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fa même police j voeu , au furplus, tjue nous fou-
mettons aux lumières de l'adminiftration qui nous,
gouverne. C e n'eft pas fans un grand étonnement
que Ton compare l’afliette ferme & tranquille
de tous les établi (Terriens pendant plulïeurs
lîècles , avec l'agitation qui depuis vingt ans bou-
leverfe toutes leurs conllitutions. C e n'eft pas
que nous ne foyons intimement convaincus de la
pureté des motifs qui ont déterminé ces chan-
geme'ns. Mais lorfqn'on veut porter la main à ces
mafiès conftitutionnelles , il faut avoir beaucoup
réfléchi, beaucoup confulté, & être dans la dif-
pofîtion de revenir fur fes p as , fl l'appât fecret
& dominateur de la nouveauté, l'éclat d'une théorie,
l'amour du bien ont pü quelquefois nous égarer.
Des vues d'économie déterminèrent M. de
Saint-Germain à la réformer ; il refte à favoir fi la
réforme a dirhinué les dépenfes. U Ecole militaire
étoit deftinée à cinq cens jeunes gentilshommes :
c'eft l'état bien connu de fes revenus qui doit déterminer
l'ampliation du nombre de ceux qui peuvent
profiter du bienfait de l'éducation militaire.
Elle étoit confacrée à la noblefle indigente. Puifîe-
t^on obferver religiéufement c e voeu de la fondation
, & ne point ouvrir la porte à la brigue ,
à la follicitation de ceux qui n'ont ni la pauvreté,
ni la noblefle en partage ! Il eft encore bien à de-
firer que cette refpeétable noblefle indigente ne
foit pas.mife à la portée de s'affliger de l'opulence
des premières familles , & de contrarier leurs vices.
L'éducation devoit abfolument n'être que mi-
lit aire. Il femble donc qu’on ne doit pas confondre
ceux qui doivent la recevoir,dans des collèges ouverts
à des enfans qui font deftinés à d'autres profeflions.
( Cet article efi de M. de s B oi s de Mo c h e fo r t ,
doit car de ' la maifon & fociété de Sorbonne , curé
de S. André-des-Arts ).
É CO N OM IE , f. f. C e mot, dit l'ancienne
Encyclopédie, vient du grec •tx.ot 3 maifon , & de
v*fc3s , loi , & ne fignifie originairement que le
fage & légitime gouvernement de la maifon, pour
le bien commun de toute la famille. Le fens de
ce terme a été d$ns la fuite étendu au gouvernement
de la grande famille qui eft l'état.
On a joint au mot d’ économie différentes épithètes
qui en étendent ou en modifient la lignification.
La nature de notre travail nous difpenfe
de nous arrêter à ces différences ; nous nous contentons
d'indiquer trois fortes à* économies ; Y économie
privée, ou domejlique , Y économie faciale, 8c
Y économie générale, ou politique.
C ’eft de Y économie politique feulemènt dont il
peut être ici queftion , quoiqu'elle dépende en
quelque forte de Yéconomie fociale & de Y économie
privée 3 & que les trois ne faflent qu'un tout
indivifible, aflujetti au calcul, & au même calcul
appliquable à de grandes & à de petites proportions,
mais toutes réfultantes de l'ordre.
L'ordre politique néanmoins embrafle tous les
autres ? & de même que l'ordre focial & l'ordre
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domeftique rtourriflent , fortifient 8c complètent
l'ordre politique, celui-ci les maintient & les pré-
ferve activement, en tendant toujours à les maintenir
invifiblement.
L'ordre naturel eft le principe du tout enfem-
b le ; il l'eft de l'ordre individuel, de l'a&ion 8c
du repos de l'homme , de leur objet & de leur
moyen. Il fait naître de Celui f ci l'ordre domeftique
, de cet autre, l'ordre focial intérieur, 8c
de co dernier enfin , l'ordre politique, qui eft
l'ordre focial, général & fupérieur.
Non-feulement la véritable économie confiftè
dans l'ordre-, mais elle en eft le moyen. Elle n'eft
point parcimonie , comme on a quelquefois voulu
le croire , faute de calcul 8c de lumières ; elle eft
au contraire l'emploi continuel & aflidu-de tous
fes moyens à l'effet de profiter.
