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Il reVêtit Charles V de Ton droit, en lui remettant
l'ancienne épée du Dauphiné, la bannière
de S. Georges 8c l'anneau. Cette ceflion ne com-
prenoit que le Viennois, le Grefivaudan, l'Em-
brunois 8c le Gapençois. Le Diois , le Valentinois .
ont été depuis joints au Dauphiné s Louis Aymard,
comte de Poitiers, n'ayant point de poftérité ,
inftitua le dauphin de France pour fon héritier en
1 4 1 9 , & les deux comtés furent réunis au domaine
delphinal , par tranfaélion des 16 juillet
1 4 1 9 , 14 août 1426 & 7 décembre 1454.
A l'égard de la manière dont les dauphins acquirent
leur territoire 8c leur jurifdiétion , l’hif-
toire nous apprend que Ifarne, évêque de Grenoble
, chafla les farralîns qui s'étoient emparés
de cette ville 8c de fon territoire en. 963 : en conséquence,
Frédéric I donna en 1161 la ville de
Grenoble en fief à fes évêques, avec tous les
droits de régale ; il qualifia l'évêque du titre de
prince. Gui ou Guigues VIII , furnommé dauphin
, v in t, les armes à la main , 8c força Saint-
Hugues à lui céder la moitié de la jurifdiétion de
la ville de Grenoble, 8c à pofer des limites entre
les deux territoires .j le fait eft conftaté dans l'afte
que l'on appelle le Cartulaire Saint - Hugues. Les.
dauphins voulurent fe fixer dans Grenoble, & en
conféquence ils achetèrent de l’évêque le droit
de s'y établir : peu-à-peu ils s’arrogèrent toute
l'autorité. Quelques perfonnes croient que les dauphins
n'étoient point fouverains, mais feigneurs du
Dauphiné} ils obfervent i ° . que les dauphins n'étoient
que fimples vicaires de l’Empire , & qu'ils
en prenoient la qualité : 20. ils recouroient à l'empereur
pour avoir le droit de faire battre mon-
n oie, 8c pour obtenir la poffeflion des mines}
30. quoiqu’ils euffent droit de vie & de mort
fur leurs fujets 8c de faire la guerre à leurs voi-
fins, ainfi que la plupart des autres feigneurs ,
cependant ils ne jouiffoient pas des droits de grande
régale} bien plus , dans les différends qu'ils
avaient, ils recouroient à l'empereur pour obtenir
juftice de lui feul. Ils n’ont, jamais pris la qualité
de fouverains, mais de fimples feigneurs dé telle
ou telle ville.
La ceflion du Dauphiné déclara que les rois de
France ne pourroient exiger que les droits 8c fer-
vice^ établis , 8c qu'ils maintiendroient les privilèges
du peuple, de la nobleffe & des eccléfiafti-
ques. Quelque tems après , les peuples du Dau-
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phiné les menacèrent de les appeller au tribunal
de l’Empire.
Lors de la ceflion du Daüphiné, les nobles
vouloient fe donner au duc de Savoie^, 8c les
eccléfiaftiques préférèrent le roi de France, qui
étoit un prince plus puiffant. Les jurifconfultes 8c
les écrivains de droit public prétendent que le
Dauphiné eft annexé à la France , 8c qu'il n’y
fera incorporé que lorfque les rois de France feront
empereurs« Dumoulin dit à ce fujet : Delphi-
natus non eft de regno , fed annexas eft regno^
Gallia. Mais cette vaine difcufîion eft aujourd’hui
bien inutile.
On trouvera, dans le Cérémonial de la France,
les cérémonies qui s'obfervent lors de lanaiffance,
de l'éducation 8c des obfèques des dauphins* Au
moment où le roi de France meurt, \t dauphin eft
reconnu pour roi 8c légitime fuccefleur , quoiqu'il
ne foit encore ni facré, ni couronné : le
nouveau roi exerce le droit de joyeux avènement,
qui confifte dans le droit de créer de nouvelles
maitrifes dans les arts 8c métiers , & de nommer
à la première prébende de chaque cathédrale ou
collégiale, même au préjudice du droit des gradués
: ce droit eft annexé à celui de régner. Les
loix fondamentales du' royaume nomment les dauphins
fucceffeurs à la couronne.
D AU PH IN É . Voyez l’article précédent.
