
« L ’Europe , ( dit l’hiftorien du fiècle de
» Louis X I V , ) vit avec étonnement l'incendie
" du Palatinat ; les officiers qui l’exécutèrent ne
•> pouvoient qu’obéir : Louvois en avoit , a la
» vérité, donné les confeils ; mais Louis avoit été
« le maître de ne les pas Cuivre. Si le roi avoit
» été' témoin de ce fpeétacle i il auroit lui-même
» éteint les flammes. Il ligna, du fond de fbn
” palais de Verfailles, la dellruétion de tout un
» pays , parce qu’il ne voyoit dans cet ordre que
“> fon pouvoir & le malheureux droit de la guerre :
» mais de plus près, il n’en eût vu que les hor-
» reurs. Les nations qui jufques-là n’avoient blâ-
» mé que fon ambition, en l’admirant, blâme-
» rent alors là politique *>. ■ ( Article de M. le
chevalier de J e a u c o u r t ).
Si on en croit M. de Folard, les entreprifes
qui confiftent uniquement à ravager & à faire le
dégât bien avant dans une frontière, ne font guè-
xes utiles, & elles font plus de bruit qu’elles ne
font avantageufes ; parce que fi l’on n’ a pas d’ autre
objet que de détruire le pays, on fe prive des
contributions. “ Si l’on faifoit, dit MontecuculL
„ le ravage au temps de la récolte , on ôteroit à
,, l’ennemi une partie de fa fubfiftance; mais com-
« me on ne peut le faire alors, parce que l’en-
» nemi tient la campagne & qu’U l’empêche , on
„ le fait dans l’hiver , quand il eft entièrement
i, inutile *>. Il eft certain que le ravage d’un pays,
lorfqu’il n’ eft pas fort étendu , ne change rien ou
peu de chofe à la nature de la guerre. L ’ennemi
fe pourvoit d’une plus grande quantité de provi-
fions , & le mal rie tourne , comme le dit l’auteur
qu’on vient de citer, qu’ à l’opprelfion dés pauvres
payfans, ou des propriétaires des biens qu’on
a détruits. Si l’on remporte enfuite quelque avantage
fur l’ennemi, on ne peut fuivre fa viâoiré:
on fouffre les mêmes inconvéniens qu’on a voulu
faire fouffrir à fon ennemi V ’« ainfi , loin que ces
« dégâts mous foient avantageux, dit encore Mon-
„ tecuculi, ils nous font au contraire, très-préju-
„ diciables, & nous faifons juftemént ce que l’ en-
» nemi devroit faire, s’il n’étoit pas en état de
» tenir la campagne «.
Un ge’néral prudent & judicieux ne doit donc
pas faire le dégât d’un pays fans de grandes, raisons
, c’ eft-à-dire, à moins que ce dégât ne- foit
abfolument néceffaire pour fauver on copferver les
provinces frontières ; mais lorfque le dégât ne peut
produire que du m al, & l’intérêt de quelques particuliers
chargés de cette trille fonélion ; le bien
des habitans, celui même de l’armée qu’on commande
.s’oppofe à cette deftruélion. On dit le bien
de l’armée même , parce que le pays qu’on pille
fournit des provifions qui offrent des reffources dans
le befoin.
D E L AW ARE , l’un des Etats-unis de T Amérique.
On Tappelloit avant la révolution, le gou-
yerncmsni des comtés de Newcaftle , de Kent & de i
Sùjfex fur là rivière Delaware, & il faifoit en
quelque forte partie de la Penfylvanie.
Nous renvoyons à l’article P en s y l v a n ie les
détails relatifs à la fondation de la colonie de la
Delaware & à Tétât où elle fe trouvoit lorfque les
Etats-unis fe font formés. Nous nous bornerons à
donner ici fa conftitution, à faire des remarques
fur fa conftitution, & à quelques obfervations fur
la pofition, fa culture & fes productions.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Principes fondamentaux & conftitution de l'état
de Delaware.
