
s'établit la monarchie françoife, dont Clovis eft
le fondateur plutôt que Pharamond. Charlemagne
l'agrandit quelques fiècles après ; 8c lui donna
une Habilité .qu'elle n'a point perdue. Le droit
de conquête, le confentement du peuple 8e des
nations étrangères, 8e treize fiècles de poffeffion
forment fes titres > 8e, ainfi que nous l'avons dit ,
aucun roi de l'Europe ne peut en montrer de
pareils. !
Cette monarchie s'étendoit‘ autrefois depuis
les frontières d'Efpàgné 8e l'état de Venife , juf-
qu'à l'Elbe 8e jufqu'aux bords du Danube s mais
ce n'eft qu'en Afie que d’ auffi vaftes contrées
obéiffent à uri-feul homme ; Se une caufe dont
on ne foupçojinoit pas alors l'influence, fit perdre
à nos rois plufieurs de ledrs provinces, 8e
refferta de beaucoup lés limites- de leurs états ;
de Amples gentilshommes ufurpèrent la puiffance
fouveraine, 8e, fi l'on peut slexprimér ainfi ,
mirent en- pièces la Couronne de'Clovis 8e de
Charlemagne. _ -
Des rois mal habiles., qui avoient toute la grof-
fiéreté de leur fiècle, 8e qui ne voyoient dans leur
royaume qu’un, héritage de la nature des autres
propriétés, partagèrent leurs états entre leurs encans
s ils affoiblirent la monaveKie , 8e quoique
les diverfes provinces fembiàffent ne former qu'un
feul Empire gouverné par les defcendans de Clovis
, ce n'étoit plus qu'nne anarchie durant laquelle
les fujets 8e les étrangers ufurpèrent tout
ce qui fe trouvoit à leur bienféance. Sur la fin
de cette première race, où Childeric fut détrôné
comme indigne de tenir le fceptre, lés maires
du palais, dont nous avons parlé dans la feétion
précédente ; ne laiffèrent à nos princes que le
nom de rois 8e une vaine ombre d’autorité.
L ’Empire françois démembré de nouveau , &
par conféquent affaibli fous Louis le Débonnaire
, fécond roi de la féconde race 8e empereur
des romains , fut rétabli par Charles le Chauve,
qui donna des loix à toutes les provinces qu’a-
voit poffédé Charlemagne ; mais cet Empire tomba
en décadence fous les derniers rois de la fécondé
ra c e , parce qu'ils n'occupèrent plus le trône
d'Allemagne , 8c les grands feigneurs françois fe
rendirent indépendans. Les gouverneurs des provinces
avoient le titre de ducs, ç'eft-à-dire , de
généraux-, 8c ceux des villes ou des pays moins
étendus s’appelloient comtes, dénomination qui
venoit du bas-Empire romain. Ces ducs 8c ces
comtes n'étqient ni héréditaires, ni à vie ; la
volonté du pfince anéantiffoit leur autorité : lirais
après la mort de Louis le Débonnaire, la fuccef-
fion à la couronne occafionna des guerres civiles,
8c telle fut la foibleffe de ces françois qui , félon
le témoignage de Jules-Céfar, ne pouvoient
être vaincus que par eux-mêmes, que leur pays
devint la proie des pirates danois. Ces pirates ,
réunis à d'autres peuplades, s'emparèrent de la
J^çultrie, ù laquelle ils donnèrent leur nom, 8c
ils conquirent en même-temps une partie de 1*Anjou'
& de la Bretagne. Ceux des grands qui com-
mandoient aux extrémités du royaume , fe rendirent
les maîtres des cantons où ils fe trouvoient.
Les ducs & les comtes , féudataires jufqu'alors >
acquirent un pouvoir abfolu , & ils ne laiffèrent
au fouverain que le nom de roi. Les ducs dévoient
commander aux comtes, fuivant l'ancienne
inffitution ; mais plufieurs de ceux - ci devinrent
tout-à-fait indépendans, & ils n'obéirent plus
ni au r o i, ni aux ducs. Un capitulaire de Charles
le Chauve autorila pour la première fois la
fucceffion des comtés dans les familles : cette
dangereufe condefcendance eut des fuites funeftes*
On voit 3 fous les règnes de fes fucceffeurs, des
comtes de Vermandois, des Bues de Guienne,
des comtes de Touloufe, desçomte'sde Cham-
pagne 3 &c. & c . qui agiffént avec indépendance •
qui lèvent des troupes fans ordre du roi 3 qui fe
liguent entr'eux 3 qui donnent ou partagent leurs
domaines , & les ducs & les comtes levânt les
tribus félon l'ancien ufage , & recevant les amendes
pour les envoyer au tréfor royal, ils ne man3
; qüèrent pas de fè lès approprier, & il ne relia
plus de domaine au roi fur la fin de la fécondé
race.
