
croiflement des richeffes préparoit de nouveaux
orages. ^ . _ ■ i
La condamnation de 1*Emile 8c du Contrat fo etal
fournit en 17 6 2 , aux-partifans de l'extrême
démocratie , une nouvelle occafion de remuer. Le
confeil déclara que fi Roufleaufe préfentoitàGenev*,
il feroit arrêté * pour ftatUer fur fa perfonne ce
qui feroit jugé convenable : Roufieau qui venoit
de-quitter la France, où fes deux ouvrages avoient
jété aufli condamnés, fe retira dans les montagnes
de Neuchâtel i de-là il correfpondoit avec fes amis
de Geneve, qui firent des répréfentations fur là
profeription de YEmile 8c du Contrat focial. La
réponfe du magiftrat ne les ayant pas fatisfaits,
ils groflirent leur nombre en 176$ , & ils firent de
nouvelles inftances. Cette queftion particulière
devint, par des écrits publiés de part & d'autre,
une queftion générale. Qn demandoit que des répréfentations
, qui avoient pour objet le fens des
loix, fulfent: portées au confeil général. Le confeil
répondoit que la loi ne leur paroîffoit pas
équivoque, & qu'on ne l’avoit point violée. La
difpute intéreffoit alors la conftitiition même de
l ’état. La loi Veut qu'aucune matière ne puilfe être
foumife à la décifion du confeil général, fans avoir
été examinée & approuvée, par les confeils inférieurs.
Si elle donne à ces derniers un pouvoir négatif
illimité ,- ils ont le droit d'empêcher la promulgation
de toute loi nouvelle qui n'a pas leur
agrément, .&■ ils font de plus les feuls interprètes
des loix établies-, en jugeant de la validité des
répréfentations. S i , d'un autre côté , un certain
nombre de citoyens peut faite pafter une proposition
contre l’avis des confeils , la. république fe
trouvera fans celfe agitée par des faétions , & la
conftitution. de l’état fera expofée à des variations
continuelles.
Lesefprits le partagèrent. Les noms de négatifs 8c de repréfentans devinrent des noms de partis.
On publioit des mémoires > on faifoit des livres.
A ux LettreS'jJçrites ; de la campagne 3 qui défen-
doieryt l'e’quilibre établi en 1738, Roüfleau op-
pofa > en 1764 , les Lettres écrites de la montagne
y & fon parti échauffé paT leur .véhemenee ,
chercha dans les droits de la bourgeoifie, interprétés
à la rigueur, un moyen jufques-là inufité,
d’éluder le reglement ;de 1738 > & de furmonter
la réfiftance des confeils. Le plus grand nombre
des citoyens fè réunit en- iy é y , pour rejetter tous
les candidats qui afpiroient aux charges de fyn-
dics \ il. n’y eut point d'êleélions ,. & les mêmes
fyndics relièrent en place. C e fut un autre fujet
de difpute important. La conftitution ordonne une
nouvelle élection chaque année : .elle déclare- que
les fyndics ne pourront être pris que dans le pe- 1
tit confeil y. mais elle attribue au confeil général
fe droit de rejetter le t o t a l o u une partie des
fujets-préfeniés. par les confeils. Le peùple refusant
d°élire les fyndics dans le corps du fénat, les
ceufêils réelamèrentla garantie des trois puifiances j
alliées. Elles envoyèrent des plénipotentiaires. On
autorifa la bourgeoifie à fe faire répréfenter par
vingt-quatre commiffaires tirés des différens cercles.
Pendant qu'on délibéroit, les confeils obtinrent
des médiateurs une déclaration qui légiti-
moit leur conduite. Les repréfentans furent of-
fenfés d'une décifion qui leur parut au moins prématurée
j 8c lorfque le projet de la médiation fut
préfenté au confeil général, le 15 décembre 1766,
le peuple le rejetta avec une grande pluralité de
voix.
Les puiffances alliées rappellèrent leurs plénipotentiaires.
