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doit fa dot , fes gains nuptiaux $ le mari étoit
tenu de rendre, & ce qu'il avoit reçu >:;& ce
qu'il avoit promis de donner. En venant ainfi au
fecours de deux époux, qui font malheureux par
la contrariété d'humeur ou de caractère, par la
méchanceté, le défordre & les infirmités de l'un
d'eux , les empereurs' que je viens de citer, con-
facrent une raifon qui effectivement eft d'un très-
grand poids: c'eft,- difent-ils , qu’il ferait injufte
de ne pas fecourir ceux qui gemment fous un joug
infupportable.
Juftinien , qui prefcrivit des formes au mariag
e , ne prétendoit pas qu'il fût entièrement indif-
foluble : il vouloir feulement que le divorce fût
régi d'une manière avantageùfe aux moeurs & à
l ’honnêteté publique. Delà cette foule de cas exprimés
dans fes novelles , & qui varioient à raifon
de la connoiffance qu'il acquéroit du befoin des
fujets de tout l'Empire} le but de toutes fes dif-
pofitions étoit de produire la diffolution abfolpe
du mariage, & de rendre aux époux féparés la
liberté d'en contracter un nouveau.
La plupart de nos rois de la première race ,
quoique chrétiens depuis Clovis , firent ufage du
divorce. Charlemagne , empereur., fécond roi de
la deuxième race , répudie d'abord Himiltrude en
7 7 0 , de laquelle il avoit deux enfans mâles vi-
vans y enfuite Hermengarde, fille de Didier, roi
des lombards, après un an de mariage. Tous tes
princes de l'Europe ufent du divorce, quand la
néceflité l'exige, & les papes ne s'y oppofent pas.
Charlemagne avoit répudie deux femmes , & il eft
placé au rang des faints.
Sainte Fabiole, dont quelques- uns placent la
mort à la fin du quatrième fiècle , & que faint
Jérôme appelle la gloire des chrétiens , Vétonnement
des idolâtres 3 le regret des pauvres & la çonfolation
des folitaires 3 étoit de l'ancienne famille de Fabia,
qui fut illuftre dans Rome dès le temps de.la république
, & qui dut fon rétabliffement à Fabius Maxi-
mus, l'un de fes ayeux. Ses parens l'ayant mariée
à un homme d'une vie déréglée, & ne pouvant
le corriger, elle prit le parti de le quitter. Et ,
quoiqu'elle eût mieux aimé fe voir foupçonnée'
d'être la caufe du divorce, que de ternir la réputation
de' fon époux , elle profita peu de temps
après de la liberté que lui donnoit la lo i , & elle
convola à de fécondés noces.
On voit conftamment à Varfovie, dit M. I’abbç-
C o y e r , un nonce apoftolique avec une étendue
de pouvoir qu’on ne fouffre point ailleurs. Il n’en
a^pourtarit pas allez pour maintenir rindiflblubilité
du mariage. Il n'eft pas rare en Pologne d'entendre
dire à des maris, ma femme qui nefi plus ma
femme. C e font les évêques qui jugent ces divorces
y conformément aux loix du royaume, & l'é-
jglife en Pologne remarie à d'autres ceux qu’ elle a
féparés.
Les miaiftres de la religion ne croient pas pouvoir
D I V.
s’oppofer aux changemens que l'autorité' civile $
trouvé à propos de faire fur ce point.
Que TindiiTolubilité abfolue du mariage porte
atteinte à la fplendeur des monarchies , c eit une
vérité qui a été fentie par le célèbre maréchal de
Saxe, par l'auteur profond des corps politiques,
avant lui par M. de Montefquieu par tous ceux >
en un mot, qui ont eu occafion de traiter de la
politique , & qui l'onc fait fans préjugé & fans
intérêt. Un mémoire fur la population, publié U
y a quinze ou feize ans, a mis cette vérité dans
tout fon jour, fl paroît que les calculs qu'il- renferme
ne font pas exagérés, puifque ce livre n'a,
jamais été attaqué à cet égard, & qu'on s'eft récrie
fur-tout contre la nouveauté du fyftême.
