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dans 1Joccident, démontrent que la proportion
entre la naiffance des* mâles & celle des femelles
paroît égale à peu de chofe près : enforte que la
difpofîtion la plus convenable à la propagation de
la race humaine, eft celle qui ne permet qu'une
Femme à un homme. Ainfi la polygamie qui prive
plufieurs hommes de femmes , & qui accorde plu-
fîeurs femmes à un feul homme, doit être necef-
fairement contraire à la population. Voye[ P o l y g
am ie .
Si le chriftianifme, dans fa pureté, n'eft pas
défavorable à la multiplication ae la race humaine
, on peut en àbufer comme des meilleures inf-
îitutions y 3c il ne ferait peut-être pas aifé de juf-
tifier tous les édits des empereurs chrétiens à ce
fujet : on n'a pas répondu folidement à ceux qui
regardent le nombre prodigieux de prêtres non
mariés dans les pays catholiques y & celui des personnes
du fexe que renferment les couvens, comme
une des principales caufes de la dépopulation dans
les pays fournis au fouverain pontife. Si on compare
des pays catholiques & des pays proteftans
de la même étendue , on trouvera la population
beaucoup plus nombreufe dans les derniers.
2°. La diverfité des coutumes anciennes & modernes
relativement aux domelliques & à l'entretien
des pauvres 3 eft une autre caufe de dépopulation.
Depuis plufieurs fiècles 3 l'Europe s'eft vue inondée
de mendians & de malheureux, qui n'ayant
rien fubfiftent de leur travail journalier ; l'aumône
fourniffant à peine de quoi vivre aux premiers,
& le travail des féconds pourvoyant avec beaucoup
de peine à leurs propres befoins, que peut-
on attendre d'une -fituation pareille ? Ils ne fe marient
point du tou t, ou leurs mariages font ftéri-
le s , ou leurs enfans meurent, ou la foibleffe de
leur conftitution les rend inutiles à la fociété.
Si l'on en croit M. Templeman, il y a un million
500,000 habitans en Ecofie, & les deux tiers font
des mendians ou des pauvres entretenus aux dépens
des autres. Le bas peuple fi nombreux dans
prefque toute l'Europe, eft accablé de mifère 3
éprouve plus de befoins qu'on n'en éprouvoit
autrefois , & cet ordre de chofes diminue les mariages
ou tarit la fource des enfans.
Dans les anciens temps , les gens du peuple
pouvoient fournir à leur fubfiftance, o u , s'ils tom-
boient dans la pauvreté, ils fe donnoient à de riches
maîtres, qui, trouvant leur compte dans le
nombre de leurs efclaves , les encourageoient au
mariage, & prenoient grand foin de leurs enfans ,
lefquels faifoient une portion confidérable de leurs ri-
cheffes : car il ne paroît pas que la fervityde ait
nui beaucoup à la population chez les grecs & le s
romains.
3°. Les loix fur les fucceflions & le droit de
primogéniture, en vertu duquel l'ainé des famil-
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I les opulentes, & même de celles qui ont une fortune
médiocre, obtient, dans plufieurs pays de
l'Europe, la plus grande portion des biens paternels
, tandis que les cadets n'ont qu'un très-mince
patrimoine, peuvent être regardées comme une
autre caule de la dépopulation dans les fiècles modernes.
Get arrangement eft moderne : les grecs
& les romains taiioient une diitribution plus égale
du bien paternel entre tous les enfans , & les anciens
n'ont jamais ravorifé les aînés d une façon
aulii • dilproportionnée.
4°. L'encouragement au mariage eft beaucoup
moindre de nos jours. Les anciens conféroient des
honneurs, & accordoient des privilèges aux per-
fonnes mariées : les célibataires de la Grèce fe
voyoient en que. que forte notés d'infamie >
en quelques cas particuliers , on ne permettoii
pas de différer ce lien, au-delà d'une certaine époque
5 on alloit même plus loin, ceux qui ne fe
marioient point pouvoient impunément être traités
avec mépris.
