
tous les befoins fout d’autant plus unis qu*îls font
pins preflfans, plus les mêmes. Tous les travaux
font d’autant plus réglés qu’ils s’offrent plus à la
concurrence ; car tout finalement va puifer à la
fource intariffable, & d’autant plus facilement
qu’on lui fait plus de follicitations.
Celui qui dérange' ce calcul , foit par la violence
, foit par l’aftuce, voilà Y ennemi. Le véritable
ennemi eft celui qui veut recueillir fans avoir
femé } c’ eft l’autel qui veut des facrifices fans inf-
truire ; c’eft l’autorité qui veut proportionner fa
recette à fa dépenfe , & non pas fa dépenfe à fa
recette ; c’ eft le juge qui regarde aux intérêts de
fa place & non à ceux de fon client j c’eft le propriétaire
qui fe regarde comme le poflfeflfeur arbitraire
, & non comme le confervateur de fon
domaine & le diftributeur de fes revenus j c ’eft le
colon qui effruite la terre au bout de fon bail j
c ’eft le commerçant qui tend des embûches à la
concurrence, au lieu de la gagner de vîteflfe &
d’aélivité ; c ’eft le marchand qui débitera faux poids
& à fauflfe mefure > c’eft enfin l’homme qui vit
fetil en fon coe u r , qui dit faux & qui fait mal.
Tels font les vrais ennemis de la fociété.
( Cet article eft de M. G r i v e l . J
A d d î - T i o n à l ’ a r t i c l e E n n e m i .
Dans le droit public, on entend par le mot ennemi
celui avec qui on eft en guerre ouverte. Les
latins avoient un terme particulier, ko dis 3 pour
défigner un ennemi public , & ils le diftinguoient
d’un ennemi particulier, inimicus. Notre langue n’a
qu’ un même terme pour ces deux claffes d’hommes
, qui cependant doivent être foigneufement
diftinguéés.-L’ f/zne/wz particulier eft un homme qui
nous veut du mal, & qui fe réjouit de nos dé-
plaîfirs. \Jennemi public forme des prétentions contre
nous 3 ou il fe refufe à celles que nous formons
j, & il foutient fes droits vrais o u . prétendus
par la force des armes-HLe premier n’eft jamais innocent
; il nourrit dans fon coeur l’ànimofité & la
haine. Il eft poflible que Y ennemi public n’ ait pas
ces odieux fentimens, qu’il ne fouhaite point de
nous rendre malheureux, & qu’ il cherche feulement
à foutenir fes droits. Cette obfervation eft néceflaire
pour régler nos devoirs envers un ennemi public.
Quand le chef de l’état, le fouvêrain, déclare
la guerre à un autre fouvêrain, la nation entière
eft cenfée déclarer la guerre à une autre nation :
car le fouvêrain repréfente la nation j il agit au
nom de la fociété entière, & les peuples n’ont
affaire les uns aux autres qu’ en corps > & dans, leur
qualité de peuple. Ces deux nations font donc en-?
nemies , & tous les fujets de l’une font ennemis
de tous les fujets de l’autre, L ’ ufage eft ici com
forme aux principes.
Les ennemis demeurent te ls , en quelque lieu
qu’ils fe trouvent, Ç e font les liens politiques qui
déterminent cette qualité, & ils ne changent p a s
lorfqu’on change de demeure : tant qu’un homme
relie citoyen de fon pays , il eft ennemi de ceux
avec qui fa nation eft en guerre > mais il n’en faut
pas conclure que ces ennemis puiflent fe traiter
comme tels , par-tout où ils fe rencontrent. Chacun
étant maître chez fo i, un prince neutre ne
leur permet pas d’ulèr de violence dans'fes terres.
Puifque les femmes & les enfans font fujets de
l’état & membres de la nation, ils peuvent être
comptés au nombre des ennemis : mais cela ne veut
pas dire qu’il foit permis de les traiter comme lés
hommes qui portent les armes, ou qui font'capables
de les porter. On n’a pas les mêmes droits
contre toute forte d'ennemis.
