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manufactures , leur tréfor du moins n'en fouffrira
pas. *
Les batimens, les .palais & les chofes précieu-
fes qu'ils renferment, annoncent beaucoup de magnificence
> mais ces richeffes d'oftentation ne fup-
pofent point la richelfe de l'état : la pauvreté du
pays & celle du peuple qui l'habite, fe montrent
de toutes parts : les campagnes abandonnées &
incultes, les mendians qui pourfuivent les étrangers
, le bas prix de certaines denrées, le défa-
vantage du change & la rareté de l'argent, telle
qu on auroit peine à trouver à Rome mille ducats
en efpeces pour faire un paiement, font des fymp-
tomes plus fûrs de la mifère du pays.
Les couvens, les prélats, quelques feigneurs de
nets & quelques églifes font prefque les feuls proprietaires
des grands domaines, qui ne fe partagent
point, qui ne fe démembrent ni ne fe vendent
point. Les payfans Sc les cultivateurs poflè-
dent peu de fonds, & de cette manière le fol
fera toujours mal cultivé. Les propriétaires obligent
leurs fermiers à ne femer chaque année qu'un
quart des terres, & à lailïer le refte en. pâturages
ou en jachères. Pour cultiver ce quart, on fait
venir des payfans de la Tofcane ou d'ailleurs j &
pour confommer les pâturages, on reçoit les bef-
tiaux du royaume de Naples, qui s'en retournent
quand ils font engraiffés.
Quoique les eaux foient* très-communes & très-
abondantes , il n'y a prefqu'aucune prairie arrofée
ou foignée ; on y voit peu de beftiaux. Les arbres
^éufliflent bien par-tout , ainfî qu'on peut
en juger dans les endroits où il y en a , Sc on n'y
■ trouve prefque point de plantations j elles font
interdites, a caufe des droits de parcours établis
fur des titres ou des ufages. Les mûriers blancs ,
qui feroient d’un grand produit dans des climats
fi doux, font très-rares, ainfî que les peupliers
d Italie, les platanes , & tant d'autres arbres qui
embelhflent Sc fertilifent les campagnes de la Lombardie.
Celui qui recueille le b led, n'a pas le droit de
le vendre où il lui plaît j il eft obligé de le livrer
a un prix fixe a la chambre des grains ; contrainte
qui gene le cultivateur Sc l'oblige à abandonner
les campagnes.
L'annone, ou les greniers d'abondance de l'é tat
, prennent le bled où il leur plaît, & ils y
mettent le prix qui leur convient. Le même bureau
donne la permiffion de l'exporter : cette per-
mi(Sons'achète, & le commerce des grains n'ayant
point l'avantage de la concurrence, décourage la
culture.. Voilà pourquoi la plus grande partie du
territoire^ de Rome, qui produiroit beaucoup de
bleds, n'offre que de mauvais pâturages. Il pa-
roît plus avantageux, & fur-tout plus commode
aux proprietaires, d'avoir des pâturages dont ils
difpofent à leurfantaifie, que des grains dont ils
ne peuvent fe défaire que de la manière qui leur eft
prefçritç, Sc Ibuvçntà un prix ti;op bas.
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On eft obligé encore de vendre l’huiie au bureau
de l'état, qui la paie ce qu'il veut, Sc qui la
revend aux dé tailleurs, j & ce monopole ne décourage
pas moins le propriétaire Sc le cultivateur.
i n Pas tout : i buile achetée par le bureau
eft melée & confervée dans de grands puits j Sc
un pays qui, avec quelque foin, pourroit avoir de
la tres-bonne huile, n'en offre que de la mauvaife ,
qui feroit rebutée chez l'étranger, Sc qu'on n'exporte
point. La feétion 6e. contient un grand
nombre de remarques fur les réformes dont l'état
de Rome paroit fufceptiblé : nous nous contenterons
de dire ici qu'il faudroit abolir, ces monopoles
& ces loix gênantes, attirer des colons, partager
les terres indivifibles , les rendre aliénables ,
err accorder la pofifeffion , moyennant certaines
redevances, à ceux qui les mettroient en valeur’,
& créer une-xlaffe de cenfîtaires à des conditions
douces, équitables , également avantageufes au
feigneur du f ie f , au fouverain & au cenfier ou
payfan.
