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berté , mais pour porter Ton impulsante rage à un
fiège où il fut tue.
Louis X I I , né avec un coeur droit , ennemi
'du menfonge , favant meme pour fon tems, crut
qu'il lui fuffifoit d'être honnête homme, &• négligea
trop l'art & les mefures qui pouvoient obliger
fes ennemis à fuivre fes principes. Sous fon
résiné, on ne penfa férîeufement qu'à affoiblir ou
à éluder ceux de la cour de Rome , à établir le
pouvoir monarchique & l'indépendance de nos
rois , & on y réuffit. Cela n'étoit pas fort difficile
} il he s'agiffoit que d'éclaircir quelques maximes
fort (impies 3 & d'avoir recours à l'autorité
des textes facrés de l'Ecriture , pour fixer les bornes
des deux puiffances.
Avec l'ame la plus noble > l'efprit le plus élevé,.
François premier eut le génie le plus étendu & la
mémoire la plus heureufe : il fit renaître les fcien-
ces dans fes états. Les lumières s'accrurent, &
les favans penfèrent à l'étude du droit & de la politique.
Une des maximes de ce prince fut même
d’employer, dans les négociations les plus délicates
& dans les ambaffades, des perfonnes distinguées
dans les lettres, des prélats, ou des hommes
de loi.
On s'appliqua au droit romain : c'étoit une
fource prédeufe} il falloir y puifer. M a is , e n fe
livrant à l'étude des textes, ou à celle des anciens
do&eurs , perfonne ne fongea au défaut ef-
fentiel de ces immenfes collerions. Il confifte fur-
tout dans le défordre avec lequel le droit naturel,
le droit des- gens & le droit civil ou du dtoyen y ;
font confondus.
Juftmien, qui s'eft acquis tant de réputation
par la compilation du corps du droit 3 eft accufé
d'avoir détruit les monumens qui lui ont fourni les
matériaux d'è fa compilation.
Au refte, les hommes éclairés favent aujourd'hui
le cas qu'on doit faire de ces loix romaines
fi vantées : l'eftime qu'on avoit pour elles, s'eft
affoiblie, & cela ne pouvoit être autrement. Indépendamment
de tout ce qu'on a dit fur cette
matière , ce n'eft pas à la cour d'un empereur de
Rome que des jurifconfultes , foudoyes par le
prince, pouvoient établir les vrais principes du
droit : fi l'on examine la définition du droit naturel
, telle qu'elle fe trouve dans les inftitutes, on
verra qu'en confondant l'homme avec tous les autres
animaux, on doit adopter l'axiome de Carnéade,
qui a été adopté par Hobbes , jus natu-
rale eft nullum, le droit naturel n’eft qu'une chimère.
Parmi les favans hommes qui parurent dans le
feizième fiècle, les uns étudièrent la jurifprudence
en antiquaires & en hiftôriens : ce fut le point de
vue du célèbre Guillaume Budé. Les autres en
grammairiens. On a fait ce reproche au doéteur
Connan ; on eût pu le faire à Alciat. Le plus grand
nombre l'étudia en praticiens, & 0ns autre objet
que celui d'acquérir les lumières néceffaires à la
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conduite ou à la décifion des affaires du barreau.
N e pourroit-on pas faire ce reproche à notre Dumoulin
, à Tiraqueau, qui fe bornèrent au mérité
d interprètes des Ipix , fans'jamais examiner la jul-
tice de ces loix ?
Aucun d eux n'envifagea la jurifprudence en phi-
lofophe} ils ne cherchèrent ni à ahalyfer la certitude
des principes du droit & de la politique, ni
a fixer les rapports qui fe trouvent entre l'un & 1 autre. On s en tint aux commentaires qui fe
multiplièrent à l'infini , aux recueils, aux traités
particuliers, à l'examen d'une infinité de queftions
mutiles en comparaifon des queftions importantes
quon négligeoit. L'autorité décidoit tout, & jamais
on ne remontoit au principe. C'eft avec des
citations & des paffages, qui fouvent fe contrer
difënt, qu on faifoit des volumes fur le droit public
comme fur le droit particulier. Un méprifa-
ble favoir étouffait, pour ainfi dire, la raifon.