Quand on a déterminé exa&ement qui font les
ennemis, il eft aifé de connoître les chofes appartenantes
à l ’ennemi, res hojliles. Si le fouvêrain ,
avec qui on eft en guerre, rend ennemie. fa nation
entière, jufqu’aux femmes & aux enfans, tout ce
qui appartient à cette nation , à l’état, au fouve-
rain, aux fujets de tout âge & de tout fexe, eft
donc au nombre des chofes appartenantes à Y ennemi.
Et il en eft encore ici comme des perfonnes :
les chofes appartenantes à Y ennemi demeurent tél-
les, en quelque lieu qu’ elles fe trouvent j d’où il
ne faut pas conclure, non plus qu’à l’égard des
perfonnes, que l’on ait le droit de les traiter partout,
en chofes qui appartiennent à Y ennemi.
Puifque ce n’eft point le lieu où une ehofe fe
trouve , qui décide de la nature de cette chofe-là ,
mais la,qualité de la perlonne à qui elle appartient
; les chofes appartenantes à des perfonnes
neutres, qui fe trouvent en pays ennemis ou fur
des vaiflêaux ennemis, doivent être diftinguées de
celles qui appartiennent à Yennemi. Mais c’ eft au
propriétaire de prouver clairement qu’ elles font à
lui î car, au défaut de cette preuve, on préfume
naturellement qu’une chofe appartient à la nation
chez qui elle fe trouve.
Voilà quant aux biens mobiliers. La règle eft
différente à l’égard des immeubles, des fonds de
terre. Comme ils.appartiennent tous en quelque
-forte à la nation j qu’ils font de.fon domaine, de
fon territoire & fous fon empire j & comme le pof-
fefleur eft toujours fujet du pays, en (à qualité de
pofîeffeur d’un fonds, les biens de cette nature
ne ceflfent pas d’être des biens de l’ennemi, res
hojliles, quoiqu’ils foient poflfédés par un étranger
neutre. Cependant aujourd’hui que l’on fait la
guerre avec tant de modération & d’égards, on
donne des fauve-gardes aux maifons, aux terres
que des étrangers pofledent en pays ennemi. Par
la même rai fon , celui qui déclare la guerre ne
confifque point les biens immeubles, poflfédés dans
fon pays par des fujets de fon ennemi. En leur
permettant d’acquérir & de poflféder ces biens-
là , il les a reçus, à cet égard, au nombre de.fes
fujets. Mais on peut; mettre les revenus en fequeftre,
afin quJils ne foient pas tranfportes chez
Y ennemi.
Au nombre des chofes appartenantes a 1 ennemi,
font les chofes incorporelles, tous fes droits ,
noms & avions, excepté cependant ces efpeces
de droits qu’un tiers a cçncédés & qui l’imeref-
fent, de manière qu’il ne’lui foit pas indifferent
de les voir poflfédés par l’ un ou par 1 autre > tels
font quelques droits de commerce. Mais comme
les noms & a étions, ou les dettes actives ne font
pas de ce nombre » la guerre nous donne fur les
fommes d’argent, que des nations neutres pour-
roient devoir à notre ennemi , les memes droits
qu’ elle peut nous donner fur fes autres biens-
Alexandre , vainqueur & maître abfolu de 1 ne-
bés, fit préfent aux theflfaliens de cent talens qu ils
dévoient aux thébains. Le fouvêrain a naturellement
le même drcxit fur ce que fes fujets peuvent
devoir aux ennemis. Il peut donc confifquer des
dettes de cette nature, fi le terme du paiement
tombe au temps de la guerre , ou au moins défendre
à fes fuiets de payer, tant que la guerre
durera. Mais aujourd’hui l’avantage & la furete
du commerce ont engagé tous les fouverains de
l’Europe à fe relâcher de cette rigueur > & des
que cet ufage eft généralement reçu , celui qui y
donneroit atteinte, blefleroit la foi publique j car
les étrangers n’ont confié leur fortune à fes fujets
que dans la perfuafion que l’ ufage général feroit
obfervé. L’état ne touche pas même aux fommes
qu’ il doit aux ennemis. Par-tout ,- les fonds confiés
au public font exempts de confifcation & dé
faille , en cas de guerre, ^ oye^ l’article G u e r r e .
EN N O B L ISSEM EN T , f. m. afte par lequel
le fouvêrain accorde à un roturier la qualité de
noble. Voyei dans le Dictionnaire de Jurisprudence
l’origine, l’hiftoire & les révolutions des ennobli(
femens.
