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ainfi que chèfc les peuples où il eft commun} l'intérêt
n’eft communément que de trois pourcent,
& celui des fonds de terre eft un peu moindre.
En 1780 on évaluoit à 45 millions de rixdalers
oud'écus d'Empire, les capitaux dûs par les étrangers
à l'état de Gênes.
S e c t i o n V I e.
De la population, de la marine , & des forces de
terre de la république de Gênes.
L'état de Gênes ne contient guères que 400 mille
habitans, dont la capitale feule renferme près
du quart. En temps de paix, la république entretient
environ cinq à fix mille hommes de troupes
réglées } mais, en temps de guerre, elle pourrait
armer jufqu'à trente mille de fes propres fujets (1 ).
Elle Ta prouvé plufîeurs fo is , & , en dernier lieu,
en 174 7, quand les génois chaffèrent les autrichiens
de leur ville Ôrdeleur état} tout le monde
étoit foldat, jufqu’aux prêtres & aux moines ,
pour la défehfe de la patrie, 8c plus de quarante
mille hommes prirent les armes. Il y a même trente
mille hommes de troupes fur pied, qu'on exerce
& fait paffer en revue tous les mois.
Gênes, qui armoit autrefois des flottes de plus
de deux cens voiles* montées par quarante à cinquante
mille hommes de l'élite de fa jeunelfe , &
qui réfiftoit à la fois aux pifans, aux vénitiens,
aux catalans , aux grecs & aux corfaires barbaref-
qués, voit aujourd'hui fes forces maritimes réduites
à quatre galères, & à quelques pinques armées
en guerre. Elle auroit bien des moyens de
rétablir fa marine , fi la politique jaloufe des autres
puiffances ne s’y oppofoit pas 5 car , fi l'on
en croit le rapport de plulîeurs ingénieurs & géographes,
qui ont vilîté & examiné foigneufement fes
côte s , on y trouve d'excellens havres : tout le monde
connoît le port de la Spezia, que la nature a fait
feule un des plus beaux du monde entier, & il lui fe-
roit aifé d'établir des chantiers pour la conftruétion
des vaiffeaux. On conftruit de tems à autre, le long
de la riviere de Gênes, des bâtimens de 50 a 60
canons pour le ferviee de différentes puiffances
maritimes. En général, l'on y fait beaucoup de
pinques & barques d’environ iy o à 160 tonneaux. V*oye\► l'article C orse.
G E N E V E , république indépendante, fur les
confins de la France, du canton de Berne & de
la Savoie.
Nous ferons, i° . le précis de l’hiftoire politique
, du gouvernement & des troubles de Genève
: 2°. nous parlerons de fon gouvernement &
des changemerts opérés par l'édit de pacification
de 1782: 3°. nous ferons des remarques fur cet
G E N
cd it, & nous y ajouterons d’autres remarques fuÿ
le commerce & l'état aCtuel de Geneve.
S e c t i o n , p r e m i è r e .
Précis de l'hijloire politique, du gouvernement & des
troubles de Geneve.
Nous ne commencerons le précis de l'hiftoire
politique & du gouvernement de Geneve, qu'à
l'époque où les évêques de Geneve obtinrent des
empereurs, ainli que ceux deLaufanne & deSion,
les titres de princes 8ç de fouverains de leurjville
& d’un territoire confidérable des environs.
Les comtes de Genevois, Amples officiers des
empereurs, devenus vaffaux de l'évêque , afpi-
roient à l'exercice exclufif de là juftice. Les bulles
des empereurs & des papes fervoient plus à entretenir
ces difputes qu'à les terminer. Le peuple ,
preffé alternativement par ces deux forces, pro-
fitpit de leur ch o c , pour affermir ou étendre fes
privilèges; il craignoit moins l'abus de l'autorité
paftorale , &. celle-ci ayant plus befoin de la far
veur populaire, il en obtenpit davantage.
Cependant une troifieme puiffance s'étoit formée
dans leur voifinàge, & menaçojt fa liberté
des citoyens. Les comtés dé Savoie, devênus puif-
fans par la réunion fucceffive de plufîeurs fiefs ,
fe. trouvèrent lès maîtres du Gènevois 5 ils ranimèrent
lès prétentions dès anciens comtes, & ils
afpirèrent à la fouveraineté de la ville.
