
1 1 8 D I S D I Si
corps qui concourent au gouvernement, quand ,
dépofîtaire unique de la puiffance exécutrice, qui
demande plus particuliérement l'unité , il tient
dans Tes mains les forces militaires ; quand il relie
le maître 8c de la diftribution des grâces, & de
Temploi des deniers publics : ces deux raiforts ,
dirigés par une volonté fixe contre des volontés
difcordantes & d iv ifé e s , doivent parvenir tôt ou
tard à Içs dompter. La force intimide, les récom-
penfes féduifent, & le fouverain finit par fubjü-
guer tous ceux dont il peut acheter les fuffrages.
Un monarque prend un afcendant nécelfaire fur
une nation vénale qui confent à lui vendre fa liberté
j il en devient indubitablement le maître ab-
fo lu , quand la lo if de l'argent l'a corrompue ;
l'amour des richelfes, devenu la palfion dominante
d'une nation, applanit toujours la route au def-
potifme. Les citoyens qui veulent être chargés de
repréfenter la nation, ne regardent plus leurs places
que comme des moyens d'acquérir des richef-
fe s , des titres, des "emplois lucratifs i ils achèteront
alors , d'un peuple avide & corrompu lui-
même , le droit de le revendre au fouverain, qui
peut les enrichir, les décorer, les appeller aux
grandes places. La liberté fera toujours précaire
dans les pays où le monarque fera le poffeffeur
exclufif de tout ce qui peut exciter la vanité &
la cupidité des hommes.
Le gouvernement mixte, quand il n'a p,as ôté
au peuple la faculté d'exercer la licence, éprouvé
très-frequemment les inconvéniens du gouvernement
populaire. Des enthoufiaftes, des impofteurs,
des charlatans politiques auront, comme dans la
démocratie , le pouvoir d'alarmer le vulgaire ,
d'exciter fa fureur, de lui rendre fufpeétes les démarches
& les entreprifes les plus juftes, les plus
Utiles, les plus fenfées ; en un mot, l'animeront
contre fes intérêts les plus vrais, lorfque leurs
propres pallions n'y trouveront point leur compte.
Ainfi la nation ie déchirera en partis, en fa&ions,
en cabales, dont les fuites font les mêmes que
celles qui amènent la ruine d'un gouvernement
populaire.
Caufes de dijfolution dans les démocraties. Nous
avons déjà traité cette matière à l'article D émoc
r a t i e ? nous y avons expofé les avantages &
les inconvéniens des gouvernemens démocratiques.
Nous allons ajouter ici quelques autres réflexions,
& dire comment l'état populaire eft toujours plus
Près de la dijfolution que les autres gouvernemens.
our peu que l'on parcoure l’hiftoire des démocraties
, tant anciennes que modernes, on voit que
le délire & la fougue préfident fouvent aux con-
feils du peuple. La partie la moins raifonnable &
la moins éclairée d'une nation fait la loi à celle
que fon expérience 8c fes lumières mettroient en
droit de commander j & celle-ci fouvent, par fes
hauteurs &-par fon defpotifme, fe rend juftement
fufpe&e au peuple. L'homme déraifonnable eft
toujours envieux. Une multitude jaloufe 8c ombrageufe
croit avoir à fe venger de tous les ci-
toyens que le mérite, les talens ou les richeffes f l
lui rendent odieux j l'envie eft un puiffant mobile
dans les républiques > les fervices les plus fignalés
font punis 8c méconnus par une troupe d'ingrats El
que le nombre 8c l'impunité empêchent de rou- f l
gir de fes crimes. Trop fouvent un peuple, cora-
me un particulier, devient infolent 8c méchant, I
quand, fans lumières & fans vertus., il jouit de I
la puiffance j il s'enivre de vanité à la vue de fes H
forces, qu'il ne fait guères exercer avec prudence B
ou juftice i il méconnoît alors fes vrais amis , pour B
fe livrer à des perfides qui flattent fes pallions. B
L'hiftoire de ces athéniens fi vantés offre un tiffu B
de folies, d'injuftiçes , d'ingratitudes 8c d'op- B
preflions : on y voit les défenfeurs les plus gé- j
néreux de cette république, obligés de fe juftifier El
de l'avoir fidèlement fervie, ou contraints à fer
bannir, pour éviter la fureur de la populace.
