
de tous les inftrumens néceffaires à une attaque
vive , à une réfîftance opiniâtre.
L'enthoufiafme feul auroit pu furmonter ces difficultés
5 mais cet enthoufiafme ne fe trouvoit ni
dans les colonies, ni dans la métropole.
L'opinion générale étoit en Angleterre que le
parlement avoit effentjellement le droit de taxer
toutes les contrées qui laifoient partie de l'empire
britannique. Peut - être, au commencement. des
troubles '3 n'y auroit-on pas trouvé cent individus
qui révoquaffent en doute cette autorité. Cependant
le refus que faifoient les américains de
la reconnoître, n'indifpofoit point les elprits; On
ne leur porta point de haine, même après qu'ils
eurent pris les armes pour foutenir leurs prétentions.
Comme les travaux ne languiffoient pas
dans l'intérieur du royaume ; que la foudre ne
grondoit qu'au loin, chacun s'occupoit paifible-
ment de fes affaires, ou fe livroit tranquillement
à fes plaifirs. Tous attendoient fans impatience la
fin d'une fcène dont, à la vérité, le dénouement
ne leur paroiffoit pas incertain.
La fermentation dut fe montrer d: abord plus
grande dans le nouvel hémifphère que dans l'ancien.
Prononça-t-on jamais aux nations^ le nom
odieux de tyrannie & le nom fi doux A-indépendance,
fans les remuer ? Mais cette chaleur fe fou-
tint-elle ? Si les imaginations s'étoient mainténues
dans leur premier mouvement, le befoin d'en réprimer
les excès n'auroit - il - pas occupé les Toi'ns
d'une autorité naiffante ? Loin d'avoir, à contenir
l'audace , ce fut la lâcheté qu'elle eut à pour-
fuivre. Elle fut obligée de punir de mort la dé-
fertion. On la vit fe refufer à l'échange des prisonniers
* de peur d'augmenter dans les troupes
le penchant de fe rendre à la première Sommation.
On la vit réduite à la néceffité d'ériger des tribunaux
chargés de pourfuivre les généraux ou leurs
lieutenans qui abandonneroient trop légèrement les
portes confiés à leur vigilance. Il eft vrai qu'un
vieillard de.quatre-vingt ans, qu'on vouloit renvoyer
dans fes foyers , s'écria : ma mort peut être
utile ; je couvrirai de mon corps un plus jeune que
moi. Il eft vrai que Putnam dit à un royalifte fon
prifonnier : retourne vers ton chef j G* s’il te demande
combien -y ai de troupes , réponds-lui que j'en
ai ajfe£ ; que quand i l parviendrait a les battre , il
m'en refiero.it encore ajfeç , U qu'il finira par éprouver
que j ’en ai £rop pour lui & pour les tyrans qu'il
fert. Ces fentimens étoient héroïques, mais rares,
& chaque jour ils devenoient moins communs.
Jamais l'ivreffe ne fut générale ; elle ne pouvoit
être que momentanée. De toutes les çaufes énergiques
qui produifirent tant de révolutions fur le
globe, aucune n’exiftoit dans le nord de l'Amérique.
N i la religion, ni les loix n'y avoient été
outragées. Le fang des martyrs où des citoyens
n'y avoient pas ruiffelé fur des échafauds. On n'y
avoit pas inîulté aux moeurs. Les manières , les
ufages, aucun des objets chers aux peuples n'y
avoient été livrés au ridicule. Le pouvoir arbitraire
n’y avoit arraché aucun habitant du fein de
fa famille ou de fes amis , pour le traîner dans
les horreurs d’un cachot. L'ordre public n'y avoit
pas été*interverti. Les principes d'adminirtration
n'y avoient pas changé, & les maximes du gouvernement
y-étoient toujours reliées les .mêmes.