Au commencement du onzième fiècle,. l'éve-
que, en fa qualité de prince temporel, pouvoir
faire des alliances. Les bourgeois & habitans fe
reconnoiffoient fes fujets. Il avoit le droit d'impofer
dès logèmens & des corvées dans le territoire de
la v ille , de battre monnoie, de faire punir les
voleurs ; les péages , les cours du Rhône., la ga>-
belle furies vins» les marchés & leur police, les
Iods des ventes cfes maifons, les pâturages pub
lic s , la confifcation des biens des criminels "lui
appartenoient. Outre le çonfeil épifeopaf, juge
des affaires qui intéreffoient la religion ou Ta police
eceléfiaftique, l'évêque avoit deux tribunaux
pour le civil» lacour. du vidomne & l'official. Le
vidomne, aidé de trois ou quatre afTeffeurs, ju-
geoit en première inftance les caufes civiles. On
appelloit de fes jugemens à l'official, & , dans les
cas plus graves., l'appel alloit jufqu’ à l'archevêque
deVienne. L'évêque pouvoit quelquefois fiiire
grâce , ou adoucir la fentence.
Comme il falloit fuppléer au défaut de la puiffance
tutelaire des légitimes-fouverains , puiffance
affoiblie ou. même anéantie dans îa plus grande
partie de l'Europe, les affemblées des communes
étoient devenues d'un ufage affez général. Il pa-
roît qu'alors raffemblée des. communes, ou le
(1) Quelques personnes croient qu’elle n’en peut arruer que vingt mille?
G E N
confeil général à Geneve étoit compofé de tous
les chefs de famille, citoyens ou habitans y (, car
cette diftinètion n'étoit pas auflV clairement marquée
que dans les temps poftérieurs ) : il pouvoit
être convoqué , ou par 1 éveque, ou par les; .
fyndics, chefs de la communauté fous 1 éveque.
Le peuple nommoit annuellement quatre fyûdiçs
& un tréforier, qui choifilfoient eux-mêmes quelques
afTeffeursf confeillers pour les aider dans leurs
fonctions. On confultoit le peuple fur les taxes ,
fur les alliances } & fans fon contentement, ni
l'évêque , ni les magiftrats ne. décidoient aucune,
affaire importante pour la communauté ; au con- ,
traire, ces princes, . à leur entrée dans la ville
pr étoient. ferment entre les mains du . fyncfic, de
garder & de; protéger les franchîtes .de la cite.
Les bourgeois avoient la-garde; de la yilte, les
clefs des portes étoient dépofées chez le fyndic.
- Depuis le coucher jufqu'.au lever. du lokil.» 1 .exer-
. cice de la jurifdiction. des officiers -ae 1 éveque. fe
trouvoit fufpendu. Ces .officiers: croient, obliges
de remettre aux fyndics, dans, les vingt - . quart e
- heures, un malfaiteur arrêté } céSjderniej-s., af-
fiftés d'un -nombre indéterminé de eonferllers de’
' leur choix, le- jugeoient fans appel. Ls M
toient? âi leur tour .le coupabje au vidomne pour
l'exécution deJa fentence. Dans: les defordres nocturnes
, lès fyndics pour oient faire emprifonnèr :
ils concouroient avec l’éveque a la .police fur- lq
prix2des denrées : ils gardo-ient les munitions, les
archives, donnoient à: l'évêque fa part des revenus
de-la communauté, ,&_pourvoyoient aux de-
penfes -& charges- publiques, particulièrement a
l'entretien des-fortifications. ; ■ .
L'empereur étoit, à cette époque feigneur fuze-
rain de Geneve comme ville impériale} mais, dans
le Fait, les immunités obtenues par le peuple ,• la
iurifdiétion acquife par l'évêque, donnoient a 1 un
& à l'autre diverfes prérogatives communément
réunies à la fouveraineté. ■ .
