
l ’armée, des fecours qu’on àuroit obtenu avec
une piaftre d’argenr 3 le congrès le favoit 5 mais
il penfa que ce facrifice de 19 fur 20 feroit encore
utile, fi on arrêtoit une dépréciation ultérieure.
Il publia une adreife aux différentes provinces
j il promit de nouveau de rembourfer le
papier - monnoie dans toute fa valeur 5 il prouva
que les Etats-Unis avoient des moyens de faire ce
rembourfement, & que la liberté ne feroit pas
trop chère à ce prix. Sa déclaration fut fans effet.
Perfopne ne reçut fon papier à un taux plus
confidtrable : au contraire, fix mois après , c’eft-
à-dire, au mois de mars 1780, 40 piaftres de
papier-monnoie ne s’échangeoient plus que contre
une piaftre réelle. Le congrès efîaya donc un autre
expédient. Voyant que le projet de racheter
ce papier àu pair avoit complettement avorté ,
puifque les citoyens ne vouloientle recevoir qu’ au
taux de la dépréciation du moment, il publia que
le trefor rachèterait le papier-monnoie à 40 pour
u n , valeur qu’il avoit alors , & qu’on donneroit
aux propriétaires, de nouveaux billets qui feroient
payés fans aucune diminution. Cette opération.de-
voit réduire la fomme nominale du papier monnoie
à y millions de piaftres,, fomme qui itérait
pas trop forte pour la circulation des treize états.
On efpéra que le papier ne tomberait pas davantage
, & on l’efpéra d’autant plus que le congres
émit bien décidé à n’en plus créer de nouveau.
On en rapporta une très-petite quantité au
tréfor. Il continua à. circuler & à perdre de fa
valeur jufqu’à la fin de 1780, A cette époque ,
75 piaftres de papier ne valoient plus qu’une piaftre
effective, & l’argent qu’avoit répandu l’armée
françoife, fe trouvant dans chacune des provin-
- ce s fituées au nord de la PatoWmac, la circulation
du papier y cefîii .tout-à-coup. Elle dura une an-
pée de plus dans la Virginie & la Caroline fep-
tentrionale j > durant cet intervalle, le papier-
monnoie perdit 1000 pour u n , & il expira en-
fuite fans cohvulfion, aïnfi qu’il étoit mort dans
les autres états. On n’entendit pas un feui murmure
parmi le peuple. Tous les citoyens, au
contraire, fe félicitèrent de voir l’anéantifTement
paifible de cette maffe gigantéfque, qui caufeit
de vives inquiétudes & devoit ébranler les fon démens
alors mal allurés de la confédération. Les
étrangers ne peuvent pas, comme les citoyens des
JEtats- Unis , avoir de l’indulgence pour fa mé-
moire j ils ne peuvent pas juger avec modération
cet être idéal qui a. établi la liberté des Etats-Unis,
& qui a difparu au moment de la victoire. Ils fe
font plaint hautement de l’infidélité du congrès ,
& leurs plaintes, ne font pas encore calmées. Il
en eft bien peu qui aient perdu fur le papier-monnoie
de l’Amérique ; & ceux qui font le plus de
• jbruit, font des gens que de mauvaifes entreprifes
de commerce ont ruinés j pour donner quelques
prétextes à leurs créanciers , ils ont acheté des
fo rm e s de ce papiç? mort -, qu’ il ont eu
à yooo pour un, & ils montrent enfuitè les certificats
du tréfor des Etats-Unis , comme fi tout le papier
s'étoit anéanti entre leurs mains , & avoit caufc
leur banqueroute. On paiera à chacun ce que lui
a jo u té le papier-monnoie dont il eft. poffeffeur ,
avec un intérêt de fix pour cent depuis. l’époque
ou il la reçu; & l’ on va voir qu’en général les
créanciers étrangers, loin d’y perdre, peuvent encore
y gagner.
Le congrès n’ a pas encore pris tous les arrang
e o n s neceffaires pour le rachat du papier-mon.
noie ; mais une réfolution de 1784 a établi le principe.
Les propriétaires de ce papier - monnoie
recevront en argent ce que valoit le papicr-mon-
noie à l’époque où ils l'ont reçu, & un intérêt
de-fix pour cent depuis qu’il elbentre leurs mains.
