rée à ceux qui n’ont point préféré la commutation
j & que chaque état a pris des arrangemens
folides pour qu’on les paie avec exa&itude j on
peut revendiquer avec plus de fermeté les loix
fondamentales de l’union & les loix conftitutives
de chaque province.
Les droits du corps légiflatif de chaque, province
font évidens. Quand l’afiociation des Cincinnati
feroit indifférente en elle-même, il feroit encore
le maître de l’abolir : la volonté générale
des citoyens forme la loi dans les Etats- Unis y
& pour ordonner ce facrifice , il n’eft pas nè-
ceflaire qu’il ait d’excellentes raifons. Les af*
femblées de Maffachufett, de Rhode-Ifland & de
Penfylvanie ont déjà condamné fes principes 5 &
en achevant leur ouvrage, elles entraîneront infailliblement
les autres états. Que pourroient-elles
craindre ? des troubles d’un moment : ces troubles
n’ont rien de dangereux : que feroient les
officiers fans les foldats ? & les foldats redevenus
citoyens fe déclareront contre les Cincinnati. Elles
auront d’ailleurs l’appui du congrès & de pref-
que tous les habitans des nouvelles républiques }
& avec ce fecours , on peut braver les petites intrigues.
Mais à quelle époque le corps légiflatif doit-
il développer fa puiffance ? Au moment où les
Cincinnati termineront leur aflemblée de l’année prochaine
: s’ils n’aboliflentpas alors leur aflfociation ,
les citoyens doivent fe hâter ; car chaque jour de
délai mûrit des germes de divifion funeftes aux
Etats-Unis. Parce que l’affociation n’a point de
Chartres j parce qu’il eft bien décidé qu’elle n’en
obtiendra point ; parce qu’elle eft à peine tolé-
tée , & que les aigles & les rubans ont difparu,
qu’on ne croyepas pouvoir attendre: il faut, pour
l’honneur de là loi ^ qu’on fafle ceffer tout de
fuite leur infra&ion. C ’eft lorfque les démocraties
s’établiflent , qu’il convient fur-tout de donner
un bon exemple, & d’arrêter vivement tous
ceux qui ne refpeétent pas la conftitution.
Y auroit - il de l’inconvénient à ordonner ,
qu’après la mort de M. Washington jjj ou après
line époque de dix ans , les Cincinnati porteront
au tréfôr de leur province, leurs aigles, leurs
papiers & leurs caiffes ; que les aigles alors feront
fondus , & les papiers brûlés, & que l’ af-
femblée générale de la province difpofera de
leurs fonds. Nous croyons avec l’ un des hommes
les plus inftruits de l’Amérique, que cette déférence,
fi raifonnable , au premier coup d’oe il,
auroit des dangers } & qu’on fatisfera à ce qu’exige
la prudence , fi on conferve les égards & l’attachement
dus aux officiers } que l’afiociation n’au-
roit que trop de fuites fâcheufes, lors même
qu’on l’aboliroit demain} & que les préjugés &
les traditions funeftes, n’ont pas befoin d’un fi
long intervalle pour jetter de profondes racines.
40. Si les officiers américains, u M. Washington ,
fi les corps légiliatifs des différentes provinces,
mettent ici de la nonchalance, le congrès qui veillé
à la profpérité des treize républiques , & qui par
l’aéte fédératif, à l’infpeétipn ou le régime, de tout
ce qui tient au bien général de l’union, pourra s’occuper
de cet objet. Si on y difcute l’aflociation des
Cincinnati 3 on y trouvera fans doutedes divers
fujets d’inquiétude , que nous avons énoncé , &
une réfolution folemnelle avertira tous les ci-
toyens^ des Etats- Unis 3 cme cette fociété bleffe
les conftitutions & les lo ix , quelle eft encore
dangereufe, fous un grand nombre de rapports y
& qu’il eft néceffaire de l’abolir entièrement. Le
Congrès n’auroit pas le droit d obliger, chacun
des é ta ts, à fe conformer à fa réfolution ; mais
après un expofé des motifs, qui auroientdéterminé
fon jugement, il leur recommanderoit de don--
ner à ce jugement force de loi > & il y a lieu
de croire que les treize provinces ne tarderoient
pas à l ’adopter.
S e c t i o n X e.
