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» Notre illuftre concitoyen n'a cefle depuis de
95 s'en occuper : il a pris lui-même tous les niveaux
, 99 néceflaires au-deflus de cette ville ( Alexandrie J.
99 Ce fut le premier de ce mois, qu'au milieu de
' 99 plufieurs milliers de fpeélateurs , le général fit
99 fauter les premiers éclats de ces antiques ro-
9» chers , qui ont fi long-temps obftrué la navi-
93 gation de ce beau fleuve. Dans trois ou quatre
3» ans, toutes les productions de cette partie de
93 la Virginie, depuis le pied des montagnes &M-
99 léghény, pourront venir par eau jufqu’à cette
93 ville, dont la profpérité va fînguliérement aug-
93 menter $ il n'eft pas même improbable qu'en
93 perfectionnant la navigation de la rivière Sauva-
3» ge ( ce à quoi on a déjà penfé ) , on puifle enfin
33 pénétrer jufqu'aux fources de la Youyougként
a» qui tombe dans la Monongahéla 3 & unir enfin
93 par une navigation intérieure l'ancienne Virgi-
93 nie, avec les contrées ultramontaines. M. Wa-
33 shington met à l'avancement d’un ouvrage fi
s» étendu , le génie & la perfévérance qui l'ont
33 fi long-temps & fi heureufement guidé dans la
93 carrière militaire } les travaux de la rivière James
39 ont été commencés à la même époque. Je ne
93 fais fi vous connoiflez une des branches de ce
»s fleuve, appellée la Fluvana notre gouverne-
33 ment fonge à Tunir par un canal avec le Ta-
»9 nijfée 3 une des branches du grand fleuve des
3» Ckérakis 3 qui tombe dans l'Ohio , à trente
33 lieues de fon embouchure dans le Miflîflîpi. Si
33 vous & moi vivons encore dix ans, nous pour-
33 rons peut-être aller de la baye de Chefapeak à
3> la nouvelle-Orléans par cette nouvelle voie, à
33 travers notre continent j ce qui formera une
93 communication d'au moins yôo lieues.
- 39 Les cômmiflairés qui avoient été envoyés l'an-
»3- née dernière par le gouvernement, pour tracer
»s le canal deftiné à unir la navigation de la baye
33-de Ghefapeak avecleSonde d'Albermale, dans
93 la Caroline du nord , viennent d’en faire le rap-
33 port le plus favorable. Cette communication ,
33 qui n'exige qu'un canal très-court, & dont trois '
33 milles ont été achevés'avant la guerre , paffera
'33 à travers le Difmal - Swamp. Alors la ville de
a? Norfolk, bâtie à l'embouchure de la rivière
33 d’Elifabeth, à peu de difiance du Cap-Henry,
93'deviendra l'entrepôt de toutes les productions
»s de la Caroline du nord. Sans être expofés aux
93 dangers de la navigation maritime de cet état,
33 nous pourrons pénétrer à plus de’cent lieues de
»3 profondeur, & remonter les grandes rivières
3» navigables qui tombent dans cette vafte mer in-
»3 térieure.
33 Le canal du Maryland, deftiné à faciliter la
33 navigation de la rivière Sufqüehannah, & à
»3 apporter à Baltimore les productions que four-
33 nira un jour l'immenfe & fertile région qu’elle
»3 arrofe, doit avoir i i lieues de longueur j il y
»» en a déjà près d'un cinquième de fait > par l'effet
« du plus grancj hafard, plufieurs milliers d'euÉ
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s» ropéens, arrivés l'année dernière , en ont en*
s» trepris & fini des parties confid'érables.
l ' k âflemblée légiilative de la Penfylvanie vient
»> de faire tracer un autre canal non moins im-
3> portant j il doit unir les eaux de la même rivière
»3 Sufquehannah, prifes dans la partie qui traverfe
3> cet État 3, §£ les conduire dans la rivière Schuilkillj
33 alors Philadelphie partagera avec Baltimore les
” riches^ productions qui defcendront dans peu
33 d années de toutes les branches de ce fleuve,ainfî
33 que de là Juniata, & de la Jiéna-dér hage : vous-
3> connoiflez le beau, pays qu'elles arrofent juf-
»> qu aux lacs de; Canradétage & de Otzega >3.
