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Ces importations font groffies par celles d'une
douzaine de jonques parties d'Emuy, de Limpo
& de Canton , avec environ deux mille chinois
conduits tous les ans à Java , dans l'efpéranee d’y;
acquérir des richeffes. Le th é , les porcelaines,
les foies écrues, les étoffes de foie & les toiles
de coton qu'elles y portent-, peuvent valoir
.3,000,000 de liv.
. On leur donne en échange de l'étain 8c du poivre
, mais fecrètement, parce que le commerce
en eft interdit aux particuliers. On leur donne du
tripam , cueilli fur les bords de la mer aux Mo-
luques. On leur donne des nageoires de requin 8c
des nerfs de cerfs, dont les vertus réelles ou
imaginaires font inconnues dans nos contrées. On
leur donne ces nids fi renommés dans tout l'O rient,
qui, fe trouvent en plufîeurs endroits , &
principalement fur les côtes de la Cochinehine.
Avec ces produirions, les chinois reçoivent à,
Batavia une folde en argent. Elle eft toujours
groftîe par les fccours que leurs concitoyens établis
à Java.iont paffer à des-familles qui leur font
chères, 8c par les fommes plus confidérables qu'emportent
tôt ou tard ceux dJentr*eux q u i, con-
tens de la fortune qu'ils ont faite, s'en retournent
dans leur pays qu'ils 'perdent rarement de
vue.
Les efpagnols des Philippines fréquentent auffi
Batavia. Anciennement ils. y achetoient des toiles. 1
Ils n'y prennent plus que la cannelle dont ils ont
befoin pour leur confommation & pour l’appro-
vifionnement d'une partie du Mexique. C'eft avec
l 'o r , qui eft une production de leurs ifles meme ;
c'eft avec la cochenille & les piaftres venues d’A capulco,
qu'ils paient cet important objet.
Rarement les françois vont-il à Batavia pendant
la paix. Le befoin des fubfiftances les y a fouvent
attirés dans les deux dernières guerres. On les y
yerra moins , lorfque l'ifle de France'& Mada-
gafcar fe feront mis en état de nourrir leurs ef-
cadres 8c leurs troupes.
Quelques-uns des vaiffeaux anglois qui vont directement
d'Europe à la Chine, relâchent à cette
rade. C'eft pour y vendre de la quineaillerie , des
armesj des vins , des huiles, d’autres articles
moins confidérables qui appartiennent tous aux
équipages.On y voyoit aufli arriver autrefois de-loin
en loin les navigateurs de cette nation, qui font le
commerce d’ Inde en Inde. Ils y viennent en bien
plus grand nombre, depuis que leurs armemens
le font multipliés, depuis que leurs affaires fe
font étendues. Leurs ventes fe réduifent à peu
de chofej mais leurs achats font confidérables.
Ils y chargent, en particulier, beaucoup d’are-
que., boiftoê exquife faite, avec du riz , du fyrop
de fucre, du 'vin de cocotier qu'on laiffe fermenter
ensemble , 8c qu'en fuite on diftille.
Toutes les denrées , toutes les marchandifes qui
entrent à Bativia. ou qui en ferrent, doivent cinq
pour cent. Cette douane eft affermée 1,900,8001.
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La fomme feroît plus forte, fi ce qui appartient
à la compagnie ou- qui eft deftiné pour elle, étoit
fournis aux droits j fi les principaux agens de ce
grand corps ne fe difpenfoient'pas le plus fou-
vent de les payer ; fi des fraudes étoient moins
multipliées parmi les perfonnes dé tous les ordres.
