
fition qu’on n'étüdie pas afi'ez. Cependant le fol
eft d'autant plus productif qu'il éft plus éloigné des
côtes : ce qui peut venir de ce que les pluies
trop fréquentes au pied des montagnes ^ lors
même que le relie de l'ille eft afflige par la fé-
cherefîe , entretiennent dans les terres prefque
toutes argilleufes, qui les avoilinent , une fraîcheur
& une humidité contraires à leur améublif-
fement , & par conféquent à leur fécondité. Dix
rivières arrofent la partie de Toueft > trois la partie
du nord ; huit la partie de Tell , & cinq celle
<3u fud. Outre ces fources * toutes alfex conlîdé-
jables pour faire rouler des moulins à fucre , on
en voit plufieuis de moins abondantes très - utiles
aux cafayères.
Le continent voifin préferve la Grenade de ces
funeftes ouragans qui portent la défolation dans
tant d'autres illes, & la nature y a multiplié les
anfes les baies , les rades qui favorifent l’exportation
des denrées. Son port principal fe nomme
Bajfe-Terre ou Saint-George. Il fourniroit un abri
fur à foixante vaiflfeaux de guerre.
. Hijloire de cet établijfemcnt. Quoique les fran-
içois, inftruits delà fertilité de la Grenade, euf-
fent formé j dès Tan 1638, le projet de s’y étab
l i r , ils ne l'exécutèrent qu’ en 1651. En arrivant,
ils donnèrent quelques haches, quelques
couteaux, un baril d’eau-de-vie au chef des fau-
vages qu'ils y trouvèrent} & croyant à ce prix
avoir acheté l'ifle, ils prirent le ton de fouverains,
& bientôt agirent en tyrans. Les caraïbes , ne
pouvant les combattre à force ouverte, prirent
le parti que la foiblelfe infpire toujours contre
l'oppreffion , de maffacrer tous ceux qu'ils trou-
voient à l'écart & fans défenfe. Les troupes qu’on
envoya pour foutenir la colonie au berceau , ne
virent rien de plus fu r , de plus expéditif, que
de détruire tous les naturels du pays. Le relie
des malheureux qu'ils avoient exterminés, fe réfugia
fur une roche efearpée , aimant mieux fe
précipiter’tout vivans de cefommet, que de tomber
entre les mains d'un implacable ennemi. Les
françois nommèrent légèrement ce roc , le morne
des fauteurs 3 nom qu’ il conferve encore.
Un gouverneur avide , violent, inflexible vengea
tant de cruautés : la plupart des colons , révoltés
de l'abus qu'il faifoit de fon pouvoir , fe
jefugièrent à la Martinique > & ceux qui étoient
reliés fous fon obéilfance, le condamnèrent au
dernier fupplice. Dans toute la cour de juftice qui
ïnftruilït fon procès , un feul homme,nommé Ar-
changeli, favoit écrire : un maréchal ferrant fit
les informations. Au lieu de fa fignature, il avoit
pour fceau un fer à cheval, autour duquel Ar-
changeli, qui remplilfoit l'office de greffier, écrivit
gravement : marque de M. de la Brie , conféil-
l’er- rapporteur.
On craignit avec raifon que la cour de France
ne ratifiât pas un jugement fi extraordinaire. La
.plupart des juges du crime & des témoins dû
G R E
ftippüce difpaturent de la Grenade. 11 n*y deWleôfifr
que ceux q u i, par leur obfcurité, dévoient fe
dérober à la perquifition des loix. Le dénombrement
de 1700 attelle qu’il n'y avoit dans l'ifle
. que deux cens cinquante-un blancs, cinquante-
trois fauvages ou mulâtres libres , & cinq cents
vingt-cinq efclaves. Les animaux utiles fe rédui-
foient à foixante - quatre chevaux & cinq cents
foixante - neuf bêtes à corne. Toute la culture
confiftqit en trois fucreries & cinquante-deux in-
digoteries.
