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On trouvera dans le d'élionnaire de I 'A r t
m i l i t a i r e , un long article fur l’art de la
guerre.
G U IN E E , contrée de l’Afrique. Nous comprenons
ici , fous le nom de Guinée 3 les divers pays où
les européens font le commerce des efclaves. Nous
donnerons 3 i° . un précis de l’hiftoire politique
de la Guinée : nous parlerons du gouvernement
& de l’adminillration des diverfes peuplades qui
font établies dans cette partie de T Afrique : 2°.
du commerce de la Guinée 3 & nous entrerons
dans quelques détails lur le commerce des efclaves
: .$0. des établilfemens européens fur la côte
de Guinée * & de la quantité d’efclaves qu’on
en tire.
S e c t i o n p r e m i è r e .
;"Précis de Vhifoire politique de la Guinée , du
gouvernement 6* de 1‘adminift ration des diverfes
peuplades établies dans cette partie de P Afrique.
Les révolutions qui ont dû arriver dans l’Afrique
occidentale 3 comme dans le relie du globe ,
font entièrement ignorées 3 & il étoit impoflîble
qu’il en fût autrement dans une région où l’écriture
a toujours été inconnue. On n’y a même
confervé aücune tradition qui puilfe fervir de
bafe à des conjectures bien ou mal fondées. Quand
on demande aux peuples de ces contrées pourquoi
ils ont laifle perdre le fouvenir de ce qu’ont
fait leurs pères 3 ils répondent qu’il importe peu
de favoir comment ont vécu les morts > que l’ef-
fentiel ell que les vivans aient de la vertu. Le
palfé les touche fi peu * qu’ils ne comptent pas
même le nombre de leurs années. C e feroit ,
difent-ils , fe charger la mémoire d’ un calcul inutile
3 puifqu’ il n’empêche pas de mourir , &
qu’il ne donneroit aucune lumière fur le terme
de' la vie. En parlant de cette partie du monde,
on eft donc réduit aux époques qui ont vu arriver
les européens fur fes rivages. Il faut même
fe borner aux cotes, puifqu’aucun étranger , digne
de créance , n’ a pénétré dans l ’intérieur des
terres 3 & que nos navigateurs n’ont guère étendu
leurs recherches- au-delà des rades où ils for-
moient leurs cargaifons.
Toutes leurs relations- attellent que les parties
connues de cette région font ^buvernées arbitrairement.
Que le defpote foit appellé au trône
par les droits de fa nainance, ou qu’il le foit par
cleClion , les peuples n’ont d’ autres loix que la
volonté.
Mais un fait qu’attellent les voyageurs , qui
mériteroit d’être vérifié fcrupuleufement, & qu’on
doit trouver finguîier en Europe, où le grand nombre
des monarchies héréditaires s oppofe àla tranquilité
des gouYernemens éleCtifs * c’eft qu’en Afrique 1
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les contrées où îl y a le moins de révolutions *
font celles qui ont confervé le droit de choifiu
leurs chefs. Pour l’ordinaire, c’ell un vieillard
dont la lagelfe ell généralement connue. La manière
dont'fe fait ce choix, ell fimple , mais ne
peut convenir qu’ à de très-petits états. Le peuple
fe rend à fon gré, dans trois jours , chez le
citoyen qui lui paroît le plus propre au commandement.
Si les voix fe trouvent partagées, celui
qui en a réuni un plus grand nombre , nomme
le quatrième jour un de ceux qui ont eu moins
de voix que lui. Tout homme libre a droit de
fulfrage. Il y a même quelques tribus où les femmes
jouilfent de ce privilège.
Telle e l l , à 1’ exception des royaumes héréditaires
de Bénin & de Juda , la formation de cette
foule de petits états qui font au nord de la ligne.
Au fud , on trouve le Mayombé & le Quilingo ,
dont les chefs font pris parmi les miniftres de la
religion ; les empires de Loango & de Congo ,
où la couronne fe perpétue dans la ligne mafeu-
line du côté des femmes , c’ eft-à.-dire que le
premier fils de la foeur aînée du ro i, hérite du
trône devenu vacant. Ces peuples croient qu’un
enfant ell bien plus fûrement le fils de fa mère
que de l’homme qu’elle a époufé : ils s’en rapportent
plus à l’enfantement qu’ ils voient, qu’au
moment de la conception qu’ ils ne voient pas.
