
Milan , à Monza , à Pavie, ou à Modène, fe
faire couronner rois de Lombardie. Mais il y a
long-temps qu’ils fe font affranchis de ces deux
dernieres^ cérémonies : les papes en font fâchés,
& ils prétendent toujours avoir le droit de confirmer
l’éleétion -des empereurs. La néceflité des
temps ou la foiblelfe des chefs du corps germanique
les ont forcés fouvent à demander aux papes
la confirmation de leurs élections. Boniface VIII
la refufa à Albert d’Autriche, parce qu’on l’ avoit
nommé fans fon confentement : mais ces prétentions
^imaginaires ne font plus d’aucun poids aujourd'hui;
& même, dès l’an 1338, les états de 1 Empire, irrités du refus que le pape Jean X XII
donner l ’abfolution à Louis de Bavière,
.décidèrent qu’ un prince élu empereur à la plura-
.lité des voix , feroit en droit d’ exercer les aétes
de la fouveraineté, quand même le pape refufe-
xoit de le reconnoître, & ils déclarèrent criminel
de leze - majefté , quiconque oferoit foutenir le
contraire , & attribuer au pape une fupériorité
fur Y empereur. Voyez Y abrégé d e l’HiJioire d'Allemagne
, par M. Pfeifel, page 186 & fuivantes.
X-e pape , pour maintenir, autant qu’il eft pof-
lïble, fes prétendus droits, • envoie toujours un
nonce à l’éleélion des empereurs : mais ce miniftre
n’y eft traité que comme les miniftres des puif-
fances de l'Europe , qui ne font pour rien dans
l ’affaire de l’éleétion. Charles-Quint eft le dernier
empereur couronné en Italie par le pape. Vempe-
rf ur ’ & après fon couronnement, fe qualifie
dé élu empereur des romains , pour faire voir
qu'il ne doit point fa dignité à cette cérémonie,
mais aux fuffrages des eleéteurs.
^ I l y a parmi^ les publiciftes d’Allemagne autant
d ’opinions différentes, que de queftions problématiques.
Chacun d’eux emploie des fubtilités &
des diftinélions abftraites, fouvent même frivoles
pour étayer fes fentimens. Leurs. vaines recherches
& leurs vaines opinions ‘ne font d'aucun effet.
Lorfqu’il fe préfente un des cas , .fur lefquels ils
differtent fi- longuement & avec tant de- zèle la
décifîon eft une fuite du crédit, de la force ou de
l ’intrigue, & non pas des vieux réglemens ou des
confeils des doéteurs. Il feroit donc très-inutile
d'entrer dans de grands détails fur les queftions
qui divifent en Allemagne les écrivains de droit
public. Nous nous contenterons d’obferver que
fur ce qui regarde l’empereur., il y a parmi eux
deux feétes principales, l’une des éleétoraux, l’autre
qu ils font fu jets de Y empereur feul, en ce qui fait
partie de fes referves: TJniverfe imperii Jlatus fubditi 7 lmPera^ori > refpeftu fuorum refervatorum $
qu a 1 egard des autres droits qui leur font com-
jrcuns , les états font fujets de Y empereur & de
1j n” j*re en meme temps 3 mais que Y empereur ne
e perfonne > que les loix de l'Empire ne
1 obligent point, comme loix , mais comme paétes ;
que^ le chef eft au-delfus des membres , que-toutes
les loix fe publient au nom de Y empereur \ que la
forme du gouvernement de l'Empire eft plus monarchique
des impérialiftes, ou monarchiftes.
Ces derniers difent que dans les inveftitures
Y empereur ne repréfente pas Amplement l ’Empire^
mais qu’il partage avec lui la fouveraineté direéte ;
que les états prêtent hommage à Y empereur & à
l’Empire 5 qu’ils jurent fidélité & obéiffance à tous
les deux ; que les états ne peuvent rien faire fans
Y empereur ; mais que-Y empereur peut faire bien des
chofes fans les. états ; que ceux-ci font non-feu- I
lement vaflàux de Y empereur & de l’Empire, mais
qu ariftocratique , 8c que par confé-
3 j emPereur au-delfus des états 5 que ceux-
ci lui donnent le titre de majefté 8c de feigneur
tres-clement 3 au-Jieu que Y empereur ne les appelle
que fes oncles , & ne leur donne en particulier que
le titre de dilection 3 fans en excepter les eleéteurs
rois 5 qu'en lui écrivant, ils fe fervent tous- de la
formule de trés-obéïjfans : qu’on lit dans tous les
reces ces formules impérieufes :
. S i mandons & ordonnons à tous les électeurs &
princes , en vertu de leur ferment 6* de leur devoir ,
de nous rendre a nous & d l'Empire l'obéiffance
quils nous doivent.
