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Les fuèv'es étoient le peuple le plus belliqueux
de la Germanie : divifés en plufieurs tribus,
J.s occupoient une grande étendue de terreins ;
& inacceflibles aux invâfîons étrangères , ils- al-
Joient chercher au loin des ennemis fans s’ infor-
tner de leur nombre : ils tenoient leurs alfcm-
blees dans d'épaiffes forêts o ù , pour fe rendre
Jes dieux propices, ils immoloient une viéfime
humaine ; ils faifoient trembler toutes les nations :
plufieurs peuples quils avoient chaffés de leurs
domaines, implorèrent l'affiftance de Céfar, qui
cherchoit. des alliés pour en faire des efclaves.
•Après la mort de ce diélateur, Auguiie Ton fuc-
ceffeur fit marcher douze légions contre Jes fi-
■ cambres, les teuflères & les ufipetes. Lollius,
chargé de l'expédition, fut vaincu dans le premier
combat ; mais ayant reçu de nouvelles troupes
, il répara la honte de la défaite. Les ficam-
bres obtinrent la paix, à des conditions qu'ils dictèrent
eux-mêmes.
Drufus, qui dans la fuite porta le furnom de Ger-
manicus , marcha contre les rhétiens , barbares
qui tuoient tous .les enfans mâles de leurs ennemis^
, dans l’efpoir d'en extirper la race : la def-
tinée des femmes enceintes dépendoit des devins :
en les égorgeoit lorfque ces impofteurs aifuroient
qu'elles portoient un fils dans leur fein.
Les germains biffèrent enfuite Rome en paix juf-
ques fur la fin du règne de Caligtria, qui marcha
contre eux avec une armée de deux cents
mille combattans, fans compter les gladiateurs &
les comédiens ; mais à peine fut-il fur leurs terres
que, faifi d'une terreur panique, il s'en retourna
fur fes pas avec autant de célérité que s'il eût
eüuye une défaite. Les germains brillèrent encore
un moment fo u s ja conduite d'Italus, fils d'un
père qui avoit trahi fa patrie pouf fe vendre aux
romains. Efeve lui-même à la cour des empereurs
& comblé de leurs bienfaits , il ne vit en eux
que les tyrans de fon pays. Appellé par les che-
rufques, il effaça bientôt la tache de fon origine
; mais il ne combattit que pour faire triompher
des ingrats, qui le dépouillèrent du commandement
& l'obligèrent à fe réfugier-chez les
lombards.
Apres la mort de Galba , l ’Empire parut pen
cher vers fii ruine. C ivilis , batave d’origine, fai-
fit cette occafion pour tenter d’affranchir fa patrie.
C e digne germain pour mieux cacher fes
dëffeins, affe&a d’être partifan de Vefpafien; &
fous ce prétexte , il convoqua les principaux chefs
de fa nation dans un bois facré. Son éloquence
naturelle les porta a la révolté : il fe forma une
confédération de différens peuples, quij d’une
voix unanime , le proclamèrent chef de toute la
Germanie x en l ’élevant fur le bouclier militaire.
Le maffacre general des marchands romains fut
le prélude d’une guerre opiniâtre. Cîvilis gagna
les deux premières batailles $ & tous ceux qui,
retenus par une prudence timide , n’ avoient en- j
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core ofe fe déclarer, devinrent fes aillés. Fier dé
fes fuccès, il publie qu’il ne combat ni pour Vi-
tellius, ni pour Vefpafien , .-mais pour rendre à
fon pays fon ancienne indépendance. Tandis qu’il
triomphe fur le Rhin, les farmates tiennent af-
fiegees les légions de Méfie 8? de Pannonie. C e
rut alors q u e , pour la première fois , on vit des
romains quitter en corps leur drapeau, pour fe
ranger fous les enfeignes des barbares. Labeon ,
afin d arrêter ce torrent, lui oppofa une armée
de nerviens, de tongres & de betufiens. Civilis
ne vit que fes frères dans ces lâches germains
armes contre lui ; & à une époque où il pou-
voit les punir, il fe préfenp à eux fur le pont
de la Mofelle : dès qu’il les âpperçut, il jetta
fes armes dans le fleuve, & leur dit à haute voix :
« germains , c’eft pour la caufe commune , ç ’eft
M pour vous que je combats ; fi vous ne daigîlez.
