
Çour bornes de fortes barrières, & qu'elle s*eft
établie de l'Océan jyfqu'aux Pyrénées , aux montagnes
de la SuifTe & au Rhin, & qu'elle touche
vers le nord, à cres Pays-Bas qui lui préfentent
des domaines de l'Autriche , quelle envahiroit
aifément en cas de guerre j li elle portoit fes
vues ambitieufes plus loin , elle exciteroit la ja-
loufîe de toutes les autres nations; elle auroit
ttop de peine à garder fes conquêtes au-delà du
Rhin , & le moindre revers de fortune feroit l'époque
de fajdécadence. Ainfi le premier point de fa
politique femble devoir être de fe maintenir au point
ou elle fe trouve. Le fécond, d'augmenter, par
tous les moyens poffibles, fon commerce & fa
navigation. Ces conquêtes de l’induftrie font plus
avantageufes que celles;des armes ;• &. lorfqu'une
fois on a procuré à l'état une confirtance & des
jreflources folides , il eft aifé d'agrandir fes domaines
lorfqu'on en a la fantaifie. Il paroît qu'on
s'attache aujourd'hui à fuivre cet excellent princ
ip e , négligé très-Iong-temps. Le troifième ob-
jet de fa politique eft , difent quelques écrivains,
de divifer les autres fouverains de l'Europe ,
pour dominer 8c ne rien craindre : mais de pareils
foins font indignes d 'e lle ,.& elle peut dédaigner
ces petites combinaifons de la foibleflfê.L
Le Portugal , fans pouvoir beaucoup nuire à
la France , peut lui être utile dans dès rapports
de commerce , ou par dés diverfions en Europe
ou aux Indes, qui foient favorables à la cour dé
Verfailles. Mais depuis que des princes de la maifon
de Bourbon occupent le trône d'Efpagne ,
le cabinet de Lisbonne fe fiera moins à la France
qu'à l'Angleterre qui n'a point d'intérêts de famille
à ménager, qui a befôin des vins , de l'or
des autres productions des domaines portugais,
& qui jufqu à prefent lui a toujours prêté
le fecours de fes efcadres. La France néanmoins^
doit vivre en bonne intelligence avec le Portugal,
afin d'y obtenir une portion plus confidérable du
commerce, & y augmenter le débit de fes manufactures.
Le cabinet de Verfailles , avant fes
liaifons avec celui de Vienne, s'efforçoit d'em-
pecher que le Portugal ne donnât des fecours en
argent à la maifon d’Autriche , lorfque cellé-ci
étoit en guerre avec la France^ car les liaifonsi
de parenté , formées par des mariages entre cette
maifon & celle de Bragance , infpirent à la cour
de Poitugal des fentimens d'amitié1 pour la cour
de Vienne. V o y e£ i'article P o r t u g a l .
Louis X IV fit une grande opération politique,
lorfqu'il plaça une branche de la maifon de Bourbon
fur le trône d'Efpagne ; il éteignit ou du
moins il affoiblit- cette longue haine nationale &
cette rivalité dans les intérêts politiques , entre
les efpagnols & les François. Tant que des princes
autrichiens portèrent la couronne d’Efpagne,
ils mirent des entraves aux progrès de la France ;
& lorfque celle-ci projettpit de s'agrandir, l'Ef-
i>*»gaç l'arrêtoit toujours parquelqu'endroit. S i ,
en 1 7 1 1 , Philippe, dnc d’Anjou, renonça 3
tous fes droits au trône de France-, fi Philippe ,
duc d’Orléans , petit-fils de France, renonça auffi
de la manière la plus folemnelle au trône d'fcf
pagne ; fi les puiffances qui concoururent au traité
d’ Utredit, ont pofé pour principe fondamental
& irrevocable , que les fceptres de France Se
d Efpagne ne pourront jamais être réunis, on n a
pu empecher que deux princes d’une même maifon
ne fuffent unis, de coeur & d’intéiêt, & que
des mariages formés depuis dans la même famille,
ne refferralfent cette union. La maifon de Bourbon
poffède les royaumes de f rance , d'Efpaane ,
de Naples, de Sicile, le duché de Lorraine' &
de Bar, Parme & Plaifapce, une partie de la
Lombardie, & les portions de l’Amérique, qui
fournifient des matières fi précieufes au commerce
de tous les pays. Cette maffe de puiflance bien
dirigée, la rendrait plus redoutable qifaucune autre
maifon fouveraine : le cabinet de Verfailles
fentira toujours combien il lui importe de fortifier
déplus en plus l'union des diverfes branches *
par de nouveaux mariages , & de ménager
adroitement l'amitié du roi & du miniftère
d’Efpagne. C e royaume a d'ailleurs befoin d une
quantité confidérable de productions que la France
peut lui fournir avec plus de facilité & à meilleur
marché que l’Angleterre. Voyeç l’article Espag
n e .
