quelques villages
deviennent miférables,, parce qu'ils font trop
grands & trop peuplés. Le premier.foin du gouvernement
devoit être de fixer des limites à tous
les bourgs, villages & hameaux 5 & au-lieu de
les laiffer agrandir, les forcer de fe multiplier :
ainfi les hommes couvriroient un plus grand ef-
pace, & les terres en friche feroient mifes en
valeur. V Efpagne en a la preuve dans le royaume
de Valence, & dans les nouvelles peuplades de
la Sierra Morena.
Il eft clair qu'avec un fol fi fertile & quelques
greniers publics , on ne devroit jamais
manquer de grains en Efpagne : cependant il
arrive très - fouvent des difettes dans quelques
provinces, parce que l'exportation eft mal combinée
, & le pain y eft toujoursfoeaucoup plus cher
qu'en France. I l' eft. vrai de dire que le payfan
.rnorrnnl no />nnnnîr n.r /'û niin unir Rr Hpitnll.
tant que mange fouvent notre laboureur 5 le pain
le plus blanc,’ fait du meilleur froment, fert do
nourritûre à prefque tous les ordres de l'état. Les
Caftilles & l'Eftramadure font lés provinces les
plus fertiles en b led, & elles méritent fur - tout
l'attention du gouvernement.
On pourroit apporter plufieurs remèdes à h
grande ftérilité dont on fe plaint en Efpagne. Le
premier, dont on retireroit un double avantage,
fieroit de planter des arbres. On a la douleur de
traverfer les plaines immenfes de la Caftille, fans
y rencontrer le plus petit arbufte 5 les fources ne
manquent pas dans la plupart des provinces, mais
elles tariffent dans les grandes chaleurs, ôi l’on
avoit foin de planter des arbres fur les bords des
ruiffeaux & des rivières, le foleil ne les defféche-
roit point. Si l'on en plantoit dans la campagne, les
eaux -y féjourneroient davantage.
U Efpagne a plus de cent cinquante rivières, fix
fleuves & quantité de fources dans les montagnes,
& c'eft la faute des habitans fi les terres manquent
d'humidité ; il faut même que le fol de
YEfpagne, fon climat & fon foleil, malgré fon
ardeur, foient bien favorables pour produire des
récoltes fi abondantes dans les cantons les plus
chauds, j car le terrain rapporte quelquefois cent
pour un.
Une des premières réformes à laquelle il convient
de travailler, eft l’ufage trop général des mulets. Le
cheval, à ne cqnfidérer que fa beauté, mérite fans
doute la préférence 5 & en accordant au mulet toute
la fupériorité de force & la frugalité qii'on lui fup-
pofe, le feul défaut de ne pouvoir fe réproduire
devroit le faire exclure. N'eft-ce pas l'ignorance ,
un luxe mal entendu & le défaut d'agriculture
qui foutiennent le préjugé national d'avoir des mules
? car on en tire une grande partie de l'étran*
ger, & elles font d'un prix extravagant. S'il y a
des cantons de YEfpagne où le cheval ne foit pas
affez fort pour réfifter à la vivacité de l'air & à
la fatigue, qu'on fe ferve alors de mulets, cela
paroît naturel 5 mais par-tout où les chevaux peuvent
être employés fans rifque, ils femblent préférables
fous tous les rapports.»
On vient de voir qu'il feroit utile, i° . de décourager
l'entretien des moutons > 20. de multiplier
les villages 5 $°. de planter des arbres j 40. de
défendre de fe fervir de mules & de mulets, dans
les lieux où l'on peut s'en paffer. Nous ajouterons
, y°. qu’il ne faut pas compter fur les frivoles
encouragemens donnés par les fociétés littéraires
, & fur-tout chez une nation qui aime
peu les lettres , & qui ne tourne pas fes prétentions
de ce côté. Lorfque le mal eft fi grand ,
lorfque la pareffe eft fi forte & fi invétérée , U
faut des leviers & des mobiles plus puiffans : ne
feroit-il pas utile que le gouvernement accordât
des diftinétions, des exemptions & des grâces ? 1 qu'il f î t des avances confîdérables ? Le trefor pu