
Il peut furvenir des brouilïeries entre les états
américains, de plufieurs manières : i° . une des
provinces peut fe brouiller avec les douze autres ,
en n’acquiefçatit pas aux réquifitions légitimes du
congrès u 2°. ils peuvent_avoir des difputes fur
leurs limites. L'acte de confédération donne les
moyens de déterminer les différends : là plupart
des états fe foumettent au jugement indiqué par
l'union fédérale-, & on n'a point à craindre qu'un
état oppofe la force à l'execution du décret. Les
individus intéreffés fe plaignent, mais leurs plaintes
ne caufent point d'embarras : 30. 11 peut fur-
venir d'autres conteftations entre les divers états 3
telles que des demandes d'argent, des combats •
entre leurs citoyens & les autfes difputes qu'on
voit ailleurs entre deux nations. Il y a deux opinions
fur la manière de les terminer. Selon les
uns, elles fe trouvent foumifes à la décifîon du
congrès , par le neuvième article de la confédération,
qui attribue à ce corps le jugement « de
*> toutes les difputes qui furviendront entre deux
» ou- un nombre quelconque d3états fur les limi-
*> tes , la jurifdi&ion , ou pour quelque autre caufe
» que ce foie ». Cette opinion eft fans doute la
mieux fondée 5 mais quelques perfonnes la révoquent
en doute, & c'eft un autre point qu'il s'agit
d'éclaircir lorfqu'on changera l ’aCte fédératif.
L'article 13 de la confédération défend de rien
changer à aucun des articles , à moins que ce
changement ne foit confenti dans un congrès des
.Etats-Unis , & confirmé enfui'e par les légifilatures
de chacun des états ; & l’ embarras qu'a caufé
la réfiftanee de Rhode - Ifland fur plufieurs
réglemens capitaux, n'annonce-t-il pas les vices
de cette difpofition ? Lorfqu'on a exigé une
pareille unanimité , il en eft toujours réfulté de
grands maux, & il nous fembleroit convenable de
-réformer oet article. Y auroit-il de l'inconvénient
à établir que 11 ou 12 états fuffiront pour changer
les articles de la confédération , mais qu'on
laiffera au 12% & 13 à e. la liberté de renoncer à l'union , s'il, le juge propos .x
- Si l’on en croit un homme d'un efprit fupé-
rieu r, & l'un des membres les plus éclairés qu'ait
eu le congrès (M . Jefferfon ) , il feroit à defîrer ,
qu’ en formant la conftitutîon fédérale , on l'eût
aflimile'e, autant qu'il à étoit poflible, aux confti-
tutions particulières des divers états. Chacune des
provinces a confié des départemens1 divers, la
puiffance légillative, la puiffance exécutrice & la
puiffance judiciaire. L’aCfce fédératif fépare la puiffance
judiciaire des deux autres, mais le congrès
xerce la puiffance légillative & la puiffance exécutrice
; & on a propofé un moyen de remédier à cet
inconvénient. Le congrès ayant le droit d'établir les
comités qu'il juge néceffaires , & de répartir le
travail entre ces comités, il pourroît, le- premier.
jour de chaque année, ou il reprend fes féances,
nommer un comité executif, compofé d'un membre
de chaque état, & lui renvoyer toutes les affaires
relatives , à la puiffance exécutrice A qui fe
préfenteroient durant la feflion j il fe borftefoîfc
alors à ce qui eft du reffort de la puiffance légif-
lative, c'eft-à-dire,. aux queftions fur lefquelles la-
confédération exige le fuffrage de 9 états , & à
celles qui conduiroient à des règles générales. Le.
journal de la féance du comité de la veille fe liroit
tous les matins au congrès, & il y feroit-approu-
v é , à moins qu’on ne-, demandât les fuffrages de
tous les repréfentans fur un article particulier, &
qu'on ne changeât cet article. Les feffions du
congrès deviendroient de peu de durée', & les
membres fe fépareroient, après avoir nommé, en
vertu de l'aéte de confédération , un comité des-
états , qui remplacerbit le comité exécutif. Les
aétes de légiflation feroient plus foignés , parce
que l'attention des membres du congrès ne feroit
pas interrompue par les affaires relatives à la puiffance
exécutrice : il en réfulteroit auffi un bien
pour les affairesjelatives à la puiffance exécutrice '
qui conviennent plus à un petit corps qu'à un
grand corps. Un monarque doit charger de l'exécution
de fes volontés des départemens composés
de plufieurs membres, afin que ces corps dirigent
autant qu'il eft p o flib le la volonté du prince vers
la fagefle & la modération, c'eft-à-dire, vers les
deux chofes qui lui manquent ordinairement j. mais
le corps qui repréfente plufieurs républiques confédérées
, offrant prefque toujours de la fagefle
& de la modération dans fes décrets , doit en
confier l'exécution à peu de perfonnes, afin de
donner à ces décrets la promptitude dont les résolutions
des démocraties manquent en général.
