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n’ont abfolument rien de commun dans leurs exer-
cices.
On y répare les enfans en trois claffes. La première
, qu'on appelle les petits bonnets ) eft formée
par les enfans au-deffous de l'âge de neuf ans. On
admet, dans la fécondé, ceux qui ont atteint ce
dernier âge. Les enfant qu'on difpofe à la première
communion, compofent la troilième clane j 1 occupation
de la première elt^ d'apprendre l'alphabet
& à prier Dieu. Le catéchifme, la ieéture,
l'écriture & le tricot emploient le teins des enfans
de la féconde. Ces mêmes leçons & une inllruc-
tion plus développée de la religion font l'objet du
travail de la troifième dalle.
Les foins que les foeurs prennent de tous ces en-
f i n s , font très - considérables. On admire fur-tout
la grande propreté qui règne dans cette maifon.
Les enfans y mangent trois fois la femaine de la
viande, & on leur fert les mêmes jours de la
foupe gralfe. La charité indulfrieufe .des filles de
la chanté fait allez bien économifer cette fourniture
, pour pouvoir encore donner le bouillon une
ou deux fois de plus pendant le relie de la femaine.
Les jours où on ne donne point de viande , on
fert des légumes. Il m'a même femblé que, quelque
médiocre que foit la nourriture pour des enfans
de cet â<*e, elle valoit à-peu-près celle de certains
collèges ae Paris.
L'efprit de la maifon eft l'amour du travail. Il
eft encore t e l q u ' i l fournit à une partie de la dé-
penfe. Il eft encore tel , qu'on en fait prefque une
loi à la corivalefcence. Il n'ell pas douteux que le
travail auquel on occupe les filles, ne convienne
à leur fexe , & par conséquent ne leur foit un jour
utile j car il fort de leurs mains des ouvrages de
couture, de broderie & de dentelles, très-perfec-
tionnés. L'inconvénient de les affujettir ainfi; .foit
lors du travail des mains, foit lors des écoles &
catéchifme à une fixité prefqu'immobile, eft peut-
êre moins grande pour elles que pour les garçons.
C ar on n'héfitera pas à la regarder comme dan-
gereufe pour ceux-ci, fi on fait attention que les
enfans ont paffé les fept premières .années de leur
vie à la campagne, c'eft-a-dire , ont eu toute la
facilité de prendre beaucoup d'exercice, de ne
jamais fe contraindre, & avoient dans leurs mou-
vemens, dans leurs paroles prefque t oute la liberté
de l'air qu'on y refpire. Le^ contrait e des occupations
, de la difcipline & même de l'air de l'hôpi-'
tal ne* tarde pas à influer fur eux ; & on remarque
bientôt une-différence défagréable entre l'apparence
de fanté, l’aifance, la pétulance dans les
mouvemens , aveclefquelles ils arrivent delà campagne
, & le maintien qu'ils prennent àParis. Cette
raifon paroît fuffifante pour déterminer à fùpplé.er
par des exercices violens & par des arts très-agif-
fans , au tricot auquel on occupe les garçons^, qui
certes ne leur fervira à rien & , contribue même à
-déranger leur taille. „ _ .
C 'e ft dans cette maifon que les maîtres de Paris j
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vont prendre des enfans pour leur montrer leut
état. Il y a à-peu-près une centaine de ces enfans
répandus dans la ville. Le foin de les furveiller,
ainfi que leurs maîtres’^ eft confié à un infpeéteur
qui en rend, plufieurs fois l'année , compte au
bureau. On ne ies donne point avant qu'ils aient
fait leur première communion ; & durant L'appren-
tiffage, qui ordinairement eft de cinq ans , l'hôpital
leur donne deux vêtemens.
Il y a environ douze brevets d'apprentiffage
fondés , dont l'obje: eft ou de diminuer le temps
d'apprentiffage pour une fomme qu'on donne au
maître, ou de payer celui de profeflions plus dif-
pendieufes. Leur deftination n'eft aucunement de
taire face aux trais d'habillemens que l'hôpital fait
pendant le temps d'apprentiffage. Ces brevets font,
de 150 à zoo livres ; ils font tirés au fort tous
les ans parmi ceux qui, ayant fait leur première
communion , font dans le cas de prendre un métier.
Un particulier a même fondé une place dans
un collège, pour y faire étudier un enfant-trouvé.
ba fondation ne doit avoir lieu qu'après le décès
de celui qui l'a faite, & je penfe que feule elle,
fuffit pour l'hôpital.