Les électoraux répondent , que le ferment prêté
par les états d Y empereur 8c à l'Empire, ne peut
nuire aux droits 8c prérogatives qu'ils tiennent
des loix > que Y empereur ne peut rien faire d'im-
^i° o.3nt 1 *"ans concours des états ; mais que les
électeurs peuvent faire bien des chofes fans Yem-
Pere“r y que Y empereur 3 par exemple , ne peut af-
fembler la diète, fans le confentement des élec-
teurs au-lièu que ceux-ci peuvent la convoquer
maigre 1 empereur 3 dans les cas où le bien de 1 Empire 1 exige $ que les réferves de Y empereur
font plutôt des marques de diftinétion que des
droits^ de fouveraineté fur les états $ que parmi
ces referves, il y en a qui ne peuvent être ainfi
appellées que fort improprement ; que le droit de
fonder des villes & d'établir de nouvelles univers
fîtes eft dans ce cas , puifque les éle&eurs 8c les
princes en jouilfent comme Y empereur 5 que les
états font co- impérans 3 & nullement fujets de
qui que ce fait > que les loix ne les obligent pas non
plus , comme lo ix , .mais comme'paéfes & conventions
,puifqu'ils ne font obligés qu'aux choies
confenties par eux , 8c qu'ils étoient les maîtres
de refufer leur confentement, 8c par-là > d'empê*
cher la loi j que cette proportion 3 le chef eft au-,
deffus des membres 3 eft vraie à l’égard de chaque
membre en particulier , mais faune à l'égard de
tout le corps, à moins qu'on ne l'entende fîm-
çlement d'une fupériorité de rang & d'une prééminence
accordée à Y empereur 3 8c que perfonne
ne lui difpute j que cettélautre propofition : la
forme du gouvernement de l'Empire eft plus monarchique
gu'ariftocratique 3 indique feulement un Empire
gouverné par un chef,, conjointement avec
les membres qui partagent avec lui la puiffance lé-
gillative , en qualité de co-imperans x que les titres
i&r les formules n’ont aucune force; qu’ ils ne font
fondés que fur un ancien ufage, dont l'abolition
n'eft pas néçeffaire, puifqu'il ne change ni la nature
du gouvernement, ni fa conftitution j que
Yempereur reconnoît fa dépendance de l'Empire
, dans fon ferment de fidélité , 8c qu'enfin la
partie n'eft pas plus grande que le tout, ni par
conféquent Yempereur plus grand que l'Empire,
dont il n'eft qu'une partie.
L 'empereur paroît être comptable de fes actions
publiques à l'Empire. On appelle actions publiques
celles où il agit comme empereur, & non comme
perfonne privée. empereur Mathias répondant aux
plaintes des proteftans, dans la diete de Ratisbon-
ne en 16 18 , leur d it, entr'autres chofés, qu'il
cfpéroit fe conduire, dans l'adminiftration de la
iuftice, de manière à . pouvoir en rendre compte
à Dieu 8c aux états de l'Empire : mais on fent que
les publiciftes doivent difputer beaucoup fur la
valeur de ces expreflions. ^
Enfin , dit Puffendorf, il eft évident que Y empereur
peut être dépofé, & que ceux qui ont le
droit d'élire, ont aufli celui de dépofer. L'un eft
une conféquence de l'autre ; & ’ fi aucune loi n'en
fait une mention exprefîe , c'eft peut-être parce
que la chofe eft trop claire, ou pour ne pas fou-
mettre Yempereur à des difcuflions trop fréquentes
, pour prévenir les troubles & les divifîons.
L'exemple de Wenceflas, fils de Charles I V ,
peut fervir de preuve à cette affertion, 8c il indique
du moins jufqu'où peut aller le pouvoir des
éledeurs, quand ils font bien unis. On peut citer
encore l'exemple de Henri IV 8c la harangue de
Ruthard, archevêque de Mayence, à l'aflemblée
qui s'occupoit des moyens de dépofer cet empereur
: Qpo ufque trepidamus ô focii ? nonne ojficii noftri
eftregem confecrare ? confecratum inveftire ? quodergo
principum decreto impendere licet, eorumdem auto-
ritate tollere non licet ? quem mentum inveftivirhus ,
immeritum quare non deveftiamus ?