II. faudrait' admettre au comité exécutif un membre
de chaque état 3 car cette précaution eft hé-
ceffaire pour affûter la confiance de l'union. Mais
il feroit avantageux de réduire à i-3 le nombre des-
perfonnes chargées de la. puiffance exécutrice de
l’union fédérale , & de. déharraffer le congrès de
ces détails«. C e projet n'a encore été difeuté que
dans des converfations particulières -,. entre les
membres du congrès. Il eft aifé d'entrevoir que-
l'amour-propre des repréfentans des provinces,.
& cette pafiion naturelle à l'homme d'étendre ,.
au-lieu d'affoiblir fon autorité, lui fufcîterabeaucoup
d'obftacles § & qu'on défendra le régime
aCtuel par la crainte bien fondée de la corruption
dont le comité exécutif feroit fufeeptible. C'eft
la feule remarque que nous nous permettrons fur
ce point ? pour entreprendre de refoudre 'une pareille
queftion, il faudroit connoître parfaitement,
jufques dans les moindres détails les embarras
du régime aétuel..
Le congrès E durant l’année 1784, ne fut guères
compofé que de 2y perfonnes , & la Géorgie &
laDelaware n'y envoyèrent point de repréfentans:
excepté la Virginie & la Penfylvanïe qui y entretinrent
.3 ou. 4 députés, les autres provinces n'y
en avoient que deux. Cette négligence de deux
provinces, qui par leur conftitution & leur bonne
conduite durant la guerre, ont mérité de grands,
éloges , n'eft pas excufable , & il eft. d'une, extrême
importance pour les divers états 3 d’avoir toujours
au moins trois députés au congrès.
Le journal du congres, de l’année 1784, fait
naître de triftes réflexions. Tan tô t, l’affemblée
s ’àjournoit, parce qu’il n’y avoit pas affez d‘états i
d'autrefois, il falloir écrire pour obtenir la présence
des députés, lorfqu'on difcutoit des affaires
qui avoient befoin du fuffrage de 9 provinces.
Le 19 avril, le congrès fit déclarer aux différens
■ états, que tandis que chacune des provinces feroit
xepréièntée par deux députés feulement , on ne
pouvoit guères elpérer le nombre de fuffrages né-~
ceffaires pour conduire les affaires publiques 5 que
fl chacun des 13 états étoit représenté par deux
députés, y des 26 députés, c'eft* à-dire, le ye.
pourroît faire avorter toutes les raefures qui au-
roient befoin du fuffrage de 9 provinces ; que des'
onze états 3 affemblés alors au congrès ( la Dela-
Ware & la Géorgie n'y avoient point de députés,
comme nous le difions tout-à-l'heure ) , 9 fe trouvant
repréfentés par deux députés,.3 fur2y ( 1 ) ,
c 'e ft-à -d ire , la 8e. partie des membres pouvoit
rejetter toute efpèce de propoficion, quoique félon
les conftitutions, une femblable négative ait be-
foin de cinq voix fur treize, c'eft-à-dire, de plus
d'un tiers j que fi chaque état fe trouvoit repré-
fenté par trois membres, il né faudroit pas moins
de 10 voix fur 39 , pour faire rejètter une pro-
pofition quia befoin du fuffrage de 9 états : que
la repréfentation d'une province par deux membres
eft extrêmement nuifîble, qu'elle produit des
délais fans fin, & qu'ainfi, elle eft beaucoup plus
difpendieufe : & le congrès recommanda expref-
fement à chaque province de fe faire repréfenter
par au moins trois députés.