D É C A D E N C E DES E T A T S , nom jpar lequel
on défigne l’anéantiffement ou la chute des
nations qui perdent leur indépendance ou leur
force. Nous avons traité, de l’accroiffement des
états (1 ) : nous avons dit de quelle manière les
états acquièrent 8c maintiennent leur profpérité :
nous allons parler des caufes de leur décadence 8c
de leur chute.
Le fort a dévoué toutes les chofes du monde à
l'inftabilité. Les plus formidables Empires fubif-
fent des révolutions qui commencent par les af-
foiblir, & qui finiffent par les renverfer. La puif-
fance romaine, ce coloffe des nations , finit (dit
M. de Montefquieu ) comme le Rhin qui n'eft
plus qu'un ruiffeau, lorfqu’ il fe perd dans l’Océan.
Si les changemens tombent fur de grands objets
5 fi des royaumes ou des empires font démembrés
, affoiblis, détruits} fi des nations s'éteignent,
& fi la face de l’univers eft, pour ainfi dire, bou-
leverfée , on les appelle des révolutions. ,
Un peuple peut effuyer deux fortes de révolules
preuves de l’hiftoire du Dauphiné, par Valbonnay. On s’eft perfuadé que la donation étoit en faveur
du premier né des rois de France ; mais cette condition n’eft pas littéralement exprimée dans la donation.
Confultez l’hiftoire du Dauphiné, parle même Valbonnay, pag. 607 de l’édition de 1732. Dans le
temps de cette donation faite à (Jharles , Jean , père de Charles , etoit le fils ainé du roi Philippe de Valois
, & fut fon fuccefleur, fous le nom de Jean II. Après la mort du roi Jean I I , Charles fon fils , qui
étoit déjà dauphin, lui fuccéda fous le nom de Charles V, dit le Sage : ainfi ce ne fut pas le fils ainé du
roi qui fut le premier dauphin , ce fut Charles, fils de l’ainé. Dans la fuite , nos rois ont toujours fait
appeller Dauphin leur fils ainé, héritier préfomptif de la couronne. Voye\ une longue note fur le Dauphiné
, dans l’hiftoire de Louis XI par Duclos , liv. I , fous l’an 1446.
(%) Voyei l’article Accroissement des états.
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lions s les unes naturelles, les autres politiques.
Les premières font produites par des bouleverle-
mens de la nature , par des tremblemens de terre,
par des fubmerfipns, par des pelles & par d au- •
très fléaux, de pareilles caufes font étrangères a cet
article. Les fécondés doivent être attribuées aux
hommes 5 elles ne font qu'altérer les fyftemes des
états 3 elles changent la forme de leur gouvernement
, ou elles affujettiffent leurs peuples a des
loix étrangères. Nous allons tâcher d indiquer les
fources de ces dernières. -
Nous ne parlerons pas de toutes les caufes directes
ou indirectes qui peuvent abréger la duree d un
gouvernement, changer le fyfteme des états &
renverfer les empires , nous nous bornerons aux *
principales 8c à celles qui produifent les effets
les. plus foudains} elles font ou étrangères, ou intrinsèques.
i ° . On doit mettre au nombre des premières
lçs grandes émigrations des peuples , pareilles a
celles qu'on a vu au quatrième 8c cinquième fie-
cles. Des hordes innombrables de goths, de vandales
8c d'autres barbares fortirent du fond du
nord , inondèrent l'Europe, 8c pouffèrent leurs
conquêtes jufqu'en Efpagne , en Italie & meme
en Afrique. D’ autres fois les peuples qui habitaient
les pays les plus feptentrionaux attaquèrent leurs
voifins vers le midi, 8c les forcèrent à quitter
leur demeure : ceux - ci fe virent contraints de
tomber à leur tour fur d'autres peuples qui les
avoifinoientvau fud } & ainfi de proche en proche,
les nations fe renyerfoient les unes fur les autres,
& fe pouffoient toujours vers les climats les plus
doux. La même chofe eft arrivée parmi les fey-
thes, les farrafihs, 8cc. Au milieu de ces révolutions
, il falloit que la face de l'Europe, 8c celle
même d'une partie de l'Afîe, changeât tout-à-fait.