La rivalité de l’Angleterre & de la France eft
bien ancienne, & l’on ne peut guères*en efpéreç
la fin. Les démêlés de ces puiflances & l ’antipathie
naturelle entre les deux nations , ont verfé
des flots de fang, fans éteindre leur animofité.
Voici les principales caufes de cette rivalité :
t° . la fituation locale & le voifinage des deux
royaumes, qui produit mille différends entre les
peuples : i ?. les anciennes prétentions de l’Angleterre
fur plufieurs provincés de la France, telles
que la Normandie, la Bretagne, la Guien-
n e , les villes de Calais, Dunkerque, &c. y°.
le titre de roi de France , que le roi d’Angleterre
conferve toujours : 40. la domination fur la mer
que l’Angleterre s’eft toujours efforcée d’établir,
& à laquelle le cabinet de Saint James ne fau-
roit jamais renoncer, fans perdre la moitié de
fes forces : j ° . lés efforts des deux nations pour
donner de l ’énergie , de l'acitivité & de la fupé-
riorité à leurs manufactures, à leur commerce Se
à leur navigation : 6°. les poffeifrons des anglois
& des françois aux Indes, & avant- le traité de
ly f y leurs poffeffions dans le continent de l’Amérique,
dont les limites n’étoient pas bien déterminées
: 7°. lés richeffes de l’Angleterre, oui
lui donnent une puiffance acceffoire très-corvfidé.
rable, & une grande ■ influence dans les affaires
générales de l'Europe': 89. la différence de la religion
, qui nourrit la haine politique : 90. les
fecours que la France vient de donner aux Etats-
Unis de l'Amérique. Çette dernière caufe fer*
iéformaïs la plus aêlive, & b Grande-Bretagne
n'oubliera jamais qu.e Louis X V I a affermi l'indépendance
des anglo-américains. Mais lorfqu'on
calcule les avantages de cette, opération politique,
qu'importe à la France un motif de plus ajouté
à la haine infatigable & éternelle de^ la Grande-
Bretagne ? En s'occupant de fes intérêts , elle^a
confommé une des plus belles révolutions que
préfentent les annales du monde, & c’eft une
témérité que d'ofer prédire que cette révolution
ne fera point favorable au bonheur du ^enre humain.
De quelles humiliations les anglois ne la -
voient-il pas chargée à la paix de 1763 ? & ,
malgré leur fierté nationale , pouvoient-ils croire
que l'orgueil de leurs confeils fuffiroit pour tenir
dans l'abaifTement un peuple fl formidable & fi
nombreux ? Penfoient-ils que la France fouffriroit
toujours cet odieux commiflaire qu'ils entrete-
noient à Dunkerque, après avoir exigé ladeftruc-
tion du port & des fortifications ? qu'un peuple
fi brave & fi fenfible à l'honneur ne s'affranchi-
roit point de cette prétendue furveillance , qui
ctoit pour lui un outrage continuel.
Il fera bon ici d'entrer dans quelques détails
fur le port de Dunkerque , dont le dernier traité
a brifé les chaînes
La place de Dunkerque fut conquife en 1558
fur les efpagnols, par les françois qui s'étoient
engagés à la remettre enîuite aux anglois. G'eft
à cette condition que Cromwel fe détermina pour
la France contre l'Efpagne. 11 Vouloit un établif-
fement en-deçà de la mer , & s'emparer de C a lais
par le moyen des efpagnols, ou de Dunkerque
à l'aide des françois ; le confeii de Franfit,
qui ne pouvoit réfifterà ce fier prqte&eur, aima
mieux que cet établiffement fe fît aux dépens de
l'Efpagne qui poffédoit Dunkerque.
Il profita peu de temps après, de la mauvaife
économie de Charles II. Louis X IV acheta Dunkerque
pour cinq. millions de livres qui furent
payées comptant. Les anglois n'ont pas encore
pardonné cette Faute à la mémoire de. Charles II.
