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loix en corps, fe réunilTent quelquefois en troupes
; ils ne veulent plus des lenteurs d’une délibération
, & ils femblent énoncer leur volonté
par un aéle de force , au lieu de d’énoncer par
de paifibles fuffrages. Ainfi on a v u , les années
dernières, les habitans d'un petit canton de la
SuiiTe fe porter en foule chez un homme riche,
le dépouiller de fon argent & Je partager, en-
tr eux , pour, difoient-ils, rétablir légalité.; On
ne cherche point à juftifier cet attentat; mais il
faudrait favoir s’il a été précédé d’ une forte de
délibération, fi aucune loi de la république ne l’au-
torifoit, & fi on ne s’eft pas fervi dans cette in-
vafion du prétexte d’une amende.
J°. Les faâions font un mal inhérent aux démocraties
, & on apperçoit , au premier coup
d’oeiMes maux des fa étions ; mais on ne voit pas
de même le bien qu’elles produifent. Elles entretiennent
la vigilance 8c le courage; elles. veillent
autour d elà ftatue de ,1a liberté, les unes pour
la détruire, les autres pour la confetver : 8c tout
eft perdu lorfqu’elle eft environnée de tranquilles
admirateurs. Qu’on ne foit pas trop effrayé des
troubles & des divifions des démocraties ; une république
dont l’extérieur eit trop paifible, court
des dangers. L ’ambition profite du fommeil des
autres, mais elle ne dort jamais. Les riches voudront
toujours dominer les pauvres, 8c les pauvres
feront opprimés, s’ils ceffent un momenè
d’épier 8c de contenir le? .riches.
6°. Il faut s’attendre, dans les démocraties, à
de grandes, injuftices 8c à de grandes fottifes :
mais quel ell le gouvernement où l’on ne fait ni
grandes injuftices, ni grandes fottifes ? Les injuftices
des peuples libres font-elles plus redoutables
que ces terribles injuftices des ariftocraties & des
monarchies , où l’on fe joue de la vie des hommes
& du répos des citoyens ?
7°. Lorfqu’on examine les inconvénient des démocraties
, il ne faut pas que des boutades paf-
fagères ou des milans de frénéfie faffent trop d’tm-
preffion. On peut fourire en lifant que le peuple
de Megare, après avoit chaffé fon prince, .établit
pour première loi de l’ état populaire que les pauvres
vivraient à drfcrétion chez les riches ; & lorfqu’on
fe rappelle de quelle maniéré les athéniens
traitèrent le vertueux Ariftide; lorfqu’on fe fou-
vient que Phocion & Miltiade moururent , en.pri-
fon ; que Thémiftocle 8c Alcibiade finirent leurs
jours en e x il, on doit gémir fur les vices de l’humanité
, plus encore que fur les abus de la dém&-
eratie.
8°. De toutes les formes de gouvernement, la
démocratie eft la moins ftable. C'eft une machine
compliquée, dont le mouvement eft affujetti à
l'équilibre d'une multitude de poids 5 & combien
il faut d adrefler pour maintenir l'équilibre au mi-
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lieu des fecouffes, des chocs & des frottemens
de tant de parties diver/es ! Les paflions font ici
plus fortes que les âmes républicaines ; tous les
gouvernemens qui ont commencé par la démocratie
, font devenus plus ou moins abfolus, & on a
vu peu de gouvernemens abfolus finir par la démocratie.
90. A ne confidérer que l'ignorance, la grof-
fiéreté & les abfurdes préjugés du peuple, il pa-
roît indigne de fe mêler de l'adminiftration ; il fem-
ble mériter tout au plus d'être gouverné 5 mais on
ne doit pas confondre la populace des nations af-
fervies, avec le peuple des nations libres, & il
faut étudier les gouvernemens républicains,'pour
juger à quel point la liberté & de tonnes loix
tempèrent les effets de la mifère & du travail manuel.
Sans doute, la populace d'Athènes & de
Rome manquoit de lumières & de raifon j elle
étoit dominée par des paflions viles , & entraînée
par des caprices méprifables : on fit bien de la
contenir ; & fi elle abufa quelquefois de la portion
d'autorité qu'on lui laiffa, elle n'en abufa pas toujours.