Tout fe reduifoit à favoir fi la métropole avoit ou
n'avoit pas le droit de mettre directement ou indirectement
un léger impôt fur les colonies : car
les griefs accumulés dans le mariiferte n'eurent dé
valeur que par ce premier grief. Cette queftion y
prefque métaphyfique, n'étoit giière propre à-fovH;
lever une multitude, ou du moins à l'intéreffer
fortement'à, Une querelle, pour laquelle elle voyoit
fes terres privées des bras deftinés à les féconder,
fes moilTons ravagées, fes campagnes couvertes
des cadavres de: fes proches , ou teintes de fon
-propre fang. A ces calamités 3 ouvrage des troupes
royales fur la côte , s'én joignirent bientôt de
plus insupportables dans l'intérieur des terres, &
le courage tranquille de la nation en général s’affermit
de plus en plus.
Les boriîes ' de cet ouvrage ne nous permettent
pas de Suivre plus en détail l’hiftoire de la révolution
des Etats- Unis j mais il ne faut pas oublier
de dire qu'après le défaftre de Burgôyne à Sara-*
toga, la cour de Vèrfailles ligna le .6 février 1778
un traité d'amitié, d'alliance & de commerce avec
les Etats-Unis ( 1 ) , & Louis X V I fit' fignïfier le
14 mars au roi d'Angleterre, qu'il avoit reconnu 1;indépendance de ces Etats. Cette protection d'un-
grand r o i , il faut en convenir y a établi la liberté
des américains qui, ayant épuijé leurs rêffources ,
fe voyoiertt forcés de Songer à un accommodement
avec le cabinet de Saint-James. La guerre dans
laquelle la France entra bientôt après contre l’Angleterre
, procura une diverfion extrêmement utile
aux colonies 5 enfin le traité de paix tut négocie
par un miniûre qui a montré une fageffe habile
dans tout le cours de fon adminiftration, & qui ,
dans un efpace de peu d'années, a rétabli trois
fois la paix en Europe. Si l'Angleterre a paru aveuglée
pendant toute la guerre, elle n'a pas attendu
long-temps le retour de fa raifon. Elle a ouvert
les yeux j & après avoir étonné le monde entier
par fes forces & par fon courage, elle a fini par
donner .à tous les peuples un bel exemple de ge-
nérofité & de fageffe : elle a dédaigné les evene-
mens heureux qu'elle pouvoit efperer de 1 avenir
& du hafard, & .elle a. reconnu formellement l’ indépendance
de l'Amérique par le traite de 1782 >
Nous rapporterons lis principaux articles de ce traité, en. parlant des traités quont fait les améif*
«ains avec quelques puifi’ances de l’Europe.
c*eft-à-dire*, après une guerre qui n4a duré que
fept ans; Les annales de l’antiquité^ & celles des
temps modernes .n'offrent aucune révolution aum
importante, comme nous l'avons déjà d it , &
fur-tout elles n'en offrent aucune d'auffi rapide.
S e c t i o n I I Ie.
A c t e d ' i n d é p e n d a n c e .
D é c l a r a t i o n d ' i n d é p e n d a n c e ,
Varies repréfentdns des Etats-Unis d Amérique,
ajfemblés en congres.
Du 4 juillet 1716.
L o r s q u e - le cours des événemens humains
met un peuple dans la néceflïté de rompre les
liens politiques qui l’ iiniffoient a un autre peuple ,
& de prendre parmi les puiffances de la terre la
place réparée 3. & le rang d égalité auxquels il a
droit en vertu des loix de la nature , & de celles
du Dieu de là nature, le reSpeCt qu il doit aux
opinions du genre - humain , exige de lui qu'il ex-
pofe aux yeux du monde & déclare les motifs qui
le forcent à cette réparation.
