
L ’adminiftration a , dès fon établiffement , été-
formée' par deux corrjpagnies , Tune de dames,
& l’autre des principaux magiftrats 8 c,citoyens.
La première fubfifte encore. Les perfonjtes qui la
compofent , font autant dillinguées paf leur charité
3 que par leur naiffance. Elle a, moins d’influence
qu’autrefois fur le régime 3 parce que Tordre
qui y règne rend peut-être leurs peines moins
néceflaires. Elles daignent cependant toujours
«’occuper de ces enfans.
Mais Tadminiftration véritable de la mai fon eft
toute entre les mains du bureau de l’Hôpital-Gêner
ai. Huit ou neuf de fes membres compofent un
comité particulier qui s’occupe de l’hôpital des
enfans - trouvés 3 8c dont les principales dédiions
doivent être rapportées au grand bureau pour en
être approuvées. C ’eft cette adminiftration particulière
qui connoît de tout ce qui concerne les
enfans 3 les revenus de l’hôpital, 8c fuit toutes les
affaires qui y ont rapport. Telle eft la d-ifpÔfitiôn
de l’édit de c'réation de 1670.
Si le fort des enfans - trouvés n’eft pas devenu
plus déplorable dans ces derniers temps 5 fi malgré
leur multiplication 3 ils ont tous trouvé un afyle
dans l’hôpital qui leur eft- confacré, c’ eft à la fa-
geife bienfaifante de Tadminiftration qu’il faut en
avoir obligation.
Au refte 3 Tadminiftration s’occupe , dans ce
moment-ci 3 des moyens de rendre cet afyle plus
fain pour les enfans-nouveaux-nés, en donnant plus
d’étendue âu local où ils font dépofés, 8c en mettant
en parallèle un nouveau régime indiqué par
les officiers de fanté, avec celui que l’ ufage avoit
établi jufqu’ à préfent.
( Cet article ejl de M. d e s B ois d e R ocnefqrt3
docteur de la maifon & fociété de Sorbonne , curé
de S. André-des-Arcs. )
E N N EM I 3 f. m., mot qui dans fa lignification
propre exprime le contraire d’ami. Un ennemi eft
un homme, un peuple 3 8cc. qui. veut du mal 8c
qui cherche à en faire à un autre homme, à un
autre peuple. Il fe dit particuliérement de celui
qui eft en guerre ouverte avec un adverfaire.
Ceux qui ont dit que le tien & le mien avoient
rendu les hommes ennemis de leurs femblables 8c
femé la difcorde fur la terre, n’y avoient pas regardé
} ou bien, ils ont voulu dire que l’appétit
du tien 3 joint aü defir de conferver le mien 3 avoîent
engendré les querelles. On auroit pu leur attribuer
pieufement cette intention, s’ ils n’avoient pas
ajouté} que la communauté des biens étoit l’état
primitif de l’homme 8c l’état naturel de paix 8c
de douceur. Si le paradis terreftre , où la terre
offroir fans travail une abondance de biens inê-
puifables > fi le paradis terreftre avoit duré , 8c
qu’ il eût eu des hiftoriographes , ils auroient pu
nous attefter cela > encore , je ne fais fi la communauté
des femmes qui, fi elles ne font pas une
rîcheflfe, font au moins un bien, n’ atiroit pas oc*
cafionné quelque rixe. ’ .
Il eft démontré au contraire, que- c’ eft le tien
8c le mien 3 c’eft-à-dire, la propriété qui fait 1 état
de fôciété, 8c l’état de fociété qui fait & maintient
l’était de paix.
L ’état de nature pour l’homme eft l ’e'tat de
befoin, d’imitation 8c d’intelligence. Le befoin le
force à vouloir avant tout fa fubfiftance. Si elle
eft bornée §c fortuite, il eft en état de guerre in-
difpenfable avec tout ce qui cherche à en avoir fa
part. L’ imitation l’oblige à fuivre l’exemple de
ceux qui l’entourent , 8c par' conséquent à devenir
concurrent de fes propres bienfaiteuis : parti bien
voifin de l’ état de guerre : l’intelligence Ta fauve
de ce double inconvénient.
Par elle il a trouvé un tréfor inépuifable de fub-
fiftance, o u , pour mieux dire , il lui fut indique
d’abord par' fon auteur 8c bienfaiteur même, en
le condamnant au travail.
