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vera des moyens honnêtes./ pour faire couler
dans le fein du royaume, les richeffes territoriales
de la Guadeloupe & des petites ifles qui en
dépendent.
La Defirade , éloignée de quatre ou cinq lieues
de la Guadeloupe 3 eft une‘des ifles qui en dépendent.
Son terrein exceflivement aride & de
dix lieues de circonférence, ne compte que peu
d'habitans, tous occupés de la culture de . quel
ques pieds de c a fé , de quelques pieds de coton.
Qn ignore en quel temps précisément a commencé
cet établiffement, mais il eft moderne.
Les Saintes, éloignées de trois lieues de la
Guadeloupe, font deux très-petites ifles, qui avec
un iflo t, forment un triangle & un allez bon
port. Trente françois, qu'on y avoit envoyés
en 1648 , furent bientôt forcés de les évacuer
par une fécherelfe extraordinaire., qui tarit la
feule fontaine qui donnât de l'eau, avant qu'on
eût eu le temps de creufer des citernes. Ils y retournèrent
en 16 y 2 , & y établirent des cultures
durables, qui produifent aujourd'hui cinquante
milliers de c a fé , 8c cent milliers de
coton.
A lïx lieues de la Guadeloupe, eft Marie Galante
, qui a quinze lieues de circuit. Les nombreux
fauvag.es qui l'occupoient en furent chaf-
fés en 1648, par les français , qui eurent des
attaques vives & fréquentes à repouffer pour fe
maintenir dans leur ufurpation. C'eft un fol excellent
, où s'eft fucceffivement formée une population
de fept ou huit cents blancs', & de lïx
ou fept.mille noirs, la plupart occupés de la culture
du fucre.
Saint-Martin & Saint - Barthélemi font aulfi
dans la dépendance de la Guadeloupe, quoiqu'ils
en foient éloignés de quarante-cinq & cinquante
lieues.
Saint-Barthélemi a dix ou onze lieues de tour.
- Ses montagnes ne font que des rochers, & fes
vallées que des fables, jamais arrofés par des
fources ou par des rivières, & beaucoup trop
rarement par les eaux du ciel. Elle eft même
privée des commodités d'un bon p o r t, quoique
tous les géographes l'aient félicitée de cet avantage.
En 1646, cinquante français y furent envoyés
de Saint-Chriftophe. Maffacrés par les
caraïbes en 16f 6 , ils ne furent remplacés que
trois ans après, l'aridité'du fol les fit recourir au
boiç de Gayac , qui couvroit leur nouvelle patr
ie , & dont ils firent de petits ouvrages qu'on
recherchok affez généralement. Cette reffource
eut un terme, & le foin de quelques beftiaux
qui aiioient alimenter les ifles voifines", la remplaça.
La culture du coton ne tarda pas à fui-
v r e , & la récolte s’ en élèvfe à cinquante ou
foixante milliers , lorfque , ce qui arrive le plus
fouvent, des féchereflès opiniâtres ne s'y opposent
pas. Jufquà ces derniers temps j les travaux
ont tous ete faits par les. blancs * & c ’eft encore
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la feule des colonies éuropéennes, établies dans
le nouveaii'Monde, où les hommes libres daignent
partager avec leurs efclâves les travaux de
l'agriculture. Le nombre des uns ne palfe pas
| quatre cents vingt-fept, ni celui des autres trois
cents quarante-cinq. L'iflé , dans fon plus grand
rapport , en nourriroit difficilement beaucoup
davantage.
La misère de fes habitans eft fi généralement
connué, que les corfaires ennemis qu'on y a vu
fouvent relâcher, ont toujours fidèlement payé
le peu de rafraîchiffemens qui leur ont été fournis
, quoique les forces manquaffent pour les y
contraindre. Il y a donc encore de la pitié, même
entre des ennemis 8c dans l’ame des corfaires.
Au premier janvier 17 7 7 , en ÿ comprenant les
ifles plus ou moins fertiles , foumifes à fon gouvernement
, la Guadeloupe comptoit douze mille
fept cents blancs de tout âge 8c de ' tout fexe ,
treize cents cinquante noirs ou mulâtres libres ,
& cent mille efclâves, quoique leur dénombrement
joe montât qu'à quatre-vingt-quatre mille
cent.
