
mens, & qui, durant la légation de Bologne, a
dohné de fi grandes preuves de fes lumières lorf-
qu’ il dirigeoit les deflechemens du Bolonois & du
Ferraroisj mais on peut dire que ce travail, -entrepris
plufieurs fois & fouvent abandonné par les
anciens romains, devenu plus confidérable par les
dégâts de tant de fiècles, eft pour les finances
papales un principe de défordre, digne d'une extrême
attention.
Les mauvais principes fur les approvifionnemens,
dont la cour de Rome femble s'être faite une règle
, ajoutent encore à la détreffe du- tréfor.
Nous l'avons déjà d it, il n'y a pïefque point
de commerce, de manufactures ou de cultures
dans les parties les plus voifines de Rome > & dans
les provinces où l'on apperçoit plus de mouvement &
d'aétion, l'induftrie , quant à la culture fur-tout,
y eft enchaînée par des loix qui défendent l'exportation
des denrées. Le gouvernement s'elt fournis
à-des~ pertes énormes , en s'engageant à fournir
au peuple les grains & autres alimens à un
prix bas & toujours uniforme ; il y a des années
où cette difpojition coûté à l'état des fommes très-
confidérables , & il eft bien peu de momens d'abondance
où il puiffe s'en dédommager j d'ailleurs
ce fyftême a néceflité la conftruétion & l'entretien
de plufieurs greniers publics , & des frais de régie
qui augmentent les charges de l'adminiftration
générale.
Tant de caufes de détreffe expliquent affez
pourquoi l’on voit à Rome fi peu d'argent, mais
une immenfité de papiers - monnoie, appellés cédules.
C'eft la chofe la plus difficile & la plus
chère que de réalifer ce papier en efpèces, & les
voyageurs ne manquent jamais de faire des obfer-
vations défavantageufes à l'état j car ils fortent
ordinairement des états de Naples ou de Tofca-
n e , où il y a beaucoup d'or & d'argent.
Cette rareté a un autre inconvénient bien grave :
les habitans de Rome font eux-mêmes perfuadés
que l'état des finances reffemble fort à celui de la
France, â l'époque „qui précéda la déroute^ des
billets de banque.
Les efpèces d'or & d’argent que repréfente cette
immenfité de papier-monnoie, doivent fe trouver
quelque p a r t , & l'on eft embaraffé de dire en
quel endroit. Le déficit 3 s'il y en a , retombe à
la charge du prince, & on ne peut avoir fur ce
point aucun apperçu du défordre des finances.
Mais on feroit affez fondé àpenfer que la valeur totale
des billets-monnoies n'a plus de proportion avec
les cinq millions d’ écus, depôfés par Sixte-Quint
au château Saint-Ange, & les autres fommes dé-
pofées depuis dans le même tréfor. Car en 1764,
on y prit un demi-million d'écus pour les béfoins
publics : on en avoit ôté antérieurement des fommes
plus ou moins fortes} & il paroît qu'on ne
les a pas remplacées dans ces derniers temps.
On évalue la dette connue de l'état de Véglife
à 58,000,000 d’écus romains, & chaque écu vaut
des papes envers leurs familles ; mais que le furplus
a été aépenfé en fecours donnés à Malte & à di-
verfes puiffances de l'Italie , dans les guerres
contfe les infidèles.
Les arrérages que paie l’état font foibles en
comparaifon de ces 58,000,000 d'écus de capital
j ils ne font, y compris les-vacables, que de
7,100,000 liv. de notre monnoie > on’ a fait des
réductions fur les rentés , depuis " l'époque du
règne de Sixte-Quint, où elles' ont commencé.
Il y a toujours des bifarreries dans chaque gouvernement,
& le pape a un revenu perfoqnel, comme
s'il n'étoit pas , au fond , fouverain abfolu des
finances & de tous les départemens , & même
plus abfolu qu'aucun autre fouverain.
Voici donc en quoi confîfte ce revenu perfon-
nel du pape.