D È c l a r a t i stn des droits & des principes fondamentaux
de l'état de DelaWare , ci - devant
appelle le gouvernement des comtés de New-
caftle, de Kent & de Suflex fur la rivière
Delaware.
A rtic le p r em ie r . Tout gouvernement tire
fon droit du peuple, eft uniquement fondé fur
un contrat réciproque , & eft inftitué pour l’avantage
commun.
II. Tous les hommes ont le droit Naturel &
inaliénable d’adorer le Dieu tout - puiflant de la
manière qui leur eft diCtée par leur confcience &
par leur raifon : aucun homme ne doit, ni ne peut
etre légitimement contraint à pratiquer un culte
religieux, ou à foudoyer des miniftres de religion
contre fon gré, ou fans fon propre & libre confentement
; & aucune puiflance, quelle qu’elle foit,
ne peut ni ne doit être, ni fe prétendre autorifée
à gêner ou à contrarier, de quelque manière que
ce foit, les droits de la confcience dans le libre
exercice du culte religieux.
III. Toutes perfonnes , profeflant la religion
chrétienne, jouiront à jamais & également des
mêmes droits & des mêmes privilèges dans cet
état, à moins que, fous prétexte de religion ,
quelqu’une d’elles ne troublât la paix, le bonheur
ou la fureté de la fociété.
IV . Le peuple de cet état a feul le droit eflen-
tiel & excluftf de fe gouverner, & de régler fon
adminiftration intérieure.
V . Les perfonnes revêtues de la puilfance législatrice
ou exécutrice, font les mandataires & les
ferviteurs du public , & en cette qualité comptables
de leur conduite ; en cônféquence, toutes les
fois que le but du gouvernement n’ eft pas, ou eft
mal rempli, & que la liberté publique eft mani-
feftement en danger, foit par le fait de la puif-
fance légillatrice feulement, foit par une perfide
connivence entre les deux autorités, le peuple a le
droit & le pouvoir légitime d’établir un nouveau
gouvernement, ou de réformer l’ ancien.
V I . La jouiflance, par le peuple, du droit de
^ participer à la légiflation , eft le fondement de la
liberté & de tout gouvernement libre. 1 our aflurer
ce but , toutes les élections doivent etre libres
I & fréquentes , & tout homme libre, donnant
preuve fuffifante d’un intérêt permanent & de l’ attachement
qui en eft la fuite, pour l avantage ge-
5 néral delà communauté, a droit de fuffrage.
VII. Le pouvoir de fufpendre les loix , ou d en
I arrêter l’execution, ne peut être exerce que par
| la légiflature. , . , , ,
VIII. La légiflature doit etre aflemblee frequem-
; ment, tant pour le redrelfement des griefs que
> pour corriger & fortifier les loix. %
IX . Tout homme a droit de demander a la
légiflature le ,/édreflement des griefs, pourvu que
I cette demande foit faite avec decence & tran- :
quillité. $■ " .• ' f i | •
I X. Tout membre de la fociete a le droit d etre
i protégé par elle dans la jouiffance de fa v ie , de
| fa liberté & de fa propriété j & chacun en con-
| féquence eft obligé de contribuer pour fa part aux
| frais de cette protection, & de donner a lorfqu il
le faut, fon fervice perfonnel ou un équivalent,
mais aucune partie de la propriété d’un homme
^ ne peut lui être enlevée avec juftice, ni appliquée
à aucun ufage public , fans fon confentement pro-
! pre , ou fans celui de fes repréfentans légitimes 5
| & aucun homme, qui fe fait un fcrupule de conf-
1 cience de porter les-armes, ne peut, dans aucun
c a s , y être légitimement contraint, s’il paye un
équivalent.
XI. Des loix avec effet rétroaélif pour punir
des fautes commifes avant l’exiftence de ces loix,
font oppreflïves & injuftes, de il ne doit point en
être fait de pareilles.