De la population 'des Etats - Unis
La population doubloit tous les quinze ou feize
ans dans quelques-unes des colonies angloifes qui
font devenues des états libres, 8c tous les dix-huit
ou vingt ans dans les autres. Cette foule d’irlandois,
de juifs , de françois & d’ allemands qui , fatigués
de la misère qu’ils éprouvent en Europe,
vont chercher la tranquillité dans ces climat loin*
tains, contribuoit à une multiplication fi rapide ;
mais fa principale caufe étoit là nature du pays,
où l’expérience a démontré que la population
double naturellement tous les vingt - cinq ans.
M. Franklin explique ce phénomène d’une ma*
nière judiçieufe.
é« Le peuple, dit-il, s’accroît par-tout en raL
» fon. du nombre des mariages } & ce nombre
» augmente à proportion des facilités qu’ on trouve
m à foutenir une famille. Dans un pays où les
39 moyens de fubfiftance abondent , plus de per*
33 fonnes fe hâtent de fe marier. Dans une focié-
33 té vieillie par fes progrès mêmes, les gens ri-
33 ches , effrayés des dépenfes qu’entraîne le luxe
33 des femmes, forment, le plus tard qu’ ils peu-
33 vent un établiflement difficile à cimenter, coû- 33 teux à maintenir} & les gens fans fortune paffent
33 leur vie dans un célibat qui trouble les ma-
»3 riages. Les maîtres ont peu d’enjpns } les do-
» meftiques n’ en ont point; & les'artifans crai-
33 gnent d’en avoir. C e défordre eft fi fenfible *
33 fur-tout dans les grandes villes , que les géné-
33 rations ne s’y* reproduifent même pas affez pour
33 entretenir la population à fon niveau, & qu’on
33 y voit conftamment plus de morts que de naif-
33 fances. Heureufement, cette décadence n’ a pas 33 encore gagné les campagnes , ou l’habitude de 33 fournir au vuide des cités, laiffe un peu plu$
33 de place à la population. Mais comme toutes
33 les terres font occupées & mifes à peu-près
3« dans la plus grande valeur, ceux qui ne peu- j
33 vent acquérir ces propriétés .font aux gages de
33 celui qui pofsède. La concurrence qui naît de
39 la multitude des ouvriers , tient leur travail a
33 bas prix , & la modicité du gain leur ùte le
33 defir, l’efpérance & les facultés de fe repro-
» duire par les mariages. Te l eft 1 état aétuel de 35 l’ Europe.
• « Celui de l’Amérique offre un afpeét tout op-
M pofé. Le terrein, vafte & inculte s y donnoit,
»3 avant la révolution , ou pour rien , ou a bon
* marché } depuis la paix, il y eft encore à fi bon
39 marché, que l’homme le moins laborieux trou-
33 y e , en peu de temps, un efpace qui, pouvant
33 fuffire à l’ entretien d’une nombreufe famille,
3Vy nourrira long-temps fa poftérité. Ainfi , les
33 habitans des Etats - Unis fe marient en ;plus «9 grand nombre , 8c beaucoup plus, jeunes que
33 les habitans de l’ Europe. S’il fe fait :ici un ma-
» riage par centaines d’individus, il s’en fait deux
33 en Amérique} & fi l’on compte quatre enfans
33 par mariage dans nos climats , il faut en comp-
, »b ter huit au moins dans le nouvel hemifphere.
93 Q u’on multiplie ces générations par celles qui
33'en doivent naître^, & 1 on trouvera qu avant
33 deux fiècles, les nouvelles republiques doivent
» avoir une population immenie , a moins que
33 des obftacles, qu’il n’eft pas aife de prévoir,
33 n’en rallentiffent les progrès naturels. 33
Si la guerre que les Etats-Unis viennent de
terminer a troublé l’accroiffement de population
qu’ils auroient éprouvé dans le meme^ -intervalle
de paix , le nombre des habitans de \ Amérique
qu’a détruit le glaive des armees britanniques,
n’ a guères diminué les habitans } & la multitude
de foldats anglois & allemands qui ont été pris
par les américains, qui ont abandonné leurs drapeaux^
ou qui à la fin des hoftilités n’ont pas
voulu revenir en Europe , les étrangers , que la
guerre y a attiré ,N ou qui , malgré fes ravages ,
n’ont pas attendu le traité de pacification pour y
former leur établiflement, compenfent cette perte.
