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fidélité au minillcre ottoman. On affure même
qu'il s'eft tellement abandonné au zèle avec lequel
il plaidoit la caufe des géorgiens, qu’il a menacé
les miniftres du fultan, d'une invafion totale
des troupes ruffes dans le Cuban pour le fou-
mettre à fa fcuveraine ; & que fi le grand-fei-
gneur ne vouloir écouter à aucun arrangement
pour arrêter les déprédations des tartares du C uban,
l’impératrice fe verrait forcée d’en faire la
conquête. On ajoute que les minilires ottomans
ont'reçu cette déclaration avec beaucoup de froideur,
& qu’ils ont perfillé à répondre aue le
gouvernement étoit réfolu à confetvér la plus
exaéle neutralité. On eft perluadé que la Ruflîe
beTauroit effeéluer fes menaces, puifqu'il eft im-
poffible de faire pafler des troupes régulières , 8c
de les faire agir dans des défilés entre des montagnes
prodigieufement hautes, 8c ou à peine il
y a quelques rentiers étroits , connus des feuls
tartares : que toute l’armée rafle, engagée dans
ces coupe-gorges, y périroit d’elle-même, fans
que les tartares fuffent obligés de le donner d’autre
peine que de faire rouler quelques pierres détachées
des rochers efcarpés qu’ils grimpent avec
autant de facilité que des chevreuils.
G E RM A IN S , PEUPLES DE LA GERMAN
IE on donnoit ce- nom général aux peuplades
qui habitoient une portion de l’Europe , donton
fixera les limites tout-à-l'heure. Les germains ont
joué un fi grand rôle lors de ladettruétion de l’Empire
romain ; ils ont tellement influé fur les moeurs,
les ufages & le gouvernement des nations aéluel •
les de l'Europe, que des remarques fur leur hif-
toire politique fur leur gouvernement ne feront
pas ici déplacées.
Nous avons déjà donné quelques détails fur
cette matière à l’article A n g lo - s a x o n s , nous
allons en ajouter de nouveaux.
Il eft bien difficile de déterminer les bornes de
la Germanie, parce que l’étendue occupée par
les différentes tribus, dependoit de leurs défaites
ou de leurs viétoires. La nation triomphante en-
vahiffoit les poffefliqns des vaincus, 8c fouvent
le plus foible fe rangeoit fous le drapeau de celui
qui poûvoit le protéger, ou qui lui paroiffoit le
'plus redoutable. Les anciens écrivains citent fou-
vent un même peuple fous différens noms, fans
marquer les limites qui le féparoient de fes voi-
fins. Comme aucune ville n’avoit un diftriél certain
, l’étendue des domaines d’une nation étoit
suffi mobile que fa fortune. Malgré ces révolutions
, on eft convenu de donner le nom de Ger~
f * tout le pays qui fe prolonge des rives de
la Viltule a celles du Rhin d’orient en occident,
& des extrémités de la mer Baltique jufqu’au
Danube , du nord au midi. On confond quelque-
lois les (armâtes avec les germains , parce que
ceux-ci les fubjuguèrent. Ainfi la Germanie ren-
fermoit la Prufle, la Pologne, une partie de la
Hongrie, 1JAllemagne proprement d ite , une par-
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f tîe de la S c an d in a v ie le Danemark, les ProviV
ces-Unies, les Pgys-Bas , la Flandre, la Lorraine,
FAI face & la Suide.
Il eft impoffible de déterminer les lieux d'où
partirent 1« premières colonies qui vinrent y former
des établiflemens.
Le gouvernement de la Germanie n'étoit point
uniforme. Chaque canton avoit fon régime particulier
> mais il paroîtque par-tout les prêtres ven-
geoient, au nom de Dieu , les offenfes particu>
lieres & les délits publics. Les miniftres facrés,
qui préfidoient aux délibérations de la natiomaf-
femblée , avoient feuls le droit exclulîf d'infliger
des peines aux coupables ÿ quoique la loi fût fort
indulgente & modérée dans les châtimens, il
étoit des fautes qu'on puniflfoit avec plus de (e-
vérité .que des crimes. Les traitres & les défer-
teurs étoient condamnés à la mort. La lâcheté
étoit regardée comme un attentat contre la patrie
j & celui qui en avoit montré, étoit tramé
dans la fange, qu'011 regardoit comme le fymbole
, d un coeur vil & flétri. Des châtimens fi fevères
(efablent contradictoires avec la loi fur l'homicide
, qui etoit expié par une (impie amende de
hetaih C e t abus avoit fon principe dans l'idée
qu il etoit plus glorieux d'être fon propre vengeur
que d'attendre une réparation. d’ an arbitre.
