
regardée comme tutrice principale. Quand le
nouveau roi monte, fur le trône , il fe fait couronner
dans Téglife des Hiéronimites de Buen-Retiro,
& il y reçoit l’hommage des états.
Le roi d'Efpagne prend les qualifications que
voici : N . N . par la grâce de D ieu , rot des deux
Cafiilles 3 de Leon, d'Arragon , des deux - Siciles,
de Jérufalem, de Navarre, de Grenade , de Tolede 3
de Valence, de Galice 3 de May orque, de Séville,
de Sardaigne 3 de Cor doue 3 de Corfe , de Murcie |
de Jaén , des' Algarves, d'Algéfire , de Gibraltar ,
des ifies Canaries , des Indes orientales & occidentales
3 ifies & Terre-ferme de la mer Océane , archiduc
d'Autriche, duc de Bourgogne , de Brabant &
de Milan, comte de Habsbourg, de Flandre de
Tyrol & de Barcelone , feigneur de Bifcaye & de
Molina y & c . Son titre abrégé eft : rey catholico
de Efpana 3 ou rex Hifpaniarum, roi dl Efpagne. ( Le
titre de roi catholique 3 qui fut donné à Ferdinand V
•en 1500 par le pape Alexandre V I , avoir déjà
été donné à lldefonfe I î il étoit même en ufage
plufieurs fiècles auparavant, & le concile de T o lède
l’avoir accordé en 589 au roi Reccarède : )
ainfi le roi à'Efpagne prend les titres de vingt-huit
royaumes, d’ un archiduché , de fix duchés, de
huit comtés , d’une principauté, d’ un marquifat
& de quatre feigneuries. On donna au prince royal
depuis 1388 le titre de prince des Ajiuries , & les
autres princes de la famille royale font appellés
infans,
Un homme qui a été plufieurs années miniftre
des affaires étrangères en France, M. le marquis \
d’Argenfon, a fait fur le gouvernement de Y Ef-
pagne plufieurs obfervations qui ne feront pas ici
déplacées. Les efpagnols, dit-il, ont du courage
& de l’élévation ; ils aiment l’honneur jufqu’à la
gloire. Ils chériffent leurs chefs, & ils ont pour
eux une obéiffance aveugle, non par crainte , mais
par une fidélité héroïque. Charles - Quint difoit
que toutes les autres nations vouloient être caref-
fées , & que les feuls efpagnols vouloient être commandés.
Cette difpofition des efpagnols a entraîné jadis
l ’adminillration dans des erreurs funeftes : elle a ôté
au peuple jufqu’ à ces détails de police ou de répartition
d’impôts, que lès bourgs, lès villages
& les villes font mieux que les officiers royaux.
C ’eft un malheur que le gouvernement d'Efpagne
n’ait rien eu de populaire, lors de la découverte
du Mexique & du Pérou : il eût écarté les pen-
chans qui ne viennent que des pallions d’un homme
feu l, telles que les guerres d’ambition & l’opulence
fubite des favoris > il eût admis la concurrence
des villes d'Efpagne propres au commerc
e , & les richelfes étrangères eulfent tourné au
profit de l’état.
Le gouvernement d'EJpagne a eu long - temps
un fonds d’ariftocratie naturelle à toutes les na- j
tions conquérantes, telles qu’ étoient les goths :
les capitaines qui ont affermi le trône, obtiennent
leur part dans le gouvernement civil par la fupé-
riorité que méritent leurs fervices > ces diftinCtions
paffent à leur race, qu’on appelle grande noblejfe 5
d autres caufes y avoient établi ces Cortès fi fameux
qui réprimoient & balançoient l’autorité royale :
mais la nature dii climat & du fo l, & des cir-
conftances particulières, que ce n’ eft pas ici le lieu
de développer, ont anéanti tout-à-la-fèis les privilèges
des grands 8c ceux du peuple j & l’autorité
du monarque eft aujourd’hui très-abfolue.
On ne prenoit autrefois les miniftres &lescon--
feillers d’état que parmi les grands ; mais le cabinet
de Madrid femble avoir aujourd’hui pour
maxime d’admettre au miniftère & aux confeils ,
des hommes de fortune & de mérite.