Ses troupeaux comprenoiént neuf mille deux
1 cents vingt chevaux ou mulets , quinze mille
fept cents quarante bêtes à corne, 8c vingt-cinq
mille quatre cens moutons, porcs ou chevres.
Elle avoit pour fes cultures quatre cents quarante
neuf mille fix cents vingt - deux pieds de-
cacao, onze millions neuf cents foixante-quatorze
mille quarante-fix pieds de coton, dix-huit millions
fept cents quatre-vingt-dix-neuf mille fix cens
quatre- vingt pieds de qafé , trois cents quatre-
viRgt-huit fucreries qui occupoient vingt-fix mille-
quatre-vingt-huit quarrès de terre.
Son gouvernement, fon tribut & fes impoli»
rions étoient les mêmes qu'à la Martinique.
Si ces fupputations fréquentes fatiguent un lecteur
oifif, on efpèré qu'elles ennuyeront moins
des calculateurs politiques qui , trouvant dans la
population & la produâion des terrés la jufte
mefure des forces d’un é ta t, en fauront mieux
comparer les reffources naturelles des différentes
nations. C e n’eft que par un regiftre bien ordonné
de cette efpèce qu'on peut juger avec
quelque exaélitude de l’état actuel des puiffantes-
maritimes & commerçantes, qui ont des éta-
bliffemens dans le nouveau-Monde. Aftez dé tableaux
éloquens, aftez de peinturés ingénieufes
amufent & trompent la multitude fur les pays
éloignés. Il eft temps d’apprécier la vérité , le
réfuîtat de leur hiftoire, & de favoir moins ce
qu'ils ont été que ce qu’ils font : car l’hiftoiré
du pafté , fur-tout par la manière dont elle a été
écrite , ^appartient guère plus au fiècle où nous
vivons que celle de l’ avertir. Encoré une fois
qu’on ne s’ étonne plus de voir répéter fi fouvent
un dénombrement de nègres & d’animaux, de
terres & de producHôns 5 en un m o t, des détails
qui A malgré la féehereffe qu'ils- offrent à I®
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prie, font pourtant les fondemens phyfîques de
la fociété. , . , ù ,
. La Guadeloupe doit obtenir de^ fes cultures une
maffe de productions très-confîdérable , 8c meme
plus considérable que la Martinique. Elle a beaucoup
plus d'efclaves > elle en emploie moins a fa
navigation 8c à fon commerce} elle en a placé un
grand nombre fur un fol inférieur a celui de fa
rivale j mais qui, étant en grande partie nouvellement
défriché', donne des récoltes plus abondantes
que des terres fatiguées par une longue
exploitation. Auffi eft-il prouve que fes plantations,
qui ne font pas dévorées par les fourmis,
lui forment un revenu fort fuperieur a celui qu obtient
la Martinique. Cependant^ quatre-vingt-un
bâtimens de la métropole n’enlevèrent , en 1775 ,
de cette ifle que cent quatre-vingt-huit mille trois
cents quatre vingt-fix quintaux fix livres de fucre
brut ou terré, qui rendirent en Europe 7,137,9501.
16 f. j foixante-trois mille vingt-neuf quintaux deux
livres de c afé , qui rendirent 2,9^,860 1. 19 f. >
quatorze cents trente-huit quintaux vingt - fept
livres d’indigo, qui rendirent 1,222,^29 1. 10 f. 3
mille vingt-trois quintaux cinquante - neuf livres
de cacao , qui rendirent 71,65:1 hv. 6 fols j cinq
mille cent quatre-vingt-treize quintaux foixante-
quinze livres de coton, qui rendirent 1,298,4371.
10 fols i fept cents vingt-fept cuirs, qui rendirent
6973 -Iiv. i feize quintaux cinquante-fix livres
de carret, qui rendirent 16,560 liv. j douze quintaux
foixante-deux livres de canefice, qui rendirent
336 liv. 1; fols 10 den. î cent vingt - cinq
quintaux de bois, qui rendirent 3 5 Ces
fommes réunies ne fe montent qu'à 12,751,4041.
16 fols 10 den-
Quelques produdions de la colonie pafloient
à la Martinique. Elle livroit fes firops 8c d autres
denrées aux américains , de qui elle re-
cevoît du bois, des beftiaux , des farines & de
la morue j fes cotons a la Dominique qui lui four-
niffoit des efclâves î fes fucres à Saint-Euftache,
qui payoit en argent ou en lettres de change 8c en
marchandes des indes orientales.