La vengeance d’une injure étoit regardée commç
la preuve d'une ame fière & généreufe : ce préjugé
enpretenoit le courage national, & fouvent
prévenoit les offenfes, La lo i , dans ces fortes de
cas , autorifoit les combats particuliers, & celui
qui en fortoit vainqueur étoit réputé innocent ,
parce qu'on croyoit que les -dieux favorifoient
toujours , le parti le plus jutte. Cette façon de
juger a été une erreur commune à tous les. barbares
: on la retrouve en A(ie & en Afrique. Les
germains, (impies dans leurs moeurs, fe livroient
rarement aux crimes que le luxe a introduit chez
les peuples policés. Quand on a peu de befoins,
on a peu «de tentations. Mais , quand une fois ils
fortoient des bornes du devoir, leurs écarts étoient
des atrocités. L es nations civilifées mettent de
la modération dans le crime. Tout eft excès chez
le barbare.
Quelques tribus avoient un roi qu'elles p r o
clamoient en l'élevant fur un bouclier au milieu
de l'aflemblée. Cette dignité n'étoit point héréditaire
, & même dans quelques cantons elle étoit
amovible. C'étoit la récompenfe de la fageffe ,
des talens & de la valeur. Dans les républiques,
on créoit un chef $ mais ce n'etoit que dans les
temps de guerre, & alors fon pouvoir étoit illimité.
Dès que le calme étoit rétabli il n'avoit
plus de prérogatives , & il rentrait dans la clafîe
de (impie citoyen. Les rois veilloient à la police-
intérieure, & il$ jugeoient les différends j ils conféraient
le droit de citoyen aux enfans qui ,,
depuis l'agrégation , n'appartenoient plus a
leur famille , mais devenoient les enfans de l'étau
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Ces rois,, plus refpe&és par leurs moeurs que
par leur, pouvoir, ne paroiflbient jamais en public
qu'avec leur lance & leur bouclier. Ils ne
quîttoient point les armes, même pendant lèur
fommeil, & il eft vraifemblable que c'eft à leurs
exemples que plufieurs modernes ont la bizarre
coutume de marcher toujours armés au milieu
de leurs concitoyens. Ces peuples guerriers fe
montroient toujours avec un appareil militaire
dans les aflfemblées nationales , dans les facrifiçes
& dans les autres cérémonies religieufes. LeS intérêts
publics fe difeutoient devant le peuple af-
femblé. Les citoyens donnoient leurs fuffrages fur
la paix ou la guerre, fur le choix «les magiftrats,
fur les peines & les châtimens qu’on devoit infliger
aux criminels & aux perturbateurs de la
tranquillité publique. Les magiftrats étoient plus
intègres qu eclairés j mais, comme la chicane n'avoit
point encore indiqué de routes obliques, la
droiture du coeur étoit plus néceffaire que les lumières
de l'efprit. On ne çonnoiflbit de bon &
d’honnête que ce qui avoit été pratiqué dans tous
les temps par la nation j & , ce qui étoit la fuite
de ce préjugé, la police ne fe trouvoit fufeepti-
b le , ni de réforme, ni de relâchement. Chacun
donnoit fon fuffrage en frappant le bouclier de
fa lance. La voix de l'homme conftitué en dignité
n'avoit pas plus de poids que celle de l'homme
le plus obfcur.
Les premières guerres qui firent connoître les
germains , ne furent que des invafions paflagères
fur les terres de leurs voifins. Une tribu prenoit
quelquefois les armes pour exterminer une autre
tribu j mais c'étoit uii feu éteint aufli-tôt qu’allumé.