Ainfi , fous la démocratie , la vertu même B
devient fouvent un crime. Un peuple aveugle dé« f l
vient à tout moment la dupe des flatteurs, qui f l
font fervir fes fureurs à leurs projets la chaleur f l
de fon imagination le livre- à des faélieux qui le B
foulèvent contre ce qui fait obftacle à leurs pro-H
près pallions : fon déliré le rend la proie des am< f l
bitieux qui l'égorgent de fes propres mains , &
qui, pour terminer fes malheurs, l'obligent à la f l
fin à fe réfugier fous les aîles de la tyrannie:^ celle«H
ci achève de détruire ce que l'anarchie & la licence
avoient pu épargner.
Ce qu'on vient de lire n'eft point en contra-H
diétion avec l'article D ém o c r a t ie : il s'agit d'ex-H
pofer ici quelles font les caufes de la diJfolutmW
des états, & non.pas quelle eft la meilleure for-fl
me de gouvernement.
Caufes de dijfolution dans les ariftocraties. Dans S|
l'ariftocratie, un petit nombre de citoyens puif-
fans ne tardent point à faire fentir leur autorité à f l
un peuple qu'ils méprifent, & dont peu à peu ils B
deviennent le tyran. Chaque membre du gouverne-B
ment fe croit un roi. Dans quelques ariftocraties, H
nous voyons la même politique, les mêmesfoupfl
çons, les mêmes loix fanguinaires , aufli -peu de B
liberté que fous les tyrans les plus ombrageux. I
La tyrannie ariftocratique n'eft pas moins dou*H
loureufe 5 elle eft même plus permanente que la
tyrannie d'un monarque. Un corps ne change gue*
res de maximes j un defpote peut en changer lui* f l
même, ou du moins être remplacé par un fuc-B
ceffeur modéré. Le peuple, fournis à une arifto*g
cratie illimitée, eft tyrannifé pendant des fiècles
par des maîtres qui ne s'écartent jamais de leur!
plan.
Autres caufes _ de dijfolution. Non-feulement la
forme de gouvernement ne garantit point les na-1
tions de la deftru&ion j les chofes même qui > I
dans l'origine, étoient les plus falutaires, finiflew I
par fe tourner en poifons $ femblables aux alimçns ■
les plus fains, l’excès en devient nuifible. Ce» 9
d 1 s
ainfi que la liberté , cet unique gage de la félicité
publique, dégénère en une licence iunelte .
lorfqu'elle n’eft point retenue p a r le s loix qui en
préviennent l'abus. D'un autre c o te , un refpeét
exceflif pour les loix 8c les inftitutions de fes pères
peut devenir très-dangereux, lorfque les changerons
furvenus à l'état les ont rendus mutiles ou
contraires à fes intérêts aétuels. Dans d autres cir-
conftances, le mépris de ces loix conduit à 1 esclavage
ou à la licence , amène tantôt 1 anarchie
& tantôt la tyrannie. Dans une république, une loi
changée produit fouvent une révolution} fous le defpotifme
, il n'en exifte point d'autre que l'intérêt
àétuel du monarque, ou de ceux qui veulent
pour lui.
- Réflexions générâtes* fur la dijfolution des gouvernemens.
Si l'on veut parler , avec quelque clart
é , de la dijfolution des gouvernemens, il faut,
avant toutes chofes , diftinguer la dijfolution de la
fociété , & la dijfolution du gouvernement. Ce
qui forme une communauté, 8c tire les hommes
de la liberté de l'état de nature, afin qu'ils com-
pofent une fociété politique, c'eft le confentement
que chacun donne pour agir avec les autres ,
jçomme un feul 8c même corps , 8c former un
état diftinft & féparé. La- voie ordinaire, qui eft
prefque la feule par laquelle cette union fe dif-
fout, c'eft l'invafion d'une force étrangère qui
fubjugue ceux qui fe trouvent unis en fociété. Car
en cette rencontre, les hommes unis n'étant pas
capables de fe défendre, de fe foutenir , de demeurer
en corps entier 8c indépendant, l'union
de leur corps doit ceffer, 8c chacun eft contraint
de rentrer dans l'état où il étoit auparavant, de
reprendre la liberté qu'il ?.voit, 8c de fonger déformais
à pourvoir à fa sûreté particulière , en
adoptant quelqu'autre fociété. Quand une fociété
eft diffoute, le gouvernement de cette fociété ne
fubfifte plus. Ainfi , l’épée d'un conquérant détruit
fouvent, renverfe, confond toute chofe, 8c
par elle , le gouvernement 8c la fociété font mis
en pièces , parce que ceux qui font fubjugués,
font privés de la prote&ion de cette fociété dont
ils dépendoient, 8c qui étoit deftinée à les con-
ferver 8c à les défendre contre la violence. Outre
ce renverfement, caufé par un peuple étranger,
les gouvernemens peuvent être diffous par des
défordres arrivés au-dedans.