Un revenu qui doit étonner, c'eft celui que forment
les jeux de hafard. Il en coûte annuellement
384,000 Iiv. aux chinois, pour avoir la liberté
de les ouvrir-. On y accourt de tous les côtés
avec la fureur fi ordinaire dans les climats ar-
dens, où les pallions ne connpiffent pas de bor*
nés. Là vont s'enfevelir les fortunes de la plupart
des hommes libres ; l à , ^tous les efclaves vont
diffiper ce qu'il leur a été poffible de ravir à la
vigilance de leurs maîtres. Il y a d'autres impo-
fitions encore dans cette capitale des Indes hol-
landoifes, fans que cependant elles couvrent les
dépenfes d'un entrepôt, qui s’élèvent affez régulièrement
à 6,oco,ôbo liv.
Le confeil qui domine fur tous les établiffe-
mens formés par la compagnie, réfide à Batavia.
Il eft compofé du gouverneur des Indes hollan-
doifes, d'un dire&eur général, de cinq confeil-
l'ers , & d'un petit nombre d'affeffeurs qui n'ont
point de voix , mais qui remplacent les confeillers
morts, jufqu'à ce qu’on leur ait donné
des fucceffeurs.
C'eft la direction d'Europe qui nomme à ces
placés. Quiconque a de l’argent 5 quiconque eft
parent ou protégé du général , y. peut arriver.
Lorfque ce chef n'eft plus , le directeur 8c les
confeillers lui donnent provifoirement un fuccef-
feur, qui ne manque guère d'être confirmé. S'il
ne l'étoit pas, il n'entreroit plus au confeil} mais
il jouir oit des honneurs attachés au pofte qu'il
auroit occupé paffagétement.
Le général rapporte au confeil les affaires de
l'ifle de Java ; 8c chaque confeiller, celles de la
province des Indes qui lui eft confiée. Le directeur
a l'infpeétion de la caiffe 8c des magafins de
Batavia, qui verfent dans tous les autres établif-
femens. Tous les achats , toutes les ventes font
de fon reffort. Sa fignature eft indifpenfable dans
toutes les opérations de commerce^
Quoique tout doive fe décider dans le confeil
à la pluralité des voix , rarement les volonte's du
général y font-elles contrariées. Il doit cet empire
à la déférence qu'ont pour lui les membres
qui lui doivent leur élévation , & au befoin qu'ont
les autres de fâ faveur pour pouffer plus rapidement
leur fortune. S i , dans quelque^ occafion , il
éprouvoit une réfiftance trop contraire à fes vues,
il feroit le maître de fuivre fon avis, en fe char-
geant-de l'événement.
Le général, comme tous les autres adminiftra-
teurs-, n'eft mis en pkee-que pour cinq ans. Communément
il y refte toute fa vie. Oit en a vu autrefois
qui abdiqn oient les affaires , pour couler à
I Batavia des jours paifiblesj mais les dégoûts que
leur
j a y
leur donnoîent leurs fucceffeurs, ont fait réfoudre
les derniers chefs à mourir dans leur pofte.
Durant long-temps ils eurent une grande représentation.
Le général Imhoff la fupprima, comme
inutile 8c embarraffante. Quoique tous les ordres
puiffent afpirer à cette dignité, aucun militaire
n'y eft jamais parvenu, & on n'y a vu que peu
de gens de loi. Elle eft prefque toujours remplie
par des marchands, parce que l'efprif de la compagnie
eft purement mercantile. Ceux qui font
nés dans l'Inde , ont rarement affez d'intrigue
ou de talent pour y arriver. Le général aituel n’ eft
pourtant jamais venu en Europe.
Les appointemens de ce premier officier font
médiocres ; il n’a que 2 , 2 0 0 liv. par mois, 8c une
fubfiftance égale à fa paie. La liberté qu'il a de
prendre dans les magafins tout ce qu'il veut au
prix courant, & celle qu’il fe donne de faire le
commerce qui lui convient, font la rnefure de fa
fortune. Celle des confeillers eft aufli toujours
fort confidérable , quoique la Compagnie ne leur
donne que 4 4 0 fiv. par mois, 8c des denrées pour
une pareille fomme.