L a vigilance des derniers adminiftrateurs a mis
quelques bornes à ces liaifons interlopes. Auflï-
tôt fe font multipliés les navires françois, defti-
nés àT ’extra&ion des denrées. L'habitude en a
conduit beaucoup dans la Guadeloupe proprement
dite, v à Saint- Charles de la Baffe-Terre , ou fe
faifoient autrefois tous les chargeinens ^quoique
-ce ne fait qu’une rade foraine dont l’accès eft difficile,
& où le féjour eft dangereux : mais un
plus grand nombre fe font portés à la Pointe-
. a-Pitre. , |
C ’eft un port profond &*affez fur 3 place a
-l’ une des extrémités de la Grande-Terre. Il fut
découvert par les anglois, dans le temps^qu ils
reftèrént les maîtres de la colonie > & ils s’occu-
poient du foin de lui donner de la faîubrité, lorfque
la "paix leur arracha leur proie. La cour 4c
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Verfailles fuivit cette idée d’un vainqueur éclairé,
& fit tracer, fans délai, le pla-n d’ une ville qui
s’eft accrue très-rapidement. La nature , les vents,
le giffement des côtes, tout veut que le commerce
prefque entier d’une fi belle poffeffion fe concentre
dans cet entrepôt. Il ne doit relier a Saint-
Charles que la réunion des beaux fucres des trois
rivières', 8c des cafés qui fe récoltent dans les
quartiers du Baillif, de Deshays, de Bouillante
& de la Pointe - Noire. Cependant cette ville
continuera à être le fiège du gouvernement, puisque
c’eft-là qu’ell la-force, que font les fortifications.
T
Si l’on en croyoit quelques obfervateurs, la
colonie devroit s’attendre â décheoir. Sa partie ,
connue fous le nom de Guadeloupe, & cultivée
depuis très-long-temps , n eft pas , difent-ils, fuf-
ceptibîe d’une grande amélioration. Ils affurent,
d’un autre c ô té , que la Grande-Terre ne fe fou-
tiendra pas dans l’état floriffant ou un heureux ha-
fard l’a portée. C e vafte efpace, couvert prefque
Uniquement de ronces, il y a dix-fept ou. dix huit
ans, & qui fournit aujourd’hui les trois cinquièmes*
des richeffes territoriales, n’a pas un bon
fol. Les fucres y (ont d’une qualité très-inférieure.
Privé de forêts , de rofées & de rivières, il eft
expofé à de fréquentes féchereffes qui détruifent
.fes beftiaux & fes produ&ions.
La colonie a d’autres raifons encore pour ef-
pérer des accroiffemens rapides. Il lui re(te des
terreins en friche, & ceux qui font déjà cultivés,
font fufceptibles d’amélioration. Ses dettes (ont
peu confidérables. Avec-moins de befoins que les
établiffemens où la richeffe a depuis long-temps
multiplié les goûts & les defirs , elle peut accorder
davantage au progrès de fes cultures. Les ifles
angloifes continueront à lui fournir des efclâves,
fi les navigateurs françois fe bornent toujours à
lui en porter a n n u e l l e m e n t cinq ou fix cens, com-
.me ils l’ont fait. La réunion de ces drconftances
fait préfumer que la Guadeloupe arrivera bientôt
au faîte de fa profpérité, fans le fecours & malgré
les entraves du gouvernement.
Voÿe^ les articles F r a n c e , Sa in t -D om in gue
l a M a r t in iq u e , & c.
G U A S T A L L E (duché d e ) . l ’article
P a rm e . * , . I>T.
GUELDRE ( pays de ) , contrée de 1 Europe.
Nôus indiquerons fa pofition plus bas ; on la di-
Vife en deux parties j la Gueldre inférieure avec
le comté de Zutphen qui en dépend, & la haute-
Gueldre : la haute - Gueldre appartient à l’empereur,
au roi d eP ru ffe , à la Hollande, ï l’électeur
palatin, &c. & c ; & la Gueldre inférieure eft
. un des fept états de la confédération des Pro-
vinçes-Unies : nous allons d’abord parler de la
haute - Gueldre , & nous parlerons enfuite de la
Gueldre inférieure. / - -,
G ueldre h a u t e . Par les traites d eR a ilta t,
de Bade & de la Barrière, l’empereur Charles V I
H h h h 2