Si l’on en croyoit des calculs qui font bien fautifs,
la population des Etats-Unis auroit e u , pendant
la guerre , un décroiflement affez confidé-
rable ; & c’eft ici le lieu de montrer l’ignorance,
la fortifie ou la mauvaife foi des gazetiers , ou
des écrivains qui ne rougiflent pas de les copier.
. Les uns difent qu’ au commencement de la guerre
, les Etats-Unis comptaient environ 400 mille
noirs, & deux millions 5 ou 6 cents mille blancs }
d’ autres , que le dénombrement, préfenté au congrès
en 1775 , montait à 3 millions 137,809 habitans.
Quelques-uns obfervent enfuite que le dénombrement
de 1783 a indiqué feulement 2 ,389,000 âmes,
& ils fe hâtent d’en conclure, que la population des
Etats-Unis a diminué de plus de fept cents mille
perfonnes, pendant les fept années de guerre.
Voici les faits dans toute leur exactitude. Le
congrès ti’a jamais rien publié fur la population
des Etats-Unis y & il n a jamais p u le faire } car
il n’y a point encore eu de dénombrement exaCt,
& aucune de fes réfolutions n’ indique le nombre
des habitans des diverfes' .provinces. Le 22 juin
177J 3 il fe décida pour la première fois a mettre
du papier-monnoie en circulation, & la fomme
fut de deux millions de piaftres, Il déclara alors
que les douze colonies liguées } ( la Géorgie; n a-
voit pas encore accédé à la ligne).}- feroient cautions
du rachat de ce papier. Afin de déterminer
la fomme' pour laquelle ichacune des provinces
feroit engagée , on priâmes-repréfentans de chacune
des provinces d’évaluer le nombre des
habitans par approximation , mais ^avec le plus
d’exa&itude qu’ ils pourroient. Ils n’étaient point
du tout préparés à cette évaluation : ils donnèrent
cependant leurs conjectures. Nous allons les
rapporter ainfi que la maniéré dont on répaitk
les deux millions de piaftres.
jHabitans blancs ou noirs.
Nouvel-Hampshire 100,060’ *
Maflachufett. . — 3 y»,000 ,
R h o d e - I fla n d .... 58,00.0. >
Conneéticut .‘ . . . . 200,000
NouvélTe-York. . . . 200,000
Nouveau-Jerfey . . 130,000: ■
Penfylvanie......... .. 300,000..
DelaWare . . ----------- 30,000
Maryland . . . . . . . . ’ 2y0,000. .
V irginie.................. < ' 400,000.
Caroline feptfentr. t >2op,ooo. .
Caroline méridion. 200,000.
2,4 i:8,ooo.
cottifation.
8 z,7 13 p is te
■ 289.496
165.426
165.426
1S 7 ,'517
.248,139 24,013 . 206,763
■3'3 o  S i
.165,426
.165,4.26 ,
.2,000,000 piaftr.
Nous avons déjà dit que la.Géorgie ne;s étoit
pas encore liguée avec le§ autres, étaw ; on eva,
luoit fa population, à environ 3Qjp;co âmes, qu il
faut ajouter-aux 2,418,000. Nous obferverons que
(î le congrès fit :de ce dénombrement la^ bafe de
la cottifation, il ne lui donna, pas même ■ une
placé dans fes journaux ; & qu'il fut'bien éloigne
de le publier, revêtu de fa fanélion. Voici com2
ment il s'eft répandu dans le public ; à mefure
que les députés indiquèrent le nombre d'habitans
qu'ils évaluoient pour leur province.', le fecrètaire
du congrès l'écrivit fur un morceau de papier ; il
calcula la cottifation des deux millions de piaftres,
d'après cette règle, & il infcfivit la fomme fur
les regiftres. Mais les députés, pour leur fatif-
faéliôn & pour l'inftruétion de leurs compatriotes,
prirent copie des états de population. Ces états
furent mis dans les papiers publics ; & lorfque les
gazetiers anglois jugèrent qu'il feroit utile à leurs
vues de comparer ce prétendu dénombrement avec
celui de 1783, comme leur principe eft de mentir
hardiment, afin qu’on ne les foupçonne pas
de menfonge; ils le portèrent à.5,137,809habitans»