Tout changea de face vers Tan 1 7 1 4 , & ce
changement lut l'ouvrage de la Martinique. Cette
ifle jettoit alors les fondemens d'une fplendeur
qui devoit étonner toutes les nations. Elle envo-
yoit à la France des productions immenfes, dont
elle étoit paye'e en marchandifes précieufes, qui
la plupart étoient verfées fur les côtes efpagno-
les. Ses bâtimens touchoient en route à la Gnv
nade, pour y prendre des rafraichiflemens. Les
corfaires marchands qui fe chargeoient de cette
navigation , apprirent à cette ifle le fecret de fa
fertilité. Son fol n’avoit befoin que d'être mis
en valeur. Le commerce rend tout facile. Quelques
négocians fournirent les efclaves les uf-
tenfiles pour élever des fucreries. Un compte s'établit
entre les deux colonies. La Grenade fe li»
béroit peu-à-jjeu avec fes riches productions j &
la folde entière alloit fe terminer, lorfque la
guerre de 174 4 , interceptant la communication
des deux ifles, arrêta les progrès de la plus importante
culture dunouveau-Monde. Alors furent
plantés des cotonniers , des cacaoyers, fur-tout
des cafiers, qui acquirent, durant leshoftilités^
Taccroiffement nécenaire pour donner des fruits
abondans. La paix de 1748 ne fit pas abandonne»
ces arbres utiles > mais les cannes furent de nouveau
pouffées avec une ardeur'proportionnée à
leur importance. Des malheurs trop mérités privèrent
bientôt la métropole des grands avantages,
qu'elle fe promettoit de fa colonie.
La Grenade paffa .au pouvoir de la Grande-
Bretagne, qui fut maintenue dans fa conquête
par le traité de
Les anglois n'y débutèrent pas heureufement.
Un grand nombre d'entr'eux voulurent avoir des
plantations dans une ifle dont on s'étoit fait d’avance
la'plus haute idée >, & , dans leur erithou-
fîafme, ils les achetèrent beaucoup au-deffus de
leur valeur réelle. Çette fureur, qui expulfa d'anciens
colons habitués au climat, fit fortir de la
métropole trentercinq ou trente,- fix millions1 de
livres. A cette imprudence, fuceéda une autre
imprudence. Les nouveaux propriétaires , aveuglés
fans doute par l'orgueil national, fubftituè-
rent de nouvelles méthodes à celles de leurs pré-
déceffeurs. Ils'voulurent changer la manière de
vivre des efclaves. Par leur ignorance même, attachés
plus^ fortement à leurs habitudes que lé
commun des hommes, les nègres fe révoltèrent»
G R E '
"g. fallut faîte marcher des troupes & verfer du
fàng. Toute la colonie fe remplit de foujpçons.
Des maîtres; qui s'étoientjettes dansja neceflité
de la violence ,. craignirent d'être brûlés ou af-
faflinés dans leurs habitations. Les travaux languirent
, & furent même interrompus. Le calme
fe rétablit enfin 5 mais un nouvel orage le fuivit
de près. . . .
Sur toute l'étendue de 1 empire • britannique ,
les feétateurs du culte romain font rigoureufe-
ment privés de la moindre influence dans les re-
folutions publiques. En établiffant te gouvernement
anglois à la Grenade , le miniftere crut devoir
s'écarter des principes generaiement reçus ,
& il voulut que les anciens habitans, quelle que
fût leur religion , puffent donner leur voix dans
l'aflemblée coloniale. Cette innovation éprouva la
réfiftance la plus opiniâtfe ; mais enfin le parlement
qui avoit perdu quelque chofe de fes préjugés
, fe déclara pour l'admpiftration, & les
catholiques furent autorifés à s'occuper de 1 intérêt
commun comme les autres. ■ . ,
La prédileétion que George III avoit montrée
pour les françois devenus les fujets , lui fit penfer
qùe fes volontés ne trouveroient aucune oppofi-
tion dans un établiffement ou ils formoient encore
le plus grand nombre. Dans cette confiance,
il ordonna qu'on y perçût , à la fortie des produirions.
les quatre & demi pour cent que toutes
les illes britanniques, excepte la Jamaïque 3
avoient"très-anciennement accordes dans un accès
de zèle. On lui contefta ce pouvoir. La caufe
fut plaidée folemnellement, & la décifion ne fut
pas favorahle au monarque.
. Cette viétoire enfla le coeur des colons. Pour
accélérer les cultures., ils avoient fait de gros
emprunts aux capitalises de la métropole. Ces
dettes, qui selevoient à cinquante millions de
livres:, ne furent pas acquittées à leur échéance.