Componenda y ou portion double des Sv«
annates qu'il prend......................................... 60,000
Propofitions des églifes qu'il fait par
lui-même dans le. confiftoirè. . . . . . . . . . . . 50,000
Les médailles du jour de S. P ier re.. . 8,000
Culex ( i l des galères.. ......................... 1,200
L'office d'écrivain apoftolique............. 750
T o t a l ............... ■ ..................... 9 9 > 9 f°
S e c t i o n V I I e.
Obfervations fur les réformes dont l'état de /’églife
paroît fufceptible , relativement aux finances, aux
impôts 3 au commerce, a l'agriculture & aux ma-
nufadtures : effet qu'a produit le régime du gouvernement
3 adopté par les papes.
Nous aimons à fonger, en commençant ce morceau
, que le fouverain pontife aCtuel eft très-éclai-
r é , & qu'après avoir établi une fi belle réforme
dans le Bolonois, il eft difpofé à faire , dans les
autres parties de l'adminiftration , les autres chan-
gemensque lui permettront lescirconftances. Nous
le voyons d'ailleurs fécondé par un fecrètaire. d'état
qui jouit de fa confiance, & qui a montré un
courage & des lumières 3 dont on peut tout e£-
pérer. •
Nous obferverons, avant d'entrer en matière,
que fi l'adminiftration de l'état de Véglife a eu
quelque chofe de défectueux jufqu'à préfent, on
C’eft pe qu’on appelle familièrement en Italie un petit revenant-bon.
ne
ne peut lui reprocher du moins les violences, il
y a bien peu de gouvernemens plus modérés que
celui de Rome. Malgré cette multitude de droits
fi mal affis & fi mal calculés, le peuple paie peu
d'impôts j & il jouit d'une liberté de penfer , de
.parler & d'agir, qui n'eft pas commune, ' j
Lorfque le pape manque de fermeté > lorfqu'il
craint trop les petites intrigues & les petits caquetages
î lorfqu'il fe fouvient trop de ceux qu il
a vu à l'époque de fa vie , où il étoit dans la
foule des fujets, il n'eft, malgré fon autorité ab-
folue, que le chef d'une ariftocratie compofee des
cardinaux , des grands du pays & .d e ceux des
étrangers , à qui la naiffance, le crédit & la fortune
donnent beaucoup de confideration j & les
diverfes provinces deviennent des efpeces de républiques
, q u i, en vertu de leurs loix & de leurs
conventions, ne refpeClent le pouvoir > ni des légats
, ni des gouverneurs. C'eft la molleffe d'une
longue fuite de règnes qui a donné tant de con-
fiftance aux abus : toutes fortes de raifons engagent
un pape à déployer de là fermeté y & ceux
même qui, trop frappés des obftacles qu'éprou-
veroit une réforme cpmplette, ne fongent pas a
la commencer, devroient fe dire : j'a i befoin d'une
extrême fermeté , f i je ne veux pas que les abus augmentent
ou fe confondent fous mon règne. Les voyageurs
& les obfervateurs fuperficiels vous difent
que le pape a tout à craindre, s'il eft un homme
de mérite. Quelle pitoyable frayeur ! & que crain-
droit le pape, la révolte de fes peuples ou la de-
pofitiori ? Il n'a point à redouter la révolte des
peuples j à moins qu'il n'appefantiffe fur eux le
joug de la tyrannie > & quant à la dépofition, les
cardinaux ne compromettront jamais leur grandeur
& leur autorité dans une pareille entreprife. Ils
favent trop bien que ce fcandale les perdroit aujourd'hui
, & que l'état de Véglife, fondé fur l'opinion,
plus que fur toute autre bafe, courroit dp
grands rifques.