33 point me reconnoitre pour votre général, per-
33 mettez-moi de marcher fous vos enfeignes com-
33 me fimple foldat ». Ces paroles , prononcées
avec une mâle affurance, produifirent leur effet.
Les nerviens, les-topgres & les betufiens abandonnèrent
les romains & embraffèrent la caufe
commune.
Sous le règne du dernier des douze Céfars
les daces , (outenus des marcomans, fe répandis
Tjpfît dans les plus belles provinces de l’Empire.
Alors les romains , tyrans des nations * devinrent
eux-memes tributaires ; ils fe fournirent à
paj^er une fomme annuelle à des barbares qui
menaçoier.t de réduire en cendres la capitale.
Trajan gagna les germains par fes bienfaits, 8c
ce rut d’eux qu’il fe fervit pour affranchir l’Empire
d’un tribut déshonorant, & pour réduire
P a r ie en province romaine. Les germains
n’âyant plus d’ennemis au dehors , tournèrent
leurs armes contre eux-mêmes , & , pendant qua»
vante ans, les cités furent déchirées par des
guerres domeftiques ; mais enfin’, revenus de cette
phrénéfie , ils fe réunirent & formèrent cette fa-'
meufe ligifé qui ébranla l’Empire jufqués dans
fes fondemens. On vit paroître cet effain de -barbares
, qui changea la face du monde, en lui
donnant de nouveaux oppreffeurs fous le nom de
quades, de vandales , de fueves x de goths $ la
plupart de ces peuples font tombés dans un oubli
dont il eft difficile de les tirer. On ne peut
dire quel en e,toit le nombre-, ni indiquer le nom
particulier de chacun : les auteurs contemporains
défignent quelquefois la même tribu par différentes
dénominations. Les francs font nommés
indiilinternent ficambres ou faliens , &c. Nous
ne citerons que Jes principales tribus.
Lçs cattts, qui n’ont point tranfmis leur nom
à leurs defeendans , étoient les peuplés les. plus
puiffans de la Germanie ; leur territoire s’éten-
doit depuis la rive droite du Rhin , jufqu a la
forêt d’Hercinie ou la forêt Noire , d’orient en
occident * & depuis Jes four ces du Mein iufqu’ai*
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bays des Cherufques, du midi au feptenttion.
Tacite nous apprend que leurs armées nombreu-
fes contenoient autant de cavalerie que d’infanterie
: c’étoit de tous les germains le peuple le
plus rëfpeété par fon amour pour la juftice.
Les bruyères fefont immortalifés par leur haine
contre.lés;romains, & par leur confiance gene-
reufe à défendre leur liberté. Il eft impoffible de
déterminer les limites de leur pays, parce que
ces peuple errants 8c vagabonds adoptoient pour
patrie la contrée où ils trouvoient des fubfif-
t'ances.
Les cauches ne nous font connus que par le
tableau que Pline nous en a laiffé. L’Océan, dit-
il , fubmerge leurs habitations deux fois en vingt-
quatre heures. Elles reftent un tems égal découvertes
& cachées fous les eaux , deforte que cette
alternative fait douter fi ce pays appartient'à la
$erre ou à la mer. v.
Les piétés furent obligés d’abandonner leur pays,
©ù. leur excaffive population ne leur permettoit
plus de trouver des fubfiftances proportionnées a
. leurs befoins : ils équipèrent une grande flotte ,-
& débarquèrent fur les files Hébrides habitées par
les écoffois. Les anciens habitans, trop foibles j
pour réfifter à cette race de géans , expofèrent
que la ftérilité de leur fol ne leur fourniffoit point
allez de fubfiftance à eux-mêmes 5 & pour don-
_ ner plus de poids à leurs juftes repréfentations,
ils offrirent à ces hôtes incommodes de les aider
à chercher, des établiffemens dans la partie fep-
tentsrionale d’Albion , q u i, malgré fa fécondité ,
manqüoit d’habitans. Les piétés fuivirent ce con-
fe il, dont l’exécution ne rencontra point d’obfta-
cles ; mais, comme ils n’ avoient point de femmes,
ils en demandèrent aux écoffois qui leur en fournirent,
à condition quelles feroint préférées
dans la fucceffion au trône. Cette alliance rendit
leurs intérêts communs; & ayant réuni leurs forces
, ils chafierent de l’ ille les anciens habitans,
depuis la mer du Nord jufqu’ à la rivière de la
Thine. Les deux nations, relièrent quelque tems
confondues; mais enfin la jaloufie du commandement
les rendit rivales ; & pour prévenir Té-
da t d’une rupture, elles confentirent à fe fépa-
rer. Les piétés fe fixèrent dans les provinces orientâtes,
qui les rapprochoient de leur ancienne patrie
, & les écofifois choifirent la partie occiden-
fâlé de Tillë qui étoit la plüs“voîfinë des Hébrides
5 & ainfi, féparés par la montagne de Gra-
bain, ils confervèrent chacun leurs loix, leurs
moeurs & leùrs ufages.