10°. On a reproché aux démocraties la lenteur
& la foibleffe j mais ce reproche eft bien vague.
Athènes, dans fes beaux jours, eut une extrême
activité ; elle réfïfta à toutes les armées d’un monarque
puiflant ; elle montra cette force admirable
qui fe tire de la valeur & de l'enthoufiafme
patriotique, qui ne calcule ni les dangers ni les
obftacles , & quitiiomphe de tout : fes bataillons »
foibles en apparence fe renverférent les innombrables
cohortes du grand roi.
i i °. Un mathématicien célèbre ( 1 ) a calculé
les probabilités des opinions rendues à la
pluralité des v oix , & fon réfultat n'eft pas fa*
vorable aux démocraties : mais on ne doit pas juger
les démocraties fur ce fait; car les élections
& les délibérations des autres états ont encore
plus d'inconvéniens. D'ailleurs le philofophe qui
a trouvé ce réfultat, cherchoit la vérité & lajüf-
tice rigoureufe ; & lorfqu'on veut écrire utilement
fur les matières politiques, il faut renoncer aux
chimères. Puifque.les hommes n'ont jamais à choi-
fîr qu'entre des maux & des abus, qu'importe
après tout que des citoyens ignorans fe trompent
dans la nomination aux charges publiques , ou
dans la rédaction de quelques loix civiles. Lorsque
la liberté politique eft établie , l'effet de la
conftitution détruit fouveat l'effet des mauvais
choix. & des mauvaifes ordonnances. ,
12°. U nous refte quelques mots des grands hommes
de l'antiquité ffur la fottife & les vices du
peuple dans les gouvernemens populaires ; mais
que prouvent ces traits d'efprit & ces mouve-
mens d'indignation ?■ que le peuple y eft ridicule
(1) M. le marquis de Condorcet,
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& quelquefois malhonnête ; & n y à-t-il pas des
gouvernemens oùil l’ eft toujours ?
i j ° . Il faut l’aVouer avec Plutarque , la vénalité
eft une maladie commune aux états populaires.
La brigue & la corruption y déshonorent
les affemblées du peuple ; mais la brigue & la corruption
hé déshonorent-elles pas toutes les operations
en d’autres gouvernemens ?
DEMOISELLE , ( titre honorifique ). Voy'l
Je Dictionnaire de Jurifprudence.
DENRÉES. Voyei G r a in s .
D É P A R T EM EN T . Fayei l’article A fvaires
POLIT IQ UE S,
DÉPÊCHE. C ’ e ft proprement une lettre d’ af-
faire;qu'on envoie par un courier exprès pour
quelque caufe importante qui concerne l’état; mais
on donne aufïi le nom de dépêches a toutes les lettres
qui entrent dans la correfpondance d une. cour
avec fes miniftres, fes généraux ou fes agens.
C e font les fecrètaires d'état' ou leurs premiers ■
commis, qui font chargés de dreffer les dépêches. \
-Un roi donne/par des- dépêchesfes ordres à fes
miniftres qui réfident dans, les pays étrangers. |
En Allemagne, les çouriers chargés déporter
les dépêches fe nomment eftafettes. : ils ont la livrée
de l'empereur, & l'on eft obligé, dans tou-
i - tes les poftes, de les monter : ils vont fans pof-
[itrlLon.. .......
| Le roi de France Louis X IV établit un confeil
de dépêches, auquel afliftoient M. le dauphin, le
! duc d'Orléans, le chancelier & les quatre fecré-
ftaires d'état. C e confeil fubfifte encore aujourd'hui
fous le même titre.’
En Efpagne, le fecrètaire d’état, chargé du
département des affaires étrangères, eft appelle
fecrètaire des dépêcha univerfelles , del defpatcko
univer
D É PO PU L A T IO N . La dépopulation eft proprement
l’a&ion de dépeupler un pays ou une
place. Cependant ce mot fe prend plus ordinairement
dans le fens paflif que dans le fens aétif. On
dit la dépopulation d'un pays, pour défigner la diminution
de fes habitans ,. foit par des caufes vio-;
lentes, foit*par le feul défaut de multiplication.
