
leur parti de cette taxe qui ne foule perfonne , 8c
que tout le monde paye avec plaifir. Les ports
francs qui en diminuent le produit, font trop multipliés.
La France, l'Empire, Turin , G ên e s ,
Naples, Venife & Florence ont à Rome leurs
poftes particulières, qui reçoivent elles-mêmes la
taxé «es lettres dont elles font chargées. Nous
ne craindrons pas de dire que la cour de Rome
trouveroit aifément, dans la pofte, un revenu de
cent mille écus romains, ou de 500 mille livres
tournois, fi elle le vouloit bien. Mais elle n’ofera
point ôter à l'Empire, à la France, à Turin , à Gênes ,• à Naples, à Venife 8c à Florence, des
privilèges qu'elle leur a accordés 5 & le fouverain
pontife, ou ceux de fes miniftres qu'anime le zèle
du bien public, doivent décourager vivement des
etabliffemens pareils qu'on voudroit former fous
leur adminiftration ; car les abus, une fois établis
ic i, fe maintiennent long-tems , & quelque- :j
fois toujours : la cour de Rome , obligée à des ;
ménagemens & à des complaifances , lors même '
qu'elle femble montrer plus de prétentions, craint j
fans ceffe de compromettre de grands intérêts dans j
une petite affaire, & jamais elle ne déploie de
ferïheté, que lorfqu'il eft queftion de raffermir la
bafe de fa puiffance.
iy ° . Nous ne chercherons pas à donner les
moyens de travailler en finances les domaines du
pape. Dans un pays gouverné par un prince qui
eft le chef de Yéglife catholique , par le vicaire
de Jefus-Chrift fur la terre, il ne convient pas
que le fifc montre de l'avidité ; la fimplicité & la
tranquillité de fon gouvernement n'exigent pas ces
combinaifons adroites ;qu'imaginent les traitans ,
pour lever de l'argent fur le peuple, :& fournir
aux depenfes faftuêufes des autres fouverains. La
paix confiante dont jouit l'état de Yéglife j dif-
penfe de ces impôts multipliés qu'entraînent ailleurs
les guerres > mais il faut mettre par-tout de l'ordre
, égalifer les ttibuts autant qu'il eft poffible,
& fupprimer ces exceptions & ces privilèges abu^
fifs qui nuifent au peuple, & qui favorifent ceux
qui font déjà favorifés de tant d'autres manières.
i 6°. Si les monopoles que s'eft réfervé le fouverain
, portent un coup mortel à l'itïduftrie &. au
commerce qu'il faudrait encourager avec foin ,
les privilèges exclufifs qui font très-multipliés, ne
produifent pas des effets moins funeftes : & fi la
cour de Rome ne .veille pas aux progrès de I'in-
duftrie, de la culture & du commerce 5 fi elle ne
parvient pas à découvrir un moyen de rendre de !
l'aélivité à fes fu je t s o n peut prédire que le dé-
fordre de fes finances l'obligera à des coups d'autorité
qui perdent un prince- de réputation , &
qui caufent beaucoup de fcandale. Nous ne nous
permettrons pas de répéter que les dépepfes
du pape excèdent, fes revenus 5 qu'on épuife le
trefor du chateau Saint-Ange j qu'on accroît la
4£tte publique, 8c qu'on augmente fans ceffe la
quantité de papier-monnoie qui circule à Rome j
& que ce papier fe difcredite de plus en plus : peu
de perfonnes connoiffent ces faits avec exactitude
& precifion ; mais tout le monde a vu le difcré-
dtt du papier-monnoie , & ce feroit une opération
bien utile que de l'abolir. Tout papier-monnoie
qu on ne peut réaiifer en efpèces d’un moment à
1 autre, eft nuifible à l’état; chacun eft d'accord
fur ce point : mais les loix qui obligent à.recevoir
un papier-monnoie, font-elles défedtueufes ? Les
meilleurs eiprits croient qu’o u i, li l’on excepte des
circonftances particulières très-rares : ils ne veulent
admettre que des billets de banque , ou d’autres
billets qu’on puiffe refufer : il faut obferver
encore que 1 objet de ces billets de banque eft de
faciliter la circulation ; qu’ils conviennent feulement
aux pays où le commerce a de l’aélivité ;
& que ces memes billets de calife achèvent de tout
perdre chez un peuple pauvre & pareffeux, dont
le commerce eft dans la langueur.
