
dans la première époque de l’hiftoire des colonies ,
quand l’adminiftration appartenoit aux premiers
émigrans, qui, étant des laboureurs pour la plupart
j avoient l’efprit borné & de la dureté dans
le cara&ère. En Virginie, les loix ne permettoient
de prolonger leur fervitude que deux jours, lo rs qu’ils
s’abfentoient vingt-quatre heures fans per-
miflion. Cette efpèce de Servitude étoit fi douce,
qu’afin de s’inftruire , dans la culture du pays, des
étrangers qui apportaient en Amérique affez d’ar-.
gent pour payer leur partage & acheter une ferme
, donnoient très-fouvent une certaine Somme
siu colon qui vouloit les prendre à Son Service durant
trois ans. Les pauvres de l’Europe qui Se réfugient en
Amérique, y rendent leur fort plus heureux j le fait
eft sûr, on ne doit pas le contefter, & ils consentir
tiront à acheter cette transplantation au prix de
deux ou trois ans de Service. Durant ce- Service,
ils font mieux nourris , mieux vêtus j on leur im-
pofe des travaux plus légers qu’ en Europe. En
prolongeant leur Service d’ un petit nombre d’années,
ils achètent une ferme > ils Se marient, & ils
jouiffent de toutes les douceurs de la vie domef-
tique. On reproche aux républiques d’Amérique
de permettre une efpèce de Servitude qui eft la
Source du bonheur de ces infortunés. Mais que demande
t-on ? Faut-il que les Etats-Unis payent le
paftage de tous ceiix-qui voudront y chercher un
afyle ? Ils ne le peuvent pas , & , s’ ils le pou-
voient, les frais leur paroîtroient au - deffus de
l’acquifition : veut-on qu’ils éloignent les pauvres
de leurs rivagos ? Ceux qui connoiffent les reflour-
ces de la claffe indigente du peuple en Amérique
& en Europe , ne donneront jamais ce confeil,
s’ ils écoutent la voix de l’humanité. On dit que
ces pauvres émigrans Sont trompés par des em-
baucheurs : mais ces délits Se commettent en Europe
, & comment les gouvernemens d’Amérique
pourroient-ils les empêcher ? C ’ eft aux Souverains
de l’Europe qui voient ces actions fous leurs yeux,
& qui en dïuient des dommages, à les arrêter.
Enfin ce n’eft qu’ en Europe qu’ on entend de „pareilles
plaintes. Ceux des pauvres émigrans qui
ont é té , ou qui Se trouvent au Service des américains
, font en général Satisfaits , & il y en a très-
peu qui regrettent d’avoir paffé la mer. Nous ajouterons
que ces détails ne Sont pas du reffort du cor-
grès j qu’ils appartiennent aux aflemblées légifla-
tives des divers états , & qu’ ainfi on auroit de la
peine à établir un régime uniforme dans toutes
les provinces.
Nous avons Suppofé, dans les observations précédentes
, que les diverfes provinces d’Amérique
ne cherchent point à attirer les pauvres européens,
que leur misère met dans l’impoflibilité de payer
leur partage > car fi elles encourageoient les emb
auché e s, nous ne craindrions pas de dire que
cette manière d’attirer des. citoyens eft peu convenable
à une terre de liberté. Les habitans des
colonies ont pu avant la révolution defirer un plus
grand nombre de bras ; mais ils auront tort, s’ ils
cherchent à accroître promptement leur population
: on verra , dans la dixième fe&ion, qu’il
Seroit plus raisonnable & plus avantageux de l’attendre
des progrès du temps.
Le traité de 1763 ayant mis les deux-florides,
une partie de la Louifiane & tout le Canada fous
la dominatiqn de la Grande - Bretagne, elle Se
trouva maitrefle des vaftes contrées qui s’étendent
depuis le fleuve Saint-Laurent jufqu’au Miflilfipi.
Elle poffédoit d’ailleurs la baie d’Hudfon, Terre-
neuve 5 & les autres ifles de l’Amérique Septentrionale
j & elle s’étoit ainfi formé dans le nou-
veau-Monde un empire dix fois plus étendu que
l’Angleterre, l’Ecoffe & l’Irlande réunies.