Alors , ces champs, couverts aujourd'hui de
pierres, tombées des montagnes , feroient nettoyés
les torrens feroient contenus dans leurs
lits 5 les marais qui augmentent chaque jo u r , &
empoifonnent le pays, deviendroient des campagnes
riantes > des plantations d'arbres embelliroient
& fertiliferoient ces terreins nuds & brûlés i les
ruilfeaux arroferoient les p ré s , comme dans la
Lombardie $ des prairies artificielles offriraient au
cultivateur une fource de richefles y la campagne
fe couvrirait de maifons , & le pape augmente-
roit fes revenus : n'ayant plus befoin de l'argent
des états catholiques, i! auroit une politique plus
fûre , plus fimple, plus ferme, & plus propre à
raffermir fon autorité.
Au milieu de l'effervefcence de commerce qu’on
voit en Europe , par quelle fatalité l'état eccléfiaf-
tique, fi heureufement placé au milieu de l'Italie,
& entre deux mers, eft-il refté dans la parefFe
& 1 inaction ? Quelles font donc les terribles cau-
fes qui ont réduit prefque à rien cette population
prodigieufe qu'on y vit dans les beaux jours de
l'ancienne Rome ? Si l'on n'en avoit la preuve fous
les yeux, croiroit-on que des provinces entières*
fertiles prerque. p ar -to ut, entrecoupées de montagnes
Sc de plaines , arrofées par des rivière*
& par des ruifleaux , font devenues ftériles Sc em-
peftées j Sc que d'affreux défèrts environnent la capitale
, trois ou quatre lieues à la ronde ? Les domaines
de Yéglife produifent des bleds, des vins. ,
du chanvre, des mûriers blancs, de la cire &
du miel, des oliviers, des orangers, des figuiers,
& toutes fortes de fruits, de légumes Sc de jardinages
; & on eft étonné de la modicité des revenus
qu'en tire le iaint-fiège Sc de la misère de
fa foible population. Le Ferrarois feu l, qui renferme
douze villes , dont Fer rare & Comacchio
furent jadis très - peuplées , faute de foins ,
d habitans Sc de culture, fe couvre de vaites maÉ
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rais. La Romagne.a auffi douze villes Si un territoire
fertile} mais il y a fi peu d habitans , 8e
la culture y eft fi languiflante, qu'en d’autres pays ,
des diftriéts de cinq ou fix lieues rapportent plus
au fouverain Sc aux fujets, Sc font plus peuples.
Il en eft de même du duché d Urbin de de la
marche d'Ancône. ,
En examinant ainfî les diverfes provinces du
faint-fiège, on apperçoit, prefque par-tout, les
funeftes effeîs de l'indolence, du découragement
& de la misère } Sc la quantité prodigieufe d hôpitaux
, la plupart bien rentés, qu'on y trouve,
fuffiroient feuls pour en donner une mauvaile
opinion- . „
La vafte étendue des marais Pontins 3 Qui ont
plus de quarante milles de longueur, fur une largeur
plus ou moins grande, mais au moins de fix
ou fept milles , ne produit plus rien. On fait
qu'autrefois ils étoient prefque par-tout en culture.
Les eaux qui tombent des montagnes, n étant
plus ni contenues, ni dirigées, débordent, crou-
piffent; & dans un pays fi chaud, empoifonnent
l'air , au point que les environs deviennent inhabitables,
& que les vapeurs peftilentielles percent
la voiture du voyageur la mieux fermee. Le mauvais
air de toute la campagne de Rome , fur la
Jin de l'é té , lorfque les chaleurs diminuent , Sc
que les nuits fe rafraîchirent , vient de là.