Le célibat libertin qui domine en Europe ?
joint au célibat eecléfiaftique des prêtres, &
au célibat dans- lequel on croit en général devoir
retenir les .troupes , nous privent de près de deux
millions d'amés par génération. C'eft une vérité
arithmétique fondée fur des dénombremens généraux
, fur l'état attuel du célibat, & enfin fur les
dénombremens particuliers de quelques provinces,,
oùlamaffe des naiffances perd un feptième au moins
fur la comparaifon.
Le fouverain pourrait donc paroître à cet égard
intérelfé à détruire un obftacle capable, non-fcule-
ment de borner la population de lis fujets, mais de
le mettre au-deffous de lui-même , & de lui faire
perdre enfin toute proportion avec' les puiffances
qui admettent l'opinion contraire à la lienne.
Il paroît que l'établiffement du divorce excite-
roit au mariage une foule innombrable de célibataires
, retenus par la crainte qu'infpire un mariage
éternel.-
11 paroît que cet établiffement féconderait les-
mariages ; qu'en les rendant plus nombreux , ils fe-
roient moins troublés par les célibataires dont le
nombre fera diminué * & l'état des perfonnes
mariées dépendant de leur conduite , elles en deviendront
plus circonfpeéles. •
Il paroît encore que cet établiffement tirerait
parti du vice même, & vengeroit la vertu opprimée
, fans employer les voies de force i que les
ménages, qui actuellement vivent dans urt divorce
de fait & font frappés de ftérilité , redevien-
droient féconds.
Quand on examine bien cette queftion , on voit
que le droit naturel eft peut-être plus favorable que
contraire au rétabliffement du divorce -, que la religion
ne s'y oppofe pas néceffairement,& qu'il pourroit
être à bien des égards favorable aux fouverains.
Ces principes admis , le légifiateur ne devroit cependant
pasfepreffér de rétablir Pufage du divorce.%
il lui refteroit encore bien des points à difcuter ,
avant de prendre un parti : en voici quelque-uns»
Le divorce peut-il etre établi chez tous les peuples
in différemment, & à toutes les époques de la
rivilifauon ?
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Les grandes nations, corrompues par le luxe >
la fottife & la débauche, en font - elles fufcep-
tibles ?
Des mariages perpétuels n*y ont-ils pas moins
d'inconyéniens que n’en auroit le divorce ?
Un peuple chez qui le mariage eft indiffoluble
depuis plufieurs fiècles, eft-il propre au rétabliffement
du divorce ?
Pour que le divorce offre plus d'avantages que
d’inconveniens, n'eft - il pas néceffaire que les
moeurs publiques aient de l'honnêteté, delafim-
plicité & de la force.?
Quels feroient, par rapport à l'éducation nationale
, les effets du divorce lblemnellement établi ?
Quels feroient fes effets relativement à l'induftrie ?
Pour faire le bonheur de quelques époux ne
feroit - on pas le malheur d'un grand nombre d’ en-
fans ?
Si la difcuflion de ces différens points & de
plufieurs autres pareils offroit des réfultats en faveur
du divorce, il feroit néceffaire avant tout, de
bien régler la forme, les conditions & les fuites
de la diffolution des mariages : nous avons déjà
dit quelle profondeur & quelle maturité de coffï-
binaifons exigeroit ce travail.
Différence entre le divorce & la répudiation. Il y
a cette différence entre le divorce & la répudiation
, que le divorce fe fait par un confentement
mutuel à l’occafion d'une incompatibilité mutuelle,
au lieu que la répudiation fe fait par la Volonté
& pour l'avantage d'une des deux parties, indépendamment
de la volonté &- de l'avantage de
l'autre.
