
lentement, graduellement, & après de longs
avertiffemens. La légiflàtion, fuppofé qu'elle puifte
jamais être dirigée, non par les clameurs importunes
de L'intérêt perfonnel, mais pâr une vue
-étendue de ce qu' exige le bien général > la lé-
giflation, dis-je, doit peut-être donner par la même
raifon une attention particulière à ne point
établir de nouveaux monopoles de ce genre, &
à ne, pas étendre plus loin ceux qui fubfiftent déjà.
T ou t nouveau réglement de cette nature introduit
plus ou moins un défordre réel dans la conf-
titution de l’étaj: , auquel il fera difficile de
remédier enfuite fans occafîonner un autre défordre.
C'eft par des vues politiques , plutôt que par
des vues de commerce , qu'on a fouvent défendu
ou afïujetti à de gros droits Y importation des articles
provenant des manufactures étrangères j c'eft
par de femblables vues qu'on maintient ce régime
dans plufieurs gouvernemens. On croit mettre
des obftacles à la profpérité de la nation voifine
& à la force de cet état j on croit diminuer fes ri-
çhefles, 8c cette erreur n'eft pas moins palpable
: malgré ces prohibitions , l'induftrie du peuple
auqu’el on veut nuire, s’exerce d'une manière
auffi utile à la profpérité nationale j 8c quant à
la force d'un é ta t, il eft bien reconnu qu'on peut
fuppléer aux métaux avec du courage î qu'un
peuple fimple dans fes moeurs & d'une fortune
bornée , eft plus redoutable qu'un peuple amolli
par la fortunç. Les politiques favent bien que la
nation voifine qu'on afTujettit à des prohibitions
à des gênes, ufe de repréfailles & vous im-
'pofe les mêmes prohibitions 8c les mêmes gênes,
& qu'ils partagent ainfi les maux dont ils font la
çaufe î mais lorfque la nation eft puiffante, ils
penfent quelle p eut, fans inconvénient, partager
ce mal j 8c c'eft avec ces grands principes
fur les reffources inépuifables que les nations opulentes,
après avoir brillé d'un éclat trompeur ,
fe rüinent §c éprouvent des bouleyerfemens terribles.
La reftitution des droits, au moment de Y importation
, paroît- très-raifonnable. En rendant au
négociant qui exporte le tout ou une partie de
l'a ccife, ou d'un autre droit impofé fur l'induf-
trie domeftique, on ne peut jamais ;occaiîonner
l'exportation d'une plus, grande quantité de mar-
ichandifes qu'on n'en auroit exporté fans l'impôt.
Cette reftitution ne tend pas à tourner , vers
aucun emploi particulier, une plus grande portion
du capital que celle qui s'y feroit tournée
d ’éile-même, mais feulement à empêcher qu'il
en foit rien détourné à d'autres emplois 5 il tend
non à r.enverfer la balance qui s'établit naturellement'entre
les divers emplois de la fociété *,
mais à empêcher que le droit impofé ne la ren-
yerfe j non à détrifire, mais à confervèr ce qu'il
eft pr^fquç toujours utile de conferver la diyifîon
8c la diftribution naturelle du travail dans
fociété.
On peut en dire autant des reftitutions à la
réexportation des marchandifes étrangères importées.
Dans la Grande-Bretagne, la partie du droit
fur Y importation qu'on reftitue, eft en générai
de beaucoup la plus forte : la moitié des droits
impofes par ce qu'on appelle Y ancien fubfide , y
eft univerfellement rendue, excepté fur les marchandifes
exportées aux plantations britanniques,
8c fouvent le tout ou une partie de ceux impofés
par les derniers fubfides & impôts. Les reftitur
tions. furent accordées originairement pour encourager
le commerce de tranfport, qu'on regar-
doit comme le plus propre à faire venir l'or &
l'argent dans le pays, parce que les étrangers
payent fouvent la cargaifon des vaiffeaux en argent.
Mais quoique ce commerce ne mérite pas
d’encouragement particulier, & quoique le motif
de l'inftitution ait été peut-être bien fou , l'inf-
titution paroît aflez fage. Elle ne peut introduire
dans ce commerce de tranfport plus du capital
du pays, qu'il n'en auroit tiré naturellement s'il
n'y avoit pas eu de droits fut Y importation j elle
empêche feulement que ce commerce' ne foit ab-
folument exclu par ces droits. Quoiqu'il ne mérite
aucune préférence , il ne faut pas l'exclure j
mais le lailfer libre comme tous les autres. Il eft
une reftource néceftaire pour les capitaux qui ne
peuvent. trouver d'emploi, ni dans l'agriculture
8c les manufactures du pays, ni dans fon commerce
étranger de çonfommation.
Le revenu des douanes, bien loin de fouffrir
de ces reftitutions, en profite par la partie des
droits qu'elles ne rendent pas : fi on n'en ôtoic
rien, les marchandifes étrangères fur lefquelles
il fe paye, ne pourroient guère être exportées ,
ni conféquemment importées , faute d'un marché
pour les vendre : les droits dont on retient une
partie , ne feroient donc jamais payés.
Ces raifons paroiflent fuffifantes pour juftifier
les Draw-backs anglois , 8c les juftifieroient quand
ils feroient du total des droits pour l'exportation
qui fe feroit, tant du produit de l'induftrie nationale
que des. marchandifes étrangères > à la vérité
, le revenu de l'accife en fouftriroit un peu ,
& les douanes beaucoup plus > mais un tel régle-
: ment rétabliroit mieux Ja balance naturelle de
l'induftrie, 8c la divifion & diftribution naturelle
du travail, toujours plus ou moins dérangées par
. ces fortes de droits.