En attendant qu’on aboliife ce papier - mon-
noie , il eft d’une extrême importance de maintenir
une proportion exaéte entre la valeur, des
billets-monnoies, & le dépôt en efpèces d’or &
d’argent, qui doit être au château Saint-Ange &
dans les autres caiffes publiques. Si on néglige
cette précaution, on verra tôt ou tard un affreux
bouleverfement.
} 7° • Avant de finir, nous indiquerons avec la
même réfeirve, les améliorations & les réformes
qu’on pourrait faire dans les autres parties. On
a protégé les établiffernens de quelques fabriques ;
ôn a traité les! entrepreneurs avec généralité &
avec magnificence ; mais 'cette gçnérofité & cette
magnificence font en pure perte ; le défaut de lumières,
lés connoilïanbes peu approfondies ’ fur
les diverfes branches de l’économie politique, 1*
peu de reffsurces qu’offre l’induftrie des naturels
du pays, & quelquefois la malhonnêteté des étrangers
qü’il a fallu employer, ont ruiné les établif-
femens. Comme il eft impoffiblè de prévoir les
vues d’ un nouveau pape qui fuit rarement les
projets; de fes prédécelfeurs , les entrepreneurs
trompent, gagnent beaucoup, & attendent le règne
fuivant pour tout abandonner.
i8Q. Jufqu’ici la cour de Rome s’eft occupée
prefquei exclufivement du maintien de la fo i , &
de fes négociations avec les puiffances catholiques
, & .elle a négligé l’adminiftration temporelle
Sc économique de fes états ; & ce fyllê*
me , qu’entretiennent des prétentions mal placées
, | eft bien fâcheux pour les peuples fournis
à la domination du faint - fiège. Mais que
doit taire un pape qui veut travailler férieufe-
ment à la profpérité de fes domaines, & qui de-
fire qu’on, fuive fon plan même après fa mort ?
Nous croyons pouvoir propofer un moyen sûr :
qu’il établifle des chaires d’économie politique ,
fur, «n plan me%nr que celui des pays où il y .en
5 j qu’il faffe traduire les bons livres etrangers
qu'on a publies fur cette fciencei qu'il encourage
l'étude de l'économie politique. La nation éclairée
fatiguera enfuite l’adminiftration de fes cris , & il
faudra bien qu'on s'occupe de fes intérêts temporels.
.
19°.. Comment avertir le chef d'une religion,
qui a la charité pour bafe , que les hôpitaux &
les fecours pour les pauvres , trop multipliés,
font mauvais en politique ? nous devons pourtant
le dire, & quoiqu'on ne puiffe efpérer la réforme
d'un abus qui tient aux moeurs de la nation
6 à l'une des qualités, les plus eftimables des
grands du pays > il faut bien obéir à la voix de la
raifon naturelle, 8c établir les principes indiqués
par l'expérience.
Si le faint-fiège convertiffoit en fecours pour
l'agriculture, les fommes qu'il accorde aux hôpitaux
& aux pauvres > s'il formoit dans les terreins
en friche ou mal cultivés des colonies, où l'on
enverrait cette foule de malheureux qui remplif-
fent Rome 8c les provinces : il y a lieu de croire
qu'une pareille operation aurait des fuites très-heu-
reufes : elle exigerait des combinaifons fans fin j
•mais le pape aéluel 8c fon fecrètaire d'état peuvent
lutter contre de pareils obftacles , 8c leurs lumières
viendraient à bout d e je s furmonter.
2o°. On punit rarement les coupables de mort :
il eft fûr neanmoins que la douceur des peines,
les refuges 8c les afyles , ouverts de tous côtés
aux criminels, multiplient les affaffinats, & qu'ils
convient d'ôter la vie à un affaffm, fur-tout chez
un peuple, qui par la violence de fon naturel, a
un penchant inconcevable au meurtre. La faine
philofophie, en calculant la proportion des délits 8c des peines, ne trouve pas que la peine de mort
infligée à un affaffm foit trop forte. Si le pape eft
chef de Yégiife & père de tous les chrétiens,
il eft fouverain temporel de l'état $ fi la première
qualité lui impofe la loi de traiter fes en-
fans avec douceur , la fécondé l'oblige à exercer
cette juftice inflexible qui maintient le repos 8c
la fûreté dans un gouvernement j & rien n'eft plus
défectueux que les manoeuvres employées par les
hommes puiffans, afin de fouftraire leurs créatures
à la rigueur des loix. Si on n'abolit pas les lieux
d'afyle ou de fureté pour les criminels , la police
fera toujours mauvaife, & l'on n'exécutera point
les loix. L'abolition de ces lieux privilégiés paraîtra
fans doute fort difficile : elle femble répugner
à un gouvernement prefque tout. religieux ,
&Ies ménagemens que la cour de Rome eft obligée
de mettre dans l'adminiftration des affaires femble
s'y oppofer j mais le progrès des lumières
& l'excès des abus amèneront peut-être un jour
la reforme.