Il eft quelquefois fi néceflàire aux femmes de-
répudier, & il leur eft toujours fi fâcheux de le
faire, que la loi eft dure, qui donne ce droit aux
hommes, fans la donner aux femmes. Un mari eft
le maître de la maifon > il a mille moyens de tenir
ou de remettre fa femme dans le devoir, & il
femble que, dans fes mains, la répudiation ne
foit qu’ un nouvel abus de fa püiffance : mais une
femme qui répudie, n’ exerce qu'un trifte remède.
C 'eft toujours un grand malheur pour elle d’être
contrainte d’aller chercher un fécond mari, lorf-
qu'elle a perdu la plupart de fes agrémens chez
un autre. C'eft un des avantage? des chârmes de
la jeuneffe dans les femmes q ue , d^ns un âge
avancé, un mari fe porte à la bienveillance par
le fouvenir de fes plaifirs.
C'eft donc une règle générale q u e , dans tous
les pays où la loi accorde aux hommes la faculté
de répudier, elle doit auffi l’accorder aux femmes.
Il y a plus : dans les climats où les femmes
vivent fous un efclavage domeftique, il femble
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que la loi doive permettre aux femmes la répudiation,
& aux maris feulement le divorce, -
Lorfque les femmes font dans un ferrail, je
mari ne peut répudier pour caufe d’incompatibilité
de moeurs : c'eft la faute du mari , fi les
moeurs font incompatibles. , ,
La répudiation, pour raiion de la ftenhte de
la femme, ne fauroit avoir lieu que dans le cas
d’une femme unique ; (1) lorfque Ion a plufieurs
femmes, cette raifon n’eft pour le mari d aucune
importance. - '
La loi des maldives (a) permet de reprendre
une femme quon a,répudiée. La loi du Mexique
(3) défendoit de fe réunir.fous peine de la
vie. La loi du Mexique étoit plus fenfée que celle
des maldives ; dans le temps même de la dtifolu-
tion, elle fongeoit à l’ éterpité du mariage, au
lieu que la loi des maldives femble fe jouer également
du mariage & de la répudiation.
La loi du Mexique n’accordoit que le divorce.
C ’étoit une nouvelle raifon pour ne point permettre
à des gens qui s’étoient volontairement féparés
, de fe réunir. La répudiation femble plutôt
tenir à la promptitude de J’efprit, & a quelque
paffion de l’amé ; le divorce femble être une affaire
de confeil. V~oye% les articles M a r ia g e & P op
u l a t io n .
D I X M E , f. f. eft une certaine quotité des
fruits de la terre , due par le poffeffeur du fonds
en rapport au décimateur > c eft-a-dire , a celui
qui eft autorifé à percevoir la dixme.
C e mot & la chofe font parvenus jufqu’ a
nous, en nous offrant l’idée d’ une forte de con-
■ féçration. ,
Dans l’enfance du monde, l’homme une fois
livré à lui-même & à fes propres forces, élevé
par des parens qui confervoient amèrement & re-
ligieufement la mémoire de 1 état heureux dont
ils étoient déchus & de la correfpondanceMireéle
avec le créateur, ne purent concevoir l’idée d’une
autre forme d’hommage que de lui offrir une portion
des fruits réfultans de leurs travaux & des
bienfaits de la nature. De -là, l’idée des facrifices
& d’une portion des récoltes réduite en fumee,
& montant vers le ciel avec le voeu des facrifi-
cateurs. .
Quand, parmiles races patriarcales, Dieu choi-
fit une famille pour en former une nation, dont
les loix, les rites, les inftitutions, les vertus & les
viees même confervaffentà jamais l’efprit & la tradition
des connoilfances primitives, du culte divin,
de la haute théocratie, de l’adoration d’un feul Dieu
& des promeffes de la rédemption auffi anciennes
que le monde, if fallut que cette famille devînt
IrVCela ne {tonifie pas que la répudiation , pour caufe de 'ftenlite , loit permife dans le cfiriftianilme,
(*j Voyage de François Pyrard. On la reprend plutôt qü’une autre , parce que > dans ce cas , il faut
moins de depenfes.
(3) Hiftoire de fa conquête » par Splis > pag» 499*