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tion populaire commença à l'emporter $ les nobles
furent exclus des charges & des emplois ,
foüvent forcés de fortir de Gènes & de fe retirer
fur leurs terres. Quatre puiffantes familles
populaires , qui formèrent autant de faétions, les
Adorni, les Frégofes , les Montaltes & les Guaf-
co s'élevèrent fur les ruines des nobles , s'emparèrent
du gouvernement & du dogat, fë les disputèrent
les armes à la main , fe les arrachèrent
alternativement, prirent la place, des quatre far
milles nobles , & caufèrent les “malheurs de leur
patrie pendant plus de cent cinquante années.
Les querelles fanglantes de ces ambitieux rivaux
occafionnèrent de fréquentes révolutions
dans le gouvernement de cette république. Les
Adorni & les Frégofes la fournirent à plufîeurs
puiflances étrangères, toutes les fois qu'ils ne
furent pas âffez forts pour dominer à Gênes , ou
pour en chalfer leurs ennemis. Antoine Adorni
la mit en 1396 fous les loix de la France , & les
Frégofes firent donner la fouveraineté de Gênes
à cette puiflance en 1458.
Les génois q u i, en 1396, reconnurent le roi
Charles V I pour leur fouverain, fe révoltèrent
quatre ans après : ce prince fit de vains efforts
pour les retenir fous le joug ; ils s'en affranchirent
tout-à-fait en 1409 , pourjjafler fous celui
de Théodore Paléologue, marquis de Montfer-
rat. Leur inconltance ordinaire leur renditodieufe la
domination dé ce prince, qu’ils ‘ fecouèrent également
en 1413. A peine fe félicitoient-ils d'avoir
recouvré leur liberté, qu'ils fe trouvèrent contraints,
par les circonftances, de la facrifier de
nouveau. Philippe-Marie Vifconti, duc de Mila
n , trouva en 1411 le moyen de réduire Gênes
fous fon obéiffance. C e prince ne fut pas plus
heureux que ne l'avoient été fes devanciers dans
«ne fouveraineté fi épineufe. I l engagea vainement
les génois dans des guerres étrangères ; il leur fuf-
cita vainement un ennemi redoutable dans la per-
fonne d'Alphonfe V , roi d’Arragon. Mécontens
de fes tyrannies, ils vinrent à bout de s’y fouf-
traire en 1436, & en 1458 leurs troubles civils
les replacèrent fous la domination du roi de France
Charles VII -, dont ils fe débarraffèrent auffi peu
(de temps après.
Succeflivement foùmife aux ducs de Milan ,
de la maifon de Sforce, & aux rois de France
Louis X II & François ! , Gênes fut pendant longtemps
la viéfcime llfe guerres d'Italie, le jouet
de la fortune , des payons de fes citoyens, &
toujours la proie du plus fort. Elle fut prife &
faccagée par les impériaux en 1522 , reprife
par les françois en If27.
La générofité d'André Doria lui rendit enfin
en 1528 la liberté qu'elle n'a pas perdue depuis ,
& cette époque e f t , à jamais, mémorable (Uns
fes annales. Il fe fit alors une réfoime générale
dans le gouvernement de cette république : il redevint
étalement arütocratiquç. On abolit tous
G Ê N
les reftes des fa&ions} le pouvoir dés doges fut
rellreint dans les limites les plus étroites, & borné
à deux ans. Les puiffantes familles populaires
furent agrégées aux familles nobles, qui furent
réduites au nombre de vingt-huit principales familles
ou tribus, fous le nom d’Alberghi* Gênes
s'étant mife fous la protection de l'Efpagne, cette
puiflance fit quelques efforts pour l'aflervir.
La réforme de 1528 avoir éteint les anciennes
difîentions civiles ; mais il s'en éleva de nouvelles
en 1570, entre les anciens nobles & les nouveaux
ou agrégés. Après une guerre de peu de durée ,
mais qui alloit devenir férieufe, & où les anciens
nobles, foutenus indirectement par l'Efpagne
, eurent tout l'avantage , les deux partis s'accommodèrent
en 1 j7<? par la médiation de l'empereur,
du roi d'Éfpagne & du pape. On profita
de cette occafion pour former un nouveau
code de loix, qui fervent de bafe à la conftitution
aCtuelle de la république.