Louis V , dit le Fainéant, fut le dernier roi
de cette fécondé race. Charles, duc de Lorraine
, prince de la famille royale 3 vivoit encore ,
& la couronne lui appartenoit j mais il avoit fait
hommage de fon duché" à l'empereur Othon : il
avoit montré beaucoup d'attachement pour les
germains j qui étoient alors les plus grands ennemis
de la France ; il avoit levé des troupes contre
lè roi Lothaire fô n / r lle j & les françois qui
étoient mécontens de lui qui d'ailleurs le/con-
noiffoient peu, parce qu'il avoît prefque toujours
été hors du royaume 3 & qui le regardoient comme
un étranger , donnèrent le feeptre à Hugues ,
furnommé Capet.
Hugues Capet , chef de là troifième race ,
ménagea les grands auxquels il devoit la couronne
; & les feigneurs qui n'avoient d'autre droit
que celui de la force , demeurèrent paifibles pof-
feffeurs des états qu'ils avoient ufurpés. Ils fe vinrent*
contraints eu-x-mè’mes de laiffer à leurs vaf-
faux la poffeffion des fiefs. Ces vaffaux , dans la
plupart des provinces, n'étoient tenus qu'à faire
l'hommage-li^e à leurs fuzerains. M a is , dans les
cantons où les fuzerains avoient mieux confervé
leurs droits, les vaffaux, pour fe maintenir en
poffeffion, payèrent une certaine fomme à chaque
mutation, ce qu'on appelloit racheter le fie f, où
le droit de rachat.
Ainfi tous les fiefs devinrént patrimoniaux comme
les autres biens, & l'on vit commencer ce
gouvernement féodal qui fut fi funelle à la monarchie.
Malgré la fubordination ordonnée par
les loix des fiefs, elles établirent une'égalité anarchique
y & , fans procurer les avantages de l'a-
riftoçratie
riftoentie, elles détruifirent ceux de l’état monarchique.
C 'e lt en effet une véritable anarchie,
lorfque les plus puilfans ufurpent tour à tour l'autorité,
& lorfque la force fe trouvant dans les
mains du fuzerain 8z dans celles du vafTal, rend
leurs droits équivoques 8c les loix inutiles. On
voit à quels défordres dévoient fe porter les paf-
fions ! Si un frein ne les retient pas, elles ne
tendent qu'à détruire la fociété. Elles ont toujours
excité , 8c elles exciteront toujours les hommes
à facrifier le bien général à leurs intérêts
particuliers. Dès qu'un fujet ofe faire la guerre,
tous fes rapports avec le fouverain fe trouvent
anéantis, 8c il en réfulte de plus vives 8c de plus
longues inimitiés qu'entre deux princes indepen-
dans. De-là- naiffent dans un éta t, 1 incertitude du
citoyen fur fon for t, la confufion des lo ix , 1 op-
preffion des fbibles , 8c tous les maux de la guerre
Civile. ' ‘
Les derniers règnes de la fécondé race 8c les
premiers de la troifième n'offrent que des troubles
8c des violences. Nos rois furent prefque
uniquement occupés du vain projet de délivrer
le peuple de mille tyrans domeftiqu<s|, 8c la France
, déchirée par des guerres intemnes , ne put
réfifter ni aux barbares ai à fes voifins, dont elle
fut tour à tour le jouet. Le monarque étoit reconnu
dê tous ces petits tyrans ; mais ils avoient
fa puiffance; les domaines fournis immédiatement
au roi fe réduifoient prefque aux pays de Laon
8c de SoifTons. La monarchie fut en proie à toutes
fortes de brigandages s des coutumes barbares
devinrent des loix ; l'abus du pouvoir intro-
duifît les droits les plus étranges) chaque grand
feignëur joua le rôle d'un fouverain, Sc des guerres
particulières défolèrent chaque “canton. Le vaf-
fal du monarque trouvoit mille prétextes .de lui
Yefufer l ’obéiffance ; 8c les arrière-vaflaux de la
couronne, fujets tout-à-la-fois du roi 8c de fon
vafTal immédiat , étoient toujours amis ou ennemis
de ia patrie, félon leurs intérêts ou félon leurs
caprices. .