C e vafte empire étoit coupé du nord au Sud
par une première chaîne de hautes montagnes,
q u i, s’ éloignant & Se rapprochant des côtes
biffent entr’elles & l’Océan, un territoire de cent
cinquante, de deux cens , quelquefois de^ trois
cens milles. Quelques voyageurs avoient pénétré
Sept ou huit cents lieues au-delà des monts Apa-
laches 5 mais on connoiffeit peu la topographie de
ces cantons. On y avoit découvert d’autres chaînes
de montagnes & de longues vallée? •, onrima-'
ginoit que des fleuves qui coulent à l’extrémité
de ces lieux Sauvages, vont Se perdre dans Ja
mer du Sud $ & , dans l’ivreffe de profpérité &
de gloire qui s’empara des anglois, ils crurent
qu’ ils embrâfferoient un jour toutes les branches
de la communication & du commerce du nouveau-
Monde. En partant d’une mer de l’Amérique à
l’autre Sur leurs propres terres-, ils comptôient
toucher, pour ainfi dire, à la fois aux quatre
parties du globe j leur imagination chargeoit &
expédioit des vaiffeaux de tous les ports de la
Grande-Bretagne & de fes comptoirs de l’Afrique
pour le nouveau-Monde j elle formoit peut - être
le.projet d’en envoyer quelques-uns, de Ses pop
feflions dans les mers orientales, aux Indes occidentales
par la mer pacifique. Elle Se croyoit déjà
maitrefle de toutes les portes du commerce, & elle
efpéroit en garder les clefs avec Ses nombreuses
-flottes. Elle fongeoit peut-être à dominer fur les
deux-Mbndes, -par l’empire de toutes les mers.
Les colonies elles^mêmes s’ enorgueiîliffoient d’appartenir
à un empire aufli redoutable & aufli
puiffant ; Satisfaites de l’ aifance & du bonheur
que leur procuraient la culture, le commerce &
d’ affez bonnes lo ix , elles ne fongeoient point a Se
Séparer de la métropole ; attachées à la nation
britannique par 1a fierté , par la réconnoiffance &
les befoins, elles ne voydient pour elles aucun
avantage à former des états libres $ & quand elles
en auroient v u , elles manquoient de trop de choses
pour Se livrer à une entreprise aufli difficile.
Mais , s’il y a des époques dans l’Hiftoire où une
grandeur fi prodigieufe a pu entrer dans la deftinée
d’ un Seul peuplé, ce n’étoi| pas au milieu des
"lumières & de l'inquiète aftivitéde tous les pen-
“ “ modernes, ^quelques années ont fuffi pour
diffiper tous ces fantômes BïiUans. .
ïsîous indiquons à A r t ic le particulier de chacun
des Etats-Unis la pofition dans laquelle fe trou
voient les colonies de l'Amerique fe]?ten« ‘° ? a
au moment où la plupart d entr el es ,
leur indépendance. Nous nous contoeterons f |
dire ici que toutes les colomej de 1 Amer que aa
gloife n'avoient pas la même forme de gouverne
ment. Celui de la Nouvelle - Ecoffe,J # deux
provinces de la Nouvelle-Angletert ,
velle-Yorck, de la Nouve le-Jerfey , de la V .
ginie, des deux Caroline* &. — g
-innpllé roval parce que le roi a Angletene y
exerçoit la Suprême influence. Les députés du peu-
T y f o rm o l : 1 a chambre-baffe, cornu, e dansfa
métropole. Un confeil aPprouv.e P1r, la, ':° “ r î
établi pour foutemr les prérogatives de la cou
tonne i y repréfentoit la chambre des pairs, &
les perfonnes les plus diftinguées du pays en etoient
les membres. Uu gouverneur V
prorogeoit, y terminoit les affemb ees, donnoit
OU refufoit le contentement à leurs deliberations,
qui recevoient de fon approbation force de lo i ,
jufqu’à.ce que le roi d Angleterre les edt rejetté'Le
Maryland , la Penfylvanie & la Delaware
étoient demeurés foumifes a une fécondé elpece
de gouvernement, connue fous le nom de Hou_-
vemement propriétaire. Son origine n avoit n e n .«
refpeftable. Lorfque la nation angloife s établit
dans ces régions éloignées, un coumfan obtenoit
facilement, dans des déferts aufli vaftes que des
’ royaumes, une propriété & une autorité fans
bornes. Là couronne qui fe refervoit un ftetile
hommage, accordoit à un homme en crédit le
droit de régner ou de gouverner a fon gre dans
un pays inconnu. Les colons & le_ cabinct de
Saint-James ne tardèrent pas à fent'.r 1 înjuitice
& les abus de cette forme de gouvernement donnée
d'abord à toutes les colonies. Les trois provinces
où elle fe trouvoit encore établie a 1 époque
de la révolution, étoient venues à bout d en
fans qu’elles euffent hefoin de l'approbation du
monarque , fans qu'il eût le droit de les annuller.