Il eft queftion de beaucoup d'autres communications
> & pour bien apprécier les fuites de ces
immenfes travaux, il faut les fuivre filr la carte,
& avancer à l'aide de l'imagination ces époques
peu éloignées ou le terrritoire des Etats - Unis ,
cultivé dans tous les points, offrira d'autres' canaux^
qui rapprocheront les provinces fituées fur
la | côte de la mer, de celles qui fe trouveront
près du Miflîffipi ou des lacs, & le monde entier
ne préfentera nulle part un fpeCtacle aufli impo-
fant de profpérité, de bonheur & d’induftrie.
Les temps d'épreuves font pafles pour les américains,
ainfî que l'obfervoit après la paix un citoyen
des Etats-Unis dans un ouvrage adrefle à
fes compatriotes :'«• la révolution la plus étonnante
33 & la plus eomplette dont parlent les annales du
'33 monde, eft enfin confommée avec autant de
»j gloire que de^bonheur ; ils paflent du danger ex*
>3 trêrrie à^ la fûreté parfaite, du tumulte de la
33 guerre à la tranquillité de la paix, & ils doi-
33 vent profiter des premiers momens de ce calme
33 pour achever leur-ouvrage. Aucune nation n'a
>3 eu un plus bel avenir. A la naiflance des nou-
33 velles républiques, "comme à celle d'un beau
->3 jour, ils n'apperçoivënt qu'un hôrifon doux &
33 ferein. Leur caufe étôit jufte, leurs principes
33 généreux, leur caractère tranquille & ferme.
33 En fe défendant, ils ont fuiyi les règles de
33 l'honneur. Il eft peu de pays, & peut-être n'en.
33 eft-11 pas un fe u l, qui puifle fe vanter d'üne
33 pareille origine. Tout eft glorieux pour ,1e pre-
33 mier établiffement des colonies américaines. Ro-
>3 me, qui tenoit jadis avec tant d’orgueil le fceptre
33 de 1'univers, n'avoit été d'abord qu'un repaire
33 de brigands. Elle s'enrichit par le pillage & la
33 rapine, & elle n'a dû fa grandeur qu'à l'op-
33 preflion du réfte de la terre 33.
Un écrivain éloquent l'a dit : jamais la liberté
ne régna fur un aufli vafte empire, & jamais elle
ne fut établie fur d'aufli bons principes. C e mond
e, que notre imagination même ne cherchoit pas
encore, il y a trois fiècles, qui eft tombé entre
nos mains , avec tous les lignes d'une organifa-
tion récente & dans l’enfance de l’efpèce humaine
, s'enrichit tout-à-coup de cette longue expérience
d'un autre: monde vieilli dans toutes les ;
révolutions de la barbarie & de la civilifâtion > il
Va nous offrir le beau contrafte de la fociete,
perfectionnée fur un fol encore brut & fauvage.
Les nouvelles républiques font l'efpérance du
genre humain , elles ouvrent un afyle aux malheureux,
& elles promettent de nobles exemples
au monde entier. C'eft par la fagefle^ & la patience
qu'elles ont conquis leur liberté, & c eft
au milieu des invafions de la tyrannie & des horreurs
de la guerre qu'elles ont établi leurs conf-
titutions. Elles n'ont point à détruire ces antiques
abus & ces inaltérables préjugés qui font le malheur
de toutes les vieilles nations j elles entrent
dans un ordre de chofes,'où tout peut leur obéir.
Le pafle ne les enchaîne pas, l'avenir eft en leur
difpofîtion. Qu’elles tracent le plan de leurs def-
tinées , comme le fage dirige fa conduite, fans
s'aflervir aux opinions & aux ufages qui régnent
autour d'elles. C e n'eft pas trop^ de toute la liberté
de l'efprit humain,, réunie à fa plus grandie
fagefie, pour leur donner les loix que le fiècle pré-
fent exige. Il s'agit de réfoudre les plus grands
problèmes, de la légiflation. En adoptant la démocratie
, les américains fe font engagés à des moeurs
fortes & pures , & cependant, ils ne fe féparent
point du refte de.l'univers., où triomphent l'efcla-
vage politique & la corruption morale. Appellés
à toutësjes richefles d'une vafte culture 8c d'un
commerce qui embrafîera peut-être les deux Mondes
, ils n'y renoncent pas ; ils ne renoncent^ pas
à toutes ces commodités de la v ie , à cet éclat
qu'amènent les richefles, les fciences 8c les arts.