Il Premièrement, cette dijfolution peut arriver ,
porfque la puiffance légiflative eft altérée.
I Si un prince , ou quelques perfonnes mettent
leur volonté arbitraire à la place des loix , qui
font la volonté de la fociété, déclarée par le pouvoir
légiflatif, le pouvoir légiflatif eft changé.
H. Lorfque le prince empêche que les membres
du corps légiflatif ne s'affemblent dans Je temps
qu'il faut, ou que l'affemblée légiflative n'agiffe
avec liberté , 8c conformément aux fins pour lef-
^rjuelles elle a été établie ,. le pouvoir légiflatif eft
altéré, C a r , afin que le pouvoir légiflatif foit en
d 1 V up
fon entier, il ne fuflfit pas qu'il y ait un certain
nombre d’hommes convoqués 8c affemblés> il faut
de plus que ces perfonnes affemblées aient la li--
berté & le loifir d'examiner & de terminer ce
qui concerne le bien de l'état. C e n'eft point un
nom qui conttitue un gouvernement, mais l’ufage
& l'exercice des pouvoirs qui y ont été établis
: & celui qui ote la liberté, ou ne permet
pas que l'affemblée légiflative agiffe dans le temps
qu'il faudroit, détruit effectivement l'autorité légiflative
8c anéantit le gouvernement.
Lorfque le prince , fans le confentement du
peuple, 8c contre les intérêts de l'é ta t, change
ceux qui élifent les membres de l'affemblée légiflative
, ou la manière de procéder à cette élection
, le pouvoir légiflatif eft aufli changé. En
effet, fi le prince fait choifir d'autres que ceux
qui font autorifés par la fociété , ou fi l'on procède
à l’ éleébion d'une manière différente de celle
que la fociété a prefcrite, ceux qui font élus 8c
affemblés de la forte, ne forment point l'affemblée
légiflative qui a été défignée 8c établie par
le peuple.
Lorfque le peuple eft livré & affujetti à- une
puiffance étrangère, foit par le prince , foit par
l'affemblçe légiflative , le pouvoir légiflatif eft af-
furément changé, 8c le gouvernement eft diffous.-
Car le peuple ayant formé une fociété , pour
compofer une fociété entière, libre, indépendante,
gouvernée par fes propres loix j rien de tout cela
ne fubfifte , dès que le peuple eft livré à un autre
pouvoir î à un pouvoir étranger. Le peuple-
! alors rentre dans tous fes droits.
D IV A N . On nomme ainfi la chambre du»
eonfeil, ou tribunal, d’où fortent les décrets de
juftice , ou les ordonnances dans les pays orientaux,
fur-tout chez les turcs. Il y a des divans
de deux fortes, celui du grand-fèigneur,. & celui
du grand-vifir.
Le premier, que l’on peut nommer le eonfeil
d'état, fe tient le dimanche 8c le mardi, dans l'intérieur
du ferai! , par le grand - feigneur , aflâfté
des principaux officiers de l'Empire, au nombre
de fept j favoir , du grand-vifir, du kaimaean, du
vice-roi de l’Empire , du capitan-bacha, du tef-
terdar, du chancelier, des pachas du Caire & de
Boude : ceux-ci en tiennent de particuliers chez
eux , pour les affaires- qui font de leur département
j & comme les deux derniers membres ne-
s'y trouvent p a s , ils font remplacés par d'autres
pachas.
Le divan du grand-vifir, c'eft à-dire, le fieu otï
il rend la juftice, eft une grande folle, garnie feulement
d'un lambris de bois , de la hauteur de
deux ou trois pieds, & de bancs matelaffés &
couverts de drap : cette falle n'a point de porte-
qui ferme. C e divan peut être regarde comme Ie:
grand-eonfeil ou le premier parlement de l'Empire
ottoman. Le premier miniffre eft obligé de rendre'
I la juftice au peuple * quatre fois par femaine * le