Sans parler des cherufques fi redoutables fous
Arminius , des tongres, des betufiens * des nerviens
, des bataves , des cananifates & des friions
, qui fignalèreîit leur valeur fous les ordres
de Civilis, & qui tous font célèbres par leur haine
tontre les romains, nous nous contenterons
d’ inférer ici quelques détails fur les allemands ,
tes Taxons & les bourguignons*
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Les allemands qui, dans leur origine, n’étoient
qu'un peuple particulier de la Germanie, donnèrent
dans la fuite leur nom à cette vafte contrée.
C'étoit un afîemblage de différentes nations germaniques
, qui confervèrent les moeurs & les ufages
de leur pays dans tous les lieux où elles fe
tranfportèrent.
Les bourguignons , avant leur invafion dans les
Gaules, occupoient le pays qui eft à la droite du
Rhin , entre l’embouchure du Necre & la ville
de Bâle : cette peuplade., nombreufe & célèbre
par fon courage , fut la terreur de fes voifîns. ^ ,
Les Taxons occupoient tout le pays, depuis
l’Ems jufqu’à TEiden. Quelques auteurs prétendent
qu’ ils s’ètendoient jufqu'au nord de ce deia*
nier fleuve, qui fert aujourd’hui de bornes a 1 Empire"
germanique ; ils toiichôient a 1 orient le dif-
triél des thuringiens ; mais ©n. ne peut déterminer
les bornes qui féparoient' ces deux peuples : ils
; étoient encore maîtres de plufieurs .files fituees a
l’embouchure de l’Elbe dans. l’Océan feptentrio-
nal. C e peuple de pirates feraffembloit aux mouillages
de ces ifles pour aller exercer fes brigandages
fur les côtes des Gaulés. La conftruéHori de
leurs vaiffeaux facilitoit les moyens de les tranfi
porter par terre, d’un lieu dans un autre, fur
des chariots. La quille, & toute la partie qui
plongeoit dans l’ eau, étoit d’un bois fort léger,
& la partie qui furnageoit, n’ étoit qu’un tiffu d’o-
fier couvert de cuir. Ainfi, lorfqu’on croyoit leur
flotte fubmergée, on la voyoit reparoître furies
côtes dont on la croyoit éloignée. Ils infefterenc
fans.ceffe les Gaules. Ils remontoient les fleuves
jufqu’ à plus de quarante lieues de leur embouchure.
Tandis que leurs armées, de terre affié-
geoient les places 8c pilloient les provinces, l’O céan
, ditSidonius, n’ôffroit point d’écueils, ou
de tempêtes qui puffent rebuter leur intrépidité.
Les faxons avoient des rois, ou plutôt des
chefs particuliers , qui n’exécutoient que ce qui
étoit décidé par la nation. Ils favoient obéir ; mais
ils aur.oient puni le tyran qui eût ofé les traiter
en efclaves. Les tribus indépendantes formoienc
une république fédérative , toujours prête à s’ar**
*mer contre l’oppreffeur commun. Ils donnèrent
leur nom à deux contrées dont ils firent la conquête
: Tune s’appelloit le rivage faxonique dans la
Grande-Bretagne , & l’autre dans la fécondé Lyon- 1 nôîfe. On zppellok faxons-èejfîns les habitans de
cette partie de la.Normandie, dont Bayeux étoit
la capitales
On ne peut déterminer avec précifion dans quel
fièclé lesgermfl/n.î-faxons s’établirent dans la Grande
Bretagne & dans le Beffin. Il eft vraifemblable
qu’ ils s’y rendirent fort puiffans, puifqu’ils donnèrent
leur nom. au pays qu’ ils occupèrent. O iï
fait que Prqbus , dans, le troifième fiècle, marcha,
contre plufiedrs nations germaniques y qui avoient
envahi les plus belles provinces des Gaules t il
fit fus elles un fi grand nombre- de prifpnnkss-,