Le peuple y eft encore moins écouté que dans
lés pays de l’Europe , où on le dédaigne le plus >
tous les officiers de ville & de province font officiers
royaux : l’honneur de tirer fa commiffion directement
du trône, eft trop précieux pour les
efpagnols , dit M. d’ Argenfon.
S e c t i o n I I 1%
Des pojfejjîons de /’Efpagne hors de l'Europe, détails
& remarques Jur leur gouvernement & fur
leur produit.
L ’Efpagne pofîede, i° . dans la Méditerranée,
les ifies. de mayorque & de Minorque, d’ Ivique
& de Formentere : 20. en Afrique, les villes de
Ceuta , d’Oran, de Maaalquivir, Melilla &
Pennon de Velez on dit que l’entretien de ces
établififemens coûçeroit beaucoup au tréfor, s’ il
n’en étoit dédommagé par le prétexte qu’ils lui
fourniffent de garder une grande partie des revenus
eccléfiaftiques de la Bulla cruciata : 30 dans
: l’Océan atlantique ,~ les ifies Canaries : 4°; en
Afie , les ifles Philippines j & à l’orient de l’Inde,
ils ont des comptoirs aux ifles de Saint-Lazare &
aux ifles des Larrons: 50. en Amérique, une
étendue de plus de deux milles lieues de^ terrain
de longueur j favoir , dans la partie méridionale
un grand pays, auquel on donne le nom de Terre-
ferme 3 le Pérou, le C h ili, le Paraguay, le T u -
cuman j dans la partie feptetitrionale, le vieux &
le nouveau Mexique, la Californie & la Floride :
les ifles font celles de C u b a , d’Hifpaniola, de
P o r to -R ic c o , les Caribes, la Trinité, Sainte-
Marguerite , Rocca, Orchilla, Blanche, & quelques
- unes des Lucayes. Nous avons fait des
articles féparés de la plupart de ces poffeffions ,
& nous y renvoyons le leCfceur.
Les obfervations générales que nous inférerons
i c i , fe bornent aux établiffemens des efpagnols
dans les Antilles, & dans le continent du nouveau
Monde. Nous aurions voulu y ajouter un
morceau fur les établiffemens d’Afrique j mais nous
n’avons pu nous procurer des mémoires, & il
nous a paru plus convenable de dire dans des articles
particuliers ce qui a rapport aux établiffemens
d’Afie.
Des établijfemens efpagnols aux Antilles. L 'E fpagne
poffède la partie la plus étendue & fa plus fertile
de l’Archipel de l’Amérique. Dans l’état aCtuel
ce font de vaftes forêts, où règne une folitude af-
freufe. Bien loin de contribuer à la force , à la n-
cheffe de la monarchie qui en a la propriété ,
elles l’affoibliffent par les dépenfes qu’abforbe leur
confervation. En étudiant la marche politique des
autres peuples, on voit que plufieurs d’entr’eux
doivent leur prépondérance à quelques ifles infé- |
rieures en tout à celles de Y Efpagne , & les efpa-
gnols peuvent remarquer que la fondation des
colonies, de celles fur-tout qui n’ont point des
mines, ne peut avoir d’autre but raifonnable que
celui d’y établir des cultures.
C e feroit les calomnier que de les croire incapables
par caraCtère, de foins laborieux & pénibles..
Si l’on jette un regard fur les fatigues ex-
ceflives que fupportent fi patiemment ceux dé
cette nation-qui fe livrent au commerce interlope,
on s’appercevra que leurs travaux font infiniment
plus durs que ceux de l’économie rurale d’une
habitation.
Les ifles que poffède YEfpagne en Amérique
font trop étendues, pour être cultivées dans tous
leurs points avec une population auffi foible.j mais
il eft impoffible de croire que la culture a pris
toute l ’étendue que comporte l’état aCtuel des
chofes, & c’eft un bonheur pour les nations qui
cultivent leurs poffeffions des Antilles avec plus
de foinj car les productions des Antilles perdroient
de leur valeur dans tous les marchés de l’Europe.