Les comtes de Maurienne vaffaux des derniers
rois de Bourgogne, après avoir étendu leur domination
fur quelques provinces voifines, en avoient
obtenu finveftiture de l'empereur Henri V ; avec
le titré de comtes de Savoie. Ame V porta le premier
fes vues fur- Geneve ; Leveque abandonné par
les citoyens, jaloux de fa puiffance ; fut contiaint
de-lui céder le vidomnat, & Amé VI fe fitdon-
■ ner la commiffion de vicaire du Saint-Empire; Des
conceffions impériales affranchiffoient .la ville fur
ce point ; mais le comte , abufant de fes titi'es ,
fiégea quelquefois dans la ville , avec 1 agrément
'deTévéque ou des citoyens. Ademar Fabri,,elu
évêque en 13 y y , avoit fait rédiger les franchifes,
coutumes & libertés du peuple y & les avoit con-;
- firmées folemnellement ;* mais quand Ame VIII eut
joint au comté de Savoie le comte de Genevois ,
& obtenu de l'empereur Sigifmond le titre de duc,
en 1417 j.il devint pour Geneve un voifim plus
dangereux, & fit des propofitions en 1420 à l'é-
G E N f i t
vêque Jean de Pierre-Cize, auquel il demandoit
fes droits de prince fur la ville 3. il avoit eu la pre-
. caution d'obtenir une bulle du pape Martin* V-
L'évëque crut ne devoir rien faire, fans confulter
raflèmblée générale <ju peuple, qui le'pria de ne
point aliéner fes-droits, & de maintenir les fran-
. chifes de la ville. A / '
Les genevois , fongeant à leur furete , fixèrent 3
vingt-cinq le nombre des cohleiliers qui dévoient
gérer, les. affairés publiques avec les'quatre fyndics
: on créa aufti un confeil de cinquante, pour
aider aû befoin les vingt-cinq} mais ce fécond confeil
changea dans la fuite , foit pour le nombre ,
foit pour l'étendue des pouvoirs.
Les ducs de Savoie, lucceffeurs d Ame V llI ,
n'abandonn-erent point, fes vues . fur Geneve. Ils
procurèrent plus d une fois ladignité épifçopale, à
des cadets dé leur maifon. Des enfans, des bâtards
même,, en furent revêtus pour la forme, &
alors le duc de Savoie avoit beaucoup .d'influence
a Geneve. Il avoit des créatures dans le corps
même des magiftrats 5 le chapitre^ & le confeil de
l'évêché lui étoient à-peu-près aevoués. Les plus
riches habitans poffédoient des- domaines-en Savoie
, 6c ils ménageoient fes bonnes grâces. Telle
étoit lafïtuation épineufe des; genevois , aû tems -du
duc Charles I I I , vers le ,commencement du i6 - fiè-
cle. Les entreprifes-de ce prince donnèrent lieu
à un traité avec Fribourg , 8c formèrent à Geneve
deux partis ; l'un en faveur des. intérêts du duc ,
& l'autre en. faveur de la liberté : les citoyens ,
attachés au premier, furent défignés par le nom
de cette foldatefque efclaye & faétieule, qui fer-
voit fous les foudans d'Egypte 5 on les appefia
mammUlus. Les autres prirent ou reçurent lç nom
de huguenots , qu'on a enfuite donné aux protef-
tans. Berne & Fribourg formèrent bientôt un nouveau
traité de combourgeojlîe avec- Geneve ■ &
le duc n'ayant pu le prévenir , abandonna fes
projets , -après quelques cruautés & de vaines menaces.
\
Les conditions de cette alliance étoient inégales
, ainfi-que les befoins & les forces des parties
contractantes. Les deux cantons fe réfervèrent le
droit de juger des cas où. Geneve demanderont leur
fecours , & ils ftipulèrent que cette ville, en fup-
porteroit les frais } Geneve s'obligeoit à fecourir
fes alliés à fe-s propres dépens & à la première
requifition. Le traité entre les trois villes eft la
véritable époque de la liberté de Geneve 3 qui fe
trouva affranchie de l'autorité, menaçante des évêques
& des ducs.
Les chefs des mammelus s'évadèrent, & on
jugea leur conduite paffée } condamnés à de fortes
amendes & bannis à perpétuité , ils fe liguèrent
avec des gentilshommes Savoyards, & , fous
le nom de confrérie, de la cuillère , ils fe vengèrent
par des brigandages,« dont le fecours oné-1
"réuxide fes alliés ne garantiffoit Geneve que pour
le;.monaenE. C e fu t de premier commencement des