réprimer les excès. Le Maryland ne différoit des
autres provinces voifines, qu'en ce qu'il recevoir
fon gouverneur de la mal fon de Baltimore, dont
le choix devoitêtre approuvé par h cour. Le gouverneur
de la Penfylvanie / nommé par la maifon
-propriétaire, & confirmé parle roi, ii'avoit point
de confeil; & dénué de cet appui, il luttoitdifficilement
contre les communès qui s emparoient
peu-à-peu de toute l'autorité; Toutes lea provinces
dé la Nouvelle-Angleterre avoient ete altu-
jetties à un troifième régime , que les anglois
nomment charter government ; mais il ne fubiiltoit
plus que dans le Conneéticut St a Rhode-Inand :
c étoit une démocratie. Les citoyens élifoient, de-
pofoient eux-mêmes tous leurs officiers, & fai-
foient toutes les loix qu'ils jugeoient à propos,
H . . . , , . , r
Le gouvernement des colonies s etoit donc formé
au hafard ; la Grande-Bretagne n'y ayant pas
établi le régime politique fur une bafe ferme oc
fur des principes équitables, les colons ne pou^
voient avoir pour la métropole cet amour qu inl-
pire une fage adminiftration. La douceur de leur
jurifprudencfr criminelle & ces loix facrees qui
maintenoient leur liberté civile & leur donnoient
la paflion de la liberté , faifoient regretter les gènes
mifes à leur liberté politique, & ils ne Pou*
voient refpe&er beaucoup les aétes legiflatifs d une
nation qui avoit montré fi peu de fageffe dans la
direftion de fes colonies. L e clergé établi dans
ces colonies, loin d’infpirer une foumiflion aveugle
aux ordres de l’adminiftration, y prechoit la
réfiftance aux décrets de la m&ropole , & il en
donnoit l’èxemple luhmême. On n’avoit jamais pu
y établir de puiffance ecclefiaftique. loutes les
affaires qui, en d’autres régions, reffortiffent d un
tribunal facerdotal, furent portées devant le ma-
giftrat, ou dans les aflemblées nationales. Les efforts
que firent les anglicans pour établir leur
hiérarchie, échouèrent toujours, maigre 1 appui
que leur donnoit la faveur de la métropole. C e pendant
ils participèrent à l’ adminiltration, aintt
que les autres feétes. Les feuls catholiques en turent
ëxclus, parce qu’ ils fe refûfoient aux fermens
que patoiffoit exiger la tranquillité publique.
S e c t i o n I I e.
Quellés ont été les caufes de la. révolution, & précis
hijlorique de cette révolution.
Un auteur que tout le monde connoit, a ttaoe
les caufes de la révolution d’une maniéré fi brillante,
fi précife & fi e x a fte , qu’on nous permettra
de profiter ici de fon travail. Une pre-
fomption que nous n’avons pas, pourroit feule
déterminer à refaire ce morceau, & les lecteurs
qui examineront les recherches & les foins que
nous a coûté chacune des autres fections, nous
pardonneront fans doute l’économie de teins que
nqus nous fommes ménagé dans la plus grande
partie de celle-ci. , A /•
. « Les premiers, colons qui peuplèrent 1 Amérique
feptentrionale, fe livrèrent d abord uniquement
à la culture. Ils ne tardèrent pas a s appercevoir
que leurs exportations ne les mettoient pas en état
d’acheter ce qui leur manquoit, & ils fe virent
comme forcés à élever quelques manufactures
grolfief.es. Les intérêts de la métropole parurent
choqués par cette innovation. Elle fut.deferee au
parlement, ou on la difeuta avec toute 1 attention
quelle méritoit. Il y eut des hommes affez courageux
pour défendre la caufe des colons. Ils dirent
que le travail 4 is champs n occupant pas les