L a terre contientrelle aujourd'hui moins d'habi-
tans que dans les anciens temps.?; & fi èlle s'eft
dépeuplée, quelles font lés caufes dé cètte dépopulation
? La première queftion exigerait un long
mémoire , & nous né pouvons pas la difcuter ici.
I l nous fuffira de renvoyer au Dictionnaire univer-
fel de M. Robinet, tom.^i y , & aux Eftais de
Hume. Cette matière ne paroît pas encore éclaircie
, quoiqu'on l'ait traitée dans un grand nombre,
de yolumes.
Quant à la fécondé , nous allons indiquer tes
caufes de la dépopulation. Ces caufes font phyfi-
ques ou morales.
L'altération dans la température de l'air * la di-
D É P *9
minution de la chaleur du foleil, ou de la vertu
nutritive de la terre, agiffant fur les végétaux
ainfi que fur, le corps animal , préviennent
quelquefois la génération, ou enlevent un, plus
grand nombre d'hommes dans les differens périodes
de la vie. On peut fuppofer que des caufes
de cette nature agiflent dans les memes climats
en des fiècles différens, & en différens climats
dans le même fiècle. Le genre humain peut etre
ravagé parla pefte & par la famine, & un pays
fertile devenir un affreux defert : cependant de
pareilles caufes ne paroiffent pas fuffifantes pour
expliquer le phénomène de la dépopulation quë
trouvent quelques écrivains dans les diverfes parties
du globe : on ignoré s'il y a eu des chan-
gemens dans l'état de la nature, qui aient produit
une différence confidérable fur toute la terre,
ou dans quelques régions particulières j c'eft pourquoi
nous ne chercherons pas i expliquer la dépopulation
de cette manière. Mais on pourroit trouver
des caufes naturelles d'un autre genre, dont
les effets ont été plus grands ; & des maladies inconnues
autrefois peuvent avpir produit de terribles
ravages chez le s modernes, telles que la petite
vérole & la maladie vénérienne. ■ ^
Les pernicieux effets des maladies particulières,
ou les autres caufes phyfiques que l’on pe.ut al-
i léguer, ne fuffifent pas : pour expliquer la dépopulation
de la terre d'une manière fatisfaifaute, il
faut-recourir aux .caufes morales ; h-dépopulation
peut venir, i° . de la différence des religions
des inftitutions religieufes ou morales ; 2°. des différentes
coutumes relativès aux domeftiquës & a
l'entretien, des pauvres ; 30. des différentes règles
fur les fucceflions , ou fur le droit d’ainefte ; 40.
du peu d'encouragement que l’on donne aux mariages:;^
0. du grand nombre de folcjats qu'on-voit
dans les armées de l'Europe ; 6°. de la trop grande
étendue du commerce ; ;7°. de l’abandon de 1 agriculture
; 8°. de la perte de l'ancienne fimplicite.
Quelques-unes de ces caufes paroîtront plus puïf-
fantes que les autres ; mais il y a lieu de croire
que chacune en particulier , & toutes en- général,
influent fur la dépopulation.
Premièrëment , 1a religion doit influer fur cet
objet ; & fi la terre fu t autrefois plus peuplée
qu'elle ne l'eft maintenant, 1 brt peut^trouver ici
une des . caufes de ce changement. Il s'eft fait -,
dans les cultes de l’Europe & .de lA f ie , deux
changémens confidérables ; 1 etabîiflement du chrif-
tianifme & du mahometifme. Confiderons leurs
différens effets. 1 . .
La polygamie autorifée par le paganifme , nut-
fant à la propagation du genre humain , le chrif-
tianifme ne peut avoir contribué à la, dépopulation
fous ce rapport 5 il doit au contraire avoir multiplié
les hommes g malgré tout ce qu'on a dit de
la difproportion entre les mâles & les femelles v
& de la fupériorité en nombre de celles - ci en
orient > mais des obfervations plus exactes, faite®