^ Ces moyens dépendent tous foncièrement de
l'intelligence de l'homme j car nous avons moins
de force que l'éléphant, moins de vîteffe que le
c e r f, moins d'agilité que le linge 8c l'écureuil,
moins d'induftrie machinale, que n'en montrent
bien des animaux dans ce qui eft du reflort dejleur
inftinft ; pas un néanmoins ne fait & ne peut cultiver
v la terre. & folliciter l'abondance du fein maternel.
L'agriculture donc , vrai pivot de la vie de
l'homme, dépend de fon intelligence. Il ne peut
la pratiquer avantageufement qu'à l'aide de fes
femblables, ce qui néceflite la fociété, qui dérive
d'une première afîbciation de travaux 8c de
profits. La fociété & tous fes liens 8c fa durée
dépendent de la bonne-foi à remplir les conditions
naturelles de f'aflociation ; & la bonne-foi
de l'homme, comme toutes les autres vertus dont
elle eft la bafe, dépend de fon intelligence.
Tous nos moyens donc font dans l'intelligence $
mais celle-ci eft elle-même en nous un don. de la
nature> comme l'inftm& l'eft dans les animaux.,
avec la différence, que l'intelligence eft libre-: elle
peut devenir, ou lâche, ou ambitieufe, s'abrutir,
ou voler de fes propres aîles, & déroger également
par l'un & l'autre abus.
Sans prétendre faire ici de la métaphyfique 3
nous pouvons aflurer que dans l'homme naturel
le fentiment primitif du jufte & de l'injufte vient
de la nature , comme fes appétits 8c fes vrais
befoins. Mais les idées d'acception qui naifîent
de l'expérience, de l'habitude , de. la fréquentation
& de l'exemple de fes aflociés, forment en
lui des befoins 8c des prévoyances d'opinion, lui
offrent des moyens de prévarication 8c de fraude
qui corrompent fes fentimens, déforment fes idées
naturelles , & le jettent dans le vague deftru&if
de fes propres intérêts, fur les traces incertaines
& toujours illufoires d’une aveugle cupidité.
Si des moyens que l'homme trouve dans la pen-
fée, nous voulons pafler à ceux qui confiftent dans
l'aélion, nous trouverons que leur dire&ion utile
dépend néceflairement du calcul, qui tient encore
à notre intelligence. Le calcul fuppofe la prévoyance
qui
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qui naît & fè forme des fouvenirs , de l ’exa- |
men- 8c de l'expérience j ‘lefquels , d'après des1
données équivalentes, nous promettent les mêmes
réfultats. Le bon emploi donc de notre force, de
notre adrefle & de tous nos moyens phyfiques,
dépend en premier lieu de notre intelligence appliquée
à l'efprit de calcul;
Le calcul eft la. règle indifpenfable 8c la bafe
dé:toute économie , tant privée, que publique-,* & i
quoique Y économie privée paroifle bien fimple 8c
bien bornée auprès de l'autre, fi compliquée 8c
fi vafte , toutefois les règles font lès thèmes pour
toutes deux f le point d'où elles partent eft le
même pour 1.'une conirrie pour l'autre , & celui
auquel elles fe rapportent , eft pour chacune le
même également. Pour nous en convaincrè, examinons
fucceflivement ces deux points fixes de
ftos rapports primitifs.-
Le premier eft fans doute le point d’où doivent
partir tous nos calculs économie , & ce point
eft la nature , mère apparente de tous les êtres 8c diftributrice effective de tout ce qui peut fournit
à1 leurs befoins.
Celle-ci fe meut & agit par desreflorts connus
feulemènt de fon auteur ; mais fon a&ion eft foü-
mife à dé grandes loix, dont la marche eft à-peu-
près généralement régulière, 8c que nous appelions
ordre naturel.
Cet ordre confiftè dans la révolution confiante 8c circulaire de la production, de la croiflance,
de la confommation 8c de la reproduction , qui
embrafle toutes les fübftances & tous les êtres , lef-
quels , pendant le cours de leur exiftence , font ,
chacun dans fon cercle, partie de la production ,
reçoivent la croiflance, participent à la confommation
, 8c , compris dans l'ancien emblème du
phénix de la fable, retournent fervir à la répro-
duCtion.
: Ici l'emblème a manqué le point principal du
miracle de .l'ordre naturel ; nous voulons dire celui
dé la multiplication des efpèces infinies dans
les forces de la nature j multiplication qui ’ n'a de
bornes que celles des fecours que l'homme lui
"donne pour repouffer. les efpèces qui difputent le
terrein 8c la fubftance à celles qu'il veut faire prédominer.