Les tables de dépréciation qu'on a fait dans chaque
état, montreront combjent il perdoit fur la
place aux différentes époques. Les billets étant
au porteur, & n’indiquant pas.l’époque où tel
proprietaire les a reçus, on aura beaucoup de peine
à déterminer ce dernier point; mais le corps lé^
giilatif de l'union a mieux aimé' que fon tréfor
perdît quelque chofe, en admettant des preuves
légères, que d’exiger des preuves exaétes. Car
ces preuves, parda nature des chofes, feroient
difficiles & peut-être impoffibles, & elles entraî-
neroient des pertes pour les créanciers, & fur-tout
pour les créanciers étrangers. Il a bien- fallu fe
contenter du l'eul moyen qui pût arrêter quelques
malhonnêtes gens. On exige le ferment de ceux
qui lespréfentent, &:on Longe avec douleur aux,
parjures que fe permettront plufieurs’ des créan-'
ciers : lorfque, d’un autre c ô té , les commiffaires
youdront examiner fcrupuleufement la fortune d’un
tel individu à telle époque, afin dé s’ affurer s’ il
a pu obtenir une telle quantité de papier - mon-
.noie; chacun apperçoit les dangers de cette inqui-
fition & les injuftes décrets qui en feront ta fuite.
Pour terminer avec une forte d'honneur une affaire
qui n’eft point honorable en elle-même, il convient
de -laitier triompher ici les menteurs, les
fripons. Selles'parjures ; 8c dût-il en coûter un ou
deux millions de piaftres au tréfor des Etats- Unisy
il eft bon de hâter par ce facrifice la fin d’une opération
facheufe, & d’acheter à ce prix le filence
des nationaux & des étrangers.
Il ne faut pas examiner à la rigueur les détails
■ de cette liquidation : on ne pouvoit en adopter de
véritablement exaéls ; & jufqu’à ce que tous ces
chiffons de papier-monnoie & les certificats qu’en
leur a fubllitué , aient obtenu le rembourfement
dont on les jugera fufceptibles, on verra une fuite
continuelle-de décifions qu’il fera facile de blâmer,
parce qu’ elles ne peuvent être fondées fur
la juftiee rigoureufe. Si on s’en rapporte toujours
aux déclarations des créanciers, on favorifera les
parjures,; & fi on fe livre à un examen minutieux
de leur fortune, les commiffaires, dirigés par l’ in -
juftiee ou la faveur , feront bien des méprifes.
, Lorfque la cour de France cqnfentit à rembour-
fer la valeur entière des billets du Canada, qui
fe trouveraient entre les mains- des anglois, la
plupart des françois envoyèrent ces papiers à des
négocians de la Grande-Bretagne, qui les endof-
fèrent : on les prefenta à des commiffaires chargés
d’examiner s’ils étoient des propriétés angloi-
fes : ils furent prefque tous déclares tels ; & en
pareille occafion , la meme chofe arrivera tou-
jours.
Si les Etats-Unis étoient contraints de racheter
avec une piaftre d’argent chaque piaftre en papier-
monnoie qu’ils" ont mis dans la circulation , des
hommes parfaitement inftruits de ces détails croient
qu’il en coûterait 400 millions de piaftres,- c’eft-
à-dire plus de deux milliards en efpèçes , pour
éteindre le papier - monnoie du congrès' &: celui
des différentes provinces : car on'évalue à deux
cents millions de piaftres- là quantité de papiër-
monnoie-que le congrès a mis en circulation , &
à la même fomme celle qui a été-,créée par les j
états particuliers. .
D ’après là réduction qu’ont amené les circonfi 1
tances, le congrès rembourfera tout fon papier-
monnoie avec trois millions de piaftres : cette
partie de fa dette fera comptée à ce taux dans
Y état que nous donnerons plus bas, & jil n’en
coûtera pas davantage au tréfor particulier des
treize provinces pour rembourfer les 200 millions
de leur papier-monnoie.;.
Les Etats-Unis feroient dans l’impoftîbilité ab-
folue de trouver 400. millions dé piaftres pour
rembourfer leur papier-monnoie, puifqu’on les
croit à peine en état de payer d’ ailleurs les fournitures
& beaucoup d’ autres objets fur lefquels le
tréfor public a fourni des reconnoifiances, &
d’acquitter les emprunts & les engagemens pris
avec les étrangers : mais nous prouverons ,tout-à-
l’heure que les Etats-Unis ont beaucoup de mo^
yens d’acquitter leur dette ainfi réduite à .environ
43 millions de piaftres. Nous nous proposons feulement
de montrer ici que l’énorme rédudion de
leur papier-monnoié' eft un ■ ;grand ■ bonheur pour
eux. Il falloit que cet événement eût lieu, ou qu’un
pareil fardeau bouleverfât les nouvelles républiques.