5°. Le grand nombre de foldats de nos armées
modernes, qui fe marient peu, qui débauchent
d'ailleurs tant de femmes , & qui donnent lieu à
tant de maladies infâmes eft une cinquième caufe
de dépopulation.
6°. La trop grande étendue du commerce, entre
l'Europe & les contrées les plus reculées de
l'orient & de l'occident, paroît être une autre
caufe de la dépopulation en Europe.
7°. Le goût pour la vie paifible & champêtre,
fi dominant autrefois & fi affoibii parmi les modernes,
peut expliquer auflî l'extrême population
des anciens.
8°. On peut encore attribuer la dépopulation ,
dans les temps modernes, à l'étendue de piu-
fieurs états modernes, comparée à celle des anciens.
Depuis une époque antérieure à celle d'Alexandre,
jufqu'à Tétabiiffement de l'Empire romain ,
les contrées d'occident étoient remplies de petites
nations indépendantes. Céfar en trouva plufieurs
dans les Gaules. L'Italie, la Grèce, l'Aiie mineure
& les côtes d'Afrique, ainfi que prefque
toutes les ifles de la Méditerranée & de la mer
Ægée , formoient des états féparés : un état ne
comprenoit fouvent qu'une feule ville & un petit
territoire bien cultivé ; car on s attache beaucoup
i la culture des-terres fituées près des villes.
o°. Le luxe inconnu aux fiècles anciens, contribue
par degrés & infenfiblement à diminuer la
population.
io°. La corruption des moeurs, fuite néceffaire
du libertinage d'efprit & de la mauvaife éducation,
k diminue d'un autre côté.
u 0. L'ufage des nourrices étrangères eft une
nouvelle caufe de dépopulation.
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I il®. La richeffe des dots contribue encore à la
I dépopulation. Cette efpèce de luxe caufe un dom-
[mage infini à la fociété : elle'diminue le nombre
Ides mariages, & elle porte la fterilite dans ceux
Iqui fe font.
I 12°. On peut compter l’exceffive rigueur des
loix pénales, tant criminelles que fifcales, parmi
les caufes de dépopulation. On fait peu de cas^ de
l ia vie des hommes , & on les facrifie legere-
Iment. 1 14°. La multitude de domeftiques qui rempljf*
Ifent les v illes, produit deux maux a la fois > elle
Idévafte les campagnes qui relient fans cultivateurs,
| & elle augmente le nombre de célibataires } car
le fervice ne peut guères s accorder avec le ma-
Iriage & le foin d'une famille.
I Parmi les caufes de la dépopulation 3 on pour-
Iroit d'ailleurs indiquer, i° . le nombre immenfe de
J fainéans & de mendians, dont la plupart des états
| cherchent peu à tirer parti 5 2°. la mauvaife ad-
* miniftration des maifons de force & des hôpitaux}
(J voye^ l'article D épôt ) $°. la dureté dans la
perception des impôts > 4°* multiplicité des
»corvées ; 50. les perfécutions & les guerres de relig
io n i 6°. enfin ces princes déteftables qui mon-
Étent fur le trône pour la deftruétion de l'efpèce
humaine, & ces fameux brigands que leur brillans
fuccès ont fait regarder comme des conquérans &
,|des héros.
B Nous obfervèrons, en finiffant, qu'on ne doit
ÎMpas regarder ces caufes de dépopulation 3 comme
ides caufes invariables & d'un effet fur : l'Afie &
l'Afrique n'offrent que trop de contrées oùl'inf-
Éjtinél de la nature triomphe de .tous les obftacles,
.1 & où la race humaine fe multiplie exceffivement
au milieu de tout ce qui devroit arrêter la po-
$ pulation.
Comment on peut remédier à la dépopulation.
f Lorfqu'un état fe trouve dépeuplé par des acci-
1 dens particuliers, des guerres , des peftes, des i famines , il y a des reffourees, dit l'auteur de
XEfprit des loix. Les hommes qui relient peuvent
H conferver l’efprit de travail & de#l'induftrie ; ils
~.peuvent chercher à réparer leurs malheurs, & à
devenir plus induftrieux par leur calamité même.