Le confeil ne s'àffemble que deux fois par fe-
majne, à moins que des événemens extraordinaires
n'exigent un travail plus fuivi. Il donne
tous les emplois civils 8c militaires de l'Inde, ,
excepté ceux d'écrivain 8c de fergent, qu'on a
cru pouvoir abandonner, fans inconvénient, aux.
gouverneurs particuliers. Tout homme qui eft
élevé à quelque pofte, eft obligé de jurer qu'il
n'a rien promis, ni rien donné pour obtenir fa
place. C et ufage , qui eft fort ancien , familiarifo
avec les faux fermens, 8c 11e met aucun obftacle
à la corruption.
Toutes les combinaifons de commerce ,,fans en
excepter celles du cap de Bonne-Efpérance, font
faites par le confeil, 8c le réfultat en vient toujours
à fa connoiffance. Les vaiffeaux même qui
partent dkeâement du Bengale , de Ceylan 8c
de la Chine , ne portent en Europe que les factures
de leurs cargaifons. Leurs comptes, comme
tous les autres, fe rendent à Batavia , où l'on
tient le livre général de toutes les affaires. H
Le confeil des Indes , n'eft ni un corps ifolé, ni
un corps indépendant. Il eft fubordonné à la direction
qui fubfîfte dans les Provinces - Unies.
Quoiqu'elle foit une, dans toute la rigueur du
terme, le foin de vendre deux fois l’an les mar-
chandifes , eft partagé entre les fix chambres
intéreffées dans ce commerce. Leurs opérations
font proportionnées au fonds qui leur appartient.
L'affemhlée générale qui conduit les opérations
de la compagnie, eft compofée des directeurs
de toutes les chambres. Amfterdam en nomme
h u i t } la Zélande , quatre ; les autres chambres ,
un chacune » & l'é ta t, un feul. On voit qu'Amf-
terdan?. ayant la moitié des v oix , n'a befoin que
d'en gagner une , pour donner la loi dans les <dé-
QJcon, polit, diplomatique, Tom, I I ,
J E K 753
l ib é r a t i o n s , o ù t o u t f e d é c i d e à* l a p lu r a l i t é d e s
f u f f r a g e s .
C e c o r p s . , c o m p o f é d e d i x - f e p t p e r f o n n e s ,
s 'à f f e m b l e d e u x o u t r o i s f o i s l 'a n n e e , p e n d a n t f i x
a n s à A m f t e r d a m , 8 ç p e n d a n t d e u x a n s à M i d -
d e l b o u r g . L e s a u t r e s c h a m b r e s f o n t t r o p p e u c o n f
i d é r a b l e s p o u r jo u i r d e c e t t e p r é r o g a t i v e . Q u e l q
u e s e fp r i t s m y f t é r i e u x im a g in è r e n t , v e r s l e m i li e u
d u d e r n i e r f i è c l e , q u 'u n p r o f p n d f e c r e t p o u r r o i t
r e n d r e l e s o p é r a t io n s p lu s f r u é t u e u f e s , & i l • f u t
c h o i f i q u a t r e d e s p lu s é c l a i r é s o u d e s p lu s p u i f -
f a n s d 'e n t r e le s d é p u t é s , p o u r l e s r e v ê t i r d u d r o i t
d e r é g l e r l e s a f fa i r e s d 'u n e im p o r t a n c ë r em a r q
u a b l e , fa n s l 'a v e u d e l e u r s c o l l è g u e s , fa n s l ’o b
l i g a t io n m êm e d e l e s c o n f u l t e r . .
Nous donnerons à l'articlePr o v in c e s -U nies
d'autres détails fur la compagnie hollandoife. Voye^
cet article.
J A V E R ( p r in c ip a u t é d e ) . Voye^ Silé s ie .
