introduit dans une ville ou dans un «amp ; on les
charge de porter des lettres, parce qu'elles font
moins foupçonnées que les hommes. On a foin
de les choifir jolies, & c’ eft encore un fcandale
qu'on croit quelqufois devoir ajouter à tant d'autres.
v 7
Quand des efpions ou des émiffaires font .affez
habiles & affez fideles pour s'acquitter de la com-
miffion dont on les charge , .on fe contente de
leur donner un mot du guet, qui leur fert de
lettre de créance auprès de la perfonne avec qui
on eft d'intelligence.
Si on eft forcé de donner des lettres, on les
écrit de différentes manières, & de façon que fi
elles tombent entre les mains de l'ennemi, il n'y
puiffe rien deviner.
Quand le turc fait la guerre aux européens, il
fe fert pour efpions & pour guides, de foldats
nés fur la frontière, , qui parlent hongrois , font
vêtus à la hongroife & Lavent les chemins. Il emploie
auffi les rénégats du pays, qui feignent de
s'être fauvés des prifons , ou bien des payfans
tributaires, ou des Juifs, ou des prifonniers qu'il
corrompt.
On punit communément les efpions du dernier
fupplice : la peine n'eft pas trop forte 3 car ils
trament des complots qui peuvent coûter la vie
à une armée entière. C e métier ne pouvant guère
s'exercer fans quelque efpèce de trahifon, & fans
s’expôfer à une mort infâme, le fouyerain n'a pas
le droit d'exiger un pareil fervice de fes^ fujets ,
fi ce n'eft peut-être, difent encore les écrivains
politiques , dans quelque cas fîngulier & de la
plus grande importance. Mais les gens qui fe
dévouent volontairement à ce métier, font toujours
en fi grand nombre, qu'il n'eft jamais be-
[ foin de l'ordonner à perfonne 3 & avant d exercer
fon autorité fur une matière, fi délicate , il eft in-
difpenfable de faire toutes les perquifitions poffi-
bles pour trouver des hommes de bonne volonté.
Si les efpions qu'emploie un prince viennent s o ffrir
d'eux-mêmes, ou s'il ne féduit que des gens
qui ne font point fujets de l'ennemi, & qui ne
tiennent à lui par aucun lien, prefque tout le
monde convient qu'il peut légitimement & fans
honte, profiter de leurs fervices. Mais eft-il permis,
eft-il honnête de folliciter les fujets de l'ennemi
, de les exciter à trahir leur patri^, .& à
nous fervir d.*efpions ? ^ ;
La demande fe réduit en général à favoir s'ikeft
permis d'exeiter les fujets de l'ennemi *à manquer
a leur devoir par une honteufe trahifon. Il faut dif-
tinguer ce qui eft dû à l'ennemi, malgré l’état
de guerre, & ce qu'exigent les loix A J a confidence
& les règles de l'honnêtef^f! Tjpus les
moyens d'affoi^lir l'ennemi, qui ne bleffent pas les
iqtérêts communs de la foeiété, tels qüe le poi-
fon & l'affaffinat font permis à la guerre. Voye$•
G uerre. En excitant un fujet à fervir d3efpion,
©U un commandant à livrer fa place, on n'attaque
point les intérêts communs de la foeiété. Des fujets
de l'ennemi ne font pas un mal inévitable en
fervant d3efpions : on peut fe garder d'eux jufqu’ à
un certain point 3 & quant à la fûreté des places
fortes, c’eft au.fouverain à bien choifir ceux a
qui il les confie. Ces moyens ne font donc pas
contraires au droit des gens, & l'ennemi n'eft
point, fondé à s'en plaindre comme d'un attentat
odieux , ou plutôt l'ufage les autdrife & les ju^ti-r
fie. Mais font-ils honnêtes & compatibles avec les
loix de là confidence ? non fans doute 3 & fi la
guerre n'impofoit pas filence à toutes les loix ,
même à celles du droit naturel, on fe reproche-
roit ces démarches comme, des crimes. Engager
un fujet à trahir fa patrie 3 fuborner un traitre pour
mettre le feu à un magafin 3 tenter la fidélité d'un
commandant, le féduire, le porter à livrer la
place qui lui eft confiée, c'eft les exciter à des
crimes : & dès qu'on permettra à la confidence de
faire entendre fa v o ix , elle criera toujours qu'il
eft malhonnête d'exciter au crime. Elle exeuferoit
tout au plus ces pratiques dans une guerre très-
jufte, où il s^agiroit de fauver la patrie de la ruine
dont elle feroit menacée par un conquérant. Le
fujet ou le général qui. trahiroit fon prince dan£
une caufe manifeftement injufte, ne commeturoit
pas une faute fi odieufe : mais on obfervera qu'il
s'agit alors de choifir entre deux iqaux > & que
le règles de juftice pour cette pofition ne font pas
les règles de juftice ordinaires. D'ailleurs celui qui
ne refpeéte lui-même ni la juftice, ni l'honnêteté,
mérite d'éprouver à fon tour les effets de la méchanceté
& de la perfidie : & fi jamais il eft pardonnable
de fortir des règles févères de l'honnêteté
, c'eft contre un ennemi de ce caractère, &
dans une extrémité pareille. Les romains, dont les
idées en général étoient fi pures & fi nobles fur
les droits delà guerre, n'approuvoient point ces
fourdes pratiques : ils n'eftimèsent pas la victoire
du conful Servilius Coepio fur Viriatus, parce
qu'elle avoit été achetée. Valere Maxime dit. qu’elle
fut fouillée d'une double perfidie, & un autre
hiftorien dit que le fénat ne l'approuva point.