Les républiques qui n'étoient pas d'accord,
fe rangeoient fous le même drapeau , lorfque la
liberté publique étoit menacée : ainfi les germains
formoient une forte de confédération j ils fe pré-
cipitoient dans les dangers avec cette férocité
ftupide’, qui femble provenir de l'ignorance dii péril
& de la dureté du caractère»
L'infanterie n'avoit pour armes que la lance,
le javelot & Un bouclier de bois fort léger : elle
combattoit mêlée à la cavalerie, dont elle égaloit
lavîtefte. Chaque tribu ou chaque cité fournif-
foit cent jeunes foldats d'élite, donton compofoit
l'armée de la nation. Les chevaux étoient d’une
extrême vigueur , & fembloient ne refpirer que la
guérre.
Le titre de foldat étoit la plus noble des diftinc-
tions y & pour être çnrâlé dans la milice , il fal-
loit avoir montré du courage, ou fait quelque
que aétion d'éclat. Les femmes & les enfans fui-
voient leur époux fous la tente & dans les camps.
C e fpe&acle, loin d’amolir leur couragfe, leur
snfpiroit l'audace de tout o fe r , pour fouftraire à
la mort ou à l'efclavage les objets de leur ten-
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dreffe 8c les fruits de leurs amours. Le général .
pour donner l’exemple de l’ intrépidité , combat"
toit aux premiers rangs ; & , s’il venoit à périr »
le foldat reê»rdoit comme un opprobre le bonheur
de lui'furvivre. La fuite n’ avoit rien de déshonorant,
pourvu qu’on revint à la charge avec
un nouvel acharnement ; mais la perte du bouclier
étoit punie par la flétriflure 8c la dégradation.
Celui qui le perdoit, étoit frappé des anathèmes
de la religion. Alors, rebuté des dieux
8c des hommes, il étoit exclu des facrifices 8c
de la fociété civile. La vie lui devenoit un fardeau
, dont il fe débarraffoit en s’étranglant lui-
même : toutes les fois qu’on fe préparoit à une
guerre nouvelle, on faifoit courir une flèche dans
les différens cantons, 8c ce lignai avertiffoit de
prendre les armes.
i Le facerdoce donnoit la plus grande autorité ;
les prêtres avoient le privilège'de battre 8r de
charger de chaînes ceux qui leur déplaifoienr.
L ’ innocent, ainfi que le coupable, fubiffoit ces
châtimens arbitraires. Les prêtres, pour autorifer
leur arrêt, n’avoient qu’à dire que lés dieux le
vouloïent ainfi.
Nous ne dirons qu'un mot de l ’hiftoire militaire
des germains. Après avoir combattu les uns
contre les autres, ils tournèrent leurs armes contre
l’ étranger. Leurs premières expéditions furent
dans les Gaules, où ils fe rendirent les maîtres
de tout le pays fitué entre l’Elbe 8c le Rhin, 8c
fur-tout de la Belgique, dont Augufte, dans la
fuite , fit deux provinces fous le nom de Belgique
fupérieure 8c inférieure. La facilite de leurs premières
conquêtes leur infpira l'audace d’attaquer
le s romains , 8c de réduire en cendres la capitale
du monde : on vit alors s’ allumer cette guerre ( i )
mémorable qui fit couler tant de fang, 8c qui ne
fut terminée que par la difperfion 8c le maflacre
des teutons 8c des cimbres. Les défaites de ces
•deux peuples n’ âbbatirent point le courage des
. autres nations germaniques. Les nouveaux rava-
ges.qu elles exercèrent dans les Gaules, forcèrent
les habitans à implorer le fecours des romains.
C é fa r , chargé du foin de cette guerre , fut d’abord
étonné d’avoir à combattre un ennemi qui
méprifoit le luxe 8c les voluptés , qui n'avoit
d'autre métier que la guerre, 8c d’autres richef-
fes que fes armes. Les dépouilles des bêtes tuées
à la chaffe les couvraient pendant la nuit 8c leur
ferYoient d’habits pendant le jour. Dédaignant
les métaux précieux, qu’ils regardoient comme
lafource de tous les vices , on ne les voyoit point
fouiller dans les entrailles de la terre pour en tirer
l'or que la nature prévoyante y a caché : il
leur paroiffoit plus beau de fe procurer des fub-
fiftances les armes à la main, que d’attendre les
produirons incertaines de leur fol.
(*) On peut voir dans les Commentaires de Céfar tout ce qui a rapport à cette guerre.
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