Heureufement pour la nation, cette multitude
de fouverainetés difparut peu a peu. S. Louis
relfteignit les droits des vaffaux de la couronne >
il établit la voie du reffort au premier fouverain ;
8c les fujets, opprimés par les fentences arbi-
traires des juges des baronies , commencèrent a
porter leurs plaintes aux quatre grands baillis juges
royaux, créés pour les écouter. Philippe Au-
gufte chaffa les angiois qui avoient été long-pems
maîtres de la Normandie, du Maine, de l'An-
[ jou & de la Guienne. Porté aux grandes chofes
| par la force de fon génie , ce prince dédaigna de
faire, à l’exemple de fon père & de fon aïeul, la
guerre à des princes particuliers ; il commença par
rendre les françois heureux , & finit par les rendre
redoutables. Il forma lè noble 8>c utile projet,
exécuté depuis-avecfuccèsj de détruire les grands
vaffaux.
Nous avons deia dit ( i^comment la monarchie
a acquis , fous les règnes poftérieurs , le
degré de puiffance qu'elle a maintenant.
La France , dit M. de Réal , fut dans les com-
mencemens un état purement monarchique, ainfi
qu'elle l'eft aujourd'hui. Selon cet écrivain, nos.
premiers' rois (2.) avoient une autorité abfolue.
« Si quelqu'un de nous, ( difoit Grégoire de Tours
» au roi Chilperic , ) s'écarte des voies de la
» juftice vous pouvez le corriger ; niais qui
n peut vous corriger vous , s il vous arrive de les
» franchir? Nous vous parlons, mais vous nous
» écoutez quand il vous plaît. Que fi vous re-
» fufez1 de nous entendre, qui a droit de vous
[1) Tous les auteurs ne conviennent pas que la France ait ete monarchique dans les premiers temps.
Quelques-uns croient que le gouvernement des germains, qui a donne lieu a celui des francs , etoit une
ariftocratie ; ils parlent d’une affemblée générale de la nation , en qui rehdoit la puiitance leg;1 native , &
d’un confeil compofé du roi & des grands, chargé du pouvoir executif. Ils difent que, ce confeil ltatuoit
pxovifio 1111 ellement fur quelques objets ; mais que la nation feule decidoit les points d une importance majeure
: De mïnoribus rebus principes confultant, dit Tacite , de majoribus omnes ; que les rois ce les generaux
n’entreprenoient rien fans le confentement du peuple ; quArminius » Maroboduus, ? C.atualaa, Van-
jnius , Italus & Childeric furent chaffés du trône & dépouillés du commandement , parce qu ils sarrogeoient
une domination trop étendue ; que Pharamond fût proclamé roi par les fuffrages des foldats & du peuple ;.
que la loi falique fut établie & confirmée dans différentes aflèmblees_de la nation ; que Pépin rut élu librement
par la nation: que ce prince convoqua les grands‘à Saint-Denis, & demanda leur aveu pour
le partage de fes états entre fes fils Charles & Carloman ; que tous les ans, au mois de mai, il aliembloic.
j eg “r 1.. .u . i . o_ nnhufla r’Ko ri orna o-np rp.rahlif. les allemulees du mois d&
uo itnau a jluuis ic lic ic u empereur , ts. »» ^ -----w,~ — , A _ . -,
le confentement de chacun d’eux; qu'Hugues Capet & Robert , fon fils, durent la couronne a la nation ;
qu’Hugues Capet ayant demandé à Audebert , comte de la Marche, alîisgeant Tours, qui 1 avoit Fait comte t
ce font, répartit Audebert, ceux-là même qui vous ont fait roi, vous & votre fils ; que, félon la grande
chronique, on appella les gens des bonnes villes à l’aflemblée de 1141 qui eut lieu a Paris , & qu enfin
les députés des communes furent régulièrement convoqués^ à chaque aflemblee- nationale , depuis Philippe
hs B.el, & fur-tout lorfqu’il s’agifl'oit d’établir quelque impôt.
(Zoon. polit. Cr diplomatique. Tome 1U IN n rt