La révolution de l’Amérique eft, fous tous les
rapports, la pliis curieufé de celles que préfen-
tent les annales du monde. Nous nous contenterons
d’indiquer en cet endroit, des rapports de
financés, St dé donner ces détails précieux-que
l’antiquité négligea toujours,. & dont les écrivains
modernes les plus célèbres ne Tentent pas futilité.
Les Etats-Unis n’ avoient pas encore terminé la
' guerre, que le congrès fembloit devoir 200 millions
de piaftres en papier- .monnaie c’eft-à-dire ,• un '
milliard , & que le papier-monnoie mis en circulation
par chaque province pour fa dette-particu-
montoit à la meme ïommé:; La dette aduelle
_de l’union, non compris, le papier-monnoie, étant
de près de 40 millions de piaftres, les dettes
particulières, faites ou augmentées pendant la
guerre, montant à 25 ou 16 millions de piaftres ,
les américains paroiffent avoir dépenfé en fept ans
plus de deux milliards trois cens millions tournois#
Les hommes qui jugent avec trop de précipitation
, ne manqueront pas de s’écrier, d’ après l’ex-
pofé de ces premiers faits : les américains n’ avoient
point de marine, ou ils en avoient une
». très - foible j ils ; fe défendoient chez eux :- le
» théâtre de la guerre leur offrait des refîburccs
»À fans nombre contre les anglois y rien ne prouve
ss mieux la détrefte où ils fe font ttoûvés, & l’o-
ss piniâtreté du miniftère britannique n’étoit pas
» aufti folle qu’on l’a prétendu. Les détails de
» cette efpèce donnent une. idée très-jufte dû cà-
ss raétère & des moeurs d’ une nation, & la pof-
» térité pourra , jfur ce feuî fait , jiiger affez
» exaétement que les citoyens . des Etais - 'Unis
» n’ayoient point d’enthoiifïafrhe pour la guerre ;•
»s qu’ils vendoient leurs fervices au congrès1, 8t
» qu’ils les vendoient fort cher 5 qu’ ils n’étoient
;» point guerriers ; que , s’ ils s’ armoienr un mo-
ss ment pour défendre leurs cantons, ils déposa
foient promptement les armés ; que leur arméer
ss étoit remplie de mercenaires} que l’amour de
,ss la liberté ne leur infpiroit pas cette généïofité
» de tous les momens , qui facrifie fes forces „•
» fon fang &- fa fortune } & qü’enfin on ne doit
2?.-point les mettre au rang de ces braves fuiffes-
ss. ou de ces fiers bataves, q u i, dans le cours-
>2 d’Une longue guerre , offraient chaque jour leur
’.ss, poitrine aux traits de Tarmée autrichienne ou
‘ss efpagnole, & qui ne vpuloient d’ autre récom-
” pehfè que celle de mourir ou de vivre en li-
ss berté 5 car enfin fi on ne nous a point tran finis
22 l’état des dettes des-cantons fui-ffes, au moment
22 où ils obtinrent une trêve; fi la négligence des
22 écrivains nous a privés aufti de celle des Provinces»
22 Urnes y à. l’époque. 01Velles' commencèrent à
22 jouir de. leur indépendance , - on fait que' celle:
22 des fuifîes: étoit à-peu-près nulle' ; & celle des
[ »2 hollandois , un peu plus confidérable, doit avoir
22 été environ deux cens’ fois moindre que celle
; »s des Etats- Unis »,
Mais ces- remarques , qui paroiffent. juftes au
premier coup-d’oe i l,. ne le font point du tout, 8c
il' eft bon de montrer ici avec quelle circonf»
peétion il faut écrire, fur les gOuvernemens.il ne
s’agit pas de favoir fi les américains avoient beau—
■ couprd’enthoufiafme pour' la guerre , s’ ils montraient
une grande généralité & fi fous ce rap—
port on peut les comparer à ces braves fuiffes 8ç
à ces fiers bataves qui conquirent leur liberté ers
prodiguant, non des métaux ou du papier-mou»
noyé, mars leur fang & leur vie 5'il eft queftioîï
feulement de calculer avec exactitude ce que f in -
dépendance' a coûté aux nouvelles républiques à
& dans ce calcul ,. il ne faut, pas confondre
valeurs nominales avec les valeurs réelles.. Læ