En 1 7 3 5 , ^es niiniftres efpagnols imaginèrent
une compagnie pour Cuba. Vingt ans
après, ils eurent l’idée d’un nouveau monopole
pour Saint - Domingue^ & pour Porto - Rico.
La fociété qui devoir défricher ces déferts, fut
établie à Barcelone avec un fonds d’un million
785,000 livres, divifé en aCtions de cent pifto-
les chacune. C e corps ne paya jamais d’ intérêt à
fes membres j il ne fit aucune répartition j il obtint
l’importante permiffion d’expédier plufieurs
bâtimens pour Honduras. Cependant, le 30 avril
1 7 7 1 , fes dettes, en y comprenant fon capital ,
Vélevoient à 3,111,692 livres, & il n’avoit que 3>77f>ï4° liv. De forte qu’ en quinze ansdetems,
avec un privilège exclufif & des faveurs très-figna-
lées, il n’avoit gagné que 653,848!^. Le détordre
s’eft mis depuis dans fes affaires. Actuellement,
il eft fans activité. On travaille à une liquidation,
8c Ces aftions ne trouvent pas des acheteurs à
cinquante pour cent de perte.
Le miniftère n’avoit pas attendu ces revers ,
pour juger qu’il s’étoit égaré dans les vues qu’ il
avoit choifies pour faire fructifier les ifles. Dès
1765 , les adminiftrateurs de ce grand empire reconnurent
que ces poffeffions n’avoient pas fait 1«
moindre pas vers le bien, fous le joug du monopole.
Ils comprirent qu’en leur laiffant ces entraves
,. elles n’en feroient jamais. Cette perfuafion
les détermina à recourir au véritable principe d«
la profpérité d’une nation, la liberté : mais ils
n osèrent pas, ou ils ne voulurent point lever les
obftacles qui dévoient en empêcher les heureux
effists.
L ’an 1778 vit enfin ceffer une partie des prohibitions
, des gênés, des impofitions qui arrê-
toient les travaux : mais ne refte-t-il pas trop de
ces fléaux oppreffeurs, pour opérer une grande
activité? Eulfent-ils tous ceffé, ce ne feroit encore
qu’ un préliminaire.
Toutes les cultures du nouveau-Monde exigent
quelques avances, & il faut des fonds confidéra-
bles pour fe livrer, avec fuccès, à celles du fu-
cre. Si l’on en excepte C u b a , il n’y a pas peut-
être dans les autres ifles cinq ou fix habitans affez
riches pour demander au fol cette production. Si
le miniftère efpagnol ne prodigue pas les tréfors
du Mexique & du Pérou à ces infulaires, jamais
ils ne fortiront du long & profond fommeil où ils font
enfevelis. Cette générofité eft facile dans un empire
où le revenu public s’élève à plus de 170,000,0001,
peut - être à 200 où les dépenfes ne paffent pas
i 129,600,000 l i v . , & où Ton a une fomme trèsr
considérable qu’on peut employer en améliorations.
Sans d’ auffi puiffans fecours dè leur gouvernement,
d’autres peuples o n t, il eft vrai, fondé des colonies
floriffantes} mais on doit raifonner fur ces
matières, d’après le caraCtère des peuples & d’après
l’ état des nations.
Si la cour de Madrid veut ouvrir fes tréfors ,
les ifles foumifes à fon empire offriront toutes
fortes de productions-. Placés fur un fol ,vafte 8c
vierge, fes fujets ne feront pas feulement difpen-
fés d’acheter à grands frais ce qui fert à leur con-
fommation, ils pourront fupplanter leurs maîtres
dans cette carrière. Mais il faut obferver que, fans la
découverte du Mexique & du Pérou , les ifles ef.
pagnoles d’Amérique auroient fait à-peu-près les
progrès de celles des autres nations , ou du moins
qu’ il eft permis de le croire d’après l’aCtivité qui
y régnoit à l’époque où l’on découvrit ces deux
contrées. C ’ eft à Saint- Domingue & à la Havane
que Cortez prit les aventuriers qu’il mena à la
conquête du Mexique : fept ou huit ans après ,
on découvrit le Pérou j la foible population qui fe
trouvoit dans les ifles, fe porta vers la fource des
tréfors j elle négligea les véritables richelfes, dans