Louis X IV répara & augmenta les Fortifications
de Dunkerque.
L'un des plus grands avantages que les anglois
& les hellandois retirèrent de la guerre pour la
fuccefïion à la couronne d'Efpagne, fut la démolition
d e s . 'fortifications de Dunkerque & le
■ comblement de fon port., Le traité . d'Utrecht fti-
pula « que le roi feroit rafer toutes les fortifica-
» tions de la ville.de Dunkerque, combler le port
sî & détruire les éclufes qui ferv.oient, au nettoie-
*> ment du port, le tout a fes dépens & dans le
terme de cinq mois après la paix conclue & fi-
*> gnée ; favoir, les ouvrages de mer dans l'ef-
03 pace de deux mois , ceux de tçrre aveclef-
dites éclufes-dans les, trois mois fuivans, à> con-
dition que ces fortifications, ports & éclufes
^ ne pourroient jamais être rétablis ; laquelle dé-
?» molition ne feroit cependant commencée qu'après
que le toi auroit été mis en pofTeflion de
“ tout ce qui devoir être cédé en équivalent de'
» cette démolition». Lorfqu'on voulut exécuter
cet article du traité , on s'apperçut q u e , pour
combler le port, on inonderoit. dix lieues de pays :
on propofa aux commiffaires anglois de laiffer l'é-
çlufe de Bergues, qui ferviroit à l'écoulement
des eaux du pays , & de combler le port de manière
qu'il ne donnâtjplus de jalopfie à la nation
angloife. La reine Anne rçjetta la propofition. Son
principal ingénieur foutint qu'il fajloit exécuter
en fon entier le traité d’Utrecht. Il répondit toutefois
qu'on pouvoit faire écouler les eaux par
Nieiîpôrt. Cette ville n'étant point de la domination
du r o i, & l'expédient de cet ingénieur
n'ayant point été jugé pratiquable, il en indiqua
un fécond , qui fut de procurer l'écoulement des
eaux par Gravelines. Les dilficultés de celui.-ci
infpirèrçnt l'idée d'un canal, auquel on travailla
immédiatement après la démolition, de la citadelle,
des forts, ,& des autres ouvrages de Dunkerque.
La cour. d'Angleterre trouva qu'il ne lui
convenoit pas de biffer fubfifter ce canal, parce
que les vailfeaux françois., même ceux de guerre ,
auroient pu le parcourir dans toute fon etendue,.
Cette confidérarion fut le fujet de différens mé-»
moires préfen^és. à Louis X IV , ainfi qu'à fon fuc»
cefîeur. Le traité d'alliance , conclu à la Haye
entre la France , l'Angleterre & la Hollande ,
ftipula que le grand paffage de l'éclufe de Mar-
dick, qui avoit 44 pieds de largeur, feroit détruit
de fond en comble , en ôtant les bajoyers ,
| planchers , brufques , longrines & traverfines, fur
toute fa longueur ; qu'on enleveroit les portes ,
dont les bois & la , ferrure feroient désaffemblés
que la petite éclufe refteroit, à l'égard de fa profondeur
, dans l'état où elle fe trou voit ; mais
qu'on réduiroit fa largeur à fèize pieds ; que les
jettées &, les fafeinages depuis les Dunes jufqu'à
la mer baffe , , feroient rafés des deux côtés, au
niveau de l'Eftran ; & qu'après la ratification du
traité , on emploieroit un nombre fuffifant d'ou-
yriers pour la deftruêlion de,ces jettées, de manière
que le grand radier ne fubftftât plus , 8c
que l'on rétrécît le radier du petit paffage. Ou
commença ces différens ■ „travaux dans la même
année 1717. Quand le roi Louis X V déclara a
l'Angleterre: b'guerre que termina le traité d’Aix-
la-GhapelleJes Provjnces-Unies ne furent pas
moins allarmées que la! Grande-Bretagne, du ré-
tabliffement des, fortifications de Dunkerque ; &
ce. fut pour tranquilifer les hollandois, qui n'a-
voient point encore pris de part à la guerre 9
qu'on les avertit, au nom du roi , que les réparations
faites, à Dunkerque étoient momentanées 5
qu'elles avoient pour but de mettre ce port hors
des infultes des oorfaires anglois ; que les empla-
cemens des Châteaux-vert & de bonne-Efpéran-
ce , à la tête des anciennes levées > le Risbanc,
* le .fo r t de Reyes le fort Blanc > reûoient 8c