Les calculs qu'on vient de voir, montrent d'une
manière frappante les fuites funeftes de l'abus que
nous examinons ici ; mais pour qu’ ils foient bien
entendus des lecteurs qui ne font pas familiarités
avec Ies_ ufages du congrès , ils ont befoin d'une
explication. Lorfque deux députés d'une province
font d’un avis différent fur une queftion , leur
voix ne compte _pas > & lorfqu’un état eft repréfente
par trois députés , deux des trois fuffrages
forment la voix : ainfî , les treize états fe trouvant
repréfentés par deux députés, cinq députés de
cinq provinces différentes peuvent, en ne s’accordant
pas avec leurs collègues , rendre nulles
les voix de ces cinq provinces, & faire ainfî rejetter
les propofitions qui ont befoin du fuffrage
de neuf provinces j & comme en 1784 , il n'y
avoit que onze états fiégeans au congrès, trois députés
de trois provinces différentes, repréfentées
- pat deux députés, pouvoient, en donnant leur
'négative, faire avorter une motion qui avoit befoin
du confentement de neuf états.
Quand trois étourdis, ou trois hommes mal-
honnêtes ou prévenus, peuvent faire rejetter les
propofitions les plus avantageufes- à treize grandes
républiques, eft-il rien de plus abufif? & n'eft-
il pas affreux de voir une motion qui proferivoit
en 1800 l’efclavage & la fervitude involontaire
dans les états qui fe formeront fur les terres de
l'oueft, rejettée d’après ce funefte arrangement (1 ).
Selon l'article y de la confédération, « aucuri.
» état ne peut être repréfenté au congrès par moins
99 de deux 3 ni par plus de fêpt membres ». Il eft ab-
folument néçeffaire de changer cette difpofition.
Il faut exiger que chaque état foit repréfenté par
au moins trois députés, & encore , ce. nombre
nous paroît-il bien foible^ il y a lieu de croire
qu'il feroit convenable d'exiger, cinq repréfentans
pour chaque province. Il eft impoflible de le dif-;
fimuler, la liberté eft bien précaire , & prefque
idéale, lorfqu'elk eft fondée fur dès députés qui
font les maîtres de donner leur voix fur chaque
queftion, fans demander l'avis de leurs çommet-
tans, & fans avoir d’autre inftruétion que celle
de fuivre leurs lumières & leur confidence j fi on
a obtenu le fuffrage de ces députés, on croit avoir
obtenu le fuffrage de leurs états, & chacun fent
ce qu'on pourroit répondre là-deflus. Cet inconvénient
eft très-grave, & dans les gouvernemens
où les citoyens abandonnent leurs droits à ces députés
, il faut du moins combiner cette repréfentation
avec des foins extrêmes. -
Les affemblées du congrès ont d'ailleurs une
décence & une fimpUcité bien dignes d'éloges :
on imprime tous les jours ce qui s'eft pafle dans
fes féances , & la le&ure de ce journal fuffit pour
en avoir une haute idée. Celui de 1784 donnera
lieu cependant à une remarque critique ; & quelques
membres --du congrès fe permirent une çhi-
1 cane prefque puérile- On étoit mécontent, avec
raifon, de la province de Rhode-lfiland ; on I'étoit
aufli des deux députés qui lui fervoient d’organe;
. un membre d'une autre province propofa de les
.exclure de l'aflemblée, parce que l'année de leur
miflion étoit révolue : la motion étoit jufte en elle-
même , & il eft bon d'exécuter les loix Ù la rigueur
; mais on favoit que leur province les avoit
élus de nouveau pour fes repréfentans 5 & quoique
cette nouvelle élection n'eut pas encore été notifiée
au congrès, il falloit les admettre fans difficulté
, comme on y auroit admis en pareille oc-
cafion, les députés d’un autre état. Cette mauvaife
querelle a produit le réglement que voici. « Les
» députés au congrès ne pourront plus en être
99 exclus que par le fuffrage de fept états » ; fl
eft fufeeptible de plufieurs objections. Il paroît
d'abord inutile, puifque cetté queftion fe trouve
évidemment comprife dans l'article de l'aéte fédératif
qui exige la pluralité de fept voix. Enfuite,
l'époque où finit la miffion d'un député, ne pouvant
jamais laifler d’incertitude , il n'eft point convenable
; car il ne faut pas faire des loix fur une
fï) Le congrès étoit alors compofé de vingt-cinq perfonnes.
\») Voye-^ la fection dixième.
8 b b 2