La cour de France, peu fatisfaite
des repréfentans, fit ■ approcher quelques * troupes
> elle interdit le commerce aux genevois du
parti populaire ; la communication avec la Suifie
même, que réfervoient les anciens traités , fut
affujettie à la:gêne des pafle-ports. Après avoir
déclaré que les magiftrats de Geneve étoient fous
la protection particulière des puiffances garantes »
les plénipotentiaires raffemblés à Soleure, y pro*
noncèrent fur les principaux points de divifion-,
entre les confeils & la bourgeoifie. La décifion n'eut
pas fon plein effeti Les citoyens , irrités par l'appareil
menaçant qui les envifonnoit, n'en devinrent
que plus unis 8c plus obftinés y ils en im-
pofoient à leur tour au fénat par la fierté de
leurs murmures. Le danger de l’ anarchie , ou la
crainte de perdre leur liberté , amena un accommodement
qui fatisfit les voeux du peuple, parcq
qu’en étendant fon droit d’éleétion, il rendoit
les magiftrats plus dépendans de fa faveur, &
parce qu’il avoit été conclu fans l'interventioni
dés médiateurs étrangers. Le projet de conciliation
paifa au confeil général le 11 mars 17(58.
Divers membres du petit & du grand confeil
quittèrent leurs places , & , plufieurs citoyens cef-
fèrent d’aller au confeil général > ils voyaient du
danger dans cette innovation, 8c ils fe plaignoient
des voies tumultueufes 8c violentes qu'on avoit
employées.
Après ce dernier triomphe du parti populaire é-
le mécontentement d'une autre partie du peuple
expofa l'état à une nouvelle crife. 11 y. a dans
Geneve 3 comme dans toutes les villes où les art»
ffeurifïent, beaucoup d’étrangers qui s'occupant-
de travaux utiles.. Leurs enfàns font appelles datifs.
Souvent ces natifs 8c leurs defeendans ne
connoiffènt plus d’autre patrie ; mais- divers privilèges
en faveur dés citoyens bornent l’induftrie
& gênent le- commerce de ces natifs. L ’exemple
des repréfentans y 8c lé g-rand. mot dé liberté qui
retentiffoit auroiir d’eux , leur donna plus d’envie
ou plus de facilité d’acquérir les droits de là bourgeoifie
, ou un adôùeiffèment des gênes établies
contre eux. Durant là divifion entré les magiftrat»
8c l’es citoyens |l-chaque parti avoit flatté l’efpoir
des natifs, pour les'détourner du parti contraire.
Quand ces derniers s^àpperçtirent que l'édit de.-
conciliation. eubifoit leurs inreiêts-^ ils. s’abandon?-
lièrent aux murmures avec , moins de ménagement.
On avoit cependant étendu leurs droits & leurs
privilèges. & on leur avoit facilite l'acquifition
du droit de bourgeoifie, en déclarant qu on 1 accorderait
toutes les années pour^une fomme modique
à vingt-cinq d’entt'eux tirés au (on. Imita-
teurs imprudens de quelques traits pardonnes a des
bourgeois, & fuppofant que ces derniers dévoient
s’intéreffer à leur caulê par une fuite de leurs
principes , plufieurs natifs fe permirent des at-
troupeinens , & ils fe firent foupçonner. des
projet# téméraires. Les citoyens coururent aux
armes* le 15 février 1770. Quelques habitans
périrent dans le premier tumulte. Ceux qui etoient
les plus coupables, ou qu on fuppofoit les chers
du parti, furent exilés au nombre de huit, &
d’autres fe retirèrent d'eux mêmes. C et exil, pour
éviter les lenteurs d'une procédure ordinaire, fut
prononcé par le confeil general, d apres 1 avis des
autres confeils qu'intimidèrent les repréfentans m-
téreffés au maintien des gênes contre l’induflrie
des natifs > mais on accorda en meme temps de
nouveaux droits aux natifs. $ f , v
Les divifiôfts recommençoient d une annee a
l’autre, & la France fatiguée de ces troubles prit,
au mois de feptembre 1781 , le parti de fe dégager
des liens qui l'unifloient aux . cantons de A\x-
ric & de Berne pour la garantie de Geneve j mais
la prife d'armes, du 8 avril de 1 annee d apres ,
annonçoit une cataftrophe fanglante, & le roi
interpofa de nouveau fa médiation. Il envoya des
troupes fur le territoire de Geneve ; il en donna le
commandement à M. le marquis de Jaucourt, &r
il le chargea d'ailleurs, en qualité de miniftre plénipotentiaire
, de rétablir la tranquillité 8c la paix
ÿeilloit au repos de l’Europe pacifiée tant de fois
par fes foins i qui , dans fa fimplicité, paroifloit
fuir la gloire qui l’environnoit, & ne refpirer que
pour la profpérité de la France & la tranquillité
des autres nations j & , au mois de novembre 1782,
l’édit de pacification, dont nous allons parler ,
rétablit l ’ordre dans Geneve.