L'adminiftration, en paffant les brevets d’ap-
prentiffage, s’eft faite un principe d'obtenir les
conditions les plus avantageufè pour fes enfans. Je
me contenterai de faire ici mention de celles qui
ont lieu en- faveutyles filles.
Far délibération des 19 août 1753*& 2I oc**
tobre 17-52, il a été arrêté , à l’égard’des filles
qui feront placées depuis l'âge de huit ans jufqu'à
quinze ans , que ceux à qui elles feront confiées
feront tenus de leur donner trois cents livres en
argent une fois payé , lorfqu'elles auront atteint
l'âge de vingt-cinq ans accomplis, &r de leur
fournir à ce dernier âge un trouffeau ccyripofé de
quatre cbemifes 3 quatre garnitures de tête ; huit
bonnets, dont quatre piqués & quatre unis ; quatre
cornettes de' nuit 3 quatre mouchoirs de »cou >
quatre mouchoirs de poche 5 une robé & un jupon
de fiamoife 5 un autre jupon 5. un corps ; deux
tabliers ; deux paires de bas de laine tricotés 5
deux paires de foqliers, dont l'une neuve & l'au-
: tre remontée 5 le tout neuf & fans préjudice des
autres hardes & linges qu'elles auront à leur ufage
à la fin de leur engagement 5 plus un lit garni de
fa couchette , paillaffe , un matelas de laine , un.
traverfin de coutil rempli de plumes , unecouver-
ture de laine deux paires de draps.
Par autres délibérations des 10 novembre 1742
& 30 octobre 175 3 , il a été arrêté, à l'égard des
filles qui feront placées à l’âge de quinze ans &
jufqu'à vingt-cinq ans, que ceux à qui elles feront
confiées feront tenus de leur donner 200 livres
en argent une- Fois payées, Iorfqu'elles auront atteint
l'âge de vingt-cinq ans accomplis, & de leur fournir
à cet âge un trouffeau compofé de fix chemf-
fes > fix garnitures de tête 5 huit bonnets, dont
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quatre piqués fk quatre unis ; quatre cornettes de
nuit 1 fix mouchoirs de cou 5 fix mouchoirs de poche
> une robe & un jupon de fiamoife 5 un autre
jupon 3 un corps 3 deux tabliers 3 deux paires de
bas de Jaine tricotés 5 deux paires de fouliers ,
dont une neuve & l ’autre remontée : le tout neuf
& fans préjudice des autres hardes & linges qu'elles
auront à' leur ufage à la fin de leur engagement.
Les enfans-trouvés relient fous la tutelle de l'ad-
miniftration jufqu'à l'âge de vingt-cinq ans accomplis
y & ils ne peuvent contracter aucun engagement
de mariage, avâ^t cette époque, fans y être
autorifés par le bureau. Lorfqu'ils font parvenus
à cet âge, on leur donne toutes les connoiffances
relatives à leur naiffance.
Je lie dois pas oublier de faire mention d'une
fondation de cent quatre-vingt-deux liv. en faveur
de l'un des enfans-trouvés qui fe font mariés dans
l’année. L'hôpital ne donne que cinquante écus
par année. Ainli lé furplus de la. fondation le met
dans le cas , tous les cinq ans, de donner deux
dots. Elles fe donnent par le fort.
Nous n'avons aucune loi qui établiffe bien positivement
l'état civil des enfans-trouvés en France.
Ils font confondus dans la règle générale, qui regarde
comme bâtards tous ceux qui ne peuvent
point préfenter un extçait-baptiftaire chargé des
noms de père & mère mariés légitimement. On
fent combien elle eft févère pour les enfans-trouvés,,
dont les pères fuppriment trop fouvent l'état pour
échapper à la honte, aux reproches & aux peines
de l'expofition 3 mais c'eft la faute des parens &
non de l'état. C a r , pour être traités comme légitimes
, il faut naturellement aflîgner une famille,
acquérir les droits éventuels fur les biens qu'elle
poffède. *
Il n'eh eft pas ainfi en Efpagne & en Ruffie.
Dans le premier de ces états, les enfans - trouvés
font réputés nobles. C e principe qui ne paroît pas
tendre à en climinuer /le nombre, eft appuyé fur
la crainte de déroger en aucun cas à la nobleffe ,
parce qu'il peut très-bien arriver qu'un noble ait
placé fon enfant aux enfans-trouvés. Ils font même
reçus dans l'ordre d'habfico.