C'eft-là le but & le travail de l'agri-, j
culture ; ce font les moyens d'aider & de déterminer
ainfi la nature, vers les objets qui nous font
propres, que l'homme doit apprendre par l'examen
, retehir par l'expérience ,, exécuter par le
travail, & réduire au calcul de cômparaifon des
frais'de ce travail 8c du réfultat de fes fuccès.
T e l eft le premier point, c'eft-à-dire., celui de
naiflance, de croiflance, d'extenfion 8c de perpétuité
dans nos rapports avec la terre. Panons
maintenant, au. fécond point.
Gelui-ci confiftè dans nos rapports avec les aides
de notre. travail, & par conféquent avec les
hommes, qui tous ne peuvent vivre que par leur
'aflbciation quelconque, foitdicite, foit illicite avec
(Econ. polit, & diplomatique. Tom. II.
ë c o i -g y
ce travail primitif. 'Nous appelions licite .celle qui'
eXt de convention connue, confentie & ‘ obfcrveè'
des deux parts ; nous appelions iUicïtt celle quf
eft de rapine, foit.frauduleufe, folt violente.
' L'affociation , ou plutôt la ligue , qui ravit de
force les fruits du travail d'autrui, arrête, ,fuf*
pend & fait cefler ce travail ; -celle qui lés attire
à fo i, par rufe.oupar fraude , en furprenant la'
bonne-foi & la fimplicité de ceux qui les ontafait
naître, détourne ces fruits du.véritable, objet de
leur deftiriation j qui eft dë rétbùrnër vers là fource
.de la réproduétion, qu’elle fait ainfi décroître plus
ôu moins' fenfiblemënt, félon la forcé bu rimp,uT.
dence des abus, & tend toujours à la defiecher.
par la fuppreflion des moyens phyfiques , & con-
féquemment par celle des moyens ‘ moraux'.qui
peuvent feuls la renouveller & l'entretehîp” ‘
En ceci ', certainement Véconomie' privée eft en-
tiérement fubordbnnée , o u , pour mieux dife ',
aflujettie à l’économie publique , autrement à Y économie
politique, fur laquelle l’écohome rurale ne
fauro.it avoir aucune influence. Lorfque celle - ci
s'écarte des principes, elle porte le défordrè dans
Y économie -privée ; elle f appauvrit, & l’économe
rural né peut que céder ^u coup , fans diftingper
la main qui le frappé. Tout fon caleuf nê'faurôit
le mener qu’à fe réduire à l'inâéfion, pouréviter
de perdre fes avances & fon travail : C ’ e f t . ainfi
qu'on a femé l'orgueil même de la pareffe che i
des peuples autrefois aélifs fe induftrieûx. Maïs
Yéconomie politique xYen eft q_iiè plus'obligëe a l'attention
fur fes moindres démarchés, -fer1 à conformer
tout fon régimé aux loix éternelles dé l'ordre
naturel.
En effet, lorfque le gouvernement .croit n'dvoiï'
à veiller qu'aux cas majeurs qui attentent à.là paire
publique , foit intérieure, foit extérieuré'lbir quê
l'adminiftration provoquée prétend ftatuer.fur les
moindres- détails, l'un & l'autre Te-’t/ômpefit ca-
pitalement & d'une manière défitftreufç,.De même
que lennonde va tout feul, d'apfèS' l'impulfîon
une fois donnée par de premier moteur, tous les
détails, iront d'eux-mêmes, pourvu que la grande
main foit attentive à la réclamation des’ droits du
tiers , & livre d’ailleurs toute économie domejlique
à fa propre impulfioti. D'autre part, l’autorité
fuprême & ' Ié gouvernement Tér'oht toujours ref-
peâés au-dehors & au-dedaris & verront laprof-
périté publique naître g croître & s’ étendre comme
d'elle-même, pourvu qu’il obferve de ne jamais
s’ écarter de la première & fuprême lo i, de l’ ordre
des chofes, de l’ordre naturel fupérieur aux
rois de la terre, & , fi l’ on peut parler ainfi, la
loi feminale des nations & des empires. '
. C ’eft en cela & en cela feulement que confiftè
Yéconomie politique-, que rien n’attente a la marche
naturelle & provifoire des avances, du travail,
de la produdion , de la diftribution , de la
confommation & de la réproduélion. Voilà la loi
-&• les prophètes; voilà Y économie politique' Ye'to-
A a