Gênes fe vit dans le plus grand péril en 1624,
& elle fe tira aflez bien de la guerre qu'elle eut
à foutenir contre le duc de Savoie & contre la
France. Le marquifat de Zuccarellç , qu'elle avoit
acheté en 1623 de l'empereur, Ferdinand, 3c qui
étoit revendiqué par le duc de Savoie , fut plu-
tôt le prétexte que la véritable caufe de cette
guerre, dont le but étoit d'enlevers Gênes à l’Ef-
pagne, & d'occuper, par une diverfion, les armes
de cette puiflance. En 1672, Gênes déconcerta,
par fon courage & fa vigueur, les nouvelles
entreprifes du duc de Savoie. Elle ne fe
tira pas auflï heureufement de fes démêlés avec
Louis X IV . Ses liaifons continuelles avec l'Efpagne
, fa partialité pour cette couronne, que fa
pofïtion l’obligeoit à ménager , & fur - tout le
refus qu'elle fit de donner au monarque françois
les fatisfaCtion^qu'il demandoit, lui attirèrent une
fâcheufe affaire; elle fut bombardée en 1684*
Elle eut à peine fléchi le courroux de ce prince
altier, parla plus humiliante des démarches, que
fon doge & quatre de fes principaux fénateurs
vinrent à Verfailles faire à Louis X IV desexeufes
folemnelles. Les guerres d'Italie, entre la France
& les puiflTances liguées contre elles , lui caufè-;-
rent de nouvelles inquiétudes ; elle fe reffentit fou-
vent du fâcheux voifinage des deux armées. Dans
une fituation auflî critique, elle s'obftinafagement
à garder la neutralité la plus exaéte. Les impériaux
& les efpagnols irrités, obligèrent les génois à leur
payer des contributions confidérables, & à faire
des fournitures à leur armée. Les traités de paix
eje Rifwick & d'Utrecht diflipèrent les allarmes
des génois; mais en 1 7 1 7 b guerre qui fe ralluma
en Italie, entre l’empereur & le roi d'Efpa-
gne, les remit daiis une pofition. embarraflante.
Ils n'en fortirent que pour voir la Corfe fe
foulever contre eux avec plus de fureur que
jamais, en 1728. Trop foibles pour réduire fes
broyés h^bitans indociles au joug, ils réclamèrent
fucceffivemenç
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fuCceflivement les fecours de l'empereur Charles
V I & de la France,. qui envoyèrent des troupes
dans cette ifle , & qui la pacifièrent en 1741.
Gênes fut réduite à prendre une part direéle à .
la guerre qui s'éleva en 1745 y entre la France &
l'Efpagne d'un c ô té , & la reine d'Hongrie &
fes alliés de l'autre. Elle avoit acquis , en '1713,
le marquifat de Final, fur lequel elle avoit d'ailleurs
d'anciennes ' & légitimes prétentions, &
l'empereur Charles V I , père de la reine., lui en
avoit donné l'inveftiture. La reine d'Hongrie ayant
cédé ce même marquifat au roi de Sardaigne ,
par le traité de Werms de 1743 , la république ,
pour conferver cette partie de fes domaines, accéda
au traité d'alliance des rois de France, d'Ef-
pagne & des Deux-Siciles, qui lui garantirent
fes états. Tant que leurs foldats furent aux environs
de Gênes, cette ville fut tranquille ; mais
les revers qu'efîuyèrent en 1746, les troupes fran-
çoifes-& efpagnoles, & l'éloignement de l'armée
des trois couronnes , abandonnèrent Gênes à la
merci de fes ennemis. Les autrichiens s’emparèrent
auffi-tôt de la capitale & de fon territoire;
ils exigèrent des contributions énormes, & ils s'y
permirent de fi grands excès, que le peuple indigné
prit les armes , & les chafla de Gênes. Ils
revinrent l'afliéger en 1747 , fous le comte de
Schulenbourg, tandis que les piéraontois s'éta-
blifloient fur toute la côte du ponent, & que
les mécontens, fécondés par lesanglois, faifoient
foulever la Corfe. La valeur des citoyens de Gênes
, les fecours qu'ils reçurent de la France &
de l’Efpagne, la vigilance des ducs de Boufflers
Sc de Richelieu délivrèrent cette république, &
la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 lui rendit la
tranquilité ainfî qu’à la Corfe : elle ' conferva le
marquifat de Final & toutes fes pofleflions. Tout
fut paifible en Corfe jufqu'en 1761 , que les ha-
bitans de cette ifle ,fe foulevèrent de nouveau fous
Paoli. Les génois , fe voyant hors d'état de les
réduire, réclamèrent encore une fois le fecours
de la France, qui fit paflfer des troupes dans cette
ille. • Elle fut foumife par les armes françoifes en
1769. Par un traité fecret, conclu l'année d'auparavant,
les génois avoient cédé à la France la
fouveraineté de Tille de Corfe, fi elle en faifoît
la conquête. Voye1 Farticle C o r s e .