Le mal prefque incurable eft lorfque la dépopula-
B tion vient de longue main , par un vice intérieur
& un mauvais gouvernement. Les hommes y ont
péri par une maladie infenfible & habituelle : nés
dans la langueur & dans'la misère, dans la vio-,
| lçnce ou les préjugés du gouvernement, ils fe
i font vus détruire , fouvent fans fentir les cau-
[ fes de leur deftru&ion. Les pays défolés par le
defpotifme , ou par les avantages exceflifs du
clergé fur les laïques, en font deux grands exem-
fples.
f Pour rétablir un état ainfi dépeùplé, on atten-
droit en vain des fecours des enfans qui pourroient
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naître. Iî n’eft plus temps , les hommes dans leurs
déferts font fans courage & fans induttne. Avec
des terres pour nourrir un peuple, on a a peine
de quoi nourrir une famille. Le bas peuple, dans
ces pays, n'a pas même de part à leur muere,
c'eft-à^dire, aux friches dont ils font remplis. Le
clergé , le prince, les villes, les grands , quel-
ques citoyens principaux font devenus^ infenfi-
blement propriétaires de toute la contrée : elle
eft inculte ; mais les familles détruites leur en
l ont laiffé les pâtures, & l'homme de travail n a
rien.
Dans cette fituation, il faudrait faire , dans
toute l'étendue de l'Empire , ce que les romains
faifoient dans une partie du leur : pratiquer, dans
la difette des habîtans , ce qu'ils obfervoient dans
l'abondance ; diftribuer des terres à toutes les familles
qui n'ont rien, leur procurer les moyens
de les défricher & de les cultiver. Cette dillri-
bution devroit fe faire à mefure qu il y, aurait un
homme pour la recevoir 5 de lorte qu il n y eut
I point de moment perdu pour le travail. Voye\[
l'article Po p u l a t io n .
D É PÔ T DES LO IX . Pour que l'autorité publique
, limitée par des lo ix , ne dégénère pas en
defpotifme, il faut, dans la monarchie, quelque
chofe qui veille à la confervation des lo ix , qui
empêche qu'on ne les enfreigne, qu on ne les 0U7
b lie , ou qu'on ne les aboliffe par des ufages &
d'autres loix contraires à la conftitution de 1 état.
Or , cette chofe, que je nomme dépôt des loix ,
ne peut fç trouver que dans une partie de 1 état,
également intéreffée à foutenir l'autorité publique
& les loix qui l’ont limitée , & a fiez eclairee
d'ailleurs pour connoître les loix, leur force, les
moyens qui peuvent les tenir en vigueur, & ceux
qui pourroient les détruire. ce C e dépôt, dit Mon-
*> tefquieu, ne peut être que dans les corps pô-
93 litiques qui annoncent les loix lorfqu elles font
m faites, & les rappellent lorfqu’on les oublie.
33 L'ignorance naturelle à la nobleffe, fon inat-
33 tentiôn, fon mépris pour le gouvernement ci-
»3 vil exigent qu'il y ait un corps qui faffe fans
. 33 ceffe fortir les loix de la poufliere ou elles fe-
»3 raient enfevelies. Le confeil du prince n eft pas
: 3» un dépôt convenable ; il eft f)ar fa nature lé
33 dépôt de la volonté momentanée du prince qui
33 exécute, & non pas le dépôt des loix fonda-
33 mentales. De plus, le confeil du monarque chan-
'■ 33 ge fans ceffe ; il n'eft point permanent 5 il ne
‘ 33 fauroit être nombreux ; il n a point a .un affez-
I 33 haut degré la confiance du peuple ; il n'ell donc
33 pas en état de l'éclairer dans les temps diffici-
33 le s , ni de le ramener à l'obéiffance 33. Efprit
des loix y liv. I I , chap. 4.
D épôt de m en d ic ité , Heu où l'on enferme
pour un temps limité les mendians valides, les
vagabonds , les filles publiques, les fous, & généralement
tous ceux qui troublent ou inquiètent