Sans doute il étoit auffi aifé à l’auteur de la
nature de donner à l’homme fa fubfiftance fans
travail , que de faire en fa faveur le miracle de la
• multiplication continuelle des fruits fous fa main >
mais ce dernier étoit dans Tordre général de la
création j l’autre eût fuppofé un ordre particulier
eh faveur de la créature privilégiée, ou un autre
ordre de création dont nous n’ avons pas d’idée.
L’homme eft affez -privilégié par le don de 1 intelligence
5 car, par elle 8c à fon flambeau 'qui
éclaire 8c dirige fon travail, il eft devenu en quelque
forte le fübftitut du créateur.
Le travail de l’homme demande de Taidç ; car
nos forces phyfiques ne font point proportionnées
à nos befoins. L ’homme n’ eft tout entier , c’eft-
à-dire, ne jouit de tous fes avantages individuels,
que par l’union de fes facultés morales à fes organes
phyfiques, 8c de fon intelligence avec fes
forces. Sans ce la , il eft fur la terre le plus dénué
des animaux.
Indépendamment de ce qu'une longue & débile
enfance lui rend les fecours de fes auteurs indif-
penfables; ce qui, par une longue habitude, commence
l’état de fociété ; fon intelligence bornée
d'abord à-l’imitation, effet naturel decette fociété,
ne peut s’ étendre que par la communication avec
celle de fes femblables ; elle ne peut opérer que
par leur fecours.
C e double befoin fe fait fentir & trouve bientôt
des affociés ; mais s’agit - il de partager la-
proie, l’état Xennemi s’ offre de lui-même & par
l'impulfion de la nature ; car -la proie né fçauroit
fuffire aux befoins renaiffans j & pût-elle fournir
un moment à cenx de tous les affociés , la
prévoyance fait partie de l’intelligence, & le fouci
du lendemain nuiroit à fa paix du jour.
La bonne-foi , qui eft l’ame nécefTaire de toute
fociété profpère , peut bien pour un temps maintenir
une forte d’équilibre ; mais ce n’ eft point la
paix ; car le befoin qui ne pàélile avec perfonne*
déjà commande. Il faut chercher une nouvelle
proie. La fociété devient ligue, -8c de recherche
en recherche on trouve enfin un ennemi.
■ En cet état dë guerre inévitable entre les hommes
, la terre feule par fa fertilité 3 leur offre la
paix , en donne les moyens, en folde le traité.
Mais ces moyens ne font plus de recherche ,
c’eft-à-dire, des fruits fpontanés j ce font des fruits
-de follicitation ,de fa fécondité miîaculeufe, de
fecours, de travail, d’intelligence 8c d’aflfocïatiôn,
en un mot.
L ’agriculteur époufe la terre, lui offre toutes
les avances de fon économie , lui confacré fon
temps 8c fes forces, la rechauffe, ouvre fon fein
bienfaifant, lui confie la femence, la foigne, la
préferve d’ac-cidens, & reçoit à fon terme.les fruits
d’une union fi confiante. Il voit multiplier de la
forte les biens néceflfaires à notre ufage, les voit
devenir richeffes, en ce qu’ils lui fervent à folder
fes engagemens avec les hommes q u i f o u s condition
, lui offrent leur aide pour fon travail. G ’ eft
ainfi que d’aide en aide, d’aide directe par le travail
direét en aide indireéte par les travaux d’in-
duftrie , qui facilitent l’ utile emploi du labeur, la
fociete fe multiplie, s’étend, profpère 8c s’enrichit
toujours en obfervant les loix confiantes 8c
uniques deI.a paixj je veux dire, dans la bonne-foi
le jeu libre & confiant de toutes les parties tendantes
naturellement vers le centre commun 8c radical
, la reproduction, qui eft la fource inépuifable
de la 'diftribution des revenus.
Tout cela ne fe peut que par la paix : il n’eft
point queftion de gouverner les états > c’ eft la nature
qui les gouverne : il s’agit feulement de pré-
fe&ver fon. empire de Tinvafion de Y ennemi.