Chaque peuple changea de domicile 5 des royaumes
, des empires, des républiques furent détruits,
ou fondés , ou tranfportés ailleurs. On dira peut-
être que cette- caufe de la deftru&ion des états
n'eft qu'idéale, 8c que des révolutions femblables
ne font plus à craindre : mais il feroit difficile de
le prouver. De pareils événëmens ne font ni phy-
ftquement, ni moralement impoflibles. Le centre
prefque inconnu de l'Afrique, de l'Ethiopie, les
plateaux de la Tartarie, l'Amérique elle-même
vomiront peut-être un jour des effains d'hommes,
ou plus forts, ou plus robuftes, ou plus infatigables
que les européens } 8c lorfque la molleffe,
la corruption ou la tyrannie auront brifé lereffort
dont les nations ont befoin pour fe foutenir, croit-
on que les tartares, par exemple , manqueront de
la force 8c du courage néceffaires pour opérer
une grande révolution ? Au refte, il feroit inutile
de mettre de l'importance à cette vaine fpécula-
tion 3 8c fi les fciences 8c la difeipline militairè
donnent une fi grande fupériorité, il eft bon de
dire qu'il y a des circonftances où les barbares ti-
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reroïent plus de fecours de la force de leur caractère
8c de leurs paflions exaltées.
2°. La guerre entreprife par un injufte conquérant
ou fondée fur 1 équité, eft la fécondé caufe
étrangère qui peut produire la décadence des états.
La plupart des changemens arrivés aux empires
du monde, n’ont-ils pas été occafionnés par la
voie des armes ? Si les guerres heureufes donnent
quelquefois de la fplendeur aux états, les guerres
très-malheureufes fuffifent pouixanéantir une nation.
Il eft rare cependant qu'une feule guerre détruite
un empire, i-a république de Carthage ne
fut détruite qu'à la fin ae la troifième guerre punique
} mais comme le moindre échec que reçoit
une puiffance l'affoiblit d’abord, 8c fortifie fon
ennemi ou fon rival, c'eft par degrés que les états
vont de leur décadence à leur chute.
30. Lorfqu’une puiffance fait dés progrès con-
fidérables, fon agrandiffement peut devenir la
troifième caufe, ou prochaine ou éloignée, de
la décadence d’ un état voifin. Le fyftême politique
de l'Europe en général eft tel aujourd'hui, qu'une
nation ne peut s’élever, par la voie des conquêtes
ou par celle du commerce, 8cc. qu’aux dépens
de quelqu’autre. Chaque degré de puiffance
réelle qu’ elle acquiert lui donne au moins un degré
de puiffance relative de plus, 8c ce degré qu’ elle
gagne eft une pérte pour fes rivaux. Infenfiblement
elle imprime la terreur aux autres fouverains ; elle
leur donne enfin la lo i } 8c comme c ’eft une maladie
éternelle parmi les fouverains de vouloir
agrandir leurs domaines 8c de contenir des peuples
divers fous le même feeptre, elle ne tarde pas à.
envahir lès contrées qui font à fa bienféancé. Presque
tous les hommes d'état ont fenti cette vérité.
Les longues querelles entre les maifons d’Autriche
8c de Bourbon, entre les^puiffancesdu nord ,
8cc. n'ont point eu d'autre principes ; mais les
confeils ffes rois n'ont pas toujours pris de bonnes
mefures pour prévenir cette élévation excef-
five des puiflances qui infpiroient une jaloufîe
bien fondée. ,On a vu telle nation préférer les
petits intérêts aux grands, faire céder l'avantage
le plus effentiel 8c le plus confiant à des avantages
momentanés, 8c conclure quelquefois avec
fes rivaux des alliances qui fervoient dans la fuite
à lés fortifier contre elles-mêmes 8c contre fes alliés
naturels.
La maxime latine, obftare principiis, eft trop
négligée par ceux qui conduifent les affaires, 8c
fouvent il faut un fiècle de guerres pour obtenir
des arrangemens , dont on fè fëroit affuré fans
peine quelque temps auparavant.
40. L'étendue trop vafte d'un empire devient prefque
toujours une caufe de décadence. La plupart
des monarchies anciennes attèftent cette vérité.
La grandeur de celle d'Alexandre caufa fa • ruine.
Rome s’ écroula fous le poids de fes propres
forces. Moniteur de Montefquieu traite cette ma