Ces raifons cependant ne juftifieront que les
draiv-bachs fur l'exportation des marchandifes aux
pays abfolument étrangers, & non à ceux où les
marchands 8c les manufacturiers angloisfont le monopole:
par exemple une reftitution des droite à
l'exportation des'marchandifes d’Europe aux colonies
angloifes d'Amérique:, n'opeafionnera pas
toujours une exportation ■ plus < confidérable que
. celle qu'on y aurôi;. faite., tous les droits reftan^
CoHiwe
I M F
Comme iis y jouiffent du monopole , il pojttoit
arriver fouvent qu'ils y en portaient la ^eme
quantité : ainfi les reftitutions de droits pe vent
être fouvent en pure perte pour l'excife ƒ les
douanes * fans rien changer à l'etat du commerce
ni le rendre en aucune manière plus Aendu
qu'il ne feroit. Il eft clair que les reftitutions d;
droits ne font utiles que dans les cas ou l s vna-
chandifes , pour l'exportation defquelles on les SS?
corde, font réellement exportées chez l etrn-
ger & ne rentrent pas clandeftmement dan' Je
pays. On fait l'abus qu'on a fait en Angletirre
de ces reftitutions de droits, particulieremen^ de
celles fur le tabac , combien elles ont occafiome de
fraudes également préjudiciables aufïfcj &sceux
qui font le commerce de bonne-foi.
Nous terminerons ce morceau par une remarque
importante j c'eft für-tout pour fe procurer
une balance favorable de commerce qu on a gene
les importations. Après toute l'inquiétude qu on
s'eft donnée fur ce fuje:, après les vaines tentatives
de prefque toutes les nations commerçantes,
pour tourner cette balance eu leur faveur, il ne
paroît pas qu'aucune nation de l'Europe ait é-O
appauvrie par cette caufe : au contraire, en/to
portion que.chaque pays, chaque ville a f “ vert
fes ports, au lieu d'être ruinés par
du commerce, ainfi qu'on devoir s y a t t i r e d a-
près les principes de ce fyftême, ils P l ° nt
richis : je dis en proportion ; car il y ape“ , de villes
en Europe, q u i, à certains égareh H H
nom de ports francs H & il n'y a M “ n u U!,p^ *
où le commerce étranger foit lifte. La Hollande
approche peut-être le plus de f>;.car“l^er| .
qu'elle en foit encore bien eloignee, & il eft
reconnu que la Hollande fte non-feulement toute
fa richeffe , mais même“ “ e grande partie de fa
fubfiftance néceffaire. du commerce etranger.
I l y a véritablnnent une autre balance , déjà
expliquée ci-dev.nt, très-différente de la balance
du commerce, & q u i, félon qu elle vient a erre
favorable ov défavorable , occafionne neceffaire-
ment la profpérité! ou la décadence d'une nation.
C ’ eft la balance du produit annuel & de la con-
Ibmmation » car fi la valeur échangeable du pro-
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duît annuel excède celle de la çonfommation annuelle,
le capital de la fociété doit augmenter
annuellement, en proportion de cet excédant. La
fociété, dans ce cas, vit de fon revenu 5 & ce
qu’elle épargne fur ce revenu , eft naturellement
ajouté à fon capital, & employé de manière que
le produit annuel en devient encore plus grand.
Si au contraire, la valeur échangeable du produit
annuel eft au - deffous de la çonfommation
annuelle, il faut que le. capital de la fociété diminue
annuellement, en proportion de ce déficit.
Sa dépenfe excède alors fon revenu , &c prend né-
ceffairement fur fon capital. Son capital, par con,
féquent, doit néceffairement décheoir, & avec
lui la valeur échangeable du produit annuel de
fon induftrie.
La balance du produit & de la çonfommation
eft très - différente de ce qu'on appelle la balance
du commerce : elle peut s'établir | dans
une nation qui n'auroit point de commerce étranger
, mais qui feroit abfolument féparée du relie
,îu monde : elle peut avoir lieu fur tout le globe
terreftre, dont la richeffe, la population & k r
progrès peuvent croître ou décroître par degrés.
La balance du produit & de la çonfommation
peut être conftamment en faveur d'une nation ,
quoique ce qu'on appelle la balance dit commerce
foit généralement contr’ elle. Une nation peut importer
pour une plus grande valeur qu'elle n’exporte
, peut-être un demi-fiècie de fuite : l’or Sc
l'argent qui lui viennent durant' tout ce temps ,
peuvent. être envoyés, fur le champ, hors du
pays i fa monnoie circulante peut tomber graduellement,
& différentes fortes de papier-monnoie
en prendre la place : enfin les dettes même qu’elle
contràéte chez les principales nations avec lefquelles
elle commerce, peuvent aller toujours en
eroiffant ; & cependant il peut fe faire que fa ri-
chefie-réelle, que la valeur échangeable du produit
de fes terres & de fon travail aient augmenté ,
durant ce même efpaçe de temps , en beaucoup
plus grande proportion : l’état des colonies de
l’Amérique feptentrionale & le commerce qu'elles
faifoient avec la Grande-Bretagne avant les derniers
troubles, font une preuve que cette fuppo;
fition n’eft nullement impoffible.
F i n du fectynd V o lu m i
polit, Hplomtaiipt. Tome ïOi i l d d d d