2 i°. Le peuple des états du faînt-fiège eft très-
difficile à contenir j fpeétateur habituel des intrigues
ou des malices de ceux qui approchent la
cou r, il eft devenu criminel par habitude , s'il
ne l'eft pas devenu par principes > la groffié-
reté 8c la misère ont achevé de le corrompre, 8c fa corruption eft très-grande, puifqu'elle va
jufqü'à fe permettre les aCtions les. plus viles ,
avec une effronterie remarquable. Il fe plaint
hardiment ; on ne le contient qu’avec des sbirres
& des bourreaux > 8c ,1a police qu'on exerce
contre lui , eft celle d'un pays despotique , où
Ton fe permet tout contre la populace. S.ans doute
on eft Fort embarraffé avec les méchahs &: les fcé-
lérats : on eft fouvent réduit à porter les peines
jufqu'à la cruauté & à l'infamie ; mais cette af-
freufe peine de l'eûrapade qu'on lui inflige fi bruf-
quement pour de légers délits , ne doit - elle pas
l'endurcir 8c l’habituer à la honte ? Pour le traiter
avec tant de rigueur, qu'a-t-on fart pour lui ? &
dans cette multitude de fouverains qui font arrivés
fur le trône de S. Pierre, avec des vues 8c
des caractères fi différens, en trouve-t-on beaucoup
qui fe loient occupés férieufement. de fon
bonheur ? A-t-ôn cru qu'on le rendrait heureux,
en maintenant, aux -dépens du fifc , les denrées
à un prix modéré & toujours uniforme ? On fe
ferait trompé : ce moyen n'a jamais produit l'ai-
fance & le bonheur du peuple. On l'a dépouillé
fucceffivement des domaines dont, il jouiffoit, 8c
là chambre apoftolique a affigné, fur les-revenus
de ces domaines, quelques-unes des rentes des
monts * il s'en fouvient toujours, & il ne voit
pas qu'on lui ait donné de dédommagement ; il
murmure fans ceffe , & nous ne craindrons pas de
dire que fes murmures font quelquefois fondés.
22° Les exploitations qui fe font pour le compte
du domaine ou en fon nom, font-elles dirigées
avec intelligence 8c de la manière qui en almre-
roit lé fuccès ? Les mines d'alun de la Tolfa ,
dans le patrimoine de S. Pierre j la fabrication du
foufre dans la Marche d'Ancône, dans le duché
d'Urbin & dans la Romagne 5 les fîmes de la
Romagne 5 les fabriques de vitriol, de falpêtre &
de poudre rapportent - elles ce qu'on pourrait en
tirer ? & la modicité des produits dont nous avons
les • états fous les yeu x, n'exige-elle pas une
réforme 8c des encouragemens de la part de l'adminiftration
?
2 La politique romaine a long-temps eu potir
objet un defpotifme univerlcl, fondé fur les anciennes
maximes de Grégoire V II. Elle fait aujourd'hui
qu'on lui contefte la plupart de fes prétentions 5 qu'elle
n'a d'autre moyen de fe faire obéir que les
excommunications , moyen bien moins puiffant
qu'autrefois. Le fouverain pontife a duel a mis
une fageffe & une modération dignes d'éloges dans
fa conduite avec l'empereur : l'Europe lui faura
gré d'avoir choifi pour fecrètaire d'état un homme
dont la fageffe égale les lumières j qui portera
toujours dans les négociations l'affabilité, la droiture
& la fermeté de fon caractère 5 qui, animé
par des- vues générales. de bien public , & parfaitement
inihuit de ce qui fe paffe en Europe ,