Ces nations vivent dans une ignorance entière
de cet art fi révéré parmi nous, fous le nom de
politique. Cependant ils ne lailfent pas d’en obfer-
ver les formalités & certaines bienléances. L ’u-
fage des ambalfades leur ell familier , foit pour
folliciter des fecours contre un ennemi puinant*
ou pour réclamer une médiation dans les différends
, ou pour faire compliment fur des décès y
fur une nailfance , fur une pluie après une grande
féchereffe. L ’envoyé ne doit jamais s’arrêter plus
d’un jour au terme de fa million,. ni voyager
pendant la nuit dans les états d’un prince étranger.
Il marche précédé d’un tambour, qui annonce
au loin fon caractère , & accompagné de
cinq bu fix de fes amis. Dans les lieux où il s’arrête
pour prendre du repos, il eft reçu avec
refpeél : mais il n’ en peut partir avant le lever
du foleil, & fans que fon hôte ait aflfemblé quelques
perfonnes qui puilfent témoigner qu’ il ne
lui eft arrivé aucun accident. Au relie , on ne
connoît aucune de ces négociations qui ait un
objet un peu compliqué. Jamais on ne ftipule
rien pour le palfé, tout eft pour le préfent. D ’où
l’on peut conclure que ces nations ne fauroient
avoir aucun rapport fuivi avec les autres parties
du globe.
La guerre n’efl pas plus combinée que la politique.
Nul gouvernement n’ a de troupes à fa
folde. La profelfion militaire eft l’état de tout
homme libre. Tous prennent les armes pour coût*
vrir leurs frontières, ou pour aller chercher dtl
butin. Les généraux font choifis par les foldats*
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te le choix eft confirmé par le prince. L armée
marche , & le plus fouvent les hoftilites commencées
le matin , font terminées le foir. L incurlion
du moins n’ eft jamais longue, parce que , n ayant
point de magafins, le défaut de fubfiftances oblige
de fe retirer. C e feroit Un grand malheur pour.
ces peuples , qu’on leur enfeignat l art de tenir la
campagne quinze jours de fuite.
C e n’eft point le defir de s’agrandir, qui donne
nailfance aux troubles qui déchirent allez fou-
vent ces contrées. Une infulte faite dans une ceremonie
, un vol furtif ou violent, le rapt d une
fille , voilà les fujets ordinaires de la guerre. Des
le lendemain d’une bataille , le rachat des prifon-
niers fe fait de part & d’autre. On les échangé
avec des marchandifes ou avec des efclaves. Jamais
on ne cède aucune portion du territoire; il
appartient tout entier a la commune, dont le cher
fixe l'étendue que chacun doit cultiver, pour en
recueillir les fruits. ,
Cette manière de terminer les différends, n elt
pas feulement des petits états qui ont des chefs
trop fages pour chercher a s agrandir , trop âges
pour ne pas aimer la paix. Les grands empires
font réduits à^s’y conformer avec des voifins plus
foibles qu’eux. Le defpote n’a jamais de milice
fur pied ; & , quoiqu’ il difpofe a fon gre de la
vie des gouverneurs de fes provinces, il ne leur
preferit aucun principe d’adminiftration. C e font
de petits fouverains qui, dans^ la crainte d etre
foupçonnés d’ambition & punis de mort, vivent
en bonne intelligence avec les peuplades électives
qui les environnent. L’harmonie, entre les puifian-
ces confidérables & les autres états, fubfille en
même-temps par le pouvoir immenfe ^ue le prince
a fur fes fujets, & par l’ impolfibilité où il eft de
s’en fervir comme il le voudroit. Sa volonté n eft
qu’un trait, qui ne peut frapper qu’ un coup &
qu’ une tête à-la fois. Il peut bien ordonner la mort
de fon lieutenant, & toute la province l’étranglera
à fon commandement ; mais s il ordonnoit
la mort de tous les habitans de la province, per-
fonne ne voudroit exécuter cet ordre, & fa volonté
ne fuffiroit pas pour armer une autre pro-
v iic e contre celle-là. Il peut tout contre chacun
en particulier : mais il ne peut rien contre tous
enfemble. . ■ S' ■ _ ><Y.