J E A N ( S a i n t ) , p e t i t e i f le d e l 'A m é r i q u e d a n s
la b a ie d e S a in t - L a u r e n t . E l l e a p p a r t i e n t a u x a n g
l o i s : o n e n t r o u v e a u x A n t i l l e s u n e a u t r e d u
m êm e n o m , d o n t n o u s p a r le r o n s à l 'a r t i c l e f u i -
v a n t .
L o r f q u e l e s a n g lo i s s 'e m p a r è r e n t de Saint-Jean,
d u r a n t l e c o u r s d e 1 7 5 - 6 , i l s e u r e n t l a mauvaife
p o l i t iq u e d 'e n c h a f f e r p lu s d e t r o i s m i l l e f r a n ç o i s ,
q u i d epuis^ p e u y a v o i e n ï f o rm é d e s é r a b l i f f em e n s .
L a p r o p r i é t é d e l ' i f l e n ' e u t p a s é t é p l u t ô t a f f u r é e
a u v a in q u e u r p a r les traités, q u e l e c o m t e d 'E g -
m o n t d é l i r a d e ' s ’ e n v o i r l e maître. I l s ’ e n g a g e o i t
à f o u r n i r à f e s f r a i s douze c e n t s jhommes a rm é s
p o u r l a d é f e n f e d e l a c o l o n i e , pourvu q u ’ i l lu i
f û t p e rm i s d e c é d e r a u x m êm e s c o n d i t io n s & e n
a r r iè r e - fiefs, des p o r t io n s c o n f id é r a b l e s d e f o n
t e r r i t o i r e . C e s ' o f f r e s é t o i e n t a g r é a b l e s à l a c o u r
d e L o n d r e s ; m a i s u n e l o i p o r t é e à l ’ é p o q u e m é m
o r a b l e d u r é t a b l i f f em e n t de Charles I I , a v o i t
d é f e n d u l a c e f l i o n d u d o m a in e d e l a c o u r o n n e ,
f o u s la r e d e v a n c e d ’ u n h o m m a g e f é o d a l . L e s ju -
r i f ç o n f u l t e s p r o n o n c è r e n t q u e c e f t a t u t r e g a r d o i t
l e n o u v e a u - M o n d e c o m m e l’ ancien , & c e t t e
d é c i f io n f i t n a î t r e d ’ a u t r e s id é e s a u g o u v e r n e m
e n t .
L a l o n g u e & c r u e l l e t e m p ê t e q u i a v o i t a g i t é
l e g l o b e , é t o i t a p p a i f é e . L a p lu p a r t d e s o f f i c i e r s ,
d o n t l e fan g a v o i t f c e l l é l e s t r io m p h e s d e l ’ A n g
l e t e r r e , é t o i e n t fa n s o c c u p a t io n & f a n s f u b f i f t
a n c e . O n im a g in a d e l e u r p a r t a g e r l e f o l d e Saint-
Jean , f o u s l a c o n d i t io n q u ’ a p r è s d i x a n s d ’ u n e
jo u i f f a n c e g r a t u i t e , i l s paieroient c h a q u e a n n é e
a u f i f ç , c o m m e d a n s l a p lu p a r t d e s p r o v in c e s d u
c o n t in e n t a m é r i c a in , 2 l i v . 1 0 f . 7 d e n . & d em i
p o u r ç h a q u e c e n t a in e d ’ a c r e s q u ’ i l s p o f f é d e r o i e n t .
T r è s - p e u d e c e s n o u v e a u x p r o p r i é t a i r e s a v o i e n t
l a v o l o n t é d e f e f i x e r d a n s c e s r é g i o n s lo in t a in e s ;
t r è s - peu _ étoient e n é t a t d e f a i r e l e s a v a n c e s
q u ’ e x i g e o i e n t d e s d é f r i ç h em e n s u n peu e 't e n d u s .
Prefque tous c é d è r e n t p o u r p lu s o u m o in s d e tems
! p o u r u n e r e i i t e p lu s o u m o in s m o d i q u e , l e u r s