On peut dire qufà chaque nouveau règne, l’ad-
miniftration aura befoin d'un degré plus grand de 1
modération & de fageffe. Le progrès de lumières,
& le defir naturel aux princes d'affranchir leurs
fujets de toute efpèce de domination étrangère ;
l'intérêt du fifc , & l'exemple de quelques pays
catholiques , même de ceux qui ont donné les
preuves les plus multipliées d'obéiffance au faint-
fiège, exigent de la part du fouverain pontife &
de fon confeil, beaucoup de raifon & d'efprit 5
ils ont befoin fur-tout de cette noble adreffe qui
fe foumet aux circonftances , fans trop compromettre
fes droits.
Les fots propos, les petites épigrammes & les
• vengeances puériles ne doivent point rallentir le
zèle des papes & de ceux de fes miniftres qu'échauffe
l'amour du bien public. Le gouvernement
de Rome, par la nature des chofes, excitera toujours
des plaintes & des murmures. Les princes
romains oublient qu'ils doivent leur élévation aux
(Scon. polit. & diplomatique. Tom. II.
pays fortis de leurs familles} lorfqu'oti leur donne
pour fouverain un homme né dans une condition
.obfcure, leur orgueil eft bleffé > la morgue des grandes
maiïbns, fi commune en Italie, fe trouve ainfi
punie par les tourmens de la vanité, & c'eft tant
mieux.
On ne peut efpérer une réforme complettè des
abus ; mais il en eft plufieurs qu'il feroit fafcile
de fupprimer. On ne nous perfuadera point, par
exemple , que des obftacles trop puiffans s'oppo-
fent a l'abolition du commerce exclufif du bled
& de la viande que fait le gouvernement. Nous
ne craindrons pas de dire que le monopole ,
continué fi long-temps, auroit eu des fuites bien
plus funeftes encore dans tout autre pays. Mais
fi la modicité des dépenfes de l'adminiftration, fi
la douceur du gouvernement à tant d'autres égards
ont tempéré dans l'état de Véglife les effets d’ un
fi mauvais régime, le défordre des finances & l'in-
difpenfable néceflité de rendre quelque activité a
la culture. & à l’induftrie, ne permettent plus de
laiffer au fifc cette branche de commerce.
Le défordre qui fe trouve dans les finances,
l’embarras du fifc , les effets qui réfultent pour
le tréfor, de la nature des impôts & des privilèges
exclufifs, ‘ exigent tous les foins de l'admi-
niftration j & nous allons entrer dans des détails
de toute efpèce, afin de concourir à fes travaux,
autant que nos foibles moyens le permettent. La
circonfpeétion & la mefure deviennent fur - tout
indifpenfables i c i , & nous tâcherons de remplir
ce devoir.
i° . Il paroît par l'état des finances rédigé
fous Clément X I , en 1 7 1 1 , que les revenus
du pape montoient à quinze millions de liv. tournois
j ainfi, loin d'avoir augmenté depuis cette
époque,-ils femblent avoir diminué \ & rien ne
prouve mieux la négligence & les vices de l’ad-
miniftration. C e rapprochement eft bien extraordinaire
, puifque les revenus de la plupart des
états de l'Europe ont doublé, triplé, quadruplé
& même fextuplé dans le même efpace de temps :
pour n'en donner qu'un exemple , les revenus de
la France, en 1 7 1 2 , n'étoient que de cent millions
, & ils font aujourd'hui de plus de cinq cents ;
& fi la France n'en éft pas devenue cinq fois, mais
feulement trois fois plus riche, parce que la valeur
du marc d'argent a doublé, l'état de Véglife , loin
d’avoir augmenté fa fortune, eft devenu de moitié
plus pauvre. Par quelle fatalité les domaines
du pape n'ont-ils pas profité de l’accroiflement
de numéraire & de richeffes qui s’ eft fait en Europe
? Cette uniformité des revenus feroit digne
d'éloges, fi les habitans de l'état de Véglife vivoient
dans l'abondance, & fi la fageffe de l'adminiftration
l'avoit dirigée : on verrait avec plaifir une
nation qui dédaigne les richeffes faélices, tandis
que tous les peuples s’agitent aujourd'hui pour
avoir beaucoup de métaux 5 des vues fi fimples
Sc fi raifonnables, au milieu de cette fureur de
H h