L'an 592 de la fondation de Rome , le conful
Cornélius Céthégus fit deffécher les marais Pon-
tins : il paraît que ce canton fut bouleverfe par les
eaux au 5 ou 6e. fiècle de la république 5 car
avant cette époque , les campagnes pontines pro-
duifoient des grains , Sc rien n'annonce qu elles
fuffent alors inondées. On effaya demies deffecher
du temps de Pompée : Domitien y réuffit en partie
par les grandes jettées avec lesquelles on fou-
tint la portion de la voie Appienne , qu'il con-
duifit à travers les marais , jufqu'auprès de Ter-
racine , afin d'éviter la montagne de Piperno &
les longs détours qui la précèdent & qui la fui-
vent. Sixte- Quint tenta le même defféchement,
Sc on dit qu'il y auroit réuflî, fi la mort lui eût
laiffé le temps d'achever fon ouvrage. Ses fuccef-
feurs reprirent ces travaux à différentes époques j
mais trop peu éclairés fur les détails d'une opération
fi difficile , trompés par les entrepreneurs,
©u infoucians fur cet objet , ainfî que fur tant
d'autres , ils l'ont fuivi avec peu de confiance , Sc
rien ne les a dédommagé de tant de frais. Le pape
aétuel s'en eft occupé vivement , Sc fes efforts
ont eu quelque fuccès > mais que cette opération
eft loin d'être achevée 1 Nous en parlerons encore
à l'article des Fin an c e s .
En allant de Florence à Rome, & de Rome à
Naples , toutes les provinces de l'état eccléfiaf-
tique que l'on traverse , indiquent affez la misère
, l'inertie Sc la dépopulation.
Le petit nombre de cantons cultivés donnent
les productions les plus riches, Sc offrent la véÉ
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gétation la plus vigoureufe. On peut donc aflurer
qu'il ne manque à ce beau-pays que des bras Sc
de la culture , pour devenir riche & florif-
fant : Sc on eft étonné que des idées fi fimples né
faffent aucune impreffion Les papes font ordinairement
vieux i leur attention ne s eft pas
I tournée du côté de l'économie politique, Sc l'on
peut dire qu'en général ils n'ont pas connu les vrais
principes d'adminiftration.- Si le trône de faint
Pierre eft occupé par un homme qui. entreprenne
de ranimer la culture Sc l'indùftrie , il rencontre
par-to.ut des obftacles ; & ce qu'il y a de plus
fâcheux, il ne tarde pas à fe perfuàder que les
grands abus font incurables. On d it , par exemple
, que Benoit X IV avoit voulu partager quelques
unes des terres vagues qui environnent Rome,
Sc dont la folitude déshonore cette capitale ,
mais que les cardinaux s'y oppofèrent.
L'inertie des habitans Sc le défaut d'induftrie
fe montrent, en quelques occafions, d'une manière
bien frappante. Nous allons en citer un exemple
remarquable : Yéglife de S. Pierre eft de pierre
tibuitine , dont les carrières fe trouvent a T ivoli
, c'eft-à-dire, à cinq ou fix lieues de Romè :
le Tévérone quipaffe à Tivoli, vient fe dégorger
dans le T ib r e , en parcourant une ligne prefque
droite : il en eût coûté fort peu de chofe pour le
rendre navigable i car le cardinal d'Eft , qui entreprit
cette opération quelque temps après, dé-
penfa une très-petite fomme} Sc cependant le tranf-
port de l'enorme quantité de pierres qu'il a fallu
pour cet édifice, s'eft fait fur des chariots.
On ne voit dans la capitale aucune manufa&urç
qu'on puiffe citer 5 à peine y fait-on préparer la
foie : la culture dii chanvre , c'eft-à-dire , d'une
production très-convenable au fol de l'Italie, eft
négligée dans la plupart des provinces ; toutes les
toiles fe tirent de l'etranger, qui fe contente d'y
en envoyer de mauvaifes : celles qui arrivent des
Pays-Bas, de l'Irlande & de la France, ne peuvent
y être à bon marché. On y nourrit un grand
nombre de bêtes à laine ; mais on ne profite pas
de cette fource de richeffe : il n'y a aucune bonne
fabrique de draps i toute l'indùftrie fe borne donc
à la fabrique de quelques étoffes de foie d'unç
qualité médiocre, qui fe confomme dans Je pays ,
& qu’on n'exporte point. Quoiqu'on y voie beaucoup
de carroffes, il n'y a pas long-temps qu'on
les faifoit venir de Milan, d'où il en arrive encore.
S e c t i o n I V e.
Des différentes-charges de la cour de Rome > des tribunaux
0* des loix y des diverfes congrégations ,
des nonces & des régies que fuit le Joint-fiége a
i L*égard des -puiffances étrangères , de Vaàminifiration
en général & des routes de fortune.
Les détails de l'adminiftration font confiés ail
cardinal-camerlingue, au cardinal-fecrètaire d'é