Une autre raifon qui empeche 1 afierviilement
des petits états par les grands, c’ eft que ces peuples
n’attachent aucune idée à la gloire des conquêtes.
Le feul homme qui en ait paru touché,
étoit un courtier d’efclaves, qui , dès fon enfance
, avoit fréquenté les vaiffeaux européens ,
& qui, dans un âge plus avancé , fit un voyage
en Portugal. C e qu’il voyoit, ce qu’ il entendait
d ire, échauffa fon imagination , &lui apprit qu’on
fe faifoit Couvent un grand nom en occafionnant
de grands malheurs. De retour dans fa patrie , il
fe fentit humilié d’obéir à des gens moins éclairés
que. lui. Ses intrigues l’élevèrent à la dignité de
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chef des akanis, & il vint à bout de les armef
contre , leurs voifins. Rien ne put réfiller à fa valeur
, & fa domination s’étendit fur plus de cent
lieues de côtes, dont Anamabou étoit le centre.
Il mourut. Perfonne n’ofa lui fuccéder ; & tous
les refforts de fon autorité fe relâchant à la fois ,
chaque chofe reprit fa place.
La religion chrétienne & la religion mahomé-
tane femblent tenir par les deux bouts la partie de
l’Afrique occidentale, fréquentée par les européens.
Les mufulmans de la Barbarie ont porté
leux dogmes aux peuples du Cap-Verd, qui eux-
mêmes les ont étendus plus loin. A mefure que
ces dogmes fe font éloignés de leur fource, ils
fe font fi fort altérés , que chaque royaume, chaque
village, chaque famille en a de différens. Sans
la circoncifion, qui eft d’un ufage général , à
peine foupçonneroit on les peuples de profeffer le
même culte. Il ne s’ell tout-à-fait arrêté qu’au
Cap de Mon té , dont les habitans n’ont point de
communication avec leurs voifins.
C e que les arabes avoient fait au nord de la
ligne pour l’Alcoran, les portugais le firent dans
la fuite au fud pour l’Evangile. Ils établirent fon
empire vers la fin du quinzième fiècle, depuis le
pays de Benguela jufqu’au Zaïre. Un culte, qui
préfentoit des moyens pour l’expiation de tous les
crimes, fe trouva du goût des nations qui avoient
une religion moins confolante. S’il fut proferit depuis
dans plufieurs états, ce furent les violences
de fes promoteurs , qui lui attirèrent cette dif-
grace. On l’a même tout-à-fait défiguré dans les
contrées où il s’eft maintenu. Quelques pratiques
minutieufes font ^out ce qui en relie.
Le pays eft généralement mal peuplé. Il eft
rare d’y trouver des habitations ailleurs qu’ auprès
des rivières, des lacs & des fontaines. Dans ces
contrées, ce font moins les befoins réciproques
qui rapprochent les hommes, que les liens du fang
qui les empêchent de fe féparer. Auflî diftingue-
t-on dans la même ville , quelquefois dans le même
village , de petits hameaux qui font autant de familles
préfidées par leurs patriarches.
S e c t i o n I I e.
Du commerce de la Guinée : détails fur le commerce
des noirs.
En Guinée 3 le commerce n’a jamais pu faire
une grande révolution dans les moeurs. Il fe bor-
noit autrefois à quelques échanges de Tel &:
de poiffon feché, que confommoient les nations
éloignées de la côte. Elles donnoient en retour
des pièces d’étoffes faites d’ un fil § qui n’eft autre
chofe qu’ une fubftance ligneufe > collée fous
l’écorce d’ un arbre particulier à ces ehmats. L ’air
la durcit & la rend propre à toute forte de tii-
fure. On en fait des bonnets, des efpèces d’écharpes
des tabliers pour la ceinture, dont h