S e c t i o n I I I e.
Du gouvernement} de V adminijlration, des loix 0*
des nobles de Gênes.
La république de Gênes a un chef titulaire ou
premier magiftrat, qu'on nomme L'origine
du dogat remonte jufqu'en 1339- Le doge fe troua
i t alors en pôfleflion. de l’autorité fuprême, &
€ette importante dignité étoit à vie. Mais en 15 28,
, lorfque le célèbre Doria réforma la conftitution,
on voulut arrêter les abus qu'entraînoit la puif-
(BLcon. polit, & diplomatique. Torn. IL
G Ê Ni 'ÿ 2 S"
fance fans borne des doges, & prévenir les dif-
fenfions continuelles qui s'élevoient entre les citoyens
, au fujet d'une place fi importante. Le
doge n'eft plus aujourd'hui que le premier officier
, ou le repréfentànt de la république ; le
dogat ne donne plus aucun pouvoir à celui qui
en eft revêtu : ce n’eft plus qu'un vain titre &
un fardeau pénible pour ceux à qui on l'accorde:
les doges ne relient plus en place que deux ans. La
conftitution aéluelle s'eft établie en 1^28 , amlt
que nous l'avons dit. Qn y fit quelques change-
mens en 1576 fur Téleétion des magiftrats, leur
nombre, leurs fondions, & la durée de leur
adminillration : on créa plufieurs tribunaux, une
rote criminelle, & c . Ces loix de 1 ƒ 28 & de
1576 font la bafe du. gouvernement & de la le-
gillation de Gênes ; les dernières fur-tout furent
rédigées , de la manière la plus folemnelle , dans
le congrès tenu à Cafal par les miniftres de l'empereur,
du roi d'Efpagne & du. pape, de concert
avec les députés de la république.
Le gouvernement de Gêne^..eft purement aristocratique
; le doge., la feigneurie, le grand con-
l feil & les aiîtres collèges qu'on en tire , font à
la tête de l'adminiftration. La feigneurie ou le
fénat, qui a toute la puiflance exécutive, ell
compofée de tre'ize .magiftrats ; favoir, de douze
gouverneurs préfîdés par le féréniflime doge. Pour
être gouverneur, il faut avoir été inferit fur le
regiftre des nobles génois, au moins douze ans.
Ainfî que le jdoge, ils ne demeurent en place
que deux ans , & ils ne peuvent y rentrer qu’a-
près un intervalle de cinq ans. Les gouverneurs
ou fénateurs font tirés au fort dans une urne ,
appellée i l feminario , qui contient cent vingt
noms : on en tire cinq tous les fix mois, & ces
cinq noms fervent pour le tirage de la loterie ,
ainfî que nous le dirons plus bas : trente électeurs
, nommés prud'hommes, viri probi, choifis
/par le grand confeil, préfentent pour les places vacantes
au feminario , ceux dont les noms leur
paroiffent mériter d'être mis dans l'urne. Le grand
confeil délibère fur cette préfentation, & les
noms de ceux qui ont le plus de v o ix , font mis
dans l ’urne. Quand les gouverneurs ou fénateurs
fortent-de charge , ils deviennent procurateurs
pour deux ans. Le collège des procurateurs, autrement
nommé la. Caméra, eft chargé de la régie
des finances ,& des revenus publics. Cette
chambre eft compofée de huit membres , élus
. procurateurs pour deux ans, tandis que les doges
& les deux collèges font procurateurs à vie.
La Caméra & la feigneurie ou le fénat font chargés
des. affaires extérieures , donnent audience
aux ambâffadeurs & minières étrangers, expédient
les dépêches, connoiflent des affaires graves ,
tels que les crimes d'état, & c . Ils commandent
les troupes! ils dirigent les affaires militaires en
cas de guerre, & ils affemblent le grand, confeil,
quand ils le jugent à propos.
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