Nous regardons comme inconteftables & évh
dentes par elles^êmes les vérités Suivantes ; que
tous les hommes ont été créés égaux $ qu ils ont
été doués par le créateur de certains droits inaliénables;
que parmi ces droits on doit placer au
premier rang la v ie , la liberté & la recherche du
bonheur. Que pour s’ affurèr la jouiffance de ces
droits , les hommes ont, établi parmi eux , des
gouvernemens dont la jufte autorité émané du
eonfentemenL des gouvernés. Que toutes les fois
qu'une forme de gouvernement quelconque devient
deftruCtive de ces • fins pour lesquelles elle
a été établie, le peuple a le droit de 1^ changer
ou de l'abolir, & d'inftituer un nouveau gouvernement
, en établiffant fes fondemens fur les
principes, & en organisant fes pouvoirs dans la
forme qui lui paroitront les plus propres à lui
procurer la fureté & le bonheur. A la vérité, la
prudence diCtera que l'on ne doit pas changer ,
pour des motifs légers & des caufes paffagères,
des gouvernemens "établis depuis long-temps •> &
auffi l'êxpérience. de tous les temps a montré que
les hommes font plus difpofés à Souffrir , tant
que les maux font fupportables , qu'à fe faire
droit à eux-mêmes en détruisant les formes auxquelles
ils font accoutumés. Mais lorfqu'une
longue fuite d'abus & d'ufurpations , tendant invariablement
au même b u t , montre évidemment
le deffein de réduire un peuple fous le joug ..d'un
defpotiSme. abSolu , il a le droit, & il eft de fon
devoir, de renverfer un pareil gouvernement, &
de pourvoir , par de nouvelles m'efures , a fa furets
pour l’avenir. Telle a été la patience de ce s colonies
dans leurs maux , & telle eft aujourd hui la
néceflïté qui les force à changer leurs anciens fyf-
têmes de gouvernement, t- hiitoire du roi aéluel
de la Grande-Bretagne eft un tiffu d’ injultices 5c
d'ufurpations répétées , tendant toutes directement
à établir une tyrannie abfolue fur ces états. Pour
le prouver, expofons les faits1 au monde impartial.
. " ' ' - ■ ■
li a refufé fon confentement aux. loix les puis
; (âlutaires & les plus néceffaires pour le bien pu-
; bile. ’ ■ ,
U a défendu à; fes ; gouverneurs de paffer des
loix d’une importance immédiate Sr -urgente , a,
moins qu’il ;ne fut furfis à leur, exécution jufqu’à
I ce que l’on éût.obtenufon confentement ; quand
1 elles ont été, ainfi fufpendues, il a tout-à-fait négligé
d’y faire attention & de les examiner.
Il a refufé de paffer d’autres loix pour l’ éta-
bîiffement de grands diftridts , a moins que le
; peuple de ces diftriâs n’abandonnât le droit d'être
repréfenté dans la légiflàture i droit ineftimable
pour un peuple, 8c qui n’ eft formidable que pour
! les tyrans.
Il a convoqué des corps légiflatifs dans des
lieux inufités, dénués de toutès commodités, 8c
éloignés des dépôts de leurs regiftres publics, dans
la feule vu e , en lès fatiguant, de les forcer à fe
prêter à , fes deffeins. ., •
Il a diffous à plufieurs fois répétées des chambres
de repréfentans, parce qu’ elles s oppofoienr a fes
entreprifes fur les droits du peuple, avec une fermeté
qui lied à des hommes.
Il a refufé, pendant un long efpace de temps
après ces diffolutions, de faire elir^ de nouvelles
chambres de'repréfentans , 8c par - là l’autorite
légiflatrice qui ne*peut pas être anéantie , eft retournée
au peuple, pour être exercée par lui dans
fon entier, l’état reftant pendant ce temps expofé
à tous les, périls d’invafions extérieures, -8c de con-
vulfions au-dedans. ,.
Il s'eft efforcé d’arrêter 8c d’empêcher la population
de ces états, en mettant dans cette vue
des obftacles à l’exécution des loix exiftantes pour
la naturalifation des étrangers, en refufant d’en
paffer d’autres pour encourager leurs émigrations
dans ces contrées, 8c en augmentant le prix des
conditions pour lés nouvelles concédions 8c ac-
quifitions de terres. , , .
Il a gêné l’ adminiftration de la juftice, en refufant
fon confentement à des loix néceffaires
pour établir des tribunaux.
Il a rendu les juges dépendans de fa feule volonté,
pour la jouiffance de leurs offices, & pour
le taux & le paiement de leurs appointemens.
I l a érigé une 'multitude de nouveaux offices,
8c envoyé dans ce pays des effains d’officiers pour
vexer notre peuple, 8c dévorer fa fubftance.
Il a entretenu parmi nous, en temps de paix3