Les prêteurs s’armèrent du glaive de la lo i , qui
les autorifoit à faifir les plantations hypothéquées,
à les faire vendre publiquement, & a en exiger
après huit mois , la valeur entière. Cette-feverite,
répandit la confternation. Dans fon défefpoir, le
corps légiflatif de l'ifle porta , le 6 juin 1774, un
bill qui partageoit en cinq paiemens le prix de
l'acquifition , & qui reculoit jufqu'à trente-deux
mois le dernier terme. Le motif fecret de cet aéte
étoit fans doute de mettre-les. débiteurs a portée
de fe rendre adjudicataires de leurs propres biens,
& de leur procurer, par ce moyen , des délais
qu'ils auroient vainement attendus de la commi-
fératîon de leurs créanciers.
Une entreprife fi hardie fouleva l’Angleterre
entière. On y fut généralement bleffé qu'une très-
foible partie de l'empire fe crût en droit d'anéantir
des engagemens contractés fous la difpofition
d'une loi univerfelle dans la bonne foi^ du commerce.
' Cette indignation fut partagée par les
ifles même de l'Amérique, qui comprirent bien
g r ï m ,
qu’il n’y auroit plus de crédit à efpérer, fi la confiance
n'avoit plus de bafe. Les bretons de l ancien
& du nouveau - Monde unirent leurs voix
pour prdTer la puiffance fuprême de repouffer,
fans délai, cette grande brèche faite au aroit
important & imprefcriptible de la propriété.
Le parlement, quelle que dût être la détreffe
d'une fi précieufe acquifition , penfa comme les
peuples.
ProduSions, commerce. En 1771 & 177/ , Sainc-
George fut réduit en cendres par des incendies
effroyables. La colonie éprouva d'autres calamités
, & cependant fes productions ont triplé depuis
qu’elle eft fortie des mains des françois. Elle
eft devenue fous l’aucre hémifphère , la fécondé
des illes angloifes. La nouvelle métropole en recevoir
chaque année, avant la dernière guerre ,
dix-huit millions pefant de fucre , q u i, à 40 liv.
le quintal, produifoient en Europe 7,100,000 liy.;.
un million cent millegalons de rhum, qui, à 1 Iiv.
10 fols le galon, produifoient i,éyo,ooo livres;
trente mille quintaux de café , qui a yo liv. le
quintal, produifoient i,JQO,000liv. ; trois mille
quintaux de cacao, q u i, à yo liv. le quintal ,
produifoient iyo,©oe livres; trois cents quintaux
d’indigo, qui, à 800liv. le quintal, produifoient
140,000 fivtes ; treize mille quintaux de coton ,
qui à iy o 1. le quintal, produifoient i,9 jo ,oo oliv.
c'ell en tout 11,690,000 livres ; mais, dans ce
revenu, étoit compris celui que donnent les Grenadins.
. . .
C e font une douzaine de petites ifles, depuis
trois jufqu'à huit lieues de circonférence. On n'y
voit point couler de rivière, & le climat en eft
cependant très-fain. La terre feulement couverte
dé huiliers clairs n'a pas été défendue des rayons
du foleil pendant des fiècles ; & l’on peut la travailler
fans qu'elle exhale, dans aucun temps,
ces vapeurs mortelles qui attaquent ailleurs généralement
les jours des cultivateurs.
Cariacou, la feule de ces ifles que les françois
euffent occupée , fut d'abord fréquentée par des
pêcheurs de tortue , q u i, dans les intervalles de
loifir que leur laiffoit cette occupation, effayè-
rent quelques cultures. Leur petit nombre fut
bientôt augmenté par plufieurs habitans de la
Guadeloupe, que des infeétes malfaifans avoient
chafles de leurs plantations. Ces bonnes gens ,
aidés de huit ou neuf cens efclaves, s'occupèrent
allez utilement du coton. C et arbufte fut
porté par les anglois dans les autres Grenadins ,
& ils formèrent même une fucrerie a Bequia, &
deux à Cariacou.
GRISON S ou LIGUES GRISES : on les ap- I pelle auffi confédération des grifons. Les grifons
font voifins & alliés des fuiffes. Le pays qu'ils
habitent, fitué à l’orient de la Suiffeproprement
dite, formoit anciennement la partie fupérieure de
la Rhétie : les géographes modernes le comprennent,
ainfi que le Valais dans la Suiffe, dont il