C et ennemi eft d’abord dans le fein de chaque
homme non inftruit, 8c même non contenu par
TinftruÇtion de fes affociés j car il ne fuffit pas de
TinftruÇtion individuelle ou même - partielle pour
nous contenir. L’âge de l’ardeur & même celui
de la‘force n’eft pas celui où nos pallions cèdent
à l’expérience & à la réflexion , 8c comme la nature
, qui veut en tout l’économie des moyens,
înfpire à tout individu le defir d’épargner les frais,
le plus qu’ il eft poffible, 8c d’aller à fes' fins par
la voie là plus courte, fe prévaloir fur la part
d’autrui femble à tout homme ignorant & avide
le plus court moyen de groffir, fans, frais, la fien-
ne. C ’ eft où tend l’imminente cupidité de l’homme,
8c des hommes, 8c des fociétës, 8cc.
Les paflions n’ont ni calcul, ni bonne-foi, ni.
lumières, ni inilruCtion fuffifante pour prévenir
ou arrêter la . guerre intérieure j elles’ ne fentent
point la néceflité des loix pour manifefter à des
homrnës greffiers, ou qui veulent l’ être , ce que
leur eût dit la fimple bonne-foi 5 elles ne connoif-
fent pas le befoin d’une force publique, pour
foumettre à l’obéi fiance des loix 8c en impofer à
Y ennemi fecret, ni celui d’une" force militaire pour
ïepouffer Y ennemi formidable , c’eft-à-dire, toute
ligue étrangère qui ne reconnoît point nos loix-,
8c qui méconnoît les loix naturelles de la bonife-
foi 8c de l’union générale entre les humains , ordonnée
8c récompenfée par la nature.
C ’eft en ceci fans doute 3 8c d’après le premier
coup d’oeil jette vaguement fur le ferment inévitable
des pallions des hommes, que les moraliftes,
dont nous venons de . parler au commencement de
cet article, ont penfé que le tien 8c le mien étoient
l’occafiop de la guerre, qu’ils s’imaginent pouvoir
éteindre en rendant tous les biens communs. Quand
cette communauté^feroit poffible, félon les qualités
propres de la terre, félon Tordre 8ç l’indif-
penfablenéceffité des travaux 8c des avances quelle
exige pour devenir fertile, feroit-elle poffible félon
la nature ? Pourroit-on rendre communes la fanté ,
la v ie , la force , nos organes enfin 8c nos facultés
?
Pour appui de ces opinions, on nous cite la
foùmiffion de quelques peuplades de fauvages effarouchés
, ( les peuples du Paraguai ) que des
hommes revêtus des deux plus grandes autorités
connues, le pouvoir temporel 8c la million célelle,
ont raffemblées, accrues 8c maintenues par l’exemple
fur-tout de leurs vertus bienfaifantes , dans
l’union, la paix 8c la communauté des biens j mais
outre que rien n’étoit commun entre les pafteurs
8c le troupeau, fi ce n’eft la confiance, la divi-
fion de ces peuplades en familles 8c la communication
de leur territoire 8c de fes productions ,
fermée à tout accès étranger, étoient une condition
néceffaire de leur confervation. Si tel étoit le
plan de la nature , il eft apparent qu’ elle eût mis ,
autour de chaque peuplade , des barrières infiür-
montablés à Tinduftrie 8e à la confiance humaine.
Ces barrières n’ exiftent pas , 8c elle ne veut pas
plus de communautés fequefirées que d'ennemis.
La diftinClion du tien 8c du mien eft néceffaire
comme celle de la droite 8c de la gauche, comme
le difeernement du jufte 8c de l’injufte, du bien
8c du mal.
La nature a départi à chacun fa force, à chacun
fon adreffe, à chacun fon intelligence. C e font
des dons, 8c chacun a fe fien j ils ont leur emploi
, & chacun a le fien. C et emploi eft un travail
; ce travail vaut falaire , 8c fur tout cela chacun
a fon falaire proportionnel. L ’objet de tout
travail eft d’accroître’ le Jien-3 c’eft - à - dire , font
avoir ; 8c ceux qui ont cru que ce concours des
mêmes defirs engendroit nécefifairement des querelles
8c faifoit naître les inim itié s , ont ignoré
comme tant d’autres ce que la plupart méconnoiffent
à favoir la fource féconde 8c toujours croiffante ,
où tous les defirs humains peuvent puifer fans relâche
;8c trouvent par compte 8c par mefure de
quoi les fatisfaire infailliblement-, tant qu’on laif-
fera fon cours libre à la nature, à là confiance ,
au trâvail, à Tindullrie humaine uniquement contenue
dans les dépendances de la bonne-foi.
Sous le régime de la bonne.-foitous font amis,