Les éfprits fe rebutèrent enfin de cette érudition
qu on n'acquéroit qu’à grands, frais , & qui
ne procuroit point ces lumières pures, cette cerr
titude fatisfàifante qui eft le fruit de quelques
vérités qu'on pourroit appeller vérités de 'première
nécejftté, dans les fciences , & dont le germe fécond
, une fois développé par le raifonnement,
en produit une infinité d'autres.
On abandonna cette étude opiniâtre pour chercher
, dans les écrits de Platon , d'Ariftote 3 de
Xenophon, de Cicéron, & c . quelque chofe de
plus folide. Peut - être l'y trouva-t-on ? & il y a
même lieu de le croire, quand on voit la multitude
d'hommes judicieux que forma cette étude
fous le règne de Henri II & de fes enfans. Les
du Bellay, les Montluc , les Hottmans, les De-
foix , les Noailles, les Danez, les Pybrac, les
d’Offat, les Jèannin, & c . &c. peuvent être regardés'
comme les jurifconfultes & les politiques*
; les plus éclairés qu’ ait eu la France.
Il fallut imaginer des remèdes aux malheurs de
l'é ta t , fous les règnes tumultueux des trois frères
Françoi". I I , Charles IX & Henri III. Catherine
deMédicis leur mère , maîtreffe des affaires, avoit
malheureufement introduit l'étude & la pratique
des principes de Machiavel, dont on vantpit beaucoup
en Italie les lumières politiques. L'efprit
d’intrigue , des tracafferies de cour , l'hypocrifie,
& par conféquent l'irréligion & la mauvaife foi
déshonorèrent la cour & la nation.
Les françois, trop généreux pour fuivre longtemps
des impreffions fi étrangères à leur carac-*
tère, fentirent à la fin les malheurs de l'éta t, &
-ils rougirent de fon aviKffement.
Le patriotifme fit entendre fa voix : des hommes
courageux plaidèrent, dans leurs écrits, la
caufe de la droiture j ils réclamèrent l'efpèce'de
liberté dont la natioii eft fufceptible dans la monarchie
: on retrouva le bon fens & l'honnêteté
dans leurs ouvrages. Le vertueux Mornay, lefage
la Noue , le favant Bongars, tous les hommes Ü-
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ïuftres attachés à la France & au parti d'Henri IV
fe diftinguèrent autant par leur plume que par leur
épée. On établit de grandes vérités, des principes
utiles dans les difcours publics, qui fe firent aux
confeils & aux affemblées de la nation, auxquelles
nous donnons le nom d’états.
Bodin ( i ) , qui s'étoit diftingué parmi les orateurs
de ces affemblées, donna, dans un ouvrage
en fix livres, fous le titre de République, des principes
de droit & de politique, accompagnés de
reflexions & d'exemples qui annoncent beaucoup de
lumières , & qui furent admirés de toute l'Europe.
Il fut le premier de nos françois qui foupçonna
qu’on pouvoit. réduire en méthode l'etude du droit
& de la politique} & , s'il n'exécuta pas ce grand
projet, c'eft peut-être moins la faute de l'auteur
que celle de fon fiècle trop livré au goût de l'érudition.
La carrière étoit ouverte, mais perfonne n'ofoit
y entrer. Scipion Gèntilis, .dont nous avons un
Traité du.droit de la guerre 5 Villiers, Hottman ,
Charles Pafcal, auteur eftimé d'un Traité de Vam-
lajfadeur j Guy Coquille, dont le préfident de Thou
a fait un fi bel éloge, & que l'avocat général
Servin comparoir à Papinien , paroiffoient dignes
d'achever l'ouvrage commencé par Bodin} mais
l ’étendue'du projèt les étonna ; ils n'ofèrent en entreprendre
l'exécution , & ils fe bornèrent à des
traités particuliers. Leurs ouvrages eftimés fer-
-virent cependant beaucoup î car ils donnèrent une
efpèce de vogue à l'étude du droit public & de la
politique.
Enfin Grotius parut : nous avons déjà remarqué
que fes leçons de politique font fouvent in-
juftes & mal calculées 5 il autorife des chofes criminelles
, & il défend des chofes raifonnables : on \
voit que fon efprit étoit élevée, &■ que! fa raifon
manquoit de courage & de fermeté : mais, s'il ne
faut plus louer fes ouvrages avec exagération , il
faut fe fouvenir de l'époque où il les publia j & ,
fi l ’érudition & les fubtilités de la dialectique déparent
fouvent fes écrits, fes fautes , qui furent
celles de fon fiècle, ne doivent être comptées pour
rien i c i , car nous faifons le tableau hiftorique des
progrès du droit public.