dans Geneve , de concert avec lesminiftres du roi
de Sardaigne & du canton de Berne, q u i, de leur
c ô té , avoient aufli fait maréher des foldats. Le
parti populaire fembloit difpofe va foutenir un fie-
ge i les françois ouvrirent la tt^bchee aflez p^^s
de la place. Les repréfentans avoient raflemble
de la poudre en plufieurs endroits de la ville | &
on craignoit que leur phrenefîe ne les pottat a
embrafer Geneve : ils detenoient les magiftrats pri-
fonniers, & ils menaçoient de les égorger. M. le
marquis de Jaucourt fe trouva alors dans une ii-
tuation délicate j il eut befoin de toute la .modération
de fon caraélère , & en ne permettant pas
à fes troupes de tirer, il rendit a 1 humanité un
fervice important. L'efprit conciliant, la douceur
& la ûgacité qu'il porta enfuite dans la négociation
, méritent d'autres éloges : la ville capitula,
les troupes des trois puiffances y entrèrent >
ce qu'il ne faut point oublier, les fix mille foldats
françois qu'il avoit fous fes ordres, pafferent deux
nuits au bivouac, dans les rues^ de Geneve, fans
donner lieu à aucune plainte. L accommodement
qui fe fit dans Geneve , par les plénipotentiaires
des trois puiffances, fut dirigé par M. le comte
de Vergennes, qui, femblable à un ange tutelaire,
S e c t i o n I I e.
Du gouvernement de Geneve , & des changement
qu'y a faits l'édit de pacification de 1782.
Le pouvoir fouverain réfide dans l’ affemblee
générale des citoyens & bourgeois. Nous indiquerons
plus bas fes droits & fès fonctions. Les citoyens
font ceux dont les pères ont déjà joui du
droit de bourgeoifie, & qui font eux-memes nés
à Geneve j ils peuvent afpirer à tous les emplois
publics : ceux qui ont acquis le droit de bourgeoifie
, 8c même les fils de citoyens ou bourgeois
qui font nés hors de leur patrie, ne peuvent entrer
au fénat, ou obtenir d’autres charges refervees
aux citoyens. Lesfimples bourgeois jouiffent, hors
de l’exception indiquée, de tous les droits des
citoyens. . . . . .
Le pouvoir exécutif & l’adminiftration publique
appartiennent à trois collèges ou confeils ; le confeil
des vingt-cinq, appellé petit confeil ; celui des
foixante, & ‘enfin celui des deux cents , appelle
le grand confeil, auquel les deux autres collèges
fe trouvent réunis. On verra bientôt quels font
les droits réfervés au petit confeil, aux deux cents 8c au confeil des foixante, qui s’affemble rarement.
Le grand & le petit confeil nomment aux places
vacantes dans le corps des foixante. L ’édit
de pacification a changé la forme d’éleélion pour
les places vacantes au grand confeil j les détails
fur cet objet feroiènt un peu longs, 8c nous renvoyons
à l’édit.> ' , / •
U s quatre fyndics font à la tête de l’etat ; ils
ne relient en charge qu’une année, 8c ils ne font
éligibles de nouveau qu'après un intervalle de
trois ans. Leur rang eft déterminé par celui de
leur ancienneté dans le petit confeil. Le premier
fyndic préfide tous les confeils j ils font prefides
en fon abfence par celui qui le fuit en rang. L un
d'eux , c'étoit ordinairement le fécond , a moins
qu'il ne le voulût pas, é toit, avant l edit de pacification
, fyndic de la garde ou commandant de
la ville : mais depuis 1782 le deux cens choifit entre
les quatre fyndics celui qu'il veut mettre à la
tête du confeil militaire, 8c ce fyndic n’ eft plus appellé
fyndic de la garde, mais fyndic militaire Un
autre fyndic préfide les bureaux 8c confeils de financ
e s , & le dernier à la direction de l'hôpital
. & des chambres de juftice & de police. Avant
1782, chaque année les deux confeils propofoient
au confeil général huit confeillers pour les quatre