L'hôpital des enfiins - trouvés de Mofcou eft ,
fans contredit, le plus bel hôpital de l'univers.
Il eft l’ouvrage du génie bienfaifant du célèbre
M . ISetski , qui en propofa les plans en 1763 , à
l'impératrice aéluelle des Ruffies , & vient d'en
quitter l'adminiftration, à caufe de fon gran4 âge*
C 'e ft fur le mouvement de ce fuperbe établiffe-
ment que toutes les caiffes de charité opèrent^le
leur. Il eft l'ame des fecours accordés aux collèges
des nobles, des demoifelles, des veuves, du prêt
public à intérêt. Son inllitution & fon régime,
dont nous ne pouvons trop exhorter les personnes
curieufes à lire les détails dans le recueil des éta-
bliffemens de bienfaifance de Catherine I I , 2 vol.
z«- 1 2 , font le plus grand honneur au genre de
politique qui régit cet empire. Il n'y avoit en
Rùjïïe que deux claffes de citoyens, les nobles
& .les ferfë. L'héroine du nord fentit la néceffité
d un tiers état, auquel toutes les autres puiffances
de 1 Europe doivent la plus ’grande partie de leur
force , de leurs lumières, de leurs arts & de leurs
moeurs. Quel étoit le moyen de créer fousja zone
glaciale une claffe d'hommes femblables ? Les
etrangers ne pouvoient y devenir aidez nombreux
pour former feuls ce tiers é ta t , & le gouvernement,
oblige de refpeéler la barbare propriété que
la moitié de fes fujets avoit ufurpée fur l'autre
morne, ne pouvoir profiter de celle-ci pour l'objet
■ qu/1. fe propofoit. Les enfans-trouvés offrirent cette
precieufe refiource 3 ils n'appartiennent qu'à l'étau,
i erfonne n avoit ni le droit, ni le defir de les reclamer
5 ils furent donc placés dans l'hôpital que
limperatrice avoit fait conftruire à leur ufage.
On les y élève avec cette douceur & ces foins
ordinaires , dans l'état auquel ils font défîmes.
On rffe p eu t, fans une admiration mêlée d’ atten-
driflement , lire les réglemens de cette célèbre
maifon. M e eft devenue un foyer & une pépinière
d artifans habiles , d'artiftes diftingués ,
d hommes de lettres eftimables, de commerçons
très - opulens , & même de magsflrats inftruits.
Nous lavons qu elle eft toujours gouvernée avec la
meme fagefle &c les mêmes fuccès. Ainfi , un aéte
d humanité eft devenu un aéle de la plus habile
politique 3 & cette inflitution de Catherine II vaut,
en quelque forte, tous les prodiges de Pierre le
Grand. L hôpital de Paris n'a pas certainement la
meme perfe&ion que celui de Mofcou. On peut
meme dire qu'il n'en a pas befoin : ce n'eft pas
quofl ne regrette de voir auffi peu d'enfemble
dans le parti que nous tirons des enfans-trouvés
& qu une politique habile ne pût donner à cet
etablinement une marche plus développée & plus
utile. Les vues que nous avons fur cet objet demanderaient
une longue difeuffion que ne permet
pas 1 etendue, déjà trop confidérable, de cet article
; elles feront peut-être la matière d’un ouvrage
a part. Quoi qu’il en fo it, nous avons-vu
avec le plus grand plaifir, l’attachement que les
enfans de notre hôpital confervent pour lui , les
relations quils ne ceffent , par reconnoiffance :
d entretenir avec lui. On peut même affurer en
general, que 1 éducation qu’ils y ont reçue , équivaut
au moins a celle que reçoivent les fils des
petits artifans. Nous pouvons attribuer cet avantage
au foin que l’on prend de les élever dans la
connoinance & dans la pratique de leur religion
Nous dirons;ici, non comme une louange, mais
par forme d obfervation, que le nombre des en-
fans-trouves qui s adonnent au libertinage eft très-
peu confiderable. Un magiftrat, qui dépuis Ions-
temps a acquis des droits à la vénération publique
nous a meme d i t , que'pendant le long exercice’
de fes pénibles fondons il avoit rencontré peu
h iu fti'^ aat <5U1 Ment me"** l’animadverfion <^e
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