XII. Tout homme libre, pour toute injure ou
tort qu’i l peut avoir reçu de quelque autre per-
fonne que ce foit , dans fes biens & terres ou
dans fa perfonne, doit trouver un remède dans
le recours aux loix du pays : il doit obtenir droit
& juftice, facilement & fans obftacle, complette-
ment & fans réferve, promptement & fans délai,
le tout conformement aux loix du pays.
XIII. La vérification des faits par jurés dans les
lieux où les faits fe font pafles, eft une des meilleures
fauve-gardes pour la v ie , la liberté & les
propriétés des citoyens.
X IV . Dans tout procès criminel, tout homme
a le droit d’être inftruit de Taccufation qui lui eft
intentée, d’obtenir un confeil , d’être confronté
à fes accufateurs & aux témoins, de faire examiner
les témoignages fous ferment à fa décharge ;
& il a droit à une procédure -prompte par un juré
impartial, fans le confentement unanime duquel il
$e peut pas être déclaré coupable.
des , ni infligé de peines cruelles ou inufitées.
X V I I . Tout warrant, pour faire des recherches
a V . Aucun homme ne d oit, dans les cours de
loi commune, être forcé d’adminiftrer des preuves
contre lui-même.
X V I. Il ne doit point être exigé de cautionne-
mens exceflifs, ni impofé de trop fortes amen- J
dans des lieux fufpeéts, pour arrêter quelqu’
un ou faifir fes biens, eft injufte & vexatoire,
s’il n’ eft décerné fur une accufation affirmée par
ferment} & tout général warrant, pour faire des
Recherches dans des lieux fufpeéts, & pour arrêter
toutes perfonnes fufpeétes, dans lequel le heu
ou la perfonne en particulier ne feroientpas nommés
ou exactement décrits, eft illégal, de ne doit
point être accordé. , , , r r
X V III. Une milice bien réglée eft la defenfe
convenable, naturelle & fure d’un gouvernement
libre.
X IX . Des armées toujours fur pied font dan-
gereufes pour la liberté , & il ne doit en etre
ni le vé, ni entretenu fans le confentement de la
légiflature.
X X . Dans tous les cas & dans tous les temps ,
le militaire doit être parfaitement fubordonné à
l’ autorité c ivile, & gouverné par elle.
X X I . Aucun foldat, en temps de paix, ne doit
être logé dans une maifon , fans le confentement
du propriétaire} & en tems de guerre, il n’en fera
ufé pour les logemens que de la maniéré preferite
par la légiflature. .
XXII. L ’indépendance & l’ intégrité des juges
font, efientielles pour Tadminiftration impartiale de
la juftice , & font les meilleurs garants des droits
& de la liberté des citoyens.
XXIII. La liberté de la prefle doit être invio-
lablement maintenue.
C O N S T I T U T 1 O N
O u fyftême de gouvernement confenti & arrêté par
les repréfentans de l'état de Delawa/e , ci-devant
appelé le gouvernement des comtésdeNewcaftle,
de Kent & de Suflex fur la rivière Deiaware >
ajfemblés en convention 3 ayant été lefdits repréfentans
choifis exprejfémeni a cet effet par les
hommes libres de cet état.
A r t ic l e p r em ie r . Le gouvernement des comtés
de Newcaftle, de Kent & de Suflex fur la
rivière Delaware , fera déformais appéllé, dans
tous les aCtes publics ou autres , Y état de Delaware.
IL La légiflature fera cornpofée de deux corps
diftinéts, qui s’affembleront une fois chaque année
, ou plus fouvent , s’il le faut , & qui ,
réunis, s’appelleront l’ajfcmblée générale de Delaware.
. . . ,
III. L ’ un des corps de la légiflature s appellera
la chambre £ ajfcmblée ; & il fera compofé de fept
repréfentans pour chaque comté , choifis par chacun
des comtés refpeélivement parmi fes francs-
tenanciers. .
IV , L ’autre corps s’appellera le confeil, & fera
comjiofé. de neuf membres, trois pour chaque