Si on fe contente d'accepter les offres d'un trai-r
t r e , on ne le féduit point, & .on peut profiter
de fon crime en le déteftant. Les transfuges & les
déferteurs commettent fouvent un crime en abandonnant
leurs drapeaux : on les reçoit cependant
par le droit de la guerre , comme le difent les
jurifconfultes romain^. Si un gouverneur fe vend
lui - même, & offre de livrer fa place pour de
l'argent, on profite de fon crime fans fcrupule ,
& il n'y a peut-être pas grand mal à obtenir alors
fans péril ce qu'on eft en droit de prendre par
force. Mais s’il faut parler le langage de l'honneur
le plus délicat, il feroit beau de témoigner ,
en rejettant leurs • offres, toute l'horreur qu'ils
infpirent. Les romains, dans leurs fiècles héroïques,
dans ces temps où ils donnoient de fi beaux
exemples de grandeur d'ange & de vertu, rejet-
E S S
tèrent toujours avec indignation les avantages que
leur préfentoit la trahifon de quelques ennemis.
Non-feulement ils avertirent Pyrrhus de 1 affreux
complot de fon médecin^ ils refusèrent de pron.-
ter d'un crime moins atroce , & renvoyèrent lie &
garroté aux falifques un traitre qui avoit voulu livrer
les enfans du roi.
E S SEN , abbaye princière d'Allemagne au cercle
de Weftphalie. Le territoire de cette abbaye
eft borné par le comté de la Marck, par 1 a -
baye de Werden, par le duché de ^etg , .par
celui de Clève.s-, & par le comte de Recklmg-
3L'abbaye à'EJfcn fat fondée en 877 par Alfried,
évêque de Hildesheim. Les empereurs & les rois
accordèrent anciennement a cette^ abbaye , des
exemptions & des privilèges , entr autres celui de
fe' choifir un protecteur i titre qu elle accorda en
Hyy à l'empereur Rodolphe I. L abbaye offrit en
1291 fon avocatie aux comtes de la Marck , &
en 1495 e^e 1 offri* 3 moyennant .une fomme de
600 ecus d'or payable chaque année, a titre d hérédité,
à Jean IL, duc de Clèves & comte de
la Marck, pour lui & fes héritiers & fuGcefieurs,
lefquels depuis ce temps - là en ont toujours ete
iaveftis par l'abbeffe conjointement avec le chapitre.
Lorfque Frédéric-Guillaume, électeur de brandebourg
, fut mis en poffeflion des pays de Cleves
& de la Marck, ce prince reçut en 1648 l învef-
fiture de l'avocatie pour lùi & pour fes fucce.fleurs,
& promit par ferment d'obferver tous les points
contenus dans l’aCte d'inveftiture de_ I495*
Les titres de l'abbeffe font : N . N . par la grâce
de Dieu, abbeffe de l'abbaye impériale & fecu-
lière à’EJfèn , princeffe du faint - Empire romain ,
dame de Breyfick, Reçklinghaufen & Huckarde.
Le chapitre eft compofé de princeffes & de com-
teffes. L'abbeffe d3EJfen fiège à la diète de l'Empire
entre les abbeffes du banc du Rhin , & aux
affemblées du cercle de Weftphalie elle fe p]ace
fur le barre des princes» après l’abbaye^ de Cor-
nelii - Munfter. Elle eft toujours impofee a deux
cavaliers & treize fantaffins, ou à 76 florins par
mois , & elle paye pour l'entretien de la chambre
impériale 161 rixdales 29 kr. par terme.