Ils ne fe refufent point à ces dangereux avanta-
ges , 8c ils le voudraient en vain 5 peut-être que
le temps n'eft plus, où l'on pouvoit les écarter
de la formation des empires > il faut aujourd'hui
les,y admettre & les vaincre. Ils entreprennent
donc de réunir, ce que les plus grands légiflateurs
ont jugé incompatible, & dans un deflein fi hardi,
il eft néceflaire de raflembler toutes les forces de
la légiflation. L'homme lui appartient 5 elle le
forme & le déforme à fon gre 5 elle fait exalter
fes pallions ou les enchaîner, le retirer de
la civilifâtion par des moeurs farouches , ou
l'embellir de tous les dons de la fociabilité.
Elle fait le perfeétionner par les moyens quil'a-
— voient autrefois dégradé & corrompu. Puifle-1-elle,
citoyens des Etats-unis 3 fe faifir-de vous par tous
les points de l'état focial, joindre à la fagacité
des vues modernes l'eflîcacité des inftitutions antiques,
& fur-tout employer habilement cét énergique
amour du bien, ce v if efpoir d'un heureux
avenir qu'on éprouve dans les circonftances
difperfer les fortunes exceflives ; corrigez l'extrême
ou vous vous trouvez ! Puifliez - vous tirer vos
moeurs des meilleurs penchans de la nature 8c
des^ goûts les plus fains do là fociété ! Ajoutez
a Taulière fimplicité des peuples nouveaux ce
quelle peut admettre de la douceur des fiècles
polis j & quoiqu'environnés de la corruption,
vous parviendrez à vous en garantir. En laiffant
aux richeftes leur cours ordinaire, ayez foin de
inégalité des jouilfances par la plus févère
égalité des droits, & ne laiflez, pas fe former
dans vos états une clafle. d'indigens : ces malheureux
rempliflent une fociété de crimes , &
finiflent parla bouleverfer. C e font les faux plai-
firs qui dépravent l'homme : retranchez peu aiix
defirs de la nature, mais réprimez tous les be*
foins de la molleiTe , toutes les fantaifies de la
vanité. Tournez l'emploi des richefles vers le
bonheur individuel & vers la gloire nationale,
& elles féconderont les vertus, fans nourrir les
vices. Appeliez les fciences & les arts vers de
grands objets par de belles récompenfes, & leur
gloire épurera vos fociétés, en les embelliflant.
S'il eft fi difficile aujourd'hui de maintenir des
conftitutions libres, jamais on n'eut plus de recours
pour les bien préparer. On ne trouve plus
que rarement de bonnes loix & de bonnes moeurs,
mais les fages en ont toujours fait l'objet de
leurs études, & nous pouvons, du moins à cet
égard, nous glorifier de nos lumières. Toutes
les .nations vivent dans un commerce continuel
de leurs penfées î une heureufe découverte devient
bientôt un héritage commun : accordez à
tous les peuples la gloire de concourir à vos loix ;
& s'ils paroiflent vous juger légèrement, fait.es-
les rougir de leur précipitation. Les gazettiers
d'Angleterre fe permettent chaque jour le men-
fonge & la calomnie contre vous 5 les autres gazettiers
de l'Europe copient ces fottifes , & elles
fe trouvent bientôt dans la bouche des ignorans :
mais que vous importent leurs fuffrages 5 ils vous
difent aujourd'hui des injures, demain ils vous
combleront d'éloges. Les conftitutions républ i-
caines n'ont prefque plus de juges ; mais enfin i l
en refte quelques-uns5 & plufieurs de ceux-ci,
il ne faut pas le diflimuler, confervent de l'inquiétude.
N'oubliez pas que la faine partie de
l'Europe a les yeux fixés fur les Etats-Unis : dans
cinquante ans , on faura par vous, fi lés peuplés
modernes font encore fufceptibles de liberté, s’il
eft de bonnes moeurs compatibles avec les grands
progrès de la civilifâtion, & fi l'Amérique doit
rendre meilleur ou pire le fort de l'humanité.
S E C -T I O N V I I Ie.
Des abus que doivent éviter les Etats- Unis dans
la rédaction de leurs loix civiles & criminelles.
Nous avons déjà dit quelques mots fur cette
matière dans la feélion quatrième : nous ajouterons
ici d’autres remarques.
Lors de la fondation des colonies, les anglois
qui allèrent s'établir en Amérique , y adoptèrent
le droit civil de leur patrie 5 mais cette adoption
ne pouvoit avoir rapport qu'aux loix générales
& non à celles qui étoient propres à cer-
1 tains diftriéts de la Grande-Bretagne; Leur nou