Non - feulement on a vendu la noblefle , mais
on a obligé les gens riches d’acheter fort cher des
lettres de noblefle. On fe fou viendra toujours de
Richard Graindorge, né en normandie & marchand
de boeufs de profeflion, qui fut contraint en
I J7"7 d accepter des lettres d3ennoblijfement, qu’on
lui fit payer 30,0.00, livres (1 ). .
La révocation faite à diverfes époques &r par
différens princes, en 1598 par Henri I V , en
1634, 1.640 & 1643 par Louis X I I I , en 1664
par Louis X I V , & en 171 y par Louis X V , des
' ennobüjfemcrts obtenus , moyennant finance & même
autrement, prouve aflfez l’importance qu’on doit
attacher à la noblefle venale. L’état regardant avec
raifon la vanité comme un fonds inépuifable, a
obligé les ennoblis dé prendre , en diverfes cir-
conftances, des lettrés de confirmation. Ainfi lorf-
que Louis X V monta fur le .trône, on obligea tops
les ennoblis pendant le règne de Louis X I V , c ’eft-
à-dire, depuis 1643 jufqu’en 1715 > de prendre
& payer des lettres de confirmation de noblefle.
Ainfi l’édit de 1771 impofa la même obligation
aux ennoblis depuis 1715", & h fi*a ia fohime qu ils
paieraient.
C e n’eft pas feu’ement en France qu’on achète
la noblefle. Combien de barons allemands ne doivent
ce titre qu’ à leur argent ? En 1750, la cour
de Vienne fit publier à Milan une efpèce de tar
if , qui fixoit le prix auquel on pourvoit acquérir
les titres de prince, de duc , de marquis , de comte ,
& les fimples lettres de nobleflfe.
Les petits princes d’Allemagne & d’Italie donnent
auflî la noblefle à ceux qui veulent la payer }
mais ces ennoblis ne font guères reconnus pour
tels, hors des limites de la principauté , à laquelle
ils doivent le rang dont ils jouiflent.
Pèrfonne ne confond la noblefle vénale , avec
la noblefle acquife par des fervices rendus à l’état.
Celle-ci eft refpeéiable, parce qu’ elle eft fondée
fur le mérite de celui qui l’obtient : elle eft une
récompenfe honorable , un encouragement à bien
faire. Mais cette nobleflfe ne devroit-elie pas être
perfonnelle comme le mérite auquel on l’accorde ?
il y a lieu de s’ étonner que cette queftion foit aujourd’hui
problématique.
En général, les diftin&ions & les honneurs
s’avilififent en fe multipliant. Tout ce qui devient
commun & facile à pbtenir, perd beaucoup de
fa valeur. La noblefle ne devroit être accordée
qu’ à un mérite rare & à des fervices fignalés, à
des vertus éminentes, à-des connoiflfances fupe-
rieures & très utiles à la fociété. L’ article IV de
Ledit de Louis XIII du mois de janvier 1634,
porte qu’ à l’avenir il ne fera fait aucun ennoblijfe-
ment que pgur grandes & importantes confédérations :
on devroit peut-être y mettre un appareil qui relevât
le prix d’une telle grâce. Le même édit veut
que les ehnoblijfemens foient enrégiftrés dans les
cours fouvçraines, après que les procureurs - généraux
auront été ouis. N e feroit-il pas à defirer
qu’on confultât, fur les moeurs & le mérite du
candidat, les magiftrats de la ville & les habitacs
les plus notables du lieu où demeure celui a ne
. l’on veut ennoblir, afin que cette grâce, revêtue
J par cette formalité * du fuffrage public , ne j>ut ja-
| mais être foupçonnée d’avoir été mendiée ou
; achetée.
U ennoblijfement n’ eft pas une reflource de finan-
j ce auflî avantageufe qu’on le croit, & il devient
j une furcharge pour les fujets roturiers. Qu on
j fafle attention aux privilèges .^exemptions de taille
j & autres, dont jouit la poftérité des ennoblis de
j 171 y 5 que l’on mette dans la balance le prix de
i cette noblefle achetée, & celui de la confirmation
(1) Laroque dit avoir va 3 :s contraintes entre les mains de Charles Graindorge , fleur Durocher, petit-fils
de Kichard. Traité de Ut noblejfé.