Ceux qui foutiennent que l'Empire eft au-deffus
de l’ empereur, tirent leur principal argument de
la jurifdi&ion que l'éle&eur palatin a fur lu i, 8c
à laquelle la Bulle-d'or le foumet. Il faut obfer-
ver néanmoins que, félon la Bulle-d'or, cette ju-
rifdidion ne doit pas s'étendre au-delà du lieu où
Yempereur tient fa cour 5 8c qu'enfin depuis la Bulle-
d'or , on n'a point d'exemple d'empereur cité à
ce tribunal : mais le droit fubfiftera, tant que cet
article ne fera point abrogé par une conftitution
contraire. On publia, durant la guerre de trente
ans , un écrit fort v if contre la maifon d'Autri-
’che î il eft intitulé : Dijfertatio de ratione ftatus.
in Imperio noftro romano-germanico. On ne fçait
pas' encore quel en fut le. véritable auteur. La
plupart des do&eurs allemands l'attribuent à un !
' confeiller du roi de Suède, que les uns nomment
Camerarius , les autres Chemnitç , &c. Quoi !
qu'il en foit, l'ouvrage fit beaucoup de bruit. !
La maifon d'Autriche eut .dans la fuite le crédit j
de le faire prohiber dans l'Empire ; mais cette
prohibition a enflammé davantage la curiofité du
public} 8c a rendu le livre plus précieux. 11 eft
aujourd'hui affez commun en Allemagne. L'auteur
, qui s'eft caché fous le nom d'Hippolytus d
lapide , réduit Yempereur à la fîmple qualité d'ad-
miniftrateur, de directeur dé la diète, ou de premier
magiftrat de l'Empire. Enfin il ne lui accorde
qu’une dignité précaire & dépendante du bon plai-
fir des états. Ses raifonnemens font fpécieux, 8c il les appuie de paffages tirés des recès de 1 Empire 8c des aétes publics : mais il montre
trop le defir d'exciter les états de l'Empire
contre la maifon d'Autriche , 8c de rabaiffer le
chef du corps germanique. Au refte, l'ouvrage
contient- d'excellentes idées : on y trouve l'érudition
néçeffaire dans la difcuffion de ces fortes de
matières, & des obfervations importantes à ceux
qui étudient le droit public.
L 'empereur ceffe d'être empereur par la mort,
par la réfîgnation, 8c , félon quelques auteurs ,
par la dépofition. La retraite de Charles - Quint
prouve que le chef de l'Empire peut réfigner fa
dignité, pourvu que ce foit entre les mains de
ceux qui la lui ont conférée par une libre élection.
Si les états font co-impérans , il femble qu'on ne
peut leur contefter le droit de dépofer Yempereur -
dans le cas où fa conduite tendroit- vifîblement a
la fubverfion des loix 8c à la ruine de l'Empire 5
mais , s'ils font fujets ou vaffaux de Yempereur ,
une pareille entreprife feroit regardée comme un
attentat. Au refte , il paroît difficile de décider ,
d'après les écrits des doéteurs, fi les états font
fujêts ou co-impérans : ces écrivains font prefque
tous animés de l'efprit de parti 8c d’intérêt j les
loix & les conftitutions femblent indiquer que les
états font co-impérans, quoique réellement vaffaux
de Yempereur & de l'Empire, en tant que cette
vaffalité ne préjudicie point à leurs droits 8c prérogatives
Au refte, quand on diroit quel'empereur eft
le monarque fouverain de l'Empire, fauf les loix
dont il a juré l'obfervance j puifqu'il y a , .dans
toutes les capitulations, une claufe qui annulle
d'avance tout ce que Yempereur pourroit entreprendre
de contraire aux articles qu'il a folemnel-
lernent jurés, cette fouveraineté fe réduiroit à peu
de chofe.
Quoique l’autorité des empereurs, dans les états
eccléfiaftiques , ne foit rien aujourd'hui , en
comparaifon de ce qu'elle étoit autrefois, les papes
ont beaucoup à craindre d’un empereur puif*
fant 8c ambitieux, qui feroit valoir les anciennes
prétentions de l'Empire fur l'Italie , 8c notamment
fur divers fiefs que le pape poffède en toute fouveraineté,
8c la cour de Rome s'eft conduite avec
fageffe en ne fe brouillant pas avec Yempereur actuel
, qui a fait- tant de réformes. On a v u , en
1708, Yempereur Jofeph I s'emparer d'une partie
de l'état eccléfiaftique, bloquer Ferrare 8c mena’