Son Traité du droit de la guerre & de la paix
a paffé long-temps pour un des plus grands efforts
dont l'efprit humain foit capable. Lui- même difoit
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qu i l y avoit employé tout fon favoir. S'il profita ,
comme il y a lieu de le croire, du travail de Scipion
Gèntilis fur le droit de la guerre , il alla bien
plus loin que lu i, & il traita fon fujet avec tant
de fupériorité & d’inte lligence, qu'il fixa fur lui
feul les yeux de tous les jurifconfultes & de tous
les politiques de fon temps.
Trop profond, trop favant pour être à la portée
du commun des leéleurs, Grotius avoit be-
foin d'un traducteur éclairé. Il en a trouvé deux ,
Courtin & Barbeirac, tous les deux eftimables >
mais fur-tout le dernier, qui a développé l'économie
& l'enchaînement des principes de l'auteur ,
dont la liaifon ne paroiffoit pas affez fenfible. On
peut même dire qu'il a augmenté le mérite de l'o riginal
, en y répandant plus de jour.
D ’après le traité de Grotius, auquel il faut
joindre la traduction & les commentaires de Barbeirac
, Hobbès & Puffedorf fe font appliqués à
la difcuffion des principes du droit naturel & an
développement de fes différences avec le droit des
■ gens & le droit civil. Ils ont débrouillé la jurifprudence
& la politique, & préfenté les objets
avec une précifion qu'on ne trouve pas dans Grotius.
Leurs ouvrages, accueillis de la manière la plus
favorable , ont été fuivis des Principes du droit naturel
& de ceux du droit politique de Burlamaqui,
I confeiller d’état & profeffeur en droit à Genève ,
reçus avec tant d'avidité. Si YEjfai fur les principes
du droit & de la morale (2) de Richer d'Aube
n'a pas eu le même fuccès , cependant il a trouvé
des leCteurs.
Mais que font tous ces ouvrages auprès de Y Efprit
des loix ? Et depuis Y Efprit des loix avec quelle
énergie & quelle profondeur les écrivains françois
n'ont-ils pas difcuté les principes du droit naturel,
ceux du droit public & du droit politique ?
D R O IT S E T DEVOIRS. C e font les conditions
onéreufes & favorables, fouslefquelles l’homme
exifte dans le monde & fubfifte dans la fo-
ciété.
Les droits de l'homme , .confidérés plus particuliérement
. font les titres primitifs qui lui furent
accordés par la nature en vertu defquels il doit
jouir, en fa qualité d'homme, de tous les avantages
, de tous les biens néceffaires à fes befoins ,
& propres à fa fubfiffiince & à fon bien-être.
(1) Jean Bodin que Cujas, qui ne l’aimoit pas, parce que Bodin l’avoit critiqué, appelloit Audinus fine
bono y ( qui eft l’anagrame de Joanncs Bodinus ) étoit natif d’Angers, & mourut procureur du roi à Laon ,
en 1-596. Sesftx livres de la République parurent, pour la première fois , en françois en 1-577, in-folio. Il en
donna une (econde édition-plus parfaite en 1580. Les anglois en firent une traduction latine , que Bodin eut
le plaifir de voir lire dafis lfuniyerfité de Cambridge , lorfqu’il paffa en Angleterre à la fuite de François de
France , duc d’Alençon , à l’occafion des propofitions du mariage de ce prince avec la reine Elifabeth..Bodin
a lui-même traduit fa République en latin. E t , ce qui eft peut-etre un plus beau titre de gloire , il a produit
Montefquieu qui lui doit fon Syftéme des climats, & une multitude de vues rajeunies & préfentées avec tant
tf éclat dans Y Efprit des loix.
| (2) François Richer d’Aube, maître des requêtes , intendant de Soiflons en 1717» mort le 6 oétobre 17-51»
âgé d’environ 66 ans. Il étoit petit-neveu du célèbre Fontenelle; fon livre eft un in-40. de 514 pages. L’auteur
n’étoit ni allez favant, ni allez profond pour un pareil ouvrage.
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