Les charges héréditaires de cette abbaye font
poffédées par les familles fuïvantes : la charge de
maréchal par les barons de Dobbe 5' celle' de fé-
néchal par les barons de Vitinghof, dits Schell ;
celle d’échanfon par les barons Dingelen de Dahl-
haufen , & celle de chambellan par les barons de
Schirp.
L'abbeffe d’Ejfen regarde la ville de ce nom
comme municipale ; mais la ville prétend etfie libre.
La ehambre' impériale , après un procès qui
fut très-coûteux, & qui dura plus 'de cent ans,
ayant examiné les droits & privilèges des deux
parties , adjugea en 1670 a l'abbeffe laJurifdiCfciori
ordinaire & la pleine fupériorité territoriale fur la
ville , en réfervarçt néanmoins à la ville les droits
ES S 35?
dont elle a prouvé la poffeflion : ces derniers fe
font bornés à l'exemption de la preftation de foi
& hommage, celle de ne payer aucune impofition 5
( elle doit feulement dépofer fa quote-part des contributions
pour l’Empire & pour le cercle, entre
les mains mêmes de l'abbeffe ) à l’adminiftration
de la juftice civile & criminelle : on a réfervé à
l’abbene le droit de condamner à mort, de faire
exécuter les criminels ou de leur faire grâce ; au
pouvoir de conftituer & de dépofer les magiftrats 3
à la garde de la ville, de fes murs , de fes tours ,
de fes portes & de fes digues, ( fauf l'ufage pour
l’abbeffe, en temps de paix , d’une petite porte
pratiquée derrière i'-abbaye ) 3 au droit de lever
toutes fortes d’impofitions & de faire des ordonnances
pour le bien public ; au droit de veiller à
la fûreté des chemins , à celui d’exécuter les fen-
tences rendues en matière civile, à quelques droits
fur l’aunage , les mefures, les poids, le péage,
& à la difpofitiôn des cloches & de ce qui en dépend
3 à l’accife ; à la gabelle dans la ville & fes
limites 5 à l’affemblée des bourgeois & habitans 5
aux forêts 3 aux appels des jugemens criminels ail
magiftrat, & du magiftrat à la chambre impériale
3 au libre exercice de la religion, de la con-
feffion d’Augsbourg dans les églifes, écoles &
hôpitaux , & enfin à l’adminiftration des biens &
revenus eccléfiaftiques, félon les conventions du
traité de Weftphalie. Le contrat par lequel la ville
à3Ejfen donna en 1495 l’avocatie à Jean , duc de
Clèves & comte de la Marck , a été renouvellé
à différentes époques. C ’ eft en vertu de ce contrat
que le roi de Pruffe eft aujourd’hui prote&eur de
cette ville.
ESSEQUIBO ( colonie hollandoife ). Voye^
D em e r a r y & P r o v in c e s U n ie s .
E S S L IN G E N , ville impériale dans le cercle
de Suabe 3 elle eft fituée fur le Necker. O11 y fuit
la cbnfeffion d’Augsbourg 5 cependant on y fait
un fervice catholique dans la chapelle de l’hôtel,
que l’abbaye de Keifersheim y a pour fa recette.
L ’évêque de Confiance & le prinrCe de Fürft.emberg
y entretiennent des adminiftrateurs. Le duc de
Wurtemberg y en a trois avec des receveurs. Il
eft difficile de fixer l’origine de l’immédiateté de
cette ville. Elle occupe à la diète de l’Empire la
cinquième place parmi les villes impériales de Suab
e, & la troifième dans les affemblées particulières
du cercle. Sa taxe -marri cul aire , fixée d'abord
à r 00 florins , a été réduite en 1683 a 14 7 , &
en 1692. à 37. Sa contribution pour l’entretien de la
chambre impériale, eft de 177 rixdales 51 kr. par
terme. Au relie, elle paye pour fa prévôté une
redevance .annuelle de 10 florins en or au fife de
la préfeélure d’Altorf. Elle eft fous la protection
du duc de Wurtemberg.
SoiT’territoire eft enclavé dans celui de .Wurtemberg;
Outre les villages de Wettingen & quel-
ques hameaux, il comprend4es villages